samedi 28 septembre 2024

Comment voyager dans les Terres Oubliées

Sarah Brooks - Comment voyager dans les Terres Oubliées - Sonatine

 

 

 

« On dit que l’on avait tellement pris à la terre qu’elle avait toujours faim. Elle s’était nourrie du sang versé par les empires, et des ossements des animaux et des hommes par eux abandonnés. Elle avait acquis le goût du sang. »

 

 

 

Au sein des Terres Oubliées un Transsibérien Express fait la liaison entre les villes de Pékin et Moscou, une solide locomotive à vapeur tractant une vingtaine de voitures et leurs passagers. Vitres et parois ont été blindées pour résister aux assauts de l’Extérieur. En effet, à la suite d’on ne sait quel cataclysme, la Sibérie s’est muée en un territoire étrange, peuplé par une flore et une faune mutantes, déserté par l’espèce humaine. L’autre alternative s’offrant aux clients désireux d’atteindre l’une ou l’autre capitale passe par les mers du Sud, au prix d’un trajet à la durée indéterminée.

 

Les voyageurs, quoique protégés, ne sont pas à l’abri des séquelles psychologiques provoquées par la vision de ce strange land. Aussi un personnel spécialement formé assiste les occupants des wagons de Première et Troisième classe. Mystère au même titre que le quai 9 ¾ de la gare de Kings Cross de Londres, les ingénieurs ont oublié de concevoir la Seconde. Un salon bibliothèque, une voiture d’observation, des restaurants, des compartiments dédiés aux stockages de nourriture et autres commodités complètent le convoi. Sitôt installés les passagers font connaissance, histoire de s’affranchir, malgré les propos rassurants de l’équipage, des légendes angoissantes nées des précédents parcours.

 

Si l’on veut bien écarter le souvenir de fameux romans à suspense, il est bon de rappeler que le train est un des plus anciens véhicules de transport de l’imaginaire. On citera en premier l’imposant cycle de La Compagnie des Glaces de G.J Arnaud, des nouvelles signées Bloch, Shepard (« Le train noir »), une anthologie de Pierre Gontier, La croisière bleue de Laurent Genefort, au cinéma le dernier volet de Retour vers le Futur, liste non limitative évidemment. Sarah Brooks, dont c’est le premier récit propose là un pitch très intéressant, servi par une écriture déjà mature.

 

Deux explorations s’offrent au lecteur, l’une dédiée à l’identité des voyageurs et à leurs motivations, l’autre à ces fameuses Terres. Deux univers séparés mais peut-être pas si antagonistes que cela. Les personnages ont vraiment de la consistance, que ce soit la jeune et ex passagère clandestine Weiwei, Marya femme mystérieuse animée d’un esprit de revanche, Henry Grey, émouvant naturaliste accroché à son rêve d’Eden.

 

Comment voyager dans les Terres Oubliées est vraiment une bonne surprise, une « weird » légère et originale, une vision d’un monde sans entrave. Ah Jeunesse …


57 commentaires:

Christiane a dit…

"Mystère au même titre que le quai 9 ¾ de la gare de Kings Cross de Londres" mais là pas de Poulard Express conduisant Harry Potter vers l'Ecole des Sorciers mais un train blindé traversant des terres dangereuses.
La saga des trains d'un livre à l'autre, d'un film à l'autre (Renoir et La bête humaine), d'un poème à l'autre (Cendrars et La prose du Transsibérien).
Leurs rêves et nos rêves.
L'odeur des rails, de la fumée (autrefois), des escarbilles dans les yeux... Les départs, cette joie des départs, de l'arrachement, du chaos quand les roues passent sur les aiguillages.
Les jeux d'enfants, les circuits à assembler, les décors à construire, les merveilleux tunnels, les déraillements intempestifs quand deux locomotives ratent l'aiguillage.
Le farwest et toutes ces mémoires de constructions de lignes de chemin de fer. Il était une fois dans l'Ouest....
Donc, Soleil vert glisse ce livre dans notre bibliothèque, "Comment voyager dans les Terres Oubliées" de Sarah Brooks.
"Un Transsibérien Express fait la liaison entre les villes de Pékin et Moscou, une solide locomotive à vapeur tractant une vingtaine de voitures et leurs passagers. Vitres et parois ont été blindées pour résister aux assauts de l’Extérieur..."
Ce livre aura-t-il le même pouvoir hypnotique que "La Croisière bleue" de Laurent Genefort et son inoubliable paquebot tracté par une locomotive ?
Qui sait ? J'irai vers ce roman quand je descendrai du "Train de nuit pour Lisbonne" de Pascal Mercier avec Gregorius et son livre.
S'évader ....

