vendredi 7 juin 2024

I.G.H.

J. G. Ballard - I.G.H. - Folio

 

 



I.G.H. pour Immeubles de Grande Hauteur clôt la « trilogie de béton » de J.G. Ballard, en l’élevant à un sommet paroxystique. Le chemin parcouru, des névroses obsessionnelles sexuelles de Crash aux pertes de repères identitaires de L’île de béton, s’achève avec I.G.H en explosion de violence urbaine. Il est vrai que les tours et autres gratte-ciels ont vocation dans la littérature de science-fiction à se transformer en champs d’explorations dystopiques. Citons « La Tour des Damnés », nouvelle de Brian Aldiss relative à une expérience de surpeuplement, ou Les Monades Urbaines roman de Robert Silverberg sur les ruches de 1000 étages du Futur.

 

Se détendant dans son appartement du vingt-cinquième étage, le Docteur Laing voit s’écraser une bouteille de mousseux sur sa terrasse.  Il habite une des cinq tours résidentielles d’une banlieue londonienne, pourvue de tout le confort moderne et de services collectifs : une ville à l’intérieur d’une ville. Et pourtant un simple incident occasionné par quelques fêtards va dégénérer progressivement en sauvagerie que l’auteur explique sans expliquer par l’atteinte de la masse critique : le bâtiment est complet et la fission, pour poursuivre l’analogie, peut se déclencher. Pannes d’électricités, arrêt des ascenseurs, premières échauffourées, édification de barricades, raids dans les étages supérieurs, se succèdent, des clans tribaux se forment. Aucun des occupants ne quitte l’immeuble malgré la dégradation des lieux. Abandonnant le monde extérieur ils entament l’exploration mentale de leurs perversités.


Image extraite du film High-Rise tiré du livre de Ballard

Dans Malaise dans la civilisation, Freud évoque les pulsions d’agressivité de l’être humain que doit contrarier un Surmoi, une conscience morale. En restreignant ces pulsions, en légiférant, les sociétés, les civilisations exercent une contrainte collective semblable, visant à éloigner les hommes de l’état d’animalité, de la barbarie. Les siècles passés ont montré ce que valent les prétentions civilisatrices de certaines nations, le XXème a posé l’équivalence civilisation et barbarie, exactement ce que Ballard met en scène dans I.G.H. Qu’ont à opposer le docteur Laing, l’architecte Royal, le producteur de télévision Wilder à leurs instincts destructeurs ? Un sursaut moral, une anxiété, un remords, une éducation ? Non. Un habitus, une vie matérielle confortable, tout ce que symbolise la tour sans nom dont les organes, ascenseur, vide-ordure, centre de loisir, supermarché, doivent être détruits. Le texte de la quatrième de couverture, qui date, évoque un retour à la Préhistoire. Rien de plus faux dans cette assertion ; les sciences de la Préhistoire mettent au jour des arts rupestres, des rites funéraires, les reliefs d’une existence infiniment rude mais pas aussi agressive que celle de nos contemporains. L’autre cliché consisterait à assimiler ces violences à une lutte des classes. Certes l’occupation de la tour reflète les hiérarchies sociales, l’élévation sociale allant de pair avec l’appropriation des étages supérieurs. Mais I.G.H raconte une déferlante destructrice intra-communautaire de nantis, ou de professions libérales, médecins, producteurs, architectes. Ballard poursuivra ultérieurement cette thématique avec Super Cannes et Sauvagerie dont le premier titre français, Le massacre de Pangbourne contient le nom d’un personnage de I.G.H.

 

I.G.H. explore plusieurs registres, les violences cachées de la modernité, la folie. On se souvient de « La Loterie » de Shirley Jackson qui dévoilait la pérennité des comportement déviants des hommes dans le monde civilisé. Le texte de J.G. Ballard aussi hallucinant soit-il ne dépare toujours pas l’actualité des ghettoïsations urbaines. C’est pourquoi il restera.


Extrait d'Astérix gladiateur Goscinny&Uderzo



128 commentaires:

Christiane a dit…

Excellent, la page d'Asterix en fin de billet !
Troublante la couverture de la trilogie revenant comme un duplicata du précédent billet. Je crois que c'est la première fois qu'une telle espièglerie déroute le lecteur.
Ce volume paraît plus accessible que je précédent.
"l’actualité des ghettoïsations urbaines." C’est bien vu !

Carmen a dit…

Jamais lu l’auteur,mais ça donne envie de pousser la porte de cet immeuble😁.

Anonyme a dit…

Merci de rectifier; non pas de grand standing, mais de haute altitude ! Encore que l’un ne soit pas si éloigné de l’autre! MC

Christiane a dit…

C'est très étrange cette fiction tellement réaliste dans ces premiers chapitres.
Je ne peux m'empêcher de penser à Le Corbusier et à ses utopies de cités... radieuses qui auraient dû selon ses projets permettre à des habitants de partager harmonieusement l'espace d'un immeuble hors normes.
N'empêche que la confrontation inquiétante avec ces façades sans fin (là je pense aussi à New-York la verticale) sont propices à ne pas se risquer à franchir le seuil.
Il y a dans ces lieux comme une nasse. Les habitants entassés dans une bulle de promiscuité vont surréagir à tout intrusion à leur espace de repli
Très finement, JG Ballard, cerne ses personnages en entomologiste penché sur une fourmilière.
Pour l'instant dans I.G.H. pas de fiction comme on l'entend dans les ouvrages de science-fiction, juste "un simple incident occasionné par quelques fêtards (qui) va dégénérer progressivement en sauvagerie que l’auteur explique sans expliquer" et vous annoncez que "le bâtiment est complet et (que) la fission, pour poursuivre l’analogie, peut se déclencher. "
Comme tout cela est plausible... L'escalade de la violence, des menaces, des brutalités , de l'oubli "d'une conscience morale"
Vous écrivez : "En restreignant ces pulsions, en légiférant, les sociétés, les civilisations exercent une contrainte collective semblable, visant à éloigner les hommes de l’état d’animalité, de la barbarie. Les siècles passés ont montré ce que valent les prétentions civilisatrices de certaines nations, le XXème a posé l’équivalence civilisation et barbarie"
Oui. Absolument.
Je continue ma lecture.

Christiane a dit…

à toute intrusion dans

Christiane a dit…

Pour rappel : En 1952, Le Corbusier construit la Cité radieuse, un immeuble fou, une barre de 337 appartements sur pilotis, dans un quartier désert de Marseille que les habitants ont baptisee la Cité du fada. Une esthétique en béton brut, monumentale et dépouillée. Avec ce "village vertical"... il veut inventer une nouvelle manière d'habiter, de vivre ensemble...
Une utopie urbaine encore clivante. D'autres projets suivront, un « urbanisme-bulldozer » qui fait table rase des centres-villes anciens.
Alors que cet immeuble de Marseille est en construction, Le Corbusier se lance dans un projet personnel : une petite cabane conçue comme une retraite d'été, pour lui et sa femme Yvonne, surplombant la mer Méditerranée à Cap-Martin dans le sud de la France, près de Roquebrune...

Anonyme a dit…

Il y a-t-il une « gloire » de l’architecture « moderne », à l’origine d’ IGH? Je ne parviens pas à ´en souvenir…, MC

Christiane a dit…

Non, je ne trouve pas que cet immeuble représente la gloire de l'architecture. C'est surtout, me semble-t-il, l'occasion pour JG.Ballard de faire un portrait de groupe assez sombre. Les habitants de cette énorme, gigantesque tour de béton qui entrent en guerre les uns contre les autres dans des actions déplorables, hargneuses, méprisantes avec ( Soleil vert le note bien) une lutte des classes. Les étages supérieurs habités par les grosses fortunes ou les stars cherchent à faire barrage aux habitants des étages inférieurs souhaitant garder et abuser de leurs privilèges. Les populations de l'entre-deux, (bonnes situations) ne comprennent pas trop ce qui se détraque avant de découvrir que des actions criminelles sont à l'origine de ces pannes. En bas.... Au moins ils peuvent sortir. Des tas d'ordures s'accumulent sous leurs fenêtres.
Enfin je n'ai pas terminé la nouvelle.
La bande dessinée choisie par Soleil vert donne un caractère burlesque à ce pugilat. C'est un divertissement, effectivement, pas si drôle tant il montre bien l'agressivité croissante de nos sociétés surtout dans ces barres d'immeubles où certains habitants sont pris en otages par des bandes de trafiquants. Les pannes, les dégradations, la violence sont le cadre de vie, hélas, de bien des habitants des cités périphériques.

