mardi 14 octobre 2025

Le café sans nom

Robert Seethaler - Le café sans nom - Folio

 



En cette année 1966, Vienne semble tirer un trait sur un passé douloureux et peu glorieux. La capitale autrichienne s’efforce d’effacer les derniers vestiges de la seconde guerre mondiale et de relancer la machine économique. On nettoie, on bâtit, un air de renouveau flotte un peu partout et en particulier au sein des petits commerces du quartier du marché des Carmélites. Robert Simon incarne à sa modeste manière ces temps nouveaux. Travailleur journalier, dur à la tâche, bien connu des commerçants auquel il rend de menus services il est sur le point de réaliser un projet longuement mûri, prendre la gérance d’un café.

 

L’occasion lui est fournie par un certain Vavrosky qui lui cède les clefs d’un local poussiéreux situé à l’angle des rues de la Haidgasse et de la Leopoldsgasse. Habile de ses mains Simon remet en état l’établissement et malgré les maigres prestations fournies, bière, schnaps, punch l’hiver, tartines de saindoux, voit peu à peu affluer ses premiers clients. Mila, une jeune ouvrière récemment licenciée, vient l’épauler au quotidien.

 

Acteur, scénariste, auteur de plusieurs ouvrages à forte connotation humaniste, Robert Seethaler décrit un microcosme social, retrace le parcours chaotique d’une clientèle composée de petites gens cabossés par la vie, boucher, catcheur, crémière, peintre raté, au crible de quelques séquences pittoresques. « Le problème n’était pas tant la folie privée des particuliers que celle de l’époque. Les temps présents n’étaient qu’une tumeur qui proliférait sur le terreau d’un passé pourri, dévoyé […] » dit l’un des protagonistes. Peut-être, peut être pas. Ce café sans nom, - un comble pour une ville qui plus que toute autre en abrite d’illustres et séculaires – devient pour un temps, car, hélas, les années défilent et le quartier se transforme, le point d’accroche d’une communauté. Robert Simon en est en quelque sorte la colonne vertébrale, capitaine conradien affrontant les avanies de l’existence, ripostant aux coups du sort par des actes de générosité. Et c’est assez pour dire l’attachement que ce livre, finaliste des prix Femina et Médicis étranger, suscite.

2 commentaires:

Christiane a dit…

Un choix qui me ravit. Merci, Soleil vert.

Christiane a dit…

Robert Seethaler est né en 1966. Le roman commence en 1966.

Robert Simon, le personnage entrant du roman , "décide, la trentaine venue de se lancer dans une nouvelle vie'. (Age possible de l'auteur quand il a écrit ce roman ou évocation d'une période de sa vie quand il avait la trentaine..)
L'histoire se passe à Vienne, dans un quartier populaire pas très loin de la Grande Roue du Prater et des rives du Danube. La ville est en pleine reconstruction vingt ans après la chute du nazisme.
Robert Seethaler est né à Vienne...
Le titre du roman : "Un Café sans nom" (anciennement café du marché, un bistrot sombre et mal entretenu) rappelle les morts sans sépulture des guerres.
( A la page 6, il songe à "laisser les fenêtres ouvertes quelques jours" pour laisser s'échapper "les vieux fantômes"....)
Le livre est édité par Sabine Wespieser, un grand nom dans l'édition.
On entre dans le livre par une scène matinale de marché, très vivante. La traduction agréable de l'allemand (Autriche) est d'Élisabeth Landes et de Herbert Wolf.

Robert avait vécu dans un foyer pour orphelins de guerre... Il se souvient...
Le chapitre 5, page 28, commence par une très belle phrase, une qui donne une atmosphère.
"Un bus plein de femmes tristes se mit en route au soleil couchant.(...) Il longea le cimetière, les petits vergers, les friches et les chantiers...."
On glisse sans difficulté dans ce roman un peu mélancolique..