Xavier Dollo & Djibril Morissette-Phan - La
science-fiction - Les Humanoïdes associés
Caser l’histoire de la science-fiction dans les cases
d’une bande dessinée est un sacré pari. L’entreprise s’avère périlleuse car complexe.
Les personnages sont nombreux, les courants multiples. La galaxie jadis explorée
par Sadoul et Stan Barets ne cesse de s’enrichir de nouveaux talents et de
nouveaux vecteurs d’expression : films, revues, mangas, jeux de rôle etc.
Xavier Dollo et Djibril Morissette-Phan se sont lancés hardiment dans cette
course de fond. L’un est écrivain, éditeur et libraire, le second dessinateur
franco-canadien. Félicitons les de ce travail titanesque qui relève autant de la
compilation que du débroussaillage méticuleux et anticipons la conclusion :
voici LE cadeau de Noël à (s’) offrir !
Après une petite et humoristique introduction d’Arthur
C Clarke (1), un chapitre liminaire est consacré aux origines du genre depuis
Homère jusqu’ à l’élaboration du Frankenstein de Mary Shelley inspirée par une
mythique soirée dans la villa Diodadi. Suivent inévitablement des monographies de
Jules Verne et Wells. Les pages consacrées aux pulps de la fin du XIXe siècle à
1929 -Weird Tales entre autres - sont instructives et permettent de redécouvrir
à côté d’auteurs légendaires comme Merritt, Burroughs et Moore, le quasi oublié
George Allan England. Le succès des pulps américains fournirait paradoxalement
une explication à l’échec relatif du merveilleux scientifique français qui
a droit de fait à quelques pages passionnantes. Un bémol, Ravage de
Barjavel, illustrant la technophobie de l’époque (on pourrait citer La
France contre les robots de Bernanos) a droit à trois pages … deux de trop
à mon avis au détriment par exemple d’un Lovecraft.
Or les pages sont comptées ! Les auteurs évoquent
les revues alternatives, édifient un panthéon pour Bradbury, Blish, Anderson,
Leiber, Vance et consorts, rendent visite à Clifford D Simak assis dans son salon
Carrefour des étoiles (une séquence géniale) avant de s’envoler dans la
cabine du Docteur Who en direction de la SF britannique. La narratrice Judith
Merril en dresse un exposé très structuré, avant de passer le relais à Rod
Sterling (!) qui évoque trois très grands : Dick, Silverberg et Herbert.
Même remarque que pour Lovecraft, dommage que Dick et Herbert (voir Banks) ne
bénéficient pas d’une plus grande exposition. Quelques textes sur Dozois et
Ellison, sur le cyberpunk et nous voici en page 200 à l’aube des années 80 soit
pratiquement au terme du Sadoul ! Une simple vignette signale alors
l’existence de Egan, Varley, Martin, Simmons, Wilson. Heureusement le
remarquable panorama sur la SF féminine et l’aperçu sur les SF européennes,
africaines et asiatiques apportent une bouffée d’air frais.
J’ai évoqué au début les multiples vecteurs
d’expression de la science-fiction. Pour ne pas surcharger leur propos Xavier
Dollo & Djibril Morissette-Phan ont imaginé différents fils rouges en bas
de page sur les revues, les films, les séries TV, les mangas, les BD etc. En
résumé vous retrouverez quasiment tous les auteurs notables, pas forcément dans
la proportion souhaitée certes, mais ils sont là. J’ai cité à plusieurs
reprises l’ouvrage du révéré Jacques Sadoul. Xavier Dollo & Djibril
Morissette-Phan vont au-delà du panorama. Par les dialogues réels ou
imaginaires tenus par les différents acteurs le lecteur saisit l’évolution de
la littérature de science-fiction, participe à ses débats internes.
Outre une visite guidée, c’est aussi un album de famille
d’où émergent parfois la couverture d’un livre oublié ou de lointaines figures,
un témoignage de l’extraordinaire diversité du genre, comme ce fabuleux bric à
brac de la page 136 qui dissimule le Rosebud du premier roman qu’on a jadis dévoré.
Tout cela on le doit aussi au coup de patte de Djibril Morissette-Phan.
(1)
Ah les Egos des Big Three (Asimov,
Heinlein, Clarke) …
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