Christiane a dit…

Ainsi ce passage :
"Des cris s'élevèrent du côté du hall situé derrière la piscine*. Royal pressa son chien (...) Il put voir à travers les portes vitrées qu'une vive explication opposait une vingtaine d'hommes et de femmes devant l'entrée de l'école primaire*(...).
Les uns, venus des étages inférieurs, portaient des chaises, des pupitres, un tableau noir et un chevalet ; les autres s'efforçaient de leur barrer l'accès aux salles de classe. Des bousculades ne tardèrent pas à se produire. Le parti des parents, stimulé par un monteur de films qui balançait un pupitre au-dessus de sa tête (...) mais les habitants des onzième et douzième niveaux, ne cédaient pas un pouce de terrain."

*Piscine et école dans l'immeuble !

Christiane a dit…

Quant à l'architecture, cet autre passage :
"la tour voisine, planète hermétique, tout en lignes droites dont il pouvait à présent distinguer avec netteté la face de verre. Cet immeuble était un double du sien, jusqu'au dernier lave-vaisselle et au choix du tissu des rideaux. Mais il paraissait lointain, menaçant. En parcourant les alignements interminables de balcons, Laing éprouvait la sensation gênante d'être le visiteur d'un zoo maléfique : cet entassement vertical de cages abritait des créatures féroces, d'une cruauté aveugle. Quelques habitants appuyés contre leurs balustrades suivaient Laing d'un regard neutre. Il eut soudain la vision de deux mille personnes se ruant sur leurs balcons et le bombardant avec tout ce qui leur tombait sous la main, l'ensevelissant sous une pyramide de bouteilles de vin et de cendriers, d'atomiseurs de déodorant corporel et de préservatifs."

Christiane a dit…

Trop glauque.... J'abandonne et laisse cet immeuble dans sa puanteur entre les barricades d'ordures, les canalisations bouchées... L'eau devenue inexistante, les habitants des fous furieux, les cadavres...
Bref je préfère la bande dessinée de Goscinny&Uderzo !

L'idée est originale mais l'ambiance devient de plus en plus lourde voire gore....
Alors, j'ouvre un autre livre aimé et je lis :
"L'horrible, l'épouvantable sont beaux aussi, tout ce qui nous bouleverse est beau, tout ce qui possède une réalité, une vérité intérieure, tout ce qui tend l'arc de vie. (...)
Le monde s'était enrichi des espaces infinis de l'horreur, des régions nébuleuses du rêve. (...) Vertige de la conscience..."
Max Frisch - "J'adore ce qui me brûle " - p. 59

Anonyme a dit…

Je demandais simplement si la tour était signée. Je ne m’en rappelle pas.

Christiane a dit…

Non pas signée !

Christiane a dit…

Qui parle, ailleurs de Peter Handke ? "La leçon de la Sainte-Victoire" .... Traduit par Georges -Arthur Goldschmidt.
Dans les premières pages, il parle brièvement des maisons de bois, cachées dans les forêts de pins de Cape-Cod/Massachusetts du peintre américain Edward Hopper... J'ai pensé à JJJ.

Mais quelques pages plus loin ce passage me fait me situer face au livre que je viens dé lire de JG. Ballard :
"On pense donc depuis toujours que les mauvaises conditions et les évènements néfastes sont le réel ; que les arts ne seraient fidèles à la réalité que si leur ressort premier est le mal ou le désespoir plus ou moins comique qui en résulte. Mais pourquoi donc ne puis-je plus ni entendre, ni voir, ni lire cela ? Pourquoi donc (...) ?
Cézanne, comme on sait, n'a peint d'abord que des sujets effrayants comme la tentation de saint Antoine. Avec le temps, son seul problème, cependant, ce fut la "réalisation" de l'innocence et de la pureté terrestres : la pomme, le rocher, un visage humain. La réalité, c'est donc l'accès à la forme et celle-ci n'est pas regret de ce qui est anéanti par les alternances de l'histoire, mais elle transmet, dans la paix, ce qui est.(...)
La route qui descendait légèrement passait tout près. Là le monde s'ouvrit. (...)
Il existe un tableau de Cézanne sur l'on a appelé "Le Grand Pin". On y voit un grand pin déployé au bord de l'Arc, au sud-est d'Aix : l'arbre aussi de son enfance. Après le bain, il restait là, assis à l'ombre avec des amis. Plus tard, à peine âgé de vingt-deux ans, il demanda, dans une lettre à Émile Zola qui fut l'un d'eux : "Te rappelles-tu le pin sur la rive de l'Arc ?" Il fit même un poème sur cet arbre où le mistral siffle à travers les branchages nus ; le tableau fait lui aussi penser au vent, surtout la courbure de cet arbre solitaire, qui, plus que tout autre chose, aurait pu s'appeler "dehors à l'air libre". Le sol où il se dresse, il en fait un plateau, et ses branches tordues dans toutes les directions du ciel et la parure d'aiguilles avec toutes les nuances de vert font vibrer le vide tout autour."

Voilà, ça c'est bien.

Christiane a dit…

Quant à notre actualité, à la veille des européennes... Ces notes que Peter Handke prend en 1975/77 me font sourire ! ("Le poids du monde", Un journal....)

"Les hommes politiques que jai vus jusqu'ici en chair et en os m'ont paru dépourvus de chair et de sang ; des poupées qui pepient et braillent, avec la voix de poitrine d'une conviction simulée ; prisonniers débiles d'une communication incessante, gesticulante, où les lèvres remuent,la bouche et les yeux rabougris à jamais, en parallélogrammes tordus à force de feindre la prévenance ; sur fond de gardes du corps dont l'indifférence vigilante et atone fait plutôt penser à des gardiens d'asile pendant que ceux qu'ils surveillent ne cessent d'affirmer avec insolence leur franc bon vouloir, infiniment loin qu'ils sont aussi bien du suicide que de la vie."
Pendant ce temps, le vent chaud roule sur les pins et les rochers et même sur les toits en zinc de la ville.
Demain est un autre jour, comme dirait Scarlett...

Anonyme a dit…

« On pense depuis toujours « Un siècle, tout au plus…

Christiane a dit…

Oh... Regardez vite un tableau de Bruegel ! Relisez les contes de Voltaire, les poèmes de Baudelaire. Et Pascal et Montaigne... Et Victor Hugo ! La littérature ne s'oppose pas au réel, elle le continue . L'affrontement des forces du mal et du bien pas seulement dans La Flûte enchantée hantée de Mozart...

Christiane a dit…

Mais je comprends ce que vous voulez dire : Le Réel et le Mal comme interrogations de la philosophie contemporaine : Musil, Wittgenstein, BatailleBouveresse et tant d'autres de romanciers, Bernanos, Harnel, Duras, Handke, Céline, Sade... Vous êtes bondissant comme un lièvre. Comme une tortue débonnaire je vous regarde en souriant.

Christiane a dit…

"Les livres que l’on lit dans l’enfance, et peut-être surtout les bons et les mauvais livres, créent dans notre esprit une sorte de fausse carte du monde, une série de pays fabuleux dans lesquels on peut se retirer à des moments étranges tout au long du reste de la vie, et qui, dans certains cas, peuvent survivre à une visite dans les pays réels qu’ils sont censés représenter."

George Orwell mais aurait pu être pensé par JG. Ballard dont l'adolescence fut commeun livre hanté par le Mal(heur) et qu'il raconte si bien dans "L'Empire du Soleil".

