samedi 17 décembre 2022

Le Livre noir

 

Orhan Pamuk - Le Livre noir - Folio

 



Une récente édition de l’émission TV La grande librairie fut consacrée à la célébration du centenaire de la mort de Marcel Proust. Invitée à suggérer des ouvrages orbitant dans la mouvance de La Recherche, la librairie Mollat de Bordeaux cita Le Livre noir d’Orhan Pamuk. Je me suis rappelé alors avoir chroniqué du prix Nobel 2006, Mon nom est rouge. Tout heureux de renouer avec la littérature levantine, il ne me restait plus en quelque sorte qu’à passer du Rouge au Noir, de la couleur du sang et des miniatures à celle du deuil.

  

Le Livre noir raconte, dans un Istanbul de la première moitié du XXe siècle, les déambulations du jeune avocat Galip, à la recherche de sa femme disparue après avoir laissé une lettre dont le lecteur ignorera la teneur jusqu’au bout. Le demi-frère de Ruya, Djélâ, chroniqueur d’un grand journal stambouliote, pointe aussi soudainement aux abonnés absents. Galip s’interroge, se souvient, noie son chagrin dans des discussions impromptues avec des rencontres de passage, ausculte les éditoriaux de Djélâ dans l’espoir d’y déceler une piste cryptée. Il arpente inlassablement les rues et, comme dans un rêve éveillé nervalien bascule des fragrances agressives du quotidien aux falaises vertigineuses de l’Histoire de l’ancienne capitale de l’Empire ottoman. Blotti dans l’espace interstitiel que lui concèdent le Réel et la Douleur, Galip maintient l’illusion de la présence de Ruya à ses proches. Jusqu’au jour où …

 

L’allégeance à Proust évoquée plus haut n’est pas gratuite. Pamuk, par l’entremise d’un journaliste imaginaire, évoque dans les pages 276 à 282 de l’édition Folio son admiration pour Albertine disparue. Les errances du jeune homme, la consultation des archives, photos ou écrits du chroniqueur dont il prend insensiblement la succession, renvoient également aux romans de Patrick Modiano. Mais l’écrivain turc est essentiellement un conteur. Les papiers de Djélâ ressemblent parfois à des miniatures comme ce chapitre quasi-dystopique intitulé « Le jour où se retireront les eaux du Bosphore » où l’imaginaire le dispute à l’ivresse du langage :

 « Je veux parler des nouveaux quartiers qui commenceront à s'édifier dans la boue de cette fosse, que l'on appelait autrefois le Bosphore, sous les yeux des contrôleurs de la municipalité, courant çà et là, leurs contraventions à la main. Je veux parler des bidonvilles, des baraquements, des bars, boîtes de nuit et autres lieux de plaisir, construits de bric et de broc, des luna-parks avec leurs manèges de chevaux de bois, des tripots, des mosquées, des couvents de derviches, des nids de fractions marxistes, des ateliers de vaisselle en matière plastique ou de bas nylon... Dans ce chaos apocalyptique, surnageront les carcasses des bateaux, couchés sur le flanc, de la Compagnie des lignes municipales, et des champs de méduses et de capsules de bouteilles de limonade. On y découvrira les transatlantiques américains, échoués le dernier jour, celui où les eaux disparurent brusquement, et entre des colonnes ioniennes, verdies par la mousse, les squelettes des Celtes et des Lyciens, suppliant, la bouche ouverte, des divinités préhistoriques inconnues. Je peux également imagi­ner que la civilisation qui apparaîtra au milieu des trésors byzantins tapissés de moules, des couteaux et des fourchettes en argent ou en fer-blanc, des ton­neaux de vin millénaires, des bouteilles d'eau gazeuse et des charognes de galères au nez pointu, pourra se procurer l'énergie dont elle aura besoin pour allumer ses foyers et ses lampes antiques, grâce à un vieux tanker roumain à l'hélice coincée dans le bourbier. »

  

Dans un autre, « Les enfants chéris de Maitre Bédii », un artisan stambouliote voit ses mannequins de couture délaissés par ses clients pour des mannequins occidentaux, conformes aux standards de beauté véhiculés par les publicités et le cinéma américain dans l’ère post kémaliste. Loin de se décourager il continue de produire pendant les quinze dernières années de son existence ses mannequins complets qu’il stocke dans sa cave, œuvres artistiques, à l’image des soldats de l’armée de terre cuite de l’empereur Qin Shi Huang dont aucun ne ressemble à l’autre, et qui reproduisent les attitudes du petit peuple d’Istanbul. Pamuk élabore ici une thématique de l’affrontement culturel de l’Occident et de l’Orient et son corollaire le trouble identitaire, qu’il renouvellera ultérieurement notamment dans Mon nom est rouge.

 

Ecrivain au souffle incontestable, il adopte volontiers la figure de style de l’énumération. Ainsi ressuscite-t-il page 575 une autre armée de terre cuite, celle des souvenirs :

 « …je n'aimais pas du tout ce que tu lisais mais je t'aimais quand je te voyais lire, et ta lèvre supérieure s'avancer légèrement, comme chez les héroïnes de Tolstoï ; j'aimais ta façon de lancer un regard à ton reflet dans le miroir de l'ascenseur, comme si tu regardais une autre, et tout de suite après de te mettre à fouiller dans ton sac pour y chercher quelque chose qui t'était revenu à la mémoire tout de suite après ce regard, Dieu sait pourquoi ; j'aimais aussi cette façon que tu avais d’enfiler en toute hâte tes souliers à talons hauts qui t'attendaient depuis des heures côte à côte, l'un pareil à un mince voilier couché sur le flanc, l'autre faisant le gros dos tel un chat, et plus tard, à ton retour à la maison, au moment où tu les abandonnais à leur boue et à leur solitude asymétrique, j'aimais contempler les mouvements souples de tes hanches, tout d'abord, puis de tes jambes et de tes pieds; je t'aimais, quand des pensées mélancoliques t'emmenaient je ne savais où, et que tu tenais les yeux fixés sur le cendrier, où s'entassaient les mégots et les allumettes, leur tête noire penchée avec résignation ; je t'aimais dans les rues où nous marchions côte à côte quand surgissait brusquement devant nous un coin jusque-là inconnu, ou une lumière toute nouvelle, à croire que le soleil ce matin-là s'était levé à l'ouest, et ce n'étaient pas les rues, c'était toi que j'aimais; par les jours d'hiver où le vent se mettait soudain à siffler du sud en faisant fondre la neige et disperser les nuages de pollution au-dessus d'Istanbul, c'était toi que j'aimais et non le mont Olympe que tu me montrais du doigt, en frissonnant, la tête rentrée entre les épaules, au-delà des antennes, des minarets des Iles … »

  

Certaine disgressions paraissent lourdes mais l’amplitude du souffle, cette circulation permanente de la littérature et des idées de part et d’autre du Bosphore, emportent l’adhésion. Plus encore on admire le Tombeau des regrets et la célébration de l’Ecriture consolatrice.






112 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour le Gluck!

Christiane a dit…

Oh, chic alors, écrire en écoutant cette musique de Glück tellement accordée au dernier extrait du Livre noir d'Orhan Pamuk.
Un livre que je vais lire tant ce billet donne envie de le découvrir.
Merci. Merci. Merci'

Soleil vert a dit…

Heureux de vous retrouver !
(et merci MC)

Christiane a dit…

Voilà, j'ai commencé le roman. Cette mémoire de l'enfance est attachante dans les premières pages qui précèdent la rencontre de Ruya et Galip.
(Une remarque fait retour à mon expérience d'instit au CP. Ces enfants qui déjà savent lire...)
Pour Galip , sa grand-mère lui a déjà appris à lire et à écrire et comme on lui refuse, quand il entre à l'école, l'accès à une classe supérieure, il accepte "à nouveau d'apprendre à lire et à écrire dans le même abécédaire...."
C'est fascinant cette fausse docilité de l'enfant qui est donc invité à rêver...
C'est un livre qu'on va aimer dès les premières pages. Cela ressemble à un conte mais c'est ouvert sur une réalité croquée du bout du pinceau- plume, très précise. Une langue superbe traduite du turc par Munevver Andar.
Je me régale.

Carmen a dit…

Je ne connaissais pas celui-là. Merci Soleil Vert et félicitations pour votre chronique.

Christiane a dit…

Les epigraphes en tête de chapitre sont mystérieuses, ainsi celle qui précède le chapitre II :
"Rien ne peut être plus stupéfiant que la vie, Sauf l'écriture." (Ibn Zerhani).

