lundi 4 juin 2018

Nouvellistes américains (5)


Tobias Wolff - Dans le jardin des martyrs nord-américains - Gallmeister







Tobias Wolff - ne pas confondre avec Tom Wolfe auteur du célèbre bûcher des vanités - est un écrivain et enseignant américain né en 1945. De sa production littéraire plusieurs fois récompensée émergent surtout des recueils de nouvelles dont l’inaugural Dans le jardin des martyrs nord-américains. Paru aux USA en 1981, traduit partiellement en 1987, selon une bonne vieille tradition française, le voici publié dans son intégralité en 2014 par les éditions Gallmeister.


Des chasseurs imbéciles, des cœurs purs victimes de leurs semblables, l’échec d’un couple, l’hypocrisie du mariage … à travers douze instantanés Wolff jette un œil à la fois acide et tolérant sur ses compatriotes. Les deux meilleurs récits « Chasseurs dans la neige » et « Wingfield » mettent en scène des personnages totalement dissemblables, campés aux extrémités du spectre moral. Le premier raconte une battue infructueuse qui se transforme en règlement de compte. Le second énumère les vexations subies par un soldat innocent, à l’image du fameux « Baleine » interprété par Vincent d’Onofrio dans le film de Kubrick Full metal Jacket.  Paradoxalement la brièveté de cette nouvelle fait sa force.


Dans la lignée de « Wingfield », l’universitaire consciencieuse du « […] jardin des martyrs nord-américains » tente en vain, entre collègues ambitieux et gestionnaires impécunieux, de faire entendre sa voix. « Fumeurs » met en scène un Wingfield collégien transformé en bouc émissaire par des adolescents indifférents et égoïstes. Ou encore, un employé d’un commerce de matériel de pêche, malmené par son patron, prend en auto stop une marginale et se prend à rêver de liberté (« Passagers »)
Dans une veine classique « Face à face » est l’histoire d’un flirt qui échoue et un constat sur la solitude. « Croisière inaugurale » que n’aurait pas désavoué Billy Wilder met à mal l’institution du mariage.


Les fictions courtes permettent aux grands nouvellistes de faire parler la technique. Chez Tobias Wolff l’intrigue se cristallise parfois autour d’un objet ou d’un animal anodin, telle la voiture de « Les biens de ce monde » ou le castor de « Braconnage », donnant l’impression d’un récit sans fil conducteur et partant en oblique. Subtil aussi, « Les gens d’à côté » démarre par le réveil en pleine nuit d’un couple dérangé par des voisins très particuliers, glisse sur le scénario d’un film et aboutit à un rêve d’écriture. Une vision de cinéaste en quelque sorte.


C’est Mary la jeune universitaire révoltée héroïne de « Dans le jardin des martyrs nord-américains » qui donne le La du recueil : « Oubliez la puissance et tournez vous vers l’amour. Soyez bons, soyez justes. Soyez humbles ». N’oublions pas qu’étymologiquement Tobias alias Tobie signifie « Dieu est bon ». Tobie est d’ailleurs connu dans les textes bibliques pour avoir guéri la cécité de son père. Une qualité essentielle pour un écrivain.

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