Soleil vert a dit…

Cendrars oui, Les mystères de l'Ouest, fameuse série tv …

Christiane a dit…

"(...) Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours
Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t’a nourrie, du Sacré-Cœur contre lequel tu t’es blottie
Paris a disparu et son énorme flambée
Il n’y a plus que les cendres continues
La pluie qui tombe
La tourbe qui se gonfle
La Sibérie qui tourne
Les lourdes nappes de neige qui remontent
Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l’air bleui
Le train palpite au cœur des horizons plombés (...)"

Ce long et merveilleux poème de Blaise Cendrars imprimé dans les couleurs de Sonia Delaunay.

Anonyme a dit…

Ah les Mystères de l’Ouest, avec James West et Artemius Gordon, les vrais , pas les films! J’achète!

Anonyme a dit…

Moi je repense surtout à Enard, Zone..., au voyage avorté de Robbe-Grillet dans la Modif..., à la tengente de Karangal... Allez donc savoir pourquoi ceux-là, dans l'entrelac des images spontanément mobilisées.... Il est vrai que les nombreux romans en train ne s'achèvent pas tous au bout de l'Enfer. Bàv, (jjj)

Christiane a dit…

Est-il possible que notre temps à rides connaisse encore des métamorphoses surprenantes, JJJ ? En ces livres et bien d'autres, s'inscrit la coïncidence entre maintenant et le temps perdu. Lire, c'est aussi la puissance des premières fois...
L'Enfantin rôde dans cette obscurité...
On lit et brusquement l'Enfantin est là. Une courbure de l'âme vers un passé lointain...

Christiane a dit…

RdL
puck dit:
"au début de l’HSQ Ulrich est absolument fasciné par la «pure» beauté des rouages d’une machine à vapeur."

Christiane a dit…

Un petit bout de ma lecture actuelle, "Tran de nuit pour Lisbonne". Page 279.

"Je suis toujours là-bas, en ce lieu éloigné dans le temps, je n'en suis jamais parti, mais je vis déployé dans le passé, en lui ou à partir de lui. Il est du présent ce passé (...)
Et il y a des choses en nous que nous ne pouvons retrouver qu'en y retournant. Nous nous rapprochons de nous, nous partons vers nous-mêmes, quand la monotone trépidation des roues nous porte vers un lieu où notre vie a fait un bout de chemin, aussi court fût-il. Quand nous posons pour la seconde fois le pied sur le quai de la gare étrangère, que nous entendons les voix sortant des haut-parleurs, sentons les odeurs, nous ne sommes pas seulement arrivés en ce lieu lointain, mais aussi dans le lointain de notre for intérieur, dans un coin peut-être tout à fait écarté de notre Moi, qui, lorsque nous sommes ailleurs, se tapit, invisible dans l'ombre. (...)
C'est là, dès notre premier pas sur ce quai étranger qui ne l'est pas vraiment, nous retrouvons de nouveau une vie que nous avions interrompue quand autrefois, nous avons senti la première secousse du train qui s'ébranlait..."

Anonyme a dit…

Très bel extrait de ”Train de nuit...” Merci.
Je vais m’intéresser à Sarah Brooks maintenant.
Je viens de finir un auteur Jacques Josse” Déplacé ”. Un bel hommage à un père breton qui du renoncer à être marin.

Anonyme a dit…

”Debarqué ” et non déplacé.

Libraire

Christiane a dit…

Débarqué.... Un homme qui reste à quai....

Sarah Brooks attend sagement que mon livre présent soit refermé.
A lire Soleil vert, c'est tout un monde enfermé dans ce train. Une prison qui roule transportant des voyageurs inquiets.
Tant de trains dont les romanciers se sont saisis. Un certain Georges Perec....
J'éprouve débat de la sympathie pour la jeune passagère clandestine Weiwei.

Christiane a dit…

Et la Modification de Michel Butor .... Et Le crime de l'Orient-Express d'Agatha Christie...
Zone de Matthias Renard, j'avais apprécié.

Christiane a dit…

Le plus drôle c'est que j'ai lu "débarqué", un lapsus volant !