Christiane a dit…

Ce chapitre II, un long cauchemar où le Bosphore meurt laissant pourriture et carcasses remplacer les eaux vivifiantes du fleuve est, il est vrai, plus "stupéfiant" que le réel. Un tableau de science-fiction... où le titre annonce peut-être un futur : "Le jour où se retireront les eaux du Bosphore".

Christiane a dit…

Vous ditesy bien ! "comme ce chapitre quasi-dystopique intitulé « Le jour où se retireront les eaux du Bosphore » où l’imaginaire le dispute à l’ivresse du langage" .
Je profite de cette halte pour lire votre chronique sur cet autre roman ay découvrir : "Mon nom est rouge"..

Christiane a dit…

Ce talent de miniaturiste que vous soulignez me ramène à cet ouvrage découvert récemment : "Souvenirs des montagnes au loin - carnets dessinés" d'Orhan Pamuk qui donne accès aux pages du carnet où écriture quotidienne et dessins se mêlent en une féerie de couleurs.
L'écrivain est aussi passionnant que l'artiste.

Christiane a dit…

Orphée et Eurydice... C'est bien trouvé pour cette quête.

Soleil vert a dit…

>Anonyme Carmen a dit...
Je ne connaissais pas celui-là. Merci Soleil Vert et félicitations pour votre chronique.

>Bonjour Carmen et merci. C'est un pavé de 700 pages tout de même , dont Pamuk est familier

Christiane a dit…

Page 59 une affirmation de Djélal

Christiane a dit…

de Djélâl me pose problème. La voici : "Djélâl affirmait que les zones obscures qui se cachent tout au fond des cerveaux n'existaient pas chez nous, mais chez les personnages des romans et des films prétentieux et incompréhensibles du monde occidental, que nous n'avons toujours pas appris à imiter. ( Djélâl venait de voir "Soudain l'été dernier", où Elizabeth Taylor ne parvenait pas à atteindre la "zone obscure" de Montgomery Clift)."

Ce cousin coléreux, journaliste à ses heures, heureusement n'est pas Galip.
Certains personnages de romans et de films sont passionnants et complexes.
Je pense à ceux de Camus que nous évoquions récemment, à ce narrateur du Temps perdu de Proust, à Don Juan, à Julien Sorel... aux personnages de Maupassant, de Gracq, de Balzac, de Flaubert, de Conan Doyle... à un film comme Mulholland Drive de David Lynch... Au vicomte de Valmont et à la Merteuil...
Films noirs, romans obscurs multipliant les éclairages sur les zones d'ombre des personnages de fiction interrogeant le réel
Quelle comédie humaine... née des cerveaux des créateurs...

Christiane a dit…

Orhan Pamuk est un peu comme Grégoire Bouillier (Le cœur ne cède pas), il aime suivre ses rêveries et le reconnait dans l'épithète du chapitre IV : "Si j'ai un défaut c'est bien celui de m'écarter du sujet." ( Biron pacha)
(Bon, MC et moi-même, sourions !)
"J'ai toujours rêvé d'écrire autre chose" ajoute-t-il !

Anonyme a dit…

Il s’agit tout de même d’une très belle piece et d’un très beau film, à la Vf fort bien doublée ( entre autres Claire Vernet) mais autour d’un sujet qui peut heurter le cousin en question, ou lui paraitre trop occidental, Je prends ça plus comme une Critique. Que savons-nous après tout de la réception critique de Tenessee William en Turquie? Soleil vert , qu’est ce que le Prix Mythopoetic? Hors l’Hugo et le Nebula.,,D’avance merci,

Christiane a dit…

Je suis bien d'accord avec vous, MC. Le cousin est un contre-emploi. Il en faut dans les romans !

Christiane a dit…

Ne pas oublier que le cœur de ce roman est la disparition d'une femme et celle d'un homme qui la cherche, qui se souvient et dans sa quête mille et un souvenirs envahissent sa mémoire. Il relit la lettre qu'elle a laissée et qui pour lui est incompréhensible. Donc il marche dans ce roman, dans cette ville d'Istanbul, dans ce pays traversé de soubresauts.
La littérature turque m'était inconnue jusqu'au jour où j'ai ouvert un livre d'Orhan Pamuk. De temps à autre j'y reviens cherchant au loin par la littérature ce qui nous fait semblables. Les déchirements provoqués par la perte d'un être aimé. Un mythe qui rassemble...

Christiane a dit…

Une centaine de pages, déjà. La suite demain.
Maintenant soirée cinéma pour découvrir un film dont vous avez dit grand bien. Blade Runner de Ridley Scott. Je vous dirai si j'ai aimé... Bonne soirée à tous.

Christiane a dit…

Donc ce Blade Runner de Ridley Scott de1982.
Los Angeles, 2019...
Nuit, brouillard, pluie incessante, faisceaux de lumière électrique semblant traquer les personnages. Mégalopole scintillante traversée de voitures volantes, crevée par des panaches de fumées. Des bruits d'explosion, nombreux. Une musique répétitive un peu planante.
Des personnages qui se ressemblent mais pas tous humains. Les androïdes traqués mourront au bout de quatre ans si les policiers lancés à leur poursuite ne les ont pas "effacés" avant.
Beaucoup de scènes violentes, sanglantes.
Un film très lent, très sombre. Triste.
Et pourtant, peu à peu, l'émotion semble venir de ces androïdes. Les rares humains que l'on voit sont froids, mutiques.
L'émotion et les questions importantes sur la vie, la mort, la mémoire, les souvenirs sont posées par ces "réplicants".
Des décors surtout métalliques, donnant une impression d'enfermement, de cages, de pièges. Quelques façades à moulures assez étonnantes. Pas de ciel. Pas de nature. Une seule colombe, si belle. Surtout s'envolant à la mort du personnage que j'ai le plus aimé.
Un rêve de licorne et des licornes en papier semées par un androïde comme un avertissement.
Rachel comme une poupée de porcelaine, émouvante quand elle découvre que sa mémoire est dépendante d'un implant. Un autre personnage féminin, doux et fragile.
Un très beau personnage, violent à souhaits, qui finit par être émouvant et poète avant de mourir sur un toit en se repliant comme une fleur au soir tombant
Une fin énigmatique. On sent que Deckert dit adieu à une forme de vie et devient près de Rachel, un fugitif.
Je croyais que je n'aimais pas, que je n'aimerais pas puis j'ai aimé.
Me reste la palette de ces gris mouillés dans l'oeil et la musique et des questions sur ce que c'est qu'être un humain.

Soleil vert a dit…

J'aime bien votre évocation de Blade Runner

Christiane a dit…

C'est là que je mesure le chemin parcouru grâce à votre blog, tous ces livres lus de SF. Peu à peu mon imagination se plie à ces fictions du futur. Je cherche à interroger l'humain à partir de ses réactions face à ces étrangers venus d'ailleurs.
Il y a tant de liens avec le mental des personnages de la littérature classique. Un peu comme l'art a évolué. La musique aussi.
Je comprends mieux votre remarque à propos du film Soleil vert. Être un qui se souvient. Vos forêts et vos biches sont enfouies dans vos poèmes.
Ce roman d'Orhran Pamuk est à la croisée de ces évolutions. Lui aussi interroge la mémoire, le réel, la perte. Istanbul est une ville mélancolique. Mille et un détails de ces ruelles, des petits commerçants, des épices, les couleurs nous entraînent dans un monde où rêve et réalité se tressent.
Et puis, j'aime écrire ici car vous et MC restez cool et Biancarelli m'encourage quand ma barque prend l'eau.
Oui, Blade Runner, je vous le dois !

Christiane a dit…

Bon, j'ai fait comme avec le roman de Grégoire Bouillier.
J'ai pisté la recherche de Ruya par Galip jusqu'au final qui justifie le titre du roman.
Puis j'ai recherché le lien Galip / Djélâl très mystérieux presque plus important que la quête de la femme perdue. Devenir soi-même en passant par l'autre.
Aussi de ces chroniques qu'il porte au journal, toutes signées Djélâl, lesquelles sont de lui ? Comment peu à peu son imagination cherche dans sa mémoire la naissance possible d'une fiction. Comment ces fictions deviennent plus importantes que le réel.
Il ne se passe pas grand chose dans ce roman mais la trame orientale des petites chroniques que je vais scruter maintenant aide à comprendre l'éclosion de Galip par l'écriture, par l'absorption du meilleur de Djélâl.
Que reste-t-il de ces trois personnages ? Un conte des mille et une nuit, une ville Istanbul couverte de neige lourde et froide, de nuit aussi.
C'est une semaine et c'est mille ans car tant de personnages fictifs ou réels s'invitent dans ce roman fleuve.
Il me semble qu'Orhran Pamuk se balade incognito dans son roman comme Hitchcock qui aimait traverser les premiers plans de ses films .
Orphée et Eurydice, oui, mais aussi la Turquie des années 50 traversée d'évènements politiques sombres (prisons, tortures, ultranationalistes...), mais aussi une ville, des mosquées, des boutiques d'artisans,... une culture très différente de la culture occidentale pétrie de contes philosophiques qui nourrissent ce roman, tirent le lecteur vers une autre logique où la lampe d'Aladin et les djinns prennent le pouvoir sur le psychisme.
Je crois que c'est ainsi qu'il faut comprendre la citation de Djélâl sur les "zones obscures qui se cachent" dans les motivations des héros de la littérature occidentale.
Galip/Djélâl raisonne différemment et fait appel à la sagesse des Soufis et des contes.
Très étrange roman...
Et voilà qu'Orhran Pamuk revient à son premier destin : la peinture, le dessin.
J'ai retenu vers la fin du roman, dans la deuxième partie, ce passage :
"J'attendais la lente métamorphose des objets autour de moi en objets et en signes venus d'un autre univers."