Anonyme a dit…

En effet. Cela dit Bosch est tout de même le peintre de Philippe II, et Bruegel celui des Habsbourg. Il y a non pas de la « pure laideur » façon préface de Cromwell, mais une laideur ou une beauté liée au Mal là dedans.Ou à l’Evangile, et la perception de la Réforme, c’est selon! MC

Anonyme a dit…

Je ne sais pas, mais je me demande si Ballard n’est pas l’ inverse d’ Orwell. Les pays cartographies des beaux livres sont peu présents chez lui. Et les Sables Vermeils sont étiquetés comme une » banlieue de son esprit. SV retrouvera la citation exacte . Au contraire , il existe chez lui une déformation du reve , ou du réel, en quasi cauchemar….on retrouve ça nolens volens dans l’ Archipel de Priest. Maintenant , toutes les nouvelles de Ballard ne sont pas des cauchemars, mais elles en approchent souvent. Je ne vois que les Fleurs du Temps, les Sables, et quelques autres qui y echappent mais de peu ( dénouement des Fleurs du Temps, Horloge qui se remet à sonner, etc….)

Anonyme a dit…

Max Frisch est vraiment à lire.

Christiane a dit…

Oui, Max Frisch est vraiment à lire. Mais les dernières pages de son journal sont d'une grande noirceur malgré l'humour et l'imaginaire toujours présents . Enfin est-ce un journal ? Plutôt des textes courts structurés. Une réflexion, un travail d'écrivain. Une méditation.
Ainsi écrit-il : "Je ne suis pas malade ou bien ne le sais pas. Que s'est-il donc passé avec les mots ? Je secoue les phrases comme on secoue une montre en panne, je les démonte ; là-dessus passe le temps qu'elle n'indique pas. (...) Chaque phrase que j'ai écrite m'ennuie, rien ne sert non plus que j'échange des mots dans ma tour, et c'est ce que je fais à longueur de journée ; j'échange des mots contre des mots."
Je me retrouve beaucoup dans son rapport au religieux : "Si je ne suis pas religieux, je le dois au christianisme tel qu'il nous a été enseigné : l'idée du péché originel, la proscription de la chair,, que le Créateur nous a quand même donnée, et le Créateur en juge, l'enfer comme menace, le paradis comme bon de compensation pour les pauvres et les opprimés. Ce qui m'a marqué de son empreinte, sans me rendre croyant : le Sermon sur la Montagne."

Ce que vous dites de Ballard est très intéressant. J'attends toujours "les Sables Vermeils" ! mes souvenirs étant flous, relire ces nouvelles me permettra de vous répondre.

J'avais d'abord écrit Bosch... Un long commentaire que j'ai effacé par mégarde. Pour quelles raisons Bruegel a-t-il pris la place ? Mystère... Une laideur ou une beauté liée au mal, oui, absolument.

Anonyme a dit…

Au Mal…

Anonyme a dit…

Il y a dans Bruegel un tableau angoissant representant une ville peuplée d’enfants, lesquels s’érigent en Juges et Images du Christ, selon je ne sais plus quel Évangile. Il faut savoir que cette double fonction dure pendant les Guerres de Religion. L’ Amiral de Coligny et son cadavre en ont su quelque chose. Là dessus, D Crouzet…

Christiane a dit…

Ah je ne connais pas ce tableau .

Christiane a dit…

A Vienne, une salle entière des panneaux sur boisde Bruegel. La tour de Babel , si important, le repas de noces, la chasse l'hiver, ... C'était au Kunsthistoricschs museum, une merveille. Je ne suis jamais aussi heureuse que face à un tableau aimé. Quel art du paysage !
Bosch, c'est très mystérieux, tous ces êtres hybrides, ces scènes fantastiques un peu effrayantes, mais que de finesse et de beauté.

Soleil vert a dit…

Vermillion Sands, le titre anglais a toujours été conservé comme tel à la traduction (dans l'Hexagone)

Christiane a dit…

Oui, vous avez raison, Soleil vert. Je crois que c'est MC qui nomme ce recueil de nouvelles de JG. Ballard, "sables vermeils" donc je rectifie, un ami m'envoie "Vermillion sands" que j'attends avec impatience. En cette béance j'ai lu "L'île de béton" puisque la trilogie de JG. Ballard offre les trois récits liés. C'est un récit assez oppressant où Robert Maitland vit un véritable cauchemar. Nouvelle très réaliste jusqu'à cette étrange mutation du réel en fin de nouvelle.
Ma témérité ira-t-elle jusqu'à lire Crash !... ? Pourvu que "Vermillion sands* arrive avant cette tentation !

Anonyme a dit…

La traduction anglaise est un pis aller et un acte de fainéantise contre notre langue. La belge a plus de gueule en francisant tout.

Anonyme a dit…

Encore faudrait-il mettre « traduction anglaise «  entre guillemets, puisque rien’´y est traduit du titre!

Anonyme a dit…

Si vous êtes allée à Vienne, vous devez connaître ce tableau. Sinon, Babel ou l’ Adoration des Mages peuvent en tenir lieu, avec leur côté Gog et Magog. Surtout le premier, d’ailleurs. Que le second soit un cortège n’est pas non plus indifférent. MC

Christiane a dit…

Des chasseurs dans la neige, La chute d'Icare (que j'ai longtemps cherché dans le tableau !), Un repas de noces, La tour de Babel, Des jeux d'enfants (ils sont inexpressifs, des visages d'adultes), la parabole des aveugles, un paysage d'hiver avec des chasseurs... Une danse de paysans... une affreuse tête de paysanne...
J'ai le souvenir d'un fourmillement de détails de près et d'une grande paix équilibrée de loin. J'aimais la palette de blancs, bruns, rouges sourds. C'est un peintre qui me met mal à l'aise. Son regard sur les gens est souvent cruel si on s'attarde sur les visages mais c'est un grand coloriste et un maître de la composition (La parabole des aveugles est une composition extraordinaire. Une courbe liant les personnages jusqu'à la chute).
Vie paysanne et thèmes bibliques.
C'est surtout les paysages qui me ravissaient plus que les personnages. Le cycle des saisons. La neige est merveilleusement ressentie. Je me souviens de patineurs, de chasseurs et d'oiseaux.
Il est possible que de votre tableau je n'ai retenu que les couleurs ou l'équilibre de la composition... Désolée ! Pas de partage possible !

Anonyme a dit…

Oui, ils ont des visages d’adultes. Étant à la fois le petit enfant et le Christ qui juge. Oui, le tableau est paisible de loin. Mais remis dans le contexte… Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Pour revenir sur le Corbusier, la cité radieuse à Marseille est une unité d’habitation,on est loin de la barre HLM.
D’ailleurs elle est ouverte aux visites une fois par an.

Anonyme a dit…

J’ajoute que le contraste fourmillement paix est étroitement lié à la maîtrise du peintre. C’est pourquoi la prolifération des détails n’empêche pas la contemplation, et c’est aussi pourquoi il. y a le grand Bruegel et les autres, y compris ceux peints dans une Galerie parisienne dont je tairai le nom! MC

Christiane a dit…

Oui, tout-à-fait, la maîtrise exceptionnelle des tons et des glacis. C'est un ravissement pour l'œil. Parfois, il me semble que ces grands maîtres de la peinture néerlandaise saisissaient un thème pour se donner le plaisir de peindre, d'ajuster des tons. Ils peignaient en prenant le temps de savourer.
Le déchaînement brutal et rapide des peintres contemporains passe à côté de cette jouissance.
Souvent je regarde les oeuvres des grands maîtres du passé, hors contexte des thèmes choisis, préoccupée par l'aventure des couleurs, des pigments, des superpositions. Autre passion, la construction avec cet inouï de la perspective
Par exemple, Bram van Velde dont nous avons parlé , je l'ai aimé parfois pour une zone particulière d'une toile où il obtint par entêtement un rapport de couleurs tout à fait impressionnant. La couleur et le temps dans la réalisation d'une toile et cette interrogation : quand est-elle terminée ? Qu'est-ce qui se passe alors dans l'oeil du peintre ? La création comme une osmose entre un oeil, une main, un pinceau et des couleurs.

