Bret
Easton Ellis - American Psycho -
10/18
Patrick Batman est un jeune yuppie de Wall Street des années
80. Il travaille chez Pierce & Pierce une de ces banques spécialisées dans
la gestion d'actifs et de fonds d'investissement. Pour ce golden boy et ses
confrères il importe avant tout de se distinguer - au sens ou l’entend Bourdieu
- : vêtements griffés en toutes circonstances, tables dans les meilleurs
restaurants, et même sexe et drogue, mais de qualité s’il vous plait. Batman y
ajoute quelques spécialités nocturnes de son cru, le meurtre, la torture. Voué
au culte de sa personne, il cumule soins manucurés, passages dans les salles de
sports, achats de produits luxueux. Chacun de ses actes diurnes est comme
sponsorisé, depuis le choix de l’eau de toilette jusqu’à l’énumération infinie
et renouvelée de ses accessoires vestimentaires hors de prix. Batman est une
coquille vide qu’il s’efforce de combler par le sang et le cri de ses victimes.
American Psycho s’inscrit de plein pied dans la thématique de la sauvagerie dans la littérature américaine recensée dans ce blog. Bret Easton Ellis offrait en 1991 une inquiétante vision de l’Amérique consumériste ; son œuvre ne s’apparente ni à un roman d’apprentissage, ni à un thriller. Le pitch reprend le contexte du Bûcher des Vanités de Tom Wolfe, dont le héros Sherman McCoy travaille aussi chez Pierce & Pierce, et du loup de Wall Street plus connu par l’adaptation filmée qu’en fit Martin Scorsese. Le quotidien de Patrick Batman s’ordonne tel un rituel inscrit dans un présent perpétuel dont les horizons se limitent au restaurant du soir ou du lendemain. Nuls projets ou références au passé, L’idée d’une ascension sociale supplémentaire ne l’effleure pas non plus, si ce n’est une jalousie professionnelle à l’égard d’un collègue en charge d’un important portefeuille, suscitant une nouvelle pulsion meurtrière. Deux jeunes femmes Evelyne et Courtney esquissent avec lui une liaison sentimentale. En vain. Au moins ne mourront-elles pas de sa main.
J’avais évoqué autrefois l’évolution de la représentation du corps dans les sociétés occidentales qu’avait esquissée (à grands coups de brosse) Baudrillard dans La société de consommation. Celui-ci était considéré dans les sociétés moyenâgeuses comme le corrupteur de l’âme. La contrainte voire la torture étaient alors requises pour délivrer celle-ci. La société de consommation a inversé les rapports. Le culte du corps a désormais remplacé celui de l’âme. Le comportement du « héros » d’American Psycho reflète cette ambivalence. Séances inlassables de gymnastique, pédicure, manucure et en nocturne dépeçage des victimes, abolition de leurs corps.
A la longue tout dérape, avec un final en forme de point d’interrogation.
Quelle secousse ce livre !
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