Christiane a dit…

A propos de cette finale de foot, j'ai regardé, fascinée, ces jeux de jambes faisant du ballon un ovni au parcours imprévisible. Les difficiles attentes des goals et ce ballon arrivant avec force et vitesse et leur corps s'élançant pour le saisir, le détourner. Des hommes en équipe, aussi, comptant les uns sur les autres. Le groupe. Cette séance en apnée des tirs au but, penalty, je crois. Un silence dans les tribunes. Les buts marqués avec des positions du tireur incroyables. Puis la tristesse s'opposant à la joie, ce moment de solitude des joueurs de l'équipe de France que rien ne pouvait pénétrer.
Le reste, ces cris, ces rages, ces folies collectives, impressionnantes... disent aussi quelque chose qui soulève l'adhésion joyeuse de tant de gens, parfois l'adulation. Des flots d'argent, dommage... Mystère...
C'était beau à regarder... Parfois vu du haut de l'enceinte, parfois au ras de l'herbe.
Autour le sable, la ville, un pays méconnu. Redoutable dit-on pour certains... Mais ces amples costumes comme celui de Laurence d'Arabie, magiques et élégants.
Ce soir sur Arte mon film aimé : Le Guépard....

Soleil vert a dit…

Christiane, vous parlez du foot comme un auteur de SF hi hi.

A part cela je vais tenter d'aller au bout de Dalva de Jim Harrison. Je vous en parle car j'ai besoin d'une soufflante à la Deschamps !

Christiane a dit…

Ah oui ? C'est très étrange de regarder ces batailles...
Jim Harrison ? Dalva ? Je vais aller découvrir. Merci.

Christiane a dit…

Son visage est un paysage et sa voix rocailleuse une rage, une douceur triste. J'ai commandé ce roman jamais lu.
Ce sera pour janvier.
Pas de hâte, je suis dans d'autres lectures dont ce roman d'Orhan Pamuk, l'astronome d'A. Laurain,, la double étoile de Heinlein, Les gens de Dublin (quelques nouvelles non lues), ne tirez pas sur l'oiseau moqueur(Harper Lee) , Les migrants du temps ( Cixin Liu), des poèmes de Schehadé, Le Météorologue de Rolin que vous m'avez donné envie de relire, Les anneaux de Saturne de Sebald, les autres nouvelles de Tolstoï, cet étonnant essai de Claude Esteban , Le partage des mots et mes livres aimés épars dans l'appartement.
J'essaie de ranger les livres car je ne m'y retrouve plus mais alors j'en sors un, deux trois que j'ai envie de redécouvrir. Je laisse tout en plan et je fais comme si je les avais oubliés pour revivre la traversée.
Parfois ma mémoire essaie de gâcher ma lecture. Je lui dis - Chut, attends. Ne me dis pas. Et je glisse dans la ouate d'une lecture qui m'enveloppe de bonheur.
J'aime ce temps froid et sombre qui donne envie d'une lampe douce, d'un plaid et d'un livre avec la rumeur des mots comme une nuée d'oiseaux.
Ah, la vie reste belle même emboutie, fracassée comme celle de Jim Harrison.
Et puis les grands petits seront proches à Noël.

Soleil vert a dit…

Claude Esteban, superbe poète

"Puis ce sera
demain, quelqu’un affirmera
que ce n’était qu’un peu de bruit
parmi les choses de la chambre, un souffle
et que le temps
réclame un autre souffle maintenant et ce sera
comme si tant de peine
dans un cour
n’avait plus sa place et d’autres
qui ne savaient rien de tout cela mourront aussi.
"

cf Esprit nomade

Christiane a dit…

Ah, vous aimez aussi. Quel poème pudique et douloureux...

J'ai sous la main, ouvert, un recueil magnifique réunissant les poèmes de Claude Esteban écrits entre 1967 et 1992..
Il porte le titre du quatrième livre "Le jour à peine écrit". Quelques poèmes de chaque livre (sept en tout) qui donnent à découvrir son écriture, tantôt en prose, tantôt en vers libres, édité par Gallimard.

Page 194 :

"de nulle part,
le vent.
le corps du vent.
heurtant l'écorce
de l'air vide.
venu de rien. Aigu,
épars.
tout le vent sur la page
à peine
écrite."

Ou, écrit plus tard, page 373:

"un pétale qui tombe
et la douceur du mot
soleil
sont là sur cette table,
tout
a recommencé sans moi, sans
que je sache
où le sang a jailli, comme
s'il faisait jour
très loin, dans le dehors."

Et encore plus tard, page 293 :

"est-ce que j'attends, est-ce moi
qui attends contre la porte, que ce soit
elle et que je sois devant,
sans rien pour l'accueillir, juste
les mains, et que la porte
s'ouvre et qu'elle dise
qu'il fait nuit, qu'il pleut, mais
qu'elle va rester et la table
est là toute prête et moi devant
comme quelqu'un qui s'impatiente un peu."

Votre poème est page 309. (du dernier livre : "Sept jours d'hier".)
C'est une parole qui traverse comme un sillage tout le recueil.

Christiane a dit…

273

Christiane a dit…


L'essai, "Le partage des mots" (collection "L'un et l'autre" Gallimard) du même Claude Esteban, est passionnant.
Tout construit sur la mémoire écartelée entre deux langues de la petite enfance :
"Je ne sais si l'homme adulte se souvient encore du plaisir quasiment charnel, et du réconfort moral aussi bien, qu'il a éprouvés dans les premiers moments de l'enfance à poser sur chaque chose, tel un démiurge indéfiniment extasié, le nom tout neuf qu'il venait d'apprendre. (...)
De cet accord, de cette adéquation quasi transparente du mot à la chose, je n'ai connu que le manque (...). Il me paraissait naturel de répondre à mon père dans cette langue espagnole, qu'il fut seul, tout un temps à partager avec moi, alors que le français constituait le véhicule habituel, quotidien, de mes échanges avec ma mère et le milieu culturel qui était le mien.(...)
Je ne parviens pas, aujourd'hui encore, à déterminer les causes majeures de l'effondrement qui se fit en moi.
A l'approche indivise de l'univers sensible vint se substituer une sorte de vacillation, un balancement entre deux modes d'interprétation qui se présentaient simultanément à ma mémoire et qui paralysaient mes actes et mes gestes, qui me laissaient sans parole au seuil de l'immédiat."

Christiane a dit…

Et vers la fin de cette longue confidence, Claude Esteban revient à son enfance et au langage.
"C'est du moins ce que l'enfant de quatre ans avait perçu, avait entendu, au sens premier du terme, sans en déterminer les raisons.
J'avais délaissé depuis longtemps ces rêveries sur la vertu evocatoire des mots. Les avais-je vraiment oubliées ? Je les retrouvais maintenant, et d'autant plus vivaces que c'était en français qu'il me fallait entreprendre ce lent retour vers les choses, si je voulais qu'un jour elles prennent corps dans mes poèmes. Cet espagnol, lourd de substance et de sève, s'était éloigné de moi - et c'est avec les mots quasi désincarnés du français que j'avais à lutter contre l'évanescence des signes. (...) Je ne savais si l'on naissait poète ; je devinais du moins qu'on ne le devenait pas plus aisément en espagnol qu'en français."

J'ai lu ce livre bien avant de découvrir ses poèmes, surtout ceux en prose. Il évoque avec finesse son cheminement entre deux langues.