Christiane a dit…

Ah non pas G. Pérec, mais Michel Dansel, "Le train de nulle part."
Lui ne supprime pas les e mais les verbes !
"Quelle aubaine ! Une place de libre, ou presque, dans ce compartiment. Une escale provisoire, pourquoi pas ! Donc, ma nouvelle adresse dans ce train de nulle part : voiture 12, 3ème compartiment dans le sens de la marche. Encore une fois, pourquoi pas ? - Bonjour Messieurs Dames. Un segment du voyage avec vous ! Ou peut-être pas ! Tout comme la totalité de l'itinéraire, du moins le mien ."

Anonyme a dit…

Quel plaisir de réécouter la voix française de Jacques Thébault doublant Robert Conrad dans Les mystères de l’Ouest.

Anonyme a dit…

pardon chere christiane, la rebondissante aux pieds de gazelle... J'ai bien sûr voulu évoquer Butor et non Robbe-Grillet en parlant de la "Modif"... Merci pour la "rectif"... et votre élégance habituelle sur mes enfantillages... /// nb.... je n'ai pas gardé un tel sentiment d'ennui à la lecture de ce Mercier là, découvert par mon cercle de lectures, il y a bien des années...
Je vous pardonne d'autant plus volontiers ***Matthias Renard, un rusé romancier, pour sûr !... (jjj)

Christiane a dit…

C'était pour vous offrir le plaisir d'écrire à votre tour... une modification.

Anonyme a dit…

Oui, une élégance jamais désarmée et pleine d'humour... J'adore. Bav (JJJ)

Christiane a dit…

Le romand de Pascal Mercier, "Train de nuit pour Lisbonne", gagne beaucoup de profondeur dans sa troisième partie, , "La tentative", c'est un très beau portrait de ce Gregorius,
L'auteur revient sur son départ brutal de Berne pour Lisbonne, sur cette tristesse qui le gagne maintenant. Départ qui avait surpris ses élèves ses collègues car il n'avait donné aucune explication.
Le voici revenu à Berne, en catimini. Il semble avoir peur de se perdre lui-même. Il a toujours ce livre sur lui et ne sait ce qu'il cherche.
Il se glisse dans son lycée. C'est le soir. Il se sent exclu. Les salles de classe sont fermées à clé. Tout son passé de prof mais surtout d'élève semble l'attendre, l'assaillir.
Il se retrouve enfermé, le gardien ignorant qu'il est entré.
Alors, d'une fenêtre, il regarde la nuit, puis l'enjambant se sauve dans la nuit, passe devant la maison où il a grandi.
Ce passage est très beau.
Il pourrait téléphoner à un ami mais, "qu'aurait -il pu lui dire ? Qu'il était ici et pourtant qu'il n'y était pas revenu ?"
Alors, arrivé chez lui, il reprend la lecture de son livre et découvre cette chose étonnante : "seules les phrases écrites par l'aristocrate portugais laident à être au juste endroit: ni à Berne, ni à Lisbonne."
Dont ces lignes : "ce qui était avant et en d'autres lieux est du passé, pour la plus grande partie oublié et seul un petit reste en est encore accessible dans les fragments désordonnés du souvenir, qui s'eclairent au hasard par intermittence et s'éteignent de nouveau."
C'est ainsi que dans ce roman qui finissait par mennuyer, je ne m'ennuie plus.
Cet homme de l'entre-deux nous ressemble tellement, enfin, je crois. Je m'y retrouve à certaines périodes de ma vie. Un moment d'introspection. Une certaine immobilité où la pensée vagabonde...

Christiane a dit…

roman - m'ennuyer

Christiane a dit…

Dernière évocation du roman de Pascal Mercier, " Train de nuit pour Lisbonne".
Il y a dans cette même troisième partie des lettres que le père et le fils n'osèrent s'envoyer et que Gregorius découvre grâce à une amie. Elles sont belles et poignantes. Le père, Juge, choquant son fils par son rôle de "punisseur" impartial; le fils intimidant le père par ses capacités intellectuelles, sa fureur de lire, et sa maturité.. "Soudés l'un à l'autre dans un mutisme qu'ils ne comprenaient pas, et aveugles devant le fait que l'un des mutismes engendrait l'autre."
Bien sûr, je pense à "la lettre au père" que Kafka n'osa envoyer.
Mais ici, le père est émouvant et devinait les sentiments de son fils.
C'est un roman passionnant quand il quitte les longues dissertations philosophiques sur des thèmes récurrents et s'attache à explorer le caractère, les sentiments des personnages.

Bientôt le roman de Sarah Brooks, "Comment voyager dans les Terres Oubliées".

