Régis Messac - Quinzinzinzili
- L’Arbre Vengeur
L’arrêt en 2021 des Rencontres de l'Imaginaire de Sèvres,
aimable festival à taille humaine de science-fiction,
de fantasy et de fantastique, aura privé les amateurs
franciliens de débats et d’échanges avec de sympathiques acteurs du genre. L’Association
des Amis de Régis Messac en faisait partie. Cette amicale continue de perpétuer
le souvenir d’un des précurseurs de la SF en France. Agrégé de grammaire,
titulaire d’un doctorat en lettres, il n’eut pas la carrière universitaire
escomptée peut-être en raison de son indépendance d’esprit et de ses
engagements politiques. Il enseigna dans plusieurs lycées, s’illustra dans le journalisme
pamphlétaire, et devint historien avant la lettre des littératures policières
et de science-fiction. Trépané comme Apollinaire durant le premier conflit
mondial, pacifiste comme Giono (il assurait n’avoir jamais tiré un coup de
fusil), il entra néanmoins en résistance au côté des communistes en 1941.
Déporté Nacht und Nebel, il disparut pense-t-on quelque part entre Dora et
Bergen-Belsen.
Il publia en 1935 une dystopie, Quinzinzinzili, sombre
vision d’un écrivain qui pressentant l’irruption d’un nouvel embrasement
mondial développait en cent cinquante pages l’intuition de Paul Valery sur la fin
des civilisations. Anticipant de peu la seconde guerre sino-japonaise, citant
Adolph Hitler, Messac imaginait la création d’un axe entre l’Allemagne et le
Japon et une déflagration totale par le jeu des alliances. Pire, le déploiement
d’une arme chimique altérant l’atmosphère terrestre détruisait l’espèce humaine.
Mais Régis Messac ne nous convie pas seulement à un récit
postapocalyptique. Adoptant une posture anthropologique, l’auteur se livre à un
réquisitoire contre l’Humanité. Quelques enfants et un adulte ont survécu dans
une grotte en Lozère. Ce dernier, qui est le narrateur, un narrateur un peu
particulier d’ailleurs, extradiégétique, voix off se mêlant rarement aux
activités du groupe, raconte la mise en place par les enfants d’un nouvel ordre
social. Par un saisissant raccourci leur mémoire a été aboli. L’usage des rares
objets sauvés de la destruction leur est étranger. Ils créent un langage
bricolé partir de quelques réminiscences : le dieu Quinzinzinzili est une
dérivation de Paster noster/qui es in caelis. Leur seul héritage de l'ancien monde, les conflits
liés aux comportements de domination.
Etonnant texte qui évoque tout à la fois l’abrutissement des
derniers humains de La machine à explorer le Temps de Wells et la
violence d’adolescents livrés à eux-mêmes décrite par William Godwin dans Sa
majesté des mouches.
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