Claire North - La Maison
des Jeux - Le Voleur - Le Bélial’
Le deuxième volet du cycle de Claire North transporte le
lecteur dans la Thaïlande de 1938. L’ancien Royaume de Siam résiste aux
pressions colonialistes des encombrantes puissances occidentales anglaises et
française, sans compter un Japon aux aguets. Pas évident dans ces conditions
pour l’européen et fugitif Remy Burque de passer inaperçu dans une partie de
cache-cache (sic !), dans laquelle il s’est engagée, à moitié aviné, dans
La Maison des Jeux implantée à Bangkok. L’enjeu ? Une amnésie en cas de
défaite, vingt années ôtées de la vie de son adversaire en cas de victoire.
Aux filatures dans les ruelles nocturnes et les canaux de
Venise succède une course-poursuite dans une Thaïlande enfiévrée par la chaleur
et la proximité des moussons. Adieu aux stratégies d’alliances de la Cité des
Doges. Place à une traque évoquant au choix L’homme démoli d’Alfred
Bester, un célèbre feuilleton des années 60 ou le classique jeu de plateau Scotland
Yard. Mais qui sont ces personnages capables d’infliger de tels dommages à
leurs adversaires, eux même dominés par une tortueuse Maitresse des Jeux ?
Des divinités zelaznyennes ?
« […] Nous estimons les parties que nous livrons
distrayantes, sportives, égoïstes, joyeuses. Mais nous jouons avec des pays.
Nous commandons des armées. Nous nous amusons avec des biens économiques, avec
des idées et des hommes. Nous avons couronné des rois, renversé des tyrans,
guidé des généraux vers des victoires qu'ils n'auraient sinon pas remportées.
Nous avons, en nous amusant, façonné l'histoire humaine, nous l'avons altérée,
et nous avons changé le destin de bien des hommes. Structurer nos activités
comme un jeu, un sport, nous donne de grands avantages. Nous disposons d'une
implacabilité, d'une vigueur intellectuelle qui seraient peut-être refusées à
une reine craignant pour le bien être de son fils, ou à un capitaine en étant
arrivé à aimer ses hommes. À nos yeux, ces gens-là sont de simples pièces, des
ressources à déplacer pour l'effet maximal et, de ces mathématiques brutales,
nous tirons la victoire où il pourrait sinon y avoir défaite. Tout pour le jeu.
Et d'où vient-il, ce jeu? Qui pose les pièces entre nos mains, qui nous montre
le plateau, qui arbitre la partie ? Elle, bien sûr. La Maîtresse
des Jeux. Elle nous contrôle parce qu'elle contrôle le plateau, et, quoique la
Maison des Jeux affirme toutes les parties équilibrées, il est parfois possible
de leur trouver un défaut. Une compétition pour couronner un roi dans laquelle
les joueurs ne sont pas de force égale, ou bien des pièces handicapées sans que
cet inconvénient soit mentionné. Un joueur qui reçoit un général alors que tu
n'obtiens qu'un major. Elle a tiré la Russie, tu n'as trouvé dans ta main que
la Belgique. Un défi qui n'aurait pas dû être accepté - des
termes qui n'auraient pas dû être convenus. Parfois la Maison des Jeux
intervient, parfois non, et j'attends encore qu'on me donne la raison de
cet état de fait dans une organisation qui vit de règles. Pourquoi t a-t-elle
laissé parier ton esprit, Remy? Les enjeux ne sont pas égaux. Pourquoi t
a-t-elle laisse parier dans un pays où ton seul visage constitue un handicap
presque insurmontable ? Il arrive que des arbitres interviennent pour
corriger des déséquilibres moins importants; pourquoi pas aujourd'hui ?
»
9 commentaires:
Voilà une bonne idée ! J'ai presque terminé le troisième volume, "Le Maître". Formidable épilogue de la trilogie.
Avec l'aide de ce billet, je terminerai donc par ce deuxième volume.