Christiane a dit…

J'avais repris le livre de Claude Esteban pour approfondir la réflexion sur l'écriture d'Orhan Pamuk, dans "Le livre noir".. Le chapitre sept est une adresse au lecteur où Galip revient sur ces chroniques qu'il signait du nom de son cousin, Djélâl, avant de les porter au Journal. Livre noir comme la nuit où il écrivait ces "pages toutes noires, comme les souvenirs d'un somnambule".
Il continuerait à les écrire même après la disparition de Djélâl, les faisant passer pour des inédits retrouvés dans des cartons.
Galip aussi vit entre deux langues, la sienne et celle de Djélâl. (Djélâl dont la mémoire de perdait car atteint d'une maladie irréversible).
Des histoires qu'il racontait pour tenter de rétablir son passé.
Pour quelles raisons Galip a-t-il besoin d'être cet autre pour écrire ces chroniques alors qu'il désire plus que tout devenir lui-même ?
Il dit : " Je les ecrivais d'un seul jet, exactement comme lui dans ses périodes les plus fécondes. (..) Je devenais peu à peu quelqu'un d'autre, susceptible de se confondre avec cette ombre. Je me surprenais à parler avec la voix d'un autre "

Puis le temps passe et il écrit "qu'aujourd'hui tout ce qu'il lui reste ce sont seulement ces écrits".

Il se souvient que Djélâl leur disait "que le seul moyen d'être soi-même, c'était d'être un autre, ou alors de se perdre dans les histoires racontées par un autre."
Il s'enfonce alors dans des "vieilles histoires, très, très, anciennes" dans la ville d'Istanbul encore plongée dans le noir.

Et viennent les derniers mots du livre : "rien ne saurait être aussi surprenant que la vie. Sauf l'écriture. Sauf l'écriture, oui, bien sûr, sauf l'écriture qui est l'unique consolation."

Vous avez choisi un très beau roman, Soleil vert, dont la question centrale semble etret qui est-on quand on écrit ? Je est un autre... Pamuk doit aimer Rimbaud et Nerval pour sa Ruya/ Aurélia...

Christiane a dit…

Maintenant je peux relire le roman de Pamuk en entier. Il y a plein d'indices dès le premier chapitre. On passe du sommeil de Ruya observé par Galip à l'histoire de ce trio. L'arrivée de Ruya, la belle cousine, et surtout les premières lectures de Galip avant qu'il entre à l'école primaire. Ce sont les chroniques de Djélâl attendues tous les jours dans le journal, partagées avec la grand-mère. Dès les premiers chapitres les chroniques de Djélâl alternent avec la parole de Galip. Ces chroniques tantôt racontent des faits incroyables comme ce fameux deuxième chapitre, somptueux, qui décrit Le jour où se retireront les eaux du Bosphore, tantôt la vie de la famille de Ruya , Galip, de Djélâl , de l'oncle, de la grand-mère, la vie d'Istanbul..
Donc dès le début, le lecteur ne sait s'il lit les chroniques de Djélâl ou le roman écrit par Galip. De plus comme on apprend à la mi-temps du roman que Galip écrit ces chroniques en l'absence de Djélâl et qu'il continuera de les écrire et de les signer du nom de son cousin même après sa... disparition, on ne sait plus du tout lequel des deux on est en train de lire. Et si cette histoire a vraiment existé autrement que dans l'imagination de Galip. On apprendra aussi que si Djélâl écrit ces chroniques familiales c'est de peur d'oublier car il perd la mémoire.
J'adore !!!!
C'est très borgesien !
Une sorte de ruban de Moebius.

Christiane a dit…

https://youtu.be/pQ6zdH31WsI
La traversée d'un miroir - Le sang d'un poète / Cocteau
Cette courte vidéo colle bien avec l'articulation des deux parties du roman de Pamuk où se joue un jeu de miroirs

Christiane a dit…

Ce poème en prose de Claude Esteban page 149 est presque un portrait de Galip...

LIII

"Je dis je, mais c'est l'autre que moi qui parle. Il a pris mon soleil. Il marche dans mes pas. Je le regarde, puis j'oublie. Qui peut durer contre son double ? Qui redoute un reflet ? Qui se divise sans mourir ? Je dis je. Mais c'est moi qui décline, moi qui tombe. "

Anonyme a dit…

Disgression ! Curieux, mais, quoique l’ayant achetée, je n’avais pas lu « la Pierre de Vie » , de Jo Walton. Elle m’attendait donc oubliée sur une des nombreuses étagères de ma Bibliothèque l’air de me dire; « et moi? « Je me suis excusé et je l’ai commencée, ne la lachant lus di train de nuit au lendemain et surlendemain. Il s’agit certes plus de Fantasy que de SF, mais le récit est mis en abyme de manière extrêmement adroite sous la forme d’un Livre projeté longtemps après les faits, puis écrit . L’ensemble perdrait à être raconté. Disons seulement qu’on est dans un village de campagne d’un royaume non identifiable ou une vindicte divine va entraîner une suite de tragédies mettant aux prises femmes, hommes, et déesses. Le livre tient par la vraisemblance des personnages, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes . Je ne regrette pas le temps passé à le lire. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Des digressions comme cela, j'en veux bien tous les jours, MC !
Jo Walton... J'avais découvert grâce à Soleil vert "Ou ce que vous voudrez". Le dôme de Florence... Brunelleschi... Donatello... La Renaissance... Laurent de Médicis... Michel Ange... Botticelli... Un régal !
Avalé aussi, jusqu'au théâtre de Shakespeare et l'Illyrie. Le roman devenait alors un livre fantôme où nous , lecteurs égarés, échangions notre désarroi et nos suppositions. Mais quelle plume ! Quelle imagination.
J'irai bien faire un tour du côté de "La pierre de vie" !

Christiane a dit…

Bon, l'architecture du Livre noir devient repérable. Un chapitre sur deux est une chronique de Djélâl écrite à la première personne du singulier. Un chapitre sur deux raconte la vie de Galip à la troisième personne du singulier. Les deux alternés font Le livre noir.
La recherche éperdue de Galip d'appuis sur la lecture des chroniques de Djélâl et du cahier de Ruya ( dont une page arrachée a servi à écrire cette lettre de départ, de disparition).
Galip finit par entrer dans les pensées et les habitudes de vie de Djélâl en écrivant ses chroniques, en portant ses vêtements, en habitant un de ses nombreux appartements, il devient le seul personnage du livre, à la double identité, marchant dans le labyrinthe d'Istanbul, poursuivi par un lecteur mystérieux qui semble bien connaître les chroniques et la vie de Djélâl.
Et tout au long des chroniques et des déambulations de Galip la culture ottomane transforme le conte en une miniature persane un peu chamboulée par bien des interrogations.
Un roman foisonnant, un peu trop, souvent émouvant qui me laissera la trace de Ruya ( rêve en turc), évanescente, secrète, inatteignable et d'un écrivain qui, pour se réaliser, vampirise la personnalité de son mentor.
Et puis la ville, mystérieuse, celle qui a changer trois fois de nom.
Très beau livre. Merci Soleil vert.

Christiane a dit…

s'appuie

Christiane a dit…

Sans oublier les pistaches que Ruya dévore autant que les romans policiers qu'elle lit sans trop se poser de questions. Galip "trouvait cet univers factice, et soutenait que le seul roman policier lisible serait celui dont l'auteur lui-même ignorerait le nom de l'assassin"...

Christiane a dit…

Et le thé (çay) , longuement infusé et très sucré. Il fait partie du quotidien de Galip.

Anonyme a dit…

Remarque : Je m’aperçois en vous lisant que dans pistaches il y a pastiches! Bien à vous qui nous guidez dans ce labyrinthe (oriental?). MC

Christiane a dit…

Joli !

Christiane a dit…

Dans ce roman noir mélancolique, tout se passe au cœur d'une ville boueuse où les gens pataugent dans la neige. Orhan Pamuk décrit un paradis perdu comme dans le chapitre II , évoqué par Soleil vert, nimbé d'un fantastique d’anticipation . Il imagine une catastrophe écologique, une utopie négative : "Avez-vous remarqué que les eaux du Bosphore sont en train de se retirer ? (...) ce paradis terrestre que l’on appelait le Bosphore, va se transformer très bientôt en un sombre cloaque, où les charognes des galions, couvertes de boue noire, luiront comme des dents de fantômes."
Ce passage symbolise ce déchirement qu'Orhan Pamuk ressent entre la culture occidentale et celle dans laquelle il vit depuis cinquante ans.
Son appartement donne sur le Bosphore . Istanbul, ville sombre, tentaculaire opposées à la clarté de la lampe, à ses cahiers blancs où il écrit à l'encre.
Les dernières lignes du roman lui ressemblent : "Rien ne saurait être aussi surprenant que la vie. Sauf l'écriture. Sauf l'écriture, oui, bien sûr, sauf l'écriture qui est l'unique consolation."
Pamuk cherche une consolation dans l'écriture. C'est un homme blessé.
Ce personnage énigmatique, Ruya, rêve, est inatteignable comme son rêve.... d'une vie autre dans son pays....


