samedi 7 mai 2022

Le Cycle de Linn

A.E Van Vogt - L’empire de l’atome & Le sorcier de Linn - Mnémos - J’ai Lu

 


 

CONCEPTION

 

Empire of the Atom - son titre de travail étant The Atom Gods - est un vrai fix-up typique d’Alfred Elton Van Vogt. Il s'agit d'un assemblage de cinq nouvelles parues dans Astounding :

 

A Son Is Born (Mai 1946) => chapitres 1 à 4
Child of the Gods (Aout 1946) => chapitres 5 à 9
Hand of the Gods (Décembre 1946) => chapitres 11 (du milieu) à 13
Home of the Gods (Avril 1947) => chapitres 15 à 18
The Barbarian (Décembre 1947) => chapitres 19 (la fin) à 24

À cet ensemble, seront ajoutés des passages interstitiels soit les chapitres 10, 11 (le début), 14 et 19 (le début), cela sera fait pour la parution en volume chez Shasta en 1957, avec un copyright daté de 1956. Un examen attentif des textes dans les Astounding et dans le Shasta, montre que les nouvelles initiales elles-mêmes ont été modifiées (par exemple le roman ajoute 4 lignes à la toute fin qui ne sont pas dans la nouvelle de départ). La version parue en Ace Double (le D-242) est abrégée (elle fait 162 pages contre 192).

Le second volume : The Wizard of Linn est de conception plus classique. Il parut en sérial dans Astounding en trois parties => avril 1950 (chapitres 1 à 9), mai (chapitres 10 à 18) et juin (chapitres 19 à 26) et repris 1962 par Ace (le F-154). Il n'y pas d'altération visible entre le sérial et les parutions en volume, y compris au niveau du paratexte (par exemple la sorte de résumé qui sépare les deux romans est reprise à l'identique dans l'édition NEL).

Pour les fans d'AEVV, les nouvelles individuelles sous leur forme originale existent dans divers recueils (en plus des magazines US et parfois leurs équivalents britanniques) et les cinq se trouvent facilement dans Transgalactic chez Baen.

  

L’EMPIRE DE L’ATOME

 

Influencé par la lecture de l’ouvrage de Robert Graves, Moi, Claude (1), Van Vogt raconte l’ascension d’un enfant difforme au sein de la famille impériale de Linn dont l’emprise s’étend sur le système solaire. Survivants d’une lointaine apocalypse les humains ont hérité d’une technologie issue d’un Savoir disparu. Les arcs et les flèches coexistent invraisemblablement avec des vaisseaux spatiaux. Les savants, sorte de nouveaux prêtres d’une religion de l’Atome, sont traités avec méfiance par le Pouvoir. Tout à leur culte étrange, ils hébergent des substances radioactives dans leurs temples. L’une d’elle a irradié la mère de Clane causant une malformation physique du petit-fils de l’Empereur Medron Linn. L’enfant manifeste une intelligence exceptionnelle, sans toutefois dominer des crises nerveuses qui ajoutées à l’ostracisme de sa classe d’âge incitent l’Empereur et un scientifique bienveillant à l’isoler. Sage précaution : l’Impératrice Lydia tente d’imposer à la succession du monarque, Tews, fils d’un premier lit et concurrent direct du père de Clane, Greg.  A l’image de l’empire romain, une population vient compléter la tripartition dumézilienne de Linn, les esclaves, supplétifs économiques ou militaires, utilisés dans les conflits successifs auxquels prendront part Greg et son fils contre Mars, Vénus, et un satellite de Jupiter. L’homme fort de Linn mettra un terme à ces servitudes en fin de roman.

  

De cette juxtaposition de récits inspirés par la vie des César, mêlant guerres interstellaires et intrigues de palais, émerge la tentative de putsch de l’impératrice. Le trio Médron - Lydia -Tew présente d’étranges similitudes avec l’antique Auguste - Livia - Tibère. Clane hérite également des personnages de mutants, de surhommes familiers des ouvrages de l’auteur dont il décrit l’irrésistible accomplissement. De son cerveau surchauffé, le vieil Alfred a tiré en 1946 un roman honorable d’où émergent quelques lueurs d’une étonnante actualité :

 

« Hommes et femmes apprirent à leurs dépens que les petits enfants sans défense grandissent un jour pour témoigner des mauvais traitements qu’ils ont endurés »

 ou

 « Dans les hauts cercles gouvernementaux et mili­taires de Linn et de Vénus, la succession de batailles que l'armée livrait aux tribus vénusiennes des trois iles centrales était désignée sous son véritable nom : la guerre. Pour des raisons de propagande, on fai­sait en toute occasion étalage du terme de rébellion. C'était une illusion nécessaire. L'ennemi luttait avec la fureur d'un peuple qui a goûté de l'esclavage. Pour susciter dans l'armée une haine et une colère égale, rien ne valait l'appellation : rebelle. »

  

LE SORCIER DE LINN

  

Vainqueur de plusieurs conflits, le désormais Seigneur Clane ne revendique cependant pas la couronne de l’Empire. Il en laisse les rênes à son frère Jerrin. Ses fouilles et recherches lui ont permis d’acquérir des armes redoutables. L’une d’entre elles, « la sphère d’énergie » est dérobée par Czinczar, despote vaincu d’Europe, un des satellites de Jupiter, qu’il s’était refusé à exécuter. Puis les evenements s’accélèrent. Clane capture un vaisseau originaire d’un monde situé hors du système solaire. Et surtout l’Histoire se répète. Jerrin est assassiné par son épouse Lilidel. Elle promulgue empereur son fils l’adolescent Calaj, aux traits peut-être inspirés par Caligula. Mais écartant provisoirement toute lutte pour l’accession au trône, Clane consacre ses forces à la lutte contre les Riss. Ces envahisseurs pourraient être ceux-là mêmes à l’origine de l’antique extinction humaine.