Christiane a dit…

Pour Le Corbusier, cette cité radieuse était pensée pour que des gens soient heureux. En Inde c'est autre chose... mais il faut replacer l'urbanisme des années 70 dans cette urgence de loger des familles sans toit.
J'ai vu celui de Genève, avec ces grandes baies vitrées, ces pièces modulables, ces volets glissant selon l'ensoleillement. Les cages d'escalier étaient moches. Et il n'y avait pas d'ascenseur ! Enfin, l'essentiel était cette vieille dame que nous allions voir qui avait tant à raconter sur son oncle... Je trouvais son appartement trop haut de plafond, trop vaste pour une petite dame dont les gestes devenaient rares avec l'âge...
N'empêche que la lecture de ces nouvelles de JG. Ballard hérisse ma mémoire des concessions que j'ai dû faire souvent quand j'habitais dans des immeubles où l'incivilité et l'égoïsme de certains habitants rendaient la vie collective insupportable bien que jamais je n'ai eu à vivre ce raz-de-marée de fureur aveugle (L'île béton).
J'ai pris en grippe tout ce qui par sa démesure rendait l'habitat collectif peu compatible avec mon besoin de silence et de distance.
Là, dans mon pigeonnier au quatrième étage d'un immeuble tranquille, ma vue se porte sur les toits en zinc, les oiseaux, les nuages, le soleil et la pluie mes livres ont besoin de cette paix.

Anonyme a dit…

Le Bruegel est titré Jeux d’ Enfants. C’est une ville livrée aux enfants. La satire provient de ce qu’elle met en pièces la conception religieuse de l’Enfant Juge, mais pour la mettre en pieces, il faut la connaître, Je vous avoue que les cages à lapins de Corbu ne m’inspirent qu’un amour très modéré. Il est facile de détruire, moins facile de se mettre dans une continuité..

Christiane a dit…

Donc je l'ai vu ! Mais n'ai jamais songé à une ville livrée aux enfants, plutôt une présentation exhaustive des jeux des enfants. Néanmoins je m'étais étonnée de trouver ces visages si peu enfantins.
D'autres dérives de ce genre dans certaines Vierges à l'enfant où l'enfant a un visage d'adulte et des membres qui ne sont pas ceux d'un bébé .
Donc vous pensez que c'est un glissement : le Christ , les deux visages de sa destinée.
Cela me rappelle une question de mon petit-fils, cinq ans, songeur devant une crèche.
- Dis mamie qu'est-ce qu'il est devenu ?
Je lui montrai alors un christ en croix, proche. (Nous étions dans une église à l'époque de Noël. Il avait voulu voir une crèche.)
Il dit alors : - Bin, ça ne valait pas la peine de naître...
Il ne pensait pas alors qu'un jour nous aussi irions vers la mort...

Anonyme a dit…

Ce peut-être un commentaire conscient s’opposant à la doctrine de l’Enfant-Juge, oui. Peut-être parce que la domination des Habsbourg a évité les cinq guerres civiles que nous eûmes ? Hypothèse personnelle que je ne chercherai pas à valider.

Anonyme a dit…

Pour; d’excellents liens avec les fondés de pouvoir espagnols, une habitation située en pleine catholicité. Il n’est pas prouvé que ce farceur soit acquis aux idées de la Réforme.Mais le contraire non plus, je pencherais au sujet des Enfants pour une influence de type Erasmien, mais elle n’est pas aisee à prouver!

Anonyme a dit…

Erasme avant Erasme, cela donne Juste-Lipse, humaniste alors très lu dans les pays Nederlandophones, mais aussi en Français. Une édition de la Politique à Berne en français en 1606. Rappelons que Juste-Lipse parlait latin,…

Christiane a dit…

Vous donnez une profondeur politique et philosophique à ce tableau inouïe. Le regard de Bruegel est ironique. Presque tous semblables en apparence, ces enfants. Un seul adulte, une femme qui arrose deux enfants en train de se battre.
Donc les adultes, les vieux sont là déguisés en enfants. Des coquilles vides....

Anonyme a dit…

On ne peut même pas être sur de l’humour, compte tenu de l’aspect Fete des fous qui règne ici. Si votre femme, que je ne vois pas, bat le marmot, alors l’humour est possible. Mais il faut bien avouer que ces jeux sont pour l’essentiel violents et s’inscrivent dans la perspective d’un renversement de situation.. Que dire de l’espèce de saut (ordalique?)au milieu d’un groupe à gauche ? Du personnage dévêtu sur la droite ? Et au centre d’une sorte de moine pris à partie? Que dire aussi au premier plan des personnages amenés et tenus sur une sorte de poutre? Instrument de Sulpice s’il en est. Et des scènes très violentes du deuxième plan? Personnage renversé tête en bas ( pourquoi?) sur une poutre , jeux de bâton, poursuite et luttes diverses symétriquement à droite au fond .Et comment interpréter les personnages de gauche? Ceux qui se désarticulent sur le champ, vert, mais aussi ceux qui paraissent , dans le fond, écouter une voix plus âgée. Il faut bien avouer qu’il y a là tout un livre de violence que nous ne savons peut-être plus lire….
MC

Anonyme a dit…

Instrument de supplice

Christiane a dit…

On dit qu'il y aurait quatre-vingt-dix jeux différents ! J'en ai repéré quelques uns comme le cochon pendu, les osselets, la toupie, les échasses, le poirier, la balançoire, ou saute-mouton, ou encore colla maillard… mais ils jouent aussi avec des bouts de bois, à cheval sur un bâton, des pierres , des tonneaux, une poupée. Ils imitent une noce....
Seulement il va falloir que je regarde de plus près sur l'écran de l'ordinateur, demain pour repérer ce que vous dites.
C'est passionnant.

Christiane a dit…

Toutefois je me demande si nous regardons le même tableau. Il y en a un autre représentant des scènes de combat de carnaval. Une.fête entre Carnaval et et Carême. C'était un rite au XVIe siècle, une transition entre le Mardi Gras et le Mercredi des cendres, mais aussi peut-être entre deux religions, deux langues.... Mais là il n'y a pas beaucoup d'enfants, plutôt des adultes...

Christiane a dit…

Mais là je suis préoccupée par les évènements politiques, la dissolution de l'Assemblée nationale, les élections qui approchent.

Anonyme a dit…

Regardez le tableau de Brueghel ”Le Triomphe de la mort”,dans un coin du tableau il y a des gens qui continuent à s’aimer.
Bonne journée

Christiane a dit…

Vous évoquiez Erasme. Dans "L’Eloge de la Folie", il y a une inversion satirique. N'est-ce pas en réalité le triomphe de la vie humaine que le philosophe écrit sous les mots ?
"Le Triomphe de la Mort" de Bruegel n'est-ce pas aussi triomphe de la vie ?
Peindre la mort ineluctable et chanter la vie, l'accompagner de quelques notes d'un luth comme ces jeunes gens ?
Je pense au "Jardin des délices" de Jérôme Bosch. Là aussi la mort dans son affreuse réalité est liée au plus beau spectacle de la vie.
Comme si, sans la mort, la vie serait d'un ennui... mortel ....

Anonyme a dit…

J’évoque Erasme parce qu’il a proposé , étant fils de Curé, une sorte de réforme de l’Eglise de son temps. Je n’évoque pas l’auteur de l’ Éloge de la Folie.Mais entre Bruegel et Erasme, les dates coïncident mal. Ce pourquoi j’ai songé à Juste-Lipse. Sans garantie d’ ailleurs!

Anonyme a dit…

L’anonyme de 9h 14 n’est pas moi.

Christiane a dit…

Ah... Mais son regard est perçant !

Christiane a dit…

Judte-Lipse... Je ne connais pas. Chic ! Je chercherai demain.

Anonyme a dit…

Juste-Lipse est un auteur latin dont il parait une traduction de sa Politique en Français à Berne autour de 1606…

Christiane a dit…

Oui, j'ai vu cela....

Christiane a dit…

Mais " Vermilion Sands" vient d'arriver dans ma boîte aux lettres. Je pars à sa rencontre. Vive la lecture.
Rosanette est très bien sur la RdL et Bloom émouvant. Quelle lucidité !

Christiane a dit…

Le titre est double : " Vermilion Sands ou Le Paysage intérieur."

Christiane a dit…

Mon Presses Pocket, collection Science-fiction dirigée par Jacques Goimard, a été imprimé en 1988.
Les 8 nouvelles sont traduites par des auteurs différents.
Je commence par "Atelier 5, Les Étoiles", celle dont je me souvenais .une cinquantaine de pages.