Christiane a dit…

(opposée)

Christiane a dit…

Dans un autre roman de lui que j'ai beaucoup aimé , "Istanbul, souvenirs d'une ville", il écrit : "Durant toute mon existence, le sentiment d’effondrement de l’Empire ottoman et la tristesse générée par la misère et les décombres qui recouvraient la ville ont représenté les éléments caractéristiques d’Istanbul. J’ai passé ma vie à combattre cette tristesse, ou bien, comme tous les habitants d’Istanbul, à finalement essayer de me l’approprier».

Christiane a dit…

Un entretien assez éclairant même si n'étant pas abonnés on ne peut lire que le début !

https://www.philomag.com/articles/orhan-pamuk-il-ny-pas-de-futur-sans-liberte-de-parole

Christiane a dit…

Cet autre passage d'"Istanbul, souvenirs d'une ville", ( roman autobiographique) explique le choix qu'Orhan Pamuk a fait dans son roman "Le livre noir" de sa ville sous la neige et de la nuit
Page 62
"Et j'ai l'impression que l'obscurité de la nuit va recouvrir le dénuement de la vie, des rues, des objets et que, en inspirant et expirant à l'intérieur des maisons, dans les chambres et sur les lits, nous allons tous nous retrouver confrontés aux rêves et aux illusions issus de l'ancienne richesse d'Istanbul désormais bien lointaine, et de ses bâtisses et légendes perdues. Et j'aime aussi les ténèbres des froides soirées d,'hiver qui descendent à la façon d'un poème, malgré les lampadaires falots, sur les faubourgs déserts, parce que nous sommes loin des regards étrangers, occidentaux et parce qu'elles recouvrent le dénuement de la ville dont nous avons honte et que nous voulons cacher "

Anonyme a dit…

Je ne sais pas pourquoi je pense à un Piranese stambouliote…MC

Christiane a dit…

Ah ça c'est bien vu ! Les dédales des prisons de Piranese, cette obscurité des estampes encrées de noir.
Il écrit d'ailleurs dans le même livre ( photos en noir et blanc à l'appui) :
"Je voyais côte à côte, dans les quartiers retirés, de nombreuses demeures qui offraient cette teinte spéciale et cette texture, cette nuance obscure faite de blanc et de noir mêlés, effroyablement belle - aucune de ces maisons n'ayant été peinte du fait de la pauvreté ou de la négligence, leur bois s'était assombri, noirci au fil du temps sous l'effet du froid, de l'humidité, de la pollution et de l'âge - , enfant, je pensais qu'il s'agissait de la couleur originelle de ces bâtiments."
(Et là ja je pense à Paul Edel)
"Et je prends toujours plaisir à regarder les dessins au fusain qu'ont réalisés les voyageurs curieux de l'Orient tel Le Corbusier (...) parce qu'ils me laissent presque chaque fois en compagnie de cet esprit noir et blanc de la ville."
(Et là je pense à Pierre Assouline)
"Certes, Hergé n'a jamais dessiné, malgré les longues années d'attente de mon enfance, les aventures de Tintin à Istanbul, mais le premier film sur Tintin fut tourné ay Istanbul en 1962."

Christiane a dit…

Encore que.... Page suivante il ajoute :
"Avec certaines photos tirées de plans de ce mauvais film, et au terme d'un montage avec des images extraites d'autres aventures de Tintin, un éditeur pirate imaginatif d'Istanbul a produit un livre d'aventures en noir et blanc intitulé "Tintin à Istanbul."

Christiane a dit…

Cela me rappelle aussi lexposition des eaux-fortes d'Érik Desmazières à la BNF en 2012. Sa vision des bibliothèques et des livres : rêverie, jeux de perspectives, hommage à l’imagination, celle que nous ouvre les livres...
Vous me l'aviez signalée et c'est un très beau souvenir.

Anonyme a dit…

Carrière dignement et récemment couronnée par une élection à l’Institut. Voir sur les dernières élections académiques, dans le dernier’Journal des Arts, le bel article de Pascal Ory ( ou il est parlé d’autres peintres, mais c’est interessant’meme si on ne les aime pas!

Christiane a dit…

Bon...jour ou bonne... nuit ou bon... matin, MC. (merci pour la revue)
Ces deux grands artistes Piranese et E.Desmazieres ont fait de l'art de la gravure un monde vertigineux. Toutes ces créations en trompe-l’œil nous font passer de la réalité à l'imaginaire. Estampes en noir et blanc nées de leurs dessins d'une virtuosité exceptionnelle, saturées de détails, toutes liées à l'étrange, à un monde onirique. E. Desmazieres et sa bibliothèque de Babel (rejoignant l'allégorie de Borges) ou sa grande salle de lecture Labrouste, Piranese et ses prisons. Escaliers ouvrant sur le vide. Perspective renversée. Enfermement. C'est un monde fantastique lié à l'architecture.
J'en reviens à votre intuition : "Je ne sais pas pourquoi je pense à un Piranese stambouliote"
Je ne crois pas que ce personnage, Galip, se perde dans cette ville d'Istanbul dont il connait si bien les étroites rues pavées, même de nuit, les rives du Bosphore. Par contre, ces prisons de Piranese sont à l'image de son être intérieur. Il se cherche désespéramment tout autant qu'il cherche qui est Ruya et la raison qui la poussait à disparaitre avec Djélâl. Le chaos est dans ses pensées pas dans la ville. Le chaos est dans la perte de ses repères historiques. Il ne reconnait plus sa ville devenue si pauvre, si délabrée.
C'est donc dans l'écriture, les contes, les poètes du divan, la civilisation ottomane, la poésie soufi que Galip cherche un chemin. (C'est un héros très proche d'Orhan Pamuk. "Istanbul, Souvenirs d'une ville" donne toutes ces clés.) il est saisi par un sentiment de perte, de manque, une souffrance spirituelle, une tristesse, le hüzün (la mélancolie) sentiment cher à Baudelaire.... Une absence aussi qu'il appelle Ruya, le grand amour perdu. La musique stambouliote du siècle d'avant. Il est replié sur lui-même sur ses souvenirs, vit dans un monde parallèle, contemplant ce paysage. "La beauté d'un paysage réside dans sa tristesse." Ahmet Rasim (Exergue du livre "Istanbul".)

Christiane a dit…

Mais vous pensiez peut-être à Orhan Pamuk et son goût du noir en cette ville d'Istanbul.
J'aime que vous m'ayez rappeler Piranese. M. Yourcenar a écrit un bel essai sur les planches des prisons de Piranese.
J'aime que votre note m'aie conduite à Erik Desmazières.

Christiane a dit…

M'ait

Christiane a dit…

rappelé

Christiane a dit…

La littérature et l'art sont quand même des passe-murailles extraordinaires. Voilà un pays qui ne m'est pas sympathique (pouvoir politique, sort des Arméniens, prisons... présence de l'islam fondamentaliste, dort des migrants et des opposants politiques malgré un effort de laïcité. ) et pourtant, quand je lis Orhan Pamuk, quand je regarde les aquarelles et dessins de son dernier livre, je me sens en pays sans frontière, un pays d'amitié. Les mots, l'écriture, l'art sont cause de joies profondes, de confiance en lautre. Les traductions rendent ces textes émouvants, riches, harmonieux
Merci , Soleil vert, d'avoir fait ce choix qui me rend moins méfiante, plus apte à découvrir d'autres univers . Une beauté est là, une tristesse aussi, une ville belle la nuit où vivent écrivains, poètes, artistes et des hommes, des femmes, des enfants.
C'est comme pour la science-fiction, sortir de sa coquille, de ses habitudes culturelles. Ce n'est pas rien.
Mais je ne m'attarde pas en ces terres de découvertes. Un chemin intérieur étrange me propose un voyage encore plus dépaysant, encore plus vertigineux.
La vie, le sens d'une vie, ?seulement quand la dernière pièce du puzzle est posée...
En attendant, j'apprends beaucoup ici de vous et des amis attachés à votre espace de création, ce blog'.
Pour vous et les amis d'ici, une étoile de Noël.

Soleil vert a dit…

Piranese et ses prisons

Les escaliers qui inspireront Escher

Christiane a dit…

Je n'avais pas fait le lien entre eux. Les artistes qui dessinent, peignent des escaliers m'ont toujours fascinée. Comme un certain Rembrandt.
Un artiste aussi ay ne pas rater au museey de l'Orangerie.
Escher, j'ai passé des heures à observer ses compositions. Il met l'esprit de logique à mal. On a beau scruter, être averti, la vision met le cerveau en échec car on voit toujours deux situations en une, selon qu'on suive certains détails ou d'autres. Seules l'expérience et la mémoire permettent de se dégager de ces situations hallucinante. J'aime beaucoup.

