mercredi 27 novembre 2024

Pour patrie l’espace

Francis Carsac - Pour patrie l’espace - L’Arbre vengeur

 

 

Soldat d’un Empire belliqueux en déroute, le lieutenant Tinkar est éjecté d’un vaisseau spatial saboté. Les Stelliens, un peuple vivant dans des cités nomades, le recueille juste à temps. D’essence pacifique, lointains descendants de pionniers incluant des religieux persécutés qui ont fui la Terre impériale, ils ignorent les conflits secouant leur antique patrie mais luttent eux-mêmes contre une espèce prédatrice les Mpfisfis. En butte à l’hostilité traditionnelle des habitants du Tilsin contre ceux qu’ils nomment les planétaires, le militaire essaye de se trouver un chemin d’existence, partagé entre ses anciennes fidélités et la perspective d’un nouveau destin.

 

Publié la même année que Ce monde est notre, Pour Patrie l’espace est contemporain des Villes nomades de James Blish dont il partage le world building. Space opera classique, bourré d’adrénaline, il raconte, en dehors des péripéties propres au genre, l’odyssée d’un individu en crise existentielle et morale qui ne cesse de réajuster ses convictions au long de son parcours. Un homme qui doute, qui se transforme, il faudra attendre le Silverberg des années 70 pour voir se généraliser ce thème. Cerise sur le gâteau, à l’inverse de ses homologues américains, Carsac crée des personnages féminins autonomes, éloignés du stéréotype de supplétives masculines en vigueur alors.

  

Le final (pages 267-281) - à lire et relire et qu’il faudrait citer tout entier - est parsemé de réflexions magnifiques comme celle-ci « Le plus important est la conquête de l’intelligence par elle-même » ; il parachève le récit d’une envolée métaphysique voire mystique rappelant l’aphorisme de Nietzche « Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi ». Une profession de foi en quelque sorte du professeur François Bordes. Etonnante lecture d’un roman remarquable dont la première phrase flirte subtilement avec « Le Bateau ivre » de Rimbaud et qui nous gratifie en bout de course d’une nébuleuse planétaire, écho lointain de « L’étoile » d’Arthur C. Clarke.


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