Christiane a dit…

Un monde trop maniéré, trop vain dans cette nouvelle. Les personnages ne m'intéressent pas vraiment.
Le tableau de Dali, "Persistance de la mémoire ", dont je guettais l'univers onirique n'est présent que fugitivement.
Je retiens néanmoins ces raies invraisemblables qui volent, affolées et tombent sur le sable rouge. L'atmosphère languissante et décadente de la vie dans cette station balnéaire où la mer s'est ensablée est inquiétante, poisseuse et en même temps stérile. Comme des personnages qui s'ennuient.
J'ai pensé au "roi sans divertissement" de Giono qui crée de la mort, indifférent, fixant, fasciné, trois gouttes de sang dans la neige.

Christiane a dit…

Retour à Giono ( "Un roi sans divertissement")

"Chaque soir, désormais, les murailles du ciel seront peintes avec ces enduits qui facilitent l'acceptation de la cruauté et délivrent les sacrificateurs de tout remords. L'Ouest, badigeonné de pourpre, saigne sur des rochers qui sont incontestablement bien plus beaux sanglants que ce qu'ils étaient d'ordinaire rose satiné ou du plus bel azur commun dont les peignaient les soirs d'été, à l'heure où Venus était douce comme un grain d'orge. Un blême vert, un violet, des taches de soufre et parfois même une poignée de plâtre là où la lumière est la plus intense, cependant que sur les trois autres murailles s'entassent les blocs compacts d'une nuit, non plus lisse et luisante, mais louche et agglomérée en d'inquiétantes constructions : tels sont les sujets de méditation proposés par les fresques du monastère des montagnes. Les arbres font bruire inlassablement dans l'ombre de petites crécelles de bois sec."

On dirait que les deux écrivains ont rêvé un même univers.

JG.Ballard, lui, a écrit Vermilion Sands,, "cette bizarre station balnéaire ancrée dans les sables, avec sa léthargie, son mal des plages" pour lui, le paysage est embrasé, "déformé par quelque distorsion de l'espace et du temps". Là, règne Aurora Day, une Médée blême qui ressemble à une madone de Dali... Les femmes sont dangereuses dans ces nouvelles, vénéneuses comme des colchiques....

Anonyme a dit…

Elle est aussi là Muse de la poésie débarquant sans crier gare dans une société d’oisifs où la machine arrange bien les choses. Et sa venue comme son départ remettent les pendules à l’heure! Je ne reprocherai pas à Ballard d’avoir évité Dali….

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Le départ d'une Muse... Françoise Hardy

Christiane a dit…

Cette toile de Dali, nommée aussi "Les montres molles" est vraiment liée à cette nouvelle et à la trilogie de béton.
Le temps s'est arrêté, il coule vers le néant. Des fourmis grimpent à l'assaut de ce paysage surréaliste figé comme s'il était en putréfaction. La mort règne dans une lente métamorphose du vivant. Une créature gît au centre de la toile. L'arbre est sec et mort.
Ballard dans ces nouvelles comme dans la trilogie de béton est obsédé par la mort et l'absurdité d'un temps qui coule sans qu'il trouve une raison d'être vivant.
Ces écritures sont mélancoliques, désabusées.
Je ne trouve pas que ce personnage féminin soit la Muse de la poésie. Tout ce monde sophistiqué et vain semble gagné aussi par la putréfaction, l'immobilité, la vacuité.

Anonyme a dit…

C’est pourtant ce que sous-entend la fin : ces poètes qui , sans se donner le mot, renoncent à leurs machines à poesie, et écrivent tous un poème dédié à Aurore Lejour alors qu’elle les a quittés. Et c’est une très belle fin. Pas obsédée du tout par la mort ou Dali…

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Maintenant que je referme ces livres de JG.Ballard, je relis ce lien que vous aviez donné , tellement juste et pour la vie et pour l'oeuvre.
Ces lectures m'ont dévastée. Que de douleur, de mort, d'atrocités, de condamnations des etouffoirs de notre époque.
Un homme brisé jusque dans sa mort.
Un monde noir, sans concession, dépecé jusqu'à l'os. Un vrai cauchemar miroir de nos hantises.
Donc j'ai lu et je m'écarte à grands pas de ce monde oppressant.
Retrouver un souffle de beauté quelque part...
Des ouvriers triment sur le chantier proche. Bruit et poussière. Démolition et édification d'un Ephad géant pour les vieux à venir.
J'écoute les chansons de Françoise Hardy. Que de beauté mélancolique. Elle est partie... Fin des souffrances, chagrin pour les siens.
En France, l'actualité politique ressemble à un jeu de foire de chamboule-tout. Qui lancera la prochaine boule sur quelle cible ?
Amitiés, Soleil vert malgré l'enfer JG.Ballard.


https://soleilgreen.blogspot.com/2019/04/ballard-10-ans-deja.html

Anonyme a dit…

Pareil :) SV

Christiane a dit…

:) christiane

Anonyme a dit…

Il y a aussi, pour qui aime l’humour noir une étincelante nouvelle recueillie dans Billenium. Il me semble que le titre doit être trois deux un zéro. Et elle est amusante… MC

Anonyme a dit…

Même veine dans Salut L’ Amerique, un peu oublié ici,

Christiane a dit…

Non, merci. Envie d'autres lectures.
J'ai commencé un roman de Modiano : La danseuse.

Anonyme a dit…

Nul ne vous blâmera pour changer d’horizon…

Christiane a dit…

Changer d'horizon...
Toujours cette quête du passé, de la mémoire, de l'oubli. Modiano est fasciné par ces étoiles mortes dont nous recevons le scintillement. Ainsi des êtres du passé qui nous ont quittés continuent de scintiller dans notre présent.
Il y a un vertige ressenti à suivre Modiano dans ses quêtes-enquêtes. Et cette vaporisation de l'écriture quand elle tente cette plongée. Et cette écriture poétique qui introduit par ses répétitions des rimes invisibles.
Quel itinéraire aussi...
Pour cet homme dont la jeunesse fut un incessant ballotement entre vacances, collèges et retour à Paris.
Paris est au centre de La danseuse. Mon quartier d'enfance : Place Clichy, Montmartre, et ce réseau de rues et de jardins que je connais bien.
Lui, son attache était Quai de Conty, là où il est né, là où dans sa chambre avait vécu deux écrivains dont un déporté et mort à Dachau.
Un père juif, une mère danseuse... flamande, sèche avec lui.
Ne se compare-t-il pas à ce chien qui se jeta de la fenêtre las, pense-t-il , d'être confié à des étrangers quand sa mère ne le supportait pas.
Et que dire de ce frère aimé né en 47 et mort en 57 à qui il dédié ses premiers livres, dont il adoptera la date de naissance comme s'il était son double.
Le lisant j'entends sa voix si particulières, un peu adolescence avec laquelle il tente de justifier dans divers entretiens sa difficulté d'écrire le passé, même son passé qui toujours se cache dans ses fictions.
Changer d'horizon avec ce roman bref de 95 pages ? Pas vraiment...
C'est toujours le même horizon où au matin les étoiles s'effacent.
Et puis le roman se termine par une chanson pour Françoise Hardy...
Changer d'horizon ?

Christiane a dit…

Que dit le narrateur de ces doux fantômes ?
"Qu'étaient devenus la danseuse et Pierre, et ceux que j'avais croisés i la même époque ? (...)
Ni la danseuse ni Pierre n'appartenaient au passé mais à un présent éternel.
Je croyais que leur souvenir me venait comme la lumière vous vient d'une étoile morte il y a mille ans, selon les mots d'un poète. Mais non. Il n'y avait pas de passé, ni d'étoile morte, ni d'années-lumière qui vous séparent à jamais les uns des autres, mais ce présent éternel."
Je marche avec lui rue du Havre , gare Saint Lazare, les Grands Magasins, le lycée Condorcet pour arriver à l'église Saint-Louis d'Antin là où la danseuse, accompagné de petit Pierre, a rendez-vous avec un peu de son passé. Je laisse le bar de Verzini, les restaurants, l'école de danse... Je retrouve Modiano avec son cahier ligné et son encre bleue s'astreignant à écrire tous les jours... Discipline de la danseuse pour arriver à la liberté comme l'enseignait Kniaseff à ses élèves avec sa voix forte à l'accent russe.