 

Plus homogène que L’empire de l’atome mais pas meilleur, Van Vogt surfe sur ses thèmes favoris, le surhumain, la toute puissance de la science, déployant des intrigues complexes, usant et abusant de deus ex machina. Au sein de personnages tracés à coups de serpes émergent, comme dans le précédent roman, des figures féminines de premier plan, une innovation dans la littérature de science-fiction d’après-guerre. Au chapitre des curiosités l’idée d’un macrocosme contenu dans un microcosme sera reprise bien des décennies plus tard dans le film Men in Black 1.

 

 

Cette fiche a été réalisée par Sandrine et Soleil vert

 

 

 

(1)    Source Bifrost 98

 



12 commentaires:

La convergence des parallèles a dit…

Deux signataires pour une belle chronique en duo.
Deux sacrés coquins au service d’un couple de romans-jumeaux. On sent la complicité.
Un vrai plaisir, pour vous, pour nous. What else.. !
On y retrouve la flamboyance de l’époque du Pulp qui se cherche un chemin vers la notoriété du roman en tant que tel, celle d’un auteur (désormais, hélas, un peu minoré) qui prit sa part (et quelle part.. !) dans la Grande Histoire de la SF. On y cerne les moyens techniques de cette belle invention qu’est le fix-up, les thèmes chers à Van Vogt.
Merci à vous deux … !

Soleil vert a dit…

Une fiche en forme de fix-up :) pour célébrer le roi du fix-up.
Merci à Sandrine
Merci à toi

Anonyme a dit…

Peut-être a-t-il trop donné dans le Space Opera? Je ne sais plus si c’est Sadoul qui parle de la lente décrépitude de Van Vogt…

Anonyme a dit…

Et peut-être préciser pour les néophytes que ledit Sadoul a consacré un tome de son irremplaçable anthologie de poche aux « Meilleurs récits d’ Astounding stories »? MC

Soleil vert a dit…

Je crois que Van Vogt a surtout trop donné dans la scientologie.

Anonyme a dit…

Ah, j’ignorais. Mais ce n’est pas étonnant. Le Père fondateur de la scientologie commence sa carrière d’escroc dans le milieu des premiers créateurs de fusées selon Chadronnet (op. cit) qui donne des détails. A l’époque le scénario hubbardesque n’est pas mis au point, mais l’extorsion de fonds est bien réelle.il est vrai que gravitaient autour de lui savants un peu fous, disciples dissidents de Crowley, Etc. Il y avait de quoi tirer un mythe fondateur de cette soupe californienne ! Bien à vous. MC

La convergence des parallèles a dit…

Mon premier Van Vogt fut "L'homme multiple", l'auteur m'y a un tantinet perdu, égaré et laissé dubitatif. J'ai hésité sur la suite à donner à ses écrits. Quelquefois miser d'emblée sur le mauvais cheval (lire roman ou recueil), c'est râpé/fini pour qui la écrit. Bref je n'y suis revenu qu'au compte-gouttes, de ci de là ... et me satisfaisant de ses quelques grands classiques (La Faune et les non-a).

La convergence des parallèles a dit…

Pardon: "L'homme multiplié" et non "multiple" (Vargo Statten)

Soleil vert a dit…

Oui, A la poursuite des Slans, le cycle des fabricants d'arme et son final pendulaire à la Poe et pleins d'autres lus mais dont il ne m'est rien resté. Il me semble que Bull a absolument TOUT lu, mais ça n'a pas affecté son cerveau !
Quelques nouvelles, "Le village enchanté" et "Bucolique" dans laquelle deux forets se livrent à une guerre atomique !

Mon Dieu !

Anonyme a dit…

Même le monde des non À, lu il y a fort longtemps, c’est vrai. MC

S'Anonyme a dit…

je crois que nous avons déjà souvent débattu du sujet mais AEVV n'était pas (vraiment) scientologue, mais il croyait sincèrement (entre autres et en succession) à la dianétique.
Sur le sujet, outre divers livres sur AEVV lui-même (y compris en VF), je ne saurais que conseiller l'excellent ouvrage de Nevala-Lee (http://www.isfdb.org/cgi-bin/title.cgi?2419575) et pour les plus courageux la correspondance de Campbell (avec AEVV en particulier) en deux volumes chez AC Projects (attention, c'est assez difficile à trouver).

Soleil vert a dit…

Salut S'Anonyme :)

Dont acte pour la dianétique et non la scientologie, cette dernière étant, si j'ai bien compris, un package fiscal et religieux de la dianétique.

Bien à toi

SV