Christiane a dit…

A ne pas rater...
https://www.musee-orangerie.fr/fr/agenda/expositions/sam-szafran-obsessions-dun-peintre

Christiane a dit…

http://www.artnet.fr/artistes/sam-szafran/sans-titre-j90o8Yyg0XOvHwMyLgyucQ2

Christiane a dit…

https://www.connaissancedesarts.com/musees/musee-orangerie/paris-sam-szafran-ou-lintimite-du-vertige-au-musee-de-lorangerie-11178344/

Anonyme a dit…

Je vous ai répondu sur la branche ronsardienne à côté, Soleil Vert. MC

Anonyme a dit…

Mais il n’y a pas que les Carceri,chez Piranese. Il y a aussi la Rome de son temps, avec des monuments d’ailleurs disparus. De la reconstitution d’antiques façon Recueil de Caylus. Là nous sommes victimes d’une distorsion née des Romantiques et d’ Hugo. Il m’a été donné d’inventorier un cadeau diplomatique des années 1900 contenant des retirages de Piranese Père et Fils. Oui c’est une affaire de famille! On s’aperçoit que les Prisons là dedans pèsent assez peu. Et pire, que vers 182O la famille était depuis la Révolution à Paris, que Piranese fils nous propose ses plaques,qu’il se trouve quelqu’un pour les refuser,et que Rome les rachète. Je serais surpris que ce ne soit pas le vedutiste romain qui soit alors honoré…Les Carceri, je veux bien, mais pas trop..,

Anonyme a dit…

En fait, ces Prisons ont des rapports certains avec des décors d’opéras baroques. Autre piste possible quant à leur interprétation? MC

Christiane a dit…

Oui, bien sûr, il n'y a pas que les seize planches des Prisons. Mais là, dans ces planches , quel combat entre la lumière et les ténèbres ! Victor Hugo parle du "cerveau noir de Piranese. On retrouve cette influence dans ses encres. et sa poésie.
Oui, les décors de théâtre (peinture). La peinture de Tiepolo et de Claude Gelée l'intéressait. Rome, Pompéi, Paestum... Plus de mille planches et dessins, surtout les Antiquités - Les ruines des grands monuments abandonnées dans la campagne environnante l'entraînent vers une méditation mélancolique.
Peintre et dessinateur avant d'être graveur....
A vous lire, je pense à Goldoni, à Casanova. Le baroque....
Mais le burin plutôt que le pinceau même si au XVIIIe siècle en Italie la gravure n'est guère prisée. Elle sert surtout à reproduire en quantité . Les Prisons imaginaires de Piranese sont une entrée dans autre chose. Un monde de songes, Les caprices de Piranese, ses fantasmes.. Roues, treuils, poulies. Atmosphère de torturés, de supplices.. des noirs ténébreux dûs à l'encrage et au travail d'entailles, de rayures.. Un jeu de clair-obscur. Vertigineux. Angoissant. Les escaliers, des voûtes, des ponts nous entraînent dans des gouffres sombres d'un noir sépulcre..... Un cauchemar...
Des petites figures minuscules traversent le décor, descendent les escaliers. On voit des bourreaux à l'œuvre... des suppliciés
On pense aux peintures noires de Goya .
Des visions de ce genre traversent l'écriture d'Istanbul de Pamuk. Il a vu des atrocités dans son pays....
Merci, MC, d'avoir précisé votre référence à Piranese.

Soleil vert a dit…

Bonnes fêtes de Noël à tous deux !

Christiane a dit…

Merci Merci Merci

Anonyme a dit…

Joyeux Noel à tous sans distinction de centres d’intérêt ! MC

Christiane a dit…

Merci, MC, pour ces vœux de Noël kaleidoscopiques.

Christiane a dit…

REMBOB'ina. Sur public Sénat. Pierre Desgraupes / Lectures pour tous en Replay. Un régal. Miller. Gary. Barthes. Un face à face sans concession.

Christiane a dit…

Le plus étonnant : Desgraupes / Pérec pour "un homme qui dort". Étonnante question : "à qui s'adresse le tu ? "
"Au lecteur. Au personnage. Il fait lien entre les deux."
Ce livre de l'effacement, de l'indifférence. Il marche, il marche. Il regarde. Parle peu ou pas.
Étonnant.

Christiane a dit…

Perec

Christiane a dit…

MC,
Puisqu'on a le temps de se souvenir. Noël...
C'est surtout l'enfance et l'attente d'une nuit différente des autres grâce aux lumières, aux sapins.
Pas de messe de minuit dans mon enfance. Une crèche parfois dont j'aimais déplacer les santons autour du nouveau-né. Il était très humain. Comme sa mère, son père, les bergers. Et puis les bêtes douces. Dieu, on n'en parlait pas mais des saints, oui. Il y avait les préférés.
La statue de Marie, c'était le domaine maternel. Un lien les unissait assez secret, toujours tu.
Les chants de Noël très beaux, flottaient sur les ondes. C'était comme l'assurance d'une tradition.
Le catéchisme a été une longue patience, sans poésie.
Les cadeaux étaient modestes mais nous emplissaient de joie car nous les avions attendus très longtemps.
Les pères Noël étaient trop nombreux et les cheminées sur les toits bien trop étroites pour imaginer ces gros bonhommes bedonnants s'y introduire inlassablement.
Mais j'aimais le renne de Noël à cause d'un album du père Castor, Michka, le petit ours en peluche délaissé.
Plus tard, cette présence de la lumière à Noël l'a toujours emporté sur toute autre attente et l'odeur des sapins.
Les chrétiens ont fixé une date aléatoire de la naissance de Jésus sur les fêtes païennes du solstice d'hiver. Lui qui est né au pays des sables. Solstice d'hiver... Le retour de la lumière, cher à Raymond Prunier, le poète d'à côté.
Et puis, les générations suivantes sont venues avec toujours le rite du matin de Noël.
De réveillons gourmands je ne me souviens pas. Juste le goût du chocolat.
Il y a un très beau film, vu il y a très longtemps. Une nuit de Noël où les soldats pactisent de tranchée en tranchée. Guerre de 14/18...
C'est pour tous ces souvenirs que j'avais posé une étoile de Noël pour les amis d'ici.
Je n'ai jamais écrit "joyeux Noël" car Noël est une fête grave, silencieuse, mystérieuse.
Si Jésus est vraiment le fils de Dieu, je pense qu'il a été humain tout au long de sa vie, seulement humain et fragile.
Si Dieu existe, c'est par l'inconnaissance que je le pense. Et c'est bien ainsi.
J'aime bien votre foi de Breton, elle ressemble à celle de ma mère.
Soleil vert... En ce domaine, est tellement habitué à voyager dans les galaxies qu'il est possible qu'il l'ait frôlé. Un souffle dit-on, dans le silence... Mais ses poèmes sont souvent tristes, éblouis aussi par la beauté du monde.
Dans les petites chapelles des monastères, il y avait très peu de cierges, beaucoup de silence habité, une tiédeur de crèche pour se lover dans la nuit du monde.

Christiane a dit…

Le dernier texte de Paul Edel est vraiment une belle esquisse. Deux personnages. C'est l'homme qui reçoit du plaisir. C'est la femme qui est active. Mais c'est l'homme qui observe et qui écrit. Les troncs des arbres sont crayonnés au fusain....

Anonyme a dit…

Je viens de vous lire maintenant. Que vousrépondre? La perception de Noël a varié selon qu’on met l’accent sur l’incarnation ou la Journée du 25, ce qu’a choisi de faire mon brave curé. Et l’écoutant, il n’est pas dans talent , je me demandais si cette pastorale de la joie correspondait vraiment à ce que j’aurais entendu dans d’autres époques…Moins sous un Bossuet que sous un Massillon. Évidemment, eux n’auraient pas parlé d’Olivier Giroud et de Gad Elmaleh. - j’ai oublié de vous dire que c’est un prédicateur direct et baroque!-reste que s’en servir pour placer la recherche de la foi au cœur du discours était bien trouvé , et permettait de dépasser l’aporie Noel fête de famille, en montrant que l’on ne fête pas ce que l’on n’a pas trouvé un jour….Alors graces soient rendues à Giroud ( protestant par ailleurs! ) et Elmaleh, s’ils ont pu faire bouger une ou deux âmes…. « Dieu écrit droit avec des lignes courbes ». Vous me parlez de foi solide, qu’en savez-vous ? Elle ne paraît telle , si elle l’est , que parce que remise sans cesse en question . On ne croit pas parce que l’autre croit . On peut croire par l’une des trois voies, « la purgative, la YouTube, l’illumination » si grâce il y a, comme on les appelait il y a trois siècles. Autrement, il s’agit toujours d’un acte personnel . J’espère avoir été suffisamment clair. Bien à vous. MC. PS. Une toile de Kreienbuhl exposée par J M Ogee je ne sais plus où. Une toile terrible.

