Shirley Jackson - La loterie et
autres contes noirs - Rivages/Noir
Evoquant ses premiers romans fantastiques ou d’horreur,
situés dans un cadre urbain, qui tranchaient avec le style gothique de ses prédécesseurs,
Stephen King aime à dire qu’il évoluait dans un territoire vierge. Il rend néanmoins
hommage au grand Richard Matheson et au non moins célèbre Ray Bradbury. Mais
deux ans avant le « Journal d’un
monstre » un astre montant publiait en 1948 dans le quotidien Le New Yorker
« La loterie ». Le récit
évoquait une fête de village qui se muait en rituel macabre. La réaction des
lecteurs montra à quel point Shirley Jackson innovait : « j’aimerais
savoir dans quelle partie des Etats-Unis ce type de lynchage se pratique encore ?
» ou « c’est encore un coup d’Orson Welles ? ». Nul
besoin d’invoquer une créature surgie d’une autre dimension, le Mal prenait la
forme d’un voisin, d’un commerçant ou d’une collectivité. Les étrangetés du
quotidien allaient alimenter la publication de nouvelles et de romans dont The Haunting of Hill House adapté
à l’écran par Robert Wise sous le titre The Haunting (La Maison du Diable).
Plus d’une dizaine de récompenses jalonnèrent sa carrière ; le nom de
Shirley Jackson est associé depuis 2007 à un prix. L’écrivaine disparut prématurément
en 1965 à l’âge de 48 ans.
La loterie et autres
contes noirs n’est pas une reprise d’un précédent recueil presque homonyme publié
en 1980 aux éditions de La Librairie des Champs-Elysées. Il contient des inédits
parus dans un volume non traduit The Dark
Tales (merci aux Bifrostiens). En voici le détail :
La
Loterie (The Lottery ) - 1948
La Possibilité du mal (The Possibility of Evil) - 1965
Louisa, je t'en prie, reviens à la maison (Louisa, Please Come Home) - 1960
Paranoïa (Paranoia) - 2013
La Lune de miel de Mrs Smith (The Honeymoon of Mrs Smith) - 1997
L'Apprenti sorcier (The Sorcerer's Apprentice) - 2014
Le Bon Samaritain (Jack the Ripper) - 1997
Elle a seulement dit oui (All she said was yes) - 1962
Quelle idée (What a Thought) - 1997
Trésors de famille (Family Treasures) - 2015
La Bonne Épouse (The Good Wife) - 1997
À la maison (Home) - 1965
Les Vacanciers (Summer People) - 1950
La Possibilité du mal (The Possibility of Evil) - 1965
Louisa, je t'en prie, reviens à la maison (Louisa, Please Come Home) - 1960
Paranoïa (Paranoia) - 2013
La Lune de miel de Mrs Smith (The Honeymoon of Mrs Smith) - 1997
L'Apprenti sorcier (The Sorcerer's Apprentice) - 2014
Le Bon Samaritain (Jack the Ripper) - 1997
Elle a seulement dit oui (All she said was yes) - 1962
Quelle idée (What a Thought) - 1997
Trésors de famille (Family Treasures) - 2015
La Bonne Épouse (The Good Wife) - 1997
À la maison (Home) - 1965
Les Vacanciers (Summer People) - 1950
Postface :
Shirley Jackson, la métaphysique de
l'angoisse, par Miles Hyman
Jean-Pierre
Andrevon commentait ainsi les nouvelles constitutives de la compilation
précitée des eighties : « L'ennui,
c'est qu'à trop vouloir rester dans le sobre, dans l'inabouti, dans l'effleurement,
dans le récit sans chute ou à contre-chute, Jackson, à la longue, ne tient pas
la distance, et on pourrait lui reprocher de
tomber dans le piège de la description de
l'ennui qui ennuie, ou de l'insignifiance qui reste insignifiante ». On pourrait se demander si cet art de l’effleurement
ne révèle au contraire la modernité des textes de Shirley Jackson. Une des
meilleurs nouvelles « Louisa,
je t'en prie, reviens à la maison » préfigure la technique
d’un Priest. L’héroïne s’enfuit de la demeure familiale au terme d’un projet
longuement muri. Se jouant des avis de recherche, elle développe une stratégie
de dissimulation qui aboutit à une forme d’invisibilité sociale aux
conséquences inattendues. Le don de passer inaperçu autorise parfois toutes les
audaces comme dans « Trésors de
famille ». Anna Waite jeune fille orpheline d’extraction modeste découvre
le plaisir pervers de la manipulation. Dans la même thématique, d’autres préfèrent
affronter le regard des autres plutôt que de s’y dérober. Miss Srangeworth figure
emblématique d’une petite ville la corrompt par missives interposées (« La possibilité du mal »). « La lune de miel de Mrs Smith »
évoque Soupçons d’Alfred Hitchcock. Mais
le récit tombe à plat. La « paranoïa » par contre est bien
présente dans le récit éponyme qui voit le trajet de retour d’un employé se
transformer en chasse à l’homme. Rien que de très classique. Un cran au-dessus,
la fiction « Elle a seulement dit
oui » n’a pas vieilli d’une ride et exploite le thème du regard porté
par les adultes sur les adolescents. Vicky vient de perdre ses parents dans un accident
d’avion. En attendant l’arrivée de sa tante les voisins s’occupent d’elle. La
jeune fille pas aussi perturbée qu’on pourrait le craindre se contente de répéter
« je les avais prévenus » …
Le
fantastique est affaire de huis-clos. C’est l’occasion pour Shirley Jackson d’écorner
l’image du couple dans le rapide « Quelle
idée » et le grinçant « La
bonne épouse » qui voient des personnages tenter de se débarrasser de
leurs conjoints. Les enfants inquiétants constituent la trame de récits intéressants :
« l’Apprenti sorcier » ne
fait pas exception. « Le bon samaritain »
échoue à renouveler le mythe de Jack l’éventreur et le pourtant renommé et
titré « Les vacanciers » est sans surprise : des touristes décident exceptionnellement de prolonger
leur séjour. L’accueil des locaux change alors du tout au tout.
« La loterie », « Louisa, je t'en prie, reviens à la
maison », « Trésors de famille », « Elle a seulement dit oui », « l’Apprenti sorcier » m’ont semblé au-dessus du lot, les autres
récits ne déméritant pas. Le savoir-faire à l’œuvre dans cette littérature de genre
m’impressionne toujours, suffisamment en tout cas pour espérer une réédition du
recueil paru à La Librairie des Champs-Elysées.
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