Tobias
Wolff - Dans le jardin des martyrs nord-américains - Gallmeister
Tobias Wolff - ne pas confondre avec Tom Wolfe auteur du célèbre bûcher
des vanités - est un écrivain et enseignant américain né en 1945. De sa
production littéraire plusieurs fois récompensée émergent surtout des recueils
de nouvelles dont l’inaugural Dans le jardin des martyrs
nord-américains. Paru aux USA en 1981, traduit partiellement en 1987, selon
une bonne vieille tradition française, le voici publié dans son intégralité en
2014 par les éditions Gallmeister.
Des chasseurs imbéciles, des cœurs purs victimes de leurs semblables, l’échec
d’un couple, l’hypocrisie du mariage … à travers douze instantanés Wolff jette
un œil à la fois acide et tolérant sur ses compatriotes. Les deux meilleurs
récits « Chasseurs dans la neige » et « Wingfield »
mettent en scène des personnages totalement dissemblables, campés aux
extrémités du spectre moral. Le premier raconte une battue infructueuse qui se
transforme en règlement de compte. Le second énumère les vexations subies par
un soldat innocent, à l’image du fameux « Baleine » interprété par
Vincent d’Onofrio dans le film de Kubrick Full metal Jacket. Paradoxalement la brièveté de cette nouvelle
fait sa force.
Dans la lignée de « Wingfield », l’universitaire consciencieuse
du « […] jardin des martyrs nord-américains » tente en vain,
entre collègues ambitieux et gestionnaires impécunieux, de faire entendre sa
voix. « Fumeurs » met en scène un Wingfield collégien transformé
en bouc émissaire par des adolescents indifférents et égoïstes. Ou encore, un
employé d’un commerce de matériel de pêche, malmené par son patron, prend en
auto stop une marginale et se prend à rêver de liberté (« Passagers »)
Dans une veine classique « Face à face » est l’histoire
d’un flirt qui échoue et un constat sur la solitude. « Croisière
inaugurale » que n’aurait pas désavoué Billy Wilder met à mal
l’institution du mariage.
Les fictions courtes permettent aux grands nouvellistes de faire parler
la technique. Chez Tobias Wolff l’intrigue se cristallise parfois autour
d’un objet ou d’un animal anodin, telle la voiture de « Les biens de ce
monde » ou le castor de « Braconnage », donnant
l’impression d’un récit sans fil conducteur et partant en oblique. Subtil
aussi, « Les gens d’à côté » démarre par le réveil en pleine
nuit d’un couple dérangé par des voisins très particuliers, glisse sur le
scénario d’un film et aboutit à un rêve d’écriture. Une vision de cinéaste en
quelque sorte.
C’est Mary la jeune universitaire révoltée héroïne de « Dans le
jardin des martyrs nord-américains » qui donne le La du recueil :
« Oubliez la puissance et tournez vous vers l’amour. Soyez bons, soyez
justes. Soyez humbles ». N’oublions pas qu’étymologiquement Tobias alias
Tobie signifie « Dieu est bon ». Tobie est d’ailleurs connu dans les
textes bibliques pour avoir guéri la cécité de son père. Une qualité
essentielle pour un écrivain.
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