Christiane a dit…

Jürg Kreienbühl. Encore une découverte que je vous dois, MC.
Pointe sèche, lithographie, eau forte et quelques toiles
Beaucoup aimé ses croquis des bidonvilles, ceux du port du Havre (reservoirs, eaux polluées, maisons , bateaux et sémaphores,
bassin avec grues... roulottes....) même si ce sont les lithographies du Muséum qui faisaient l'essentiel de l'exposition. Son oeuvre graphique est impressionnante. Je me souviens du squelette d'un énorme dinosaure qu'il avait nommé Agression. (Galerie de zoologie) Un créateur discret et obstiné. Un métier d'expert.
Ses eaux fortes pour La Métamorphose de Kafka , emouvantes... il y avait tant à découvrir. La galeriste était passionnant.
Alors votre curé... Rien compris.
Votre foi ? Intuition... Justement à cause des remises en question. Si vous aviez entendu la mère parler du pape !....
Vous n'êtes jamais clair c'est ce que j'aime en vous lisant .(pire qu'une eau forte de Kreienbuhl ! C'est tout raturé ! )Bonne nuit.

Christiane a dit…

Est-ce cette roulotte ?
Votre curé parle de l'imprévisible qui mène à la rencontre. Pas mal pour Noël. Je vous relis au matin, c'est plus clair.
Il faudrait rester dans ce vacillement. Des qu'on approfondit, ça devient très compliqué.
Un ami avec qui j'ai écumé pas mal d'expositions et de théâtres souriait de mes combats en ce domaine. Il était définitivement hors de ces questionnements, très fin, cultivé, grand lecteur, plein de bon sens, connaissant l'histoire des quartiers de Paris en historien. Il passait à côté de la foi ayant assez à faire avec les choses d'ici bas.. Nous allions écouter des conférences à la BNF. C'était beau la nuit, un quartier si proche de la Seine.
Gad Elmaleh ? Que vient-il faire dans les paroles de votre curé ? Je n'ai pas compris...



https://www.artsper.com/fr/oeuvres-d-art-contemporain/edition/564301/roulotte-de-peau-de-serpent

Christiane a dit…


N'est-ce pas JM. Oger ?

https://levadrouilleururbain.wordpress.com/2017/12/13/jean-marie-oger-est-tres-heureux-de-proposer-loeuvre-de-jurg-kreienbuhl-1932-2007-fr/

Christiane a dit…


Voilà, c'est ici ma rencontre avec l'oeuvre de Kreienbuhl :

https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Grande-galerie-de-l-evolution-du-Museum-national-d-histoire-naturelle.html

Anonyme a dit…

Oui pardon, j’ai confondu un érudit breton, Michel Ogee, qui vivait au dix- huitième , et dont le dictionnaire ( sur la Bretagne comme il se doit) est encore une mine de renseignements, avec le Galeriste que vous savez. Pour le reste, c’est vous qui me posez des questions et me parlez de votre perception de Noël. Gad Elmaleh a tourné un film que je n’ai pas vu, où il met en scène un itineraire spirituel, le sien. Voilà pourquoi il rejoignait dans le sermon de mon curé Giroud, qui lui porterait ( je n’ai pas demandé à voir ) un tatouage psalmique! Bref, l’un cherche, l’autre affirme sa foi. Voilà de la bonne prédication directe, celle qu’on oublie et qui pourtant est peut-être plus efficace que bien des grandes machines oratoires…. Bien à vous en espérant avoir été plus clair, mais, je le répète, c’est vous qui me poussez sur ce sujet là cette fois-ci. MC

Anonyme a dit…

Giroux?

Christiane a dit…

Bonjour, MC. Je suis désolée si vous avez eu l'impression que je vous posais une question à propos de Noël. C'était plutôt une mémoire, des souvenirs effilochés.
Vos commentaires, souvent, me conduisent à ces méditations, à des songes que j'aime partager ici.
Noël est une histoire digne de la science-fiction. Dieu aurait désiré se mêler à sa création par la magie d'une conception mi-virtuelle mi- charnelle. Noël, donc... Cet enfant mort jeune, 33 ans, aurait durant sa courte vie dit des choses étonnantes, agit de meme (j'aime leur transcription dans les textes traduits et retraduits des livres sacrés dits Évangiles, écrits longtemps après sa mort.)
Puis ce Dieu aurait ramené à lui , sous une autre forme de vie, son enfant supplicié, dans un monde trinitaire dont ne nous ne savons qu'une chose c'est qu'il est inconnu.
Vos recherches me passionnent, ethnographie disiez-.vous. Vous cherchez des textes, des images, des photos, des sites. confrontez ces trouvailles pour comprendre comment vivent, pensent les petits et les grands de ce monde, les morts et les vivants.
Donc votre curé s'est penché sur la conversion d'un acteur transitant comme Lustigier du judaïsme au christianisme.
Ces conversions sont fréquentes entre religions, philosophies. l'Inde a attiré beaucoup de nos marcheurs européens en quête de poésie...
Des illuminations fugitives qui donnent provisoirement un sens à une vie...
Vous êtes tellement surprenant avec vos références, jamais ennuyeux. Et je vous découvre ici amateur de contes de science-fiction...
Je reprends le chapitre IX du Livre noir de Pamuk. Et je lis : "Galip se dit qu'il voulait vivre dans l'univers raconté par Djélâl et non dans son propre univers."
On dirait la suite de cette méditation sauf que les références de Galip refuse les sources litteraires du monde occidental leur préférant la culture orientale et ses contes.
En opposition, Kreienbühl s'est attaché à dessiner, à graver le réel qui l'entourait passant de la grande galerie de l'évolution du Muséum au port du Havre, aux terrains vagues, aux choses abandonnées, des déchets, des traces de ce qui a été utilisé puis jeté, même des petits animaux morts. Des scènes souvent désolantes mais de superbes dessins ou gravures.
Regarder le monde en choisissant le silence, la solitude tout en étant près des plus oubliés.
Dans le monde de l'art nous apprenons beaucoup aussi. Merci de votre réponse claire et affectueuse.

Christiane a dit…

...sauf que dans ses références Galip refuse les sources....

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si Elmaleh se convertit et quelle est la part du scénario là dedans dans un film sorti pour les fêtes. Je suis d’accord, c’est une histoire de SF! Il y a d’ailleurs un album de La série Valérian mettant en scène une Trinité Hippie formant planète à soi seule. Ce n’est d’ailleurs pas le meilleur opus de cette BD me semble-t-il. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Intéressants rapprochements....

Anonyme a dit…

Et ce soir , Memoires de Clara Malraux sur la Guerre d’ Espagne, publies après la mort de son génie de mari ! ( 1976)

Christiane a dit…

Clara Malraux.... Oui, une très belle lecture. Beaucoup aimer le lire, il y a quelques années . Mais elle, je ne l'ai jamais lue.
Quel genre de couple formaient ils ? Que d'aventures ils ont vecues.....

Christiane a dit…


Je vais m'endormir en écoutant cette émission :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/une-vie-une-oeuvre/clara-malraux-1897-1982-une-intensite-plus-qu-humaine-rediffusion-de-l-emission-du-15-11-2007-2442623

Christiane a dit…

Passionnant. Quelle femme !

Christiane a dit…

Sa voix, émouvante. François Nourissier semble l'avoir bien comprise Claude Kiejman dit "ambiguïté intense", Jean Lacouture très sensible à leur histoire.
Une vie courageuse, belle, complexe dans l'ombre d'un grand homme dont elle a dû s'écarter pour être. Ses mémoires, enfin l'occasion pour elle de dire son regard sur leur couple, l'Histoire. Elle n'est pas dans l'imaginaire comme lui. Génial, oui, mais pas facile de vivre près de lui.