Christiane a dit…

Que dit Verzini au narrateur ?
"Grâce t la danse elle s'est donné une discipline. (...)
Il s'était retourné vers la petite table. Il prenait une à une les feuilles des épreuves de "Thé Glass IS Falling" etaleest là, dans le désordre, et tâchait de les rassembler.
"C'est un peu comme vous. Je suppose que vous travaillez à cette table sur toutes ces feuilles, parce que vous aussi vous avez besoin d'une discipline."
J'étais étonné de sa clairvoyance.va croire qu'il m'avait vraiment percé à jour.
Je lui dis : "Je prend exemple sur la danseuse."(...)
Il demeura un instant silencieux et finit par me dire : "Eh bien, moi aussi, il a fallu, à un certain moment, que je mette un peu d'ordre dans la vie."
J'étais étonné qu'il employât les mots que Kniaseff répétait pour annoncer le début des cours, au studio Wacker."

Quel bonheur de lecture que de côtoyer par la plume de Modiano nos doux fantômes...

Christiane a dit…

The Glass Is Falling

Christiane a dit…

à croire

Christiane a dit…

Comme le narrateur de "La danseuse", Patrick Modiano n'est pas seulement ecrivain. Il a esquissé aussi un talent d’auteur de chansons notamment avec Françoise Hardy et Mireille , mais aussi avec son ami le compositeur Hugues de Courson.
Comme "Etonnez-moi Benoit" chanté par Françoise Hardy, (paroles de Patrick Modiano et musique, Hugues de Courson).

Christiane a dit…


Françoise Hardy a raconté comment elle a rencontré Patrick Modiano.
«J'ai rencontré Patrick Modiano dans les années 60 à propos d'une chanson dont il avait écrit le texte et qui m'amusait beaucoup, "Étonnez-moi, Benoît". Lui aussi m'a beaucoup amusée, tellement sa personnalité était hors normes. Il était un familier d'Emmanuel Berl avec qui il a fait ce livre si remarquable et instructif sur la dernière guerre, "Interrogatoire".
Mireille m'avait chargée de veiller à ce qu'il mange quand je le voyais, ce qui ne lui arrivait manifestement pas régulièrement étant donné son manque de moyens mais aussi sa distraction. À partir de là, Patrick m'a envoyé chacun de ses romans avec une dédicace souvent cocasse."

Christiane a dit…

"Elle répétait au studio Wacker, place de Clichy, un ballet de Balanchine, La Somnambule. "

Christiane a dit…

J'ai oublié, Soleil vert, vous êtes presque dans le roman !
Quand il commence, de nos jours, il rencontre un homme à la terrasse d'un cafet, qui a appartenu à cette histoire, cinquante ans plus tôt. Un homme qui refuse de se souvenir...
Et soudain, il remarque "à son index une chevalière sur le chaton de laquelle étaient gravées les initiales SV".... ("exactement la même que portait Verzini quand il l'avait connu").

Christiane a dit…

café

Christiane a dit…

Et puis il y a un Turc, "grand amateur de ballets qui donnait une fête chaque année" dans un petit appartement à la lueur des bougies et parfois, le narrateur y rencontrait : Noureev, Margot Fonteyn, Yvette Chauviré, Jorge Donn, Béjart,.....
Et soudain des personnes réelles que nous connaissons entrent dans ce roman pour nous troubler, pour faire que fiction et réel se mêlent...

Christiane a dit…

Bon, une dernière citation pour le plaisir - Et là je pense très fort aux Villes invisibles d'Italo Calvino.
Savourez...
C'est la beauté que je cherchais au sortir des romans durs de JG. Ballard.

"Il arrive que dans un rêve vous traversez un quartier de Paris qui vous semble si lointain que vous avez de la peine, au réveil, à le situer exactement en consultant le plan. Et vous finissez par comprendre que ce quartier appartenait à une autre ville - Rome, Londres, Vienne, Anvers - et que, le temps d'une nuit, il s'était incorporé à Paris, du côté du bois de Boulogne ou bien du parc Montsouris. Ou ailleurs."

Voilà, je referme ce très très beau roman. Maintenant je vais le rêver....

Anonyme a dit…

Prochaine fiche, lourde là encore. J'essayerai de trouver plus léger, mais l'actualité editoriale commande.SV

Christiane a dit…

Et je la lirai avec plaisir.

Anonyme a dit…

Il n’ y avait pas de titre de Modiano dans les contemporains classiques du Salon International du Livre Ancien. On note en revanche la présence de Houellebecq.S’accrochent aussi les Mauriac qui avaient quasiment disparu et dont on trouve au moins deux belles séries. Notons la rédemption de l ´imbuvable Semaine Sainte à travers un exemplaire génialement relié. S’accrochent aussi Ayme, Blondin, Mandiargues, réduit à un autographe, et à propos d’ autographes, de très belles lettres d’ Hugo à une medium. L’histoire est étrange, car chrétienne, elle tourne si j’ose dire au spiritisme, puis perd son pouvoir, mais reste le réceptacle de lettres visant Leonie Biard , soit qu’il s’agisse de ne pas blesser Juliette en enployant une voie détournée , soit qu’ Hugo n’ait pas voulu mettre la police de Napoleon III sur cette affaire, (mais un dossier devait exister quelque part, Biard ayant fait dresser sous Louis-Philippe un constat d’ adultère!) Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Maurice Sachs et François Vernet pour les deux écrivains ayant dormi des années auparavant dans la chambre de Patrick Modiano

Christiane a dit…

Un de vos rendez-vous incontournables, cher bibliophile, vous qui êtes toujours à la recherche d'ouvrages anciens et contemporains, de belles reliures ou de gravures, de photographies, d'autographes, de vieux papiers, d'objets émouvants (comme un certain étui à cigares dédié à un poète, que vous l'aviez fait découvrir.)
Pas de titre de Modiano ? Qui aurait l'idée d'enfermer ce poète de l'insaisissable dans une reliure ? Un de mes écrivains préférés . Mais l'expliquer c'est sentir ses mots couler comme du sable entre les doigts....
Des autographes ? Qu'y cherchiez-vous ? Qu'avez-vous découvert ? Hugo ! Évidemment....
Ces salons éphémères sont des lieux magiques dans le calendrier. Comme une vaste librairie au fil des allées. Un grand cabinet de curiosités pour quelques jours .
De quoi oublier l'actualité indéchiffrable de ces dernières semaines.

Christiane a dit…

m'aviez

Biancarelli a dit…

Merci Christiane pour cet éclairage sur le dernier Modiano,je n’avais pas noté la chanson de Françoise Hardy.
J’aime beaucoup une de ses chansons”Contre vents et marée”entre autres.Sa vie,si discrète ne fut que solitude.

Christiane a dit…

Oh, bonjour, Biancarelli. Joie de vous lire. Oui, un roman court mais émouvant.
Ce narrateur qui, par une rencontre imprévue, replonge dans un passé lointain. Cinquante ans... Peu à peu émerge de cet oubli "La danseuse" dont on ne saura jamais le nom et petit Pierre son fils. S'en suit alors un paysage mi-fiction, mi réel , situé dans un quartier précis de Paris.
Elle , la danseuse, se précise au fil des pages, le narrateur aussi. L'effort les relie. Exercices au sol pour la danseuse, écriture pour le narrateur.
Des hommes apparaissent dont un est le père peu glorieux de l'enfant.
C'est un beau roman (?) de Modiano.
C'est une oeuvre fluide, sans cesse interrompue quand tout devient brumeux, opaque, incertain, fragile.
Les mots semblent monter à l'écriture comme des bulles dans un étang, retenus dans les eaux sombres de la mémoire. Et quand ils surgissent, ils sont lumineux, discrets, à peine posés
Le fait que le narrateur écrive des chansons est dans la droite ligne de son amitié vive avec Françoise Hardy dans ses années soixante.
Le puzzle jeu préféré de l'enfant évoque encore une belle chanson de Françoise Hardy.

La fin dont j'ai recopié quelques lignes est comme une dernière chanson qui aurait été écrite avant l'heure pour Françoise Hardy.
"Contre vents et marées", oui, très belle chanson.
C'était ma façon de poser de l'éternité sur mes morts aimés.