Ce qui est encourageant c'est que plus on continue cette suite, mieux on comprend où elle veut en venir. Dans la deuxième partie du volume 1 j'étais un peu perdue...
Vous n’étiez pas la seule…
Est-ce d'avoir lu le troisième volume, je n'ai pas réussi à me passionner pour ce deuxième volume.
Mais j'ai aimé le premier et le troisième. L'essentiel de cette fiction y est présent.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/will-eisner-1917-2005-la-vie-est-un-roman-graphique-5593684
Pour vous et vos amis une formidable émission sur France culture en ce moment.
Toute une vie .... Et la vie du roman graphique aux Etats Unis.
Beaucoup de commentaires passionnants.
"Ce n’est pas un hasard si le créateur de "The Spirit" est resté dans la mémoire des grands noms de la BD underground du moment (Robert Crumb, Art Spiegelman, Gilbert Shelton). Son personnage était le plus adulte des super-héros, puisant son inspiration dans l’humour et la noirceur des polars de Dashiell Hammett plutôt que dans les fantaisies musclées de Superman. Ses cadrages, ses décors au gigantisme glaçant ou aux bas-fonds sordides sont remarquables."
Cher Soleil vert, j'avance dans les textes inédits de Jorge Luis Borges. Ils me déçoivent un peu car très brefs, ne développant pas assez ses idées. Sauf sur Dante. J'ai l'impression, souvent, de feuilleter un carnet de notes. Ceci dit , on le reconnaît bien. Mais plus que ces billets d'humeur, c'est sa méditation métaphysique sur le temps et sa nature cyclique, de nouvelle en nouvelle, un peu labyrinthique qui me passionne. Un temps multiple et ramifié. Une tentative d'explorer l'infini. Ce n'est pas le temps réel, historique . Fictions et l'Aleph, tant de récits poétiques, un ordre mental contre le chaos du monde. Des textes cristallins. Quelle invention et quelle érudition ! Dans un univers fantastique sans épaisseur psychologique, juste une transfiguration poétique.
Bonsoir Christiane. J'avais feuilleté ces inédits et ne les avait pas trouvé percutants. En ce moment je réunis mes idées sur "Les boutiques de cannelle" de Bruno Schulz et là c'est un alcool fort !
avais
Heureuse de vous lire, Soleil vert. Peu importe la déception, c'était l'attente qui était belle : une voix aimée qui revenait vers nous.
Pour votre découverte : Les boutiques de cannelle de Bruno Schulz, j'ai hâte que vous nous en parliez.
Bonne soirée dans la roue des nombres. Au quatrième top il sera 2025 !
J'adore son écriture bouillonnante, âpre, sensuelle, fracassante. Le panier d'Adèle qui verse ses trésors sur la table est vite lié à la chaleur blanche du soleil d'août.
Il y a du feu dans cette écriture, une lave tellurique. C'est sauvage, sombre et fébrile. Barbare.
Si j'écrivais - ce que je ne fais pas - ce serait dévastateur, irrépressible, laissant les grandes colères enfouies, torrides, fissurer le calme du jour.
Heureusement, Schulz vient calmer la fièvre avec des brassées de fleurs. Une pause dans la bataille.
Il écrit "le drame du tournesol", comme ceux calcinés dAnselm Kiefer.
Et ces chardons qui "brûlent en crépitant".
"La pluie ruisselante du feu"... Cette image est tellement juste.
J'aime aussi " la croûte épaisse des herbes qui bosselle, le jardin retourné dans son sommeil..."
Tout de ballonne et crève.
Il y a même un tas d'ordures, un monceau de déchets et de détritus
Et "l'air irradie de chaleur, strié d'éclairs.... invitant à la folie."
Quel beau cadeau vous nous faites là.
J'aime cette écriture barbare. Impudique. Vénéneuse.
Comme ça fait du bien la grande colère des mots ! Merci.
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