dimanche 3 août 2025

Quinzinzinzili

Régis Messac - Quinzinzinzili - L’Arbre Vengeur

 





L’arrêt en 2021 des Rencontres de l'Imaginaire de Sèvres, aimable festival à taille humaine de science-fiction, de fantasy et de fantastique, aura privé les amateurs franciliens de débats et d’échanges avec de sympathiques acteurs du genre. L’Association des Amis de Régis Messac en faisait partie. Cette amicale continue de perpétuer le souvenir d’un des précurseurs de la SF en France. Agrégé de grammaire, titulaire d’un doctorat en lettres, il n’eut pas la carrière universitaire escomptée peut-être en raison de son indépendance d’esprit et de ses engagements politiques. Il enseigna dans plusieurs lycées, s’illustra dans le journalisme pamphlétaire, et devint historien avant la lettre des littératures policières et de science-fiction. Trépané comme Apollinaire durant le premier conflit mondial, pacifiste comme Giono (il assurait n’avoir jamais tiré un coup de fusil), il entra néanmoins en résistance au côté des communistes en 1941. Déporté Nacht und Nebel, il disparut pense-t-on quelque part entre Dora et Bergen-Belsen.

 

Il publia en 1935 une dystopie, Quinzinzinzili, sombre vision d’un écrivain qui pressentant l’irruption d’un nouvel embrasement mondial développait en cent cinquante pages l’intuition de Paul Valery sur la fin des civilisations. Anticipant de peu la seconde guerre sino-japonaise, citant Adolph Hitler, Messac imaginait la création d’un axe entre l’Allemagne et le Japon et une déflagration totale par le jeu des alliances. Pire, le déploiement d’une arme chimique altérant l’atmosphère terrestre détruisait l’espèce humaine.

 

Mais Régis Messac ne nous convie pas seulement à un récit postapocalyptique. Adoptant une posture anthropologique, l’auteur se livre à un réquisitoire contre l’Humanité. Quelques enfants et un adulte ont survécu dans une grotte en Lozère. Ce dernier, qui est le narrateur, un narrateur un peu particulier d’ailleurs, extradiégétique, voix off se mêlant rarement aux activités du groupe, raconte la mise en place par les enfants d’un nouvel ordre social. Par un saisissant raccourci leur mémoire a été aboli. L’usage des rares objets sauvés de la destruction leur est étranger. Ils créent un langage bricolé partir de quelques réminiscences : le dieu Quinzinzinzili est une dérivation de Paster noster/qui es in caelis. Leur seul héritage de l'ancien monde, les conflits liés aux comportements de domination.

 

Etonnant texte qui évoque tout à la fois l’abrutissement des derniers humains de La machine à explorer le Temps de Wells et la violence d’adolescents livrés à eux-mêmes décrite par William Godwin dans Sa majesté des mouches.






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