Christiane a dit…



Heliogabale... Merci à JJJ pour cette citation de Jean Genet.
Ce jeune prince qui va mourir et qui ne sait pas qui il est..
"Dans les temps qui viennent, on m'expliquera comme on explique un rêve. Je n'aurai pas davantage existé, mais je n'en aurai que plus lourdement existé, étant cette chose qui n'est pas et qui est."

Christiane a dit…

Et pour ces mots qui accompagnent l'envol de l'énigmatique Françoise Hardy.
Jazzi avait cité quelques mots de Jack Lang très émouvants et justes.

Christiane a dit…


Les voici :

"Françoise Hardy, altière et incandescente chantait les vagues de l’âme dans ses paroles de cristal, pures, belles, sensibles et fragiles. Talentueuse auteure, compositrice, mélodiste et interprète, elle a toujours accompagné la ballade de nos amours heureux et malheureux. Ses textes ciselés, messages personnels poétiques et subtils ont traversé le temps, gardant une époustouflante jeunesse. Jamais dans la performance, cette icône exigeante au visage de sphinge représentait une modernité indocile, une grâce soyeuse et mythique. Éternelle idole des yé-yé, femme mystère devenue un modèle de mode à l’élégance souveraine, elle envoûtait.
Son sens de la réserve et son aisance musicale et émotionnelle étaient fascinants. Françoise Hardy, artiste pop à la mélancolie lumineuse icône telle une sirène rebelle, nous charmait par sa voix gracile, irrésistible, intemporelle. Elle était l’incarnation de la beauté du souffle du vent. La finesse et l’intelligence des textes de Françoise Hardy et sa parole franche savaient nous transporter au pays des songes(...)".
J.Lang

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

La suite est dans un essai d'Italo Calvino "Pourquoi lire les classiques" ( traduit de l'italien par J-P Manganaro et C. Mileschi)
"C'est précisément pour défier l'immense chaos du monde sans aucun sens que Queneau fonde sa nécessité d'ordre dans la poétique et de vérité intérieure au langage". (Est évoqué un essai que lui a consacré le critique anglais Martin Esslin.)
Il cherche ce Calvino (qui ressemble tant à Modiano) dans la poésie une signification, un ordre et une mesure à l'univers informé, se fondant sur le langage et sa musisue qui est un retour aux vrais rythmes du parler vernaculaire .

Christiane a dit…

Quelques pages assez philosophiques qui rejoignent la pensée de Soleil vert à propos de la science-fiction "quand l'action du roman dévoile les choses pensées et non vraies qui ont une influence sur la réalité du monde : monde qui est en soi privé de toute signification."
Des pages évoquant aussi pour moi l'amitié qui liait Raymond Queneau et Patrick Modiano.

Christiane a dit…

Excusez-moi, j'ai débordé ayant lié sans le signaler la relecture d'un chapitre consacré à Raymond Queneau dans l'essai d'Italo Calvino pour interroger l'écriture poétique de Patrick Modiano. ( d'où le commentaire effacé !)

Christiane a dit…

musique

Anonyme a dit…

On peut lire "La danseuse" sans référer à d'autres livres de Modiano ?

Anonyme a dit…

SV

Christiane a dit…

Oui, bien sûr, cher SV.

Christiane a dit…

C’est Raymond Queneau qui fait entrer Patrick Modiano dans le monde littéraire.
Ce dernier le rencontre "pour la première fois dans le microcosme de Saint-Germain-des-Prés que fréquentait sa mère. Peu après, en classe de terminale, le lycéen de Henri IV connut quelques difficultés en mathématiques. Aussi prit-il l’habitude de se rendre régulièrement chez Queneau pour y suivre des cours de géométrie dans l’espace." (Pierre Assouline, 1994)

Christiane a dit…

Modiano raconte : "Comme il était obsédé par les mathématiques, il m'aidait à faire mes devoirs de ce qu'on appelait alors géométrie dans l'espace. Moi, je n'y comprenais rien. Il essayait de m'expliquer. C'était un ou deux ans après Zazie dans le métro . Il me disait qu'il l'avait écrit à partir d'équations. C'était très obscur pour moi. Il était assez taciturne." (Interview à "Libération", 4 octobre 2007).

Christiane a dit…

Plus tard, ce professeur de rêve l’introduisit dans les cocktails littéraires que la maison Gallimard offrait rituellement en juin, précise Pierre Assouline. C’est tout naturellement à Raymond Queneau que le jeune Modiano remet le manuscrit de son premier livre, La Place de l’étoile", qui paraît donc chez Gallimard.

Christiane a dit…

Queneau : "Patrick Modiano m’a demandé aujourd’hui d’être son témoin de mariage. Il se marie demain. C’est rapide et expéditif. Le témoin de la fiancée se nomme André Malraux. J’ajouterai que ça ne se passe pas rue Sebastien-Bottin…", siège des éditions Gallimard. (Lettre à son fils Jean-Marie, daté du 11 septembre 1971, citée in Album Raymond Queneau, ed. Gallimard.)

Christiane a dit…

Dans "Un pedigree", Modiano consacre deux pages à Queneau :
"Raymond Queneau avait la gentillesse de me recevoir le samedi. Souvent, au début de l’après-midi, de Neuilly nous revenions tous deux sur la rive gauche. (…) Le rire de Queneau. Moitié geyser, moitié crécelle. Mais je ne suis pas doué pour les métaphores. C’était tout simplement le rire de Queneau."

Christiane a dit…

Merci à Denis Cosnard, Journaliste au Monde, pour ces citations extraites de son livre : "Dans la peau de Patrick Modiano "(Fayard, 2011).

Christiane a dit…

Extrait d'un entretien avec un journaliste de Libération à propos de son amitié avec Queneau mené par Philippe Lançon.


- Queneau vous a-t-il fait rencontrer d’autres écrivains ?
- "Chez lui, quelquefois, il y avait des gens qui venaient. Il était très ami avec Boris Vian. Et il pouvait m’amener à des fêtes, comme une fois chez Gallimard. J’avais 18 ans. Je le suivais, je n’osais parler à personne. Tous ces écrivains, je ne pensais même pas qu’on pouvait leur parler. J’étais comme quelqu’un qui se serait introduit par effraction."

Christiane a dit…

"A propos de son roman "La place de l'Étoile", on peut lire en exergue du livre :
« Au mois de juin 1942, un officier allemand s'avance vers un jeune homme et lui dit : “Pardon, monsieur, où se trouve la place de l'Étoile ?” Le jeune homme désigne le côté gauche de sa poitrine.»
Patrick Modiano a fait de cet homme son jumeau de cœur. Un double romanesque comme l'a été son frère Rudy, mort à l'âge de dix ans et à qui "La Place de l'Étoile" est dédiée."

("Patrick Modiano sur la piste d'une étoile"
par Jean-Claude Lamy pour Le Figaro.)

Christiane a dit…

Bon, j'arrête là car le "Cahier de l'Herne" consacré à Patrick Modiano révèle un autre rapprochement possible, celui qui relie deux écrivains, Perec et Modiano.
On sent, à lire certains propos de Modiano, le regret qu’il éprouve de ne pas avoir connu Perec, l’auteur d’"Espèces d’espaces".
Dans le dossier consacré à "Dora Bruder" on constate comme la démarche de Modiano est proche de celle de Perec par le goût de l’archive, le souci de la précision absolue qui fait rêver puis écrire un quartier, une ville, une rue..

Anonyme a dit…

Aussi, Denis Cosnard et son très complet « dans la peau de Patrick Modiano » que j’ai lu en son temps. Pour le reste, le « cher bibliophile »!fait observer que c’est Aragon et non Hugo qui bénéficie d’une sublime reliure, le volume est d’ailleurs vendu. Qu’il est d’usage dans un Salon de cette envergure, d’avoir deux à trois stands de Manuscrit, qu’il a parlé d’ Hugo parce que cet aspect de sa vie était peu connu, ( on entend par là la correspondance avec Apolline Mansion) , mais qu’il eut pu parler de Proust , ou d’autres, sans probleme. Et que c’est le Maître d’œuvre, non lui, qui a choisi pour thème général le sentiment. Enfin, Last but not least, qu’il y passe de longues heures non pour trouver des bouquins qu’il connaît déjà , mais des livres qu’il ne connaît pas. Mission remplie pêle-mêle cette année avec un Feval au romantisme vampirique, les registres de l’ Assemblée du Clergé ( 10 volumes plus tables, hélas vendus,) une rare «  vision «  de Mademoiselle Lenormand relative à l’Affaire de St Leu et à la Duchesse de Berry, et deux études sur la Prostitution parisienne fin dix-neuvième siècle de Leo Taxil et CJ Lecour, commissaire interrogateur à la Préfecture de Police. La liste sera close quand le Salon finira demain. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Je suis heureuse, Soleil vert, que vous me laissiez sans impatience , évoquer parfois un écrivain qui est important pour moi, son écriture, ses livres.
Pour clore ce dialogue avant d'écouter sur la 31 une soirée Françoise Hardy, un dernier cadeau.