Anonyme a dit…

Ce ´n’est qu’un tome, la Fin et le Commencement. Écriture très naturelle, pas femme ou homme de lettres. De l’humour aussi. Évocation de la Guerre d’ Espagne, d’un Malraux chef d’escadrille mais ne sachant pas piloter un avion, ce qui ne l’empêche pas d’être adoré par ses pilotes! Certains rectifiant les instructions en douce. Et le plus étonnant. Lurcat, le Maître Tapissier, sourd comme un pot, qui n’entend pas les coups de feu de l’aviation phalangiste près de Tolède et s’obstine à piloter la voiture dans la mauvaise direction, jusqu’à ce qu’apparaisse un paysan providentiel. Que venait-il faire dans cette galère ?! Se lit sans ennui et sans prétention. MC

Anonyme a dit…

Cette méchanceté lucide sur Sartre: «  la prise de pouvoir fasciste lui inspira des réactions à retardement… »

Christiane a dit…

Merci pour ce partage. Oui, ce n'était pas une romancière mais elle sait raconter les évènements, les réactions des uns et des autres et, au passage, envoyer quelques flèches !

Anonyme a dit…

En fait, à lire Clara Malraux dans les pages consacrées à l’emprise du PC sur les intellectuels, on peut aussi se dire que ce type de doctrine et sa prolifération depuis Marx relève de la SF…

Anonyme a dit…

Si on peut se perdre en conjectures sur le co-traducteur de Buchner, À, p 173 est très certainement Alan Boase, qui redécouvrit le Poète baroque Jean de Sponde. Par contre les allusions à une tentative de vol de cette découverte me sont obscures. Arland ami de Clara, le fait figurer comme découvreur dans le chapeau consacré à de Sponde dans son Anthologie parue pendant la guerre, et il existe une édition à petit tirage de Sponde parue vers 1946, et signée Alan Boase….

Christiane a dit…

Mais, MC, je n'ai pas lu l'ouvrage. J'ai juste écouté cette émission sur France Culture pour la connaître un peu. A vous lire, je sens qu'elle a dû beaucoup s'amuser à écrire tout cela.
Dans l'émission, ses amis évoquent ce désir qu'elle avait d'écrire et comme elle avait été blessée quand Malraux lui avait dit qu'il vallait mieux être son épouse qu'une écrivaine de second ordre. Malraux était très orgueilleux, un tantinet misogyne et s'en félicitait. Très séducteur aussi. ( Louise de Vilmorin... beau choix) Mais elle l'a aimé sincèrement au point de choquer sa famille pour le suivre. Puis la guerre l'a affûtée comme la rebelle qu'elle a été. Pourtant sa voix est élégante, posée, calme. Je crois qu'elle était libre et indépendante, ( quelques amants, très jeunes ), très protectrice envers sa fille Florence qui lui rendit au centuple sa tendresse. Elle est morte un livre à la main, celui de Rousseau "Les promenades d'un rêveur solitaire."
Jean de Sponde ? Je ne connais pas du tout...
La science-fiction de la crèche de Noël au PC... Vous aussi, vous vous amusez !

Christiane a dit…

Tenez, pour vous qui venez ici surtout pour la poésie !


https://www.google.com/search?q=jean+de+sponde&oq=jean+de+sponde&aqs=chrome.0.0i13i355i512j46i13i512j0i13i512l6.17650j0j7&client=ms-android-xiaomi-rvo3&sourceid=chrome-mobile&ie=UTF-8#fpstate=ive&vld=cid:bd6efacd,vid:VOeCs6t9Wng

Anonyme a dit…

On se souvient en général du «  Maïs si faut-il mourir » , et du sonnet dit rapporté « Tout m’assaut contre mot » lisible aussi bien horizontalement que verticalement

Anonyme a dit…

Pour le reste, c’est le livre des derniers beaux jours et de la rupture. Oui Malraux pouvait être misogyne en considérant que la femme artistique ne pouvait pas s’élever plus haut que Marie Laurencin. P 120, Clara prône un féminisme éclairé, aux antipodes de celui de certaine Tricoteuse. Si le patriarcat doit mourir, ne pas jeter par dessus bord l’homme et la famille, etc. Le plus beau est qu’ elle reste fascinée jusqu’à l’épisode Josette Clotis, qui les dresse l’un contre l’autre. Si ce qu’elle raconte est vrai,si Malraux a exigé le divorce en 1940 sous Petain, ce n’est pas une page glorieuse. Maintenant il n’y a qu’elle pour le dire et’ l’adage témoin seul témoin nul est ici tentant. Bien à vous. MC. PS et les Mormons, leur ange, et leur tribu d’ Israël, quel péplum et quel roman!

Christiane a dit…

Vous êtes juste, comme François Nourissier dans l'émission. Oui, la laisser avec sa fille au risque qu'elles soient arrêtées et pire. Et le vol des statues....
Pour le reste, votre lecture est ouverte et drôle des mormons m'amuse beaucoup.
Où avez-vous rencontré les poèmes de Jean de Sponde ?
Là, je nage en plein brouillard : "Si on peut se perdre en conjectures sur le co-traducteur de Buchner, À, p 173 est très certainement Alan Boase, qui redécouvrit le Poète baroque Jean de Sponde. "
Quelle traduction. Vos mots virevoltent comme des flocons de neige.... Buchner ? Alan Boase ?

Christiane a dit…

Ah, j'ai trouvé. : La mort de Danton de Georges Büchner, adaptation de Clara Malraux et Ranier Hardt (116 p. dact.)

Christiane a dit…

Au troisième acte les prisonniers dialoguent sur l'existence de Dieu. Danton et ses amis (Camille Desmoulins )sont transférés à la Conciergerie....
J'ai visité la Conciergerie. Lieu oppressant... Et la guillotine. Cette sauvagerie révolutionnaire reste incompréhensible.
Cela devait être terrible...
Pourquoi Clara Malraux s'est-elle intéressée à cette pièce de Büchner ?

Christiane a dit…

La science-fiction ne tient pas le monopole de la violence...

Christiane a dit…

détient

Christiane a dit…

Si on ne savait ni lire ni écrire comme le monde serait petit. Il ne resterait que la parole... Les yeux pour regarder...écouter... Toucher... Sentir... Rêver... Aimer malgré tout.

Anonyme a dit…

Il y a en fait deux personnages.C’est une histoire bizarre; lorsque le couple Malraux bat de l’aile, elle accueille un réfugié d’ Allemagne dont elle ne donne pas le nom, et ils traduisent Buchner alors inconnu. Mais pendant la Guerre, l’édition est détruite « par la Police Allemande. « Elle ne dit pas si son nom apparaît. L’Histoire ne s’arrête pas là. Après Guerre, le même découvre Jerusalem et entre au Couvent. Puis il en sort, et s’improvise le reste de ses jours guide « au service de ses semblables « , toujours à Jérusalem. Mes recherches pour trouver une édition de Buchner de cette période ( 1937-40) n’ont rien donné. Un Graal bibliophilique de plus? Toujours selon Clara, C’est À ( je pense qu’il faut lire Alan Boase) qui semble prendre la succession de Malraux ( André le croit, et elle ne dément pas) C’est Boase qui, dans un manuscrit d’ « Oxbridge », découvre de Sponde avant la guerre. Cette histoire de vol autour de cette découverte est bizarre. Voilà. Bonne nuit. MC

Christiane a dit…

Je comprends mieux comment elle devient ce qu'elle sera. Merci, MC.

Il y a dans le Livre noir de Pamuk un chapitre très intéressant, le dixième. Qui s'intitule L'œil. Un cyclope qui hante le personnage dans une chronique comme un double. Dans son regard, il revoit toute sa vie, se retrouve, sent qu'il devient cet autre. Une expérience métaphysique.. il se dit que son moi peut devenir lui

Clara raconte à son amie que si elle n'avait pu partir, se réaliser elle serait devenue folle, trop dépossédée d'elle-même. ( Voir l'émission)

Dans ce chapitre, l'homme qu'il contemple n'est autre que lui-même. Il veut écrire les histoires de son univers pour ainsi détenir la preuve qu'il est devenu lui-même.

C'est étrange ces deux lectures parallèles, la vôtre, la mienne, qui en ce moment d'écriture se répondent.

C'est long et parfois difficile de devenir. Bien que pas très croyante c'est dans le silence de certaines chapelles que j'ai laissé les choses mûrir, se déplier, prendre sens. Je ne parlais à personne, à aucun Dieu. Juste je recevais et je devenais....

Christiane a dit…

Malraux a dit au Québec : "La culture est l'héritage de la noblesse du monde. La seule force que nous ayons en face de l'élément de la nuit, c'est précisément tout ce qui, en nous, échappe à la mort. Et en définitive, la définition de l'œuvre d'art, c'est ce qui a échappé à la mort."

Anonyme a dit…

Les. De Sponde: sur le site le Livre scolaire, avec l’incipit « Mais si fait-il mourir » et le second sur le site » Bonjour poésie » en tapant «  Tout s’enfle contre moi,tout l’assaut, tout me tente » Autrement, l’anthologie d’ Arland.

Christiane a dit…

Comme c'est bien de relire cette chronique, grâce au lien sur la RdL.