Pascal Quignard, "Les heures heureuses" (p. 12) :
"La pensée attend ; constamment attend. Elle est attente de sa source. Elle n'est que le reflux des rêves qu'elle réavale et cherche à déglutir.
Puis le soufflé s'évapore de chaque lettre au fur et à mesure que les caractères s'écrivent.
La lettre est ce qui isole une silhouette revenante, qu'elle fait briller au fond de l'âme revenue au silence. Enfin , derrière la lettre, se tient la date (...) C'est un repère pour ce qui disparut."

Anonyme a dit…

On oublie la Vie de Fontaine par lui-même, publiée aux excellents Éditions des Cendres, sur la Bastille, le Fournel , Les Hommes de Juillet, et sans doute un autre que je n’ai pas sous la main…

Christiane a dit…

Merci, cher bibliophile. Je vous imagine marchant lentement dans les allées, échangeant avec les libraires, ouvrant un livre avec respect ou le couvant du regard dans une vitrine vous êtes plaisant dans votre passion.
Ainsi vous avez lu le Cahier de l'Herne ...
Sacré MC ! Quand je pense aux vilenies que l'on vous sert sur un blog voisin....
Bon j'écoute l'émission sur Paris première. Quelle voix....

Anonyme a dit…

Quel Cahier de L’Herne?

Christiane a dit…

Oui oui oui je me suis fait un croche-pattes ! Moi c'est le Cahier de lHerne, vous le livre très complet de Denis Cosnard. Tous ces livres me donnent le tournis !
J'écoute Françoise Hardy. Elle a beaucoup d'humour et ne se prend pas pour une vedette, juste une midinette qui chante et compose ses chansons c'est amusant cet amour irraisonné et partagé pour Dutronc. Ils sont incroyables ! J'aime beaucoup certaines de ses chansons. Bon c'est bien d'être en plein dans sa vie alors qu'elle n'y est plus.

Christiane a dit…

Ce matin une pluie douce et silencieuse recouvre Paris. Une sorte d'intimité à peine accompagnée par le flic floc des gouttes sur la rambarde de fer du balcon.
Et ce temps silence presque immobile me pose dans l'enfance.
Je continue mon chemin sinueux dans la relecture des "Heures heureuses" de Pascal Quignard à qui revient, par "Le livre d'heures" du duc de Berry, avec ces images, miniatures si précises, une méditation improvisée sur le temps et les heures.
"Jean de France, duc de Berry, collectionnait les Heures.
Heures heureuses, infiniment heureuses."

P.92, je trouve quelques lignes qui prennent le relais de mes pensées.
"On se dérobe à sa peur dans les souvenirs les plus vivants qui sont laissés du monde. On se retire dans les moments les plus touchants qui ont étés vécus au plus tendre et au plus ravageur de 'enfance. On se plaît à les mouvoir au fond de nous, à les revivre."
La pluie délave les couleurs. Le paysage est doux.
Il écrit : "Je me perds dans ce que j'écris".
J'ai vécu cela , hier, sur votre blog quand, glissant du livre de Modiano à celui d'Italo Calvino, je continuais à cerner Raymond Queneau. Puis relisant j'ai dû effacer un commentaire, l'arpège des citations oubliant le fait que j'avais changé de livre mais pas de méditation.
Tous ces livres connus, ils sont là aux aguets prêts à être ouverts, relus.
Anachronie de mes lectures...
En fin de page des commentaires, tout est possible. L'espace d'écriture devient alors un lieu solitaire, libre, où écrire dans la paix.

C'est souvent le temps où vous mettez en ligne un autre billet et on émerge de l'eau de la rêverie pour vous rejoindre.

Christiane a dit…

Duras et la pluie aux Roches noires. Magnifique. Belle citation, Jazzi.

Christiane a dit…

Arthur Rubinstein. Le visage de la joie extrême tout en gravité quand ses doigts se posent sur le clavier.
Chopin comme jamais je ne l'ai entendu.. une harmonie parfaite entre l'homme et l'instrument.
Lui, très droit , simple, naturel, et ses mains fantastiques qui jouent avec virtuosité et légèreté. Ce concerto No 2 de Chopin... Une œuvre qui a accompagné sa vie.
C'est le concert d'adieu en 1975, à Londres... Il a 88 ans...
Il est totalement absorbé dans son interprétation.
Il écoute l'orchestre avant de reprendre la ligne mélodique . Il s'élance, semble jeter ses doigts sur le clavier . Quelle émotion... Une présence magique...

Christiane a dit…

Je relis votre lucide et courageuse chronique sur ce livre de Stefan Zweig "Le Monde d’hier". Chronique raisonnant
bien avec notre temps...
Oui, ce livre raconte bien "le déclin d’un continent et l’abandon sous les coups de butoir de deux guerres mondiales, du rêve européen. Il officialise la fin du cosmopolitisme. Zweig, cet ami lointain adresse un ultime message : méfiez-vous des voix qui traquent des proies. L’Europe certes existe aujourd’hui, dans l’indifférence générale, structurée autour d’un parlement et d’une monnaie unique, mais elle se fissure peut-être déjà sous les assauts nationalistes de pays en difficulté économique . Ce n’est pas l’exil qui a tué l’auteur autrichien c’est la perspective de voir l’Europe remplacée par un Reich de mille ans. Puisse son désespoir nous garder éveillés."

Christiane a dit…




Ceci est un extrait. Voilà un lien permettant de lire tout le billet de Soleil vert :
https://soleilgreen.blogspot.com/2022/02/le-monde-dhier.html

Christiane a dit…

J'avais oublié comment dans la première partie du roman, Zweig dresse un portrait de Vienne et de ses habitants dont les intellectuels, si fin. Ainsi que l'arrivée du nazisme.

Christiane a dit…

Il y a un passage qui me bouleverse dans ce livre de Stefan Zweig, page 179. Rodin l'invité à le suivre dans son atelier de Meudon puis l'oublie. C'est tout à fait extraordinaires.

"Un quart d'heure se passa ainsi, une demi-heure, je ne saurais dire combien. (...) Rodin était si absorbé, si plongé dans son travail qu'un coup de tonnerre ne l'aurait pas réveillé. (...) Une sorte de sauvagerie ou d'ivresse l'avait surmonté. Il travaillait de plus en plus vite. Puis ses mains se firent plus hésitantes. Elles semblaient avoir reconnu qu'il n'y avait plus rien à faire pour elles. Une fois, deux fois, trois fois il se recula sans plus rien changer. Puis il murmura quelque chose dans sa barbé, replaça délicatement, comme on glisse un châle sur les épaules de la femme aimée, les linges autour de la figure. Il respirait profondément, comme détendu. Sa stature sembla de nouveau s'alourdir. (...). Alors se produisit pour moi l'incompréhensible, le suprême enseignement : il enleva sa blouse, remit son veston d'intérieur et se disposa à partir. Il m'avait totalement oublié au cours de cette heure d'extrême concentration. Il ne savait plus qu'un jeune homme, qu'il avait lui-même mené à son atelier pour lui montrer ses œuvres, s'était tenu derrière lui, bouleversé, la respiration suspendue, immobile comme ses statues.
Il gagna la porte. Comme il allait la refermer à clef, il me découvrit et me regarda fixement, presque méchamment : qui était ce jeune inconnu ? Mais l'instant d'après il se ressouvenait et venait à moi comme honteux. (...)
Durant cette heure j'avais vu à découvert le secret éternel de tout grand art : la concentration, le rassemblement de toutes les forces, de tous les sens, la faculté de s'abstraire de soi-même, de s'abstraire du monde."