Christiane a dit…

Oui, on apprend des hommes en lisant ce livre. Beaucoup de douleur et de solitude. Aucune scène de sexe mais de la tendresse maladroite. Il faut chercher sous les mots. Merci libraire. La traversée a été un peu difficile mais forte.
Je laisse reposer puis j'ouvrirai une autre traversée, un train qui grince déjà sur ses rails.
Ah ! la lecture...

Anonyme a dit…

Oui c’est une ode au lâcher prise avec des références philosophiques sous prétexte d’enquête. Merci pour le partage.
Libraire

Christiane a dit…

Pour quitter ce livre, un passage étrange que Gregorius aime relire dans son livre. Il semble aussi avoir été écrit pour Soleil vert à cause du thème du train. Un vrai texte de science-fiction.
Page 412. (Quelques extraits car il est très long.)

"J'habite en moi comme dans un train qui roule. Je n'y suis pas monté volontairement, je n'avais pas le choix et j'ignore le lieu de la destination. Un jour du lointain passé je me suis réveillé dans mon compartiment et j'ai senti que je roulais. (...) Je ne peux pas descendre du train. Je ne détermine pas la vitesse. Je ne vois pas la locomotive et je ne peux pas savoir qui la conduit. (...) Un contrôleur que je n'ai jamais vu a fermé et scellé la porte du compartiment. (...)
J'ouvre la fenêtre, je me penche au-dehors et je me rends compte que tous les autres en font autant. Le train decrit une boucle douce. Les derniers wagons dont encore dans le tunnel et les premiers y entrent de nouveau. Peut-être le train tourne-t-il en rond, sans relâche, sans que quelqu'un s'en aperçoive. (...) Je rêve beaucoup pendant ce voyage sans fin, ce sont des rêves de trains manqués (...)
Le voyage est long. Il y a des jours où je souhaite qu'il n'ait pas de fin. Il y en a d'autres où je suis content à la pensée qu'il y aura un dernier tunnel, où le transport simmobilisera pour toujours."
Sans vous, libraire, je n'aurais jamais lu cet ovni. Encore merci

Christiane a dit…

Lire : où le train simmobilisera pour toujours.

Christiane a dit…

Pour vous, libraire.
Une ode au lâcher prise...
Votre idée m'interpelle. Est-ce que Gregorius lâche prise ? Pas vraiment. Il fuit sur un coup de tête vers Lisbonne, obsédé par une quête concernant l'identité, la vie de ce philosophe poète. Avec acharnement il va essayer de rencontrer ceux qui l'ont connu. Dans le même temps, il cherche des clés de vie dans ce livre pour résoudre l'énigme qu'il est pour lui-même, l'énigme que sont les autres. Il cherche une vérité jusqu'à affronter Dieu dont il condamne la conduite injuste envers Job, Abraham...
Il lutte aussi contre un risque d'anévrisme.
Il hésite, revient en se cachant à Berne puis repart à Lisbonne puis reviendra à Berne. C'est tout sauf lâcher prise. C'est interroger dans fin un poète qui s'interrogeait sans fin ... qui avait connu l'opprobre pour avoir soigné un proche du dictateur. Les femmes ont l'air intéressantes mais elles sont trop nombreuses. Je m'y perds. D'autres personnages aussi, un religieux, un libraire. Et l'enfance qui vient cogner à la porte.
Où l'auteur voulait-il conduire son roman, nous conduire ? Un film de qualité a été tourné à partir de ce roman. J'aimerais le voir pour remettre toutes les pièces du jeu en place. Il paraît qu'il est excellent.
Êtes-vous vraiment libraire ? Ça serait bien. C'est un métier épatant.

Christiane a dit…

s'imm....

Christiane a dit…

https://fr.wikipedia.org/wiki/Train_de_nuit_pour_Lisbonne

Christiane a dit…

Voilà l'histoire bien résumée par Claudio Carvalho.
"A Berne, en Suisse, le professeur Raimund Gregorius sauve une jeune femme qui s'apprêtait à se suicider en sautant d'un pont et l'amène à l'école où il travaille. Pendant son cours, elle quitte le bâtiment et Raimund court après elle sans succès pour lui rendre son manteau. Il trouve dans sa poche un livre, "Um Ourives das Palavras" (Un orfèvre des mots) écrit par le Portugais Amadeu de Almeida Prado. Le lendemain, il se rend à la librairie tamponnée sur la première page et découvre que le livre a été vendu la veille à la femme. Il trouve à l'intérieur du livre un billet de train pour Lisbonne qui partira dans quinze minutes et il se rend à la gare centrale en s'attendant à trouver la femme. Il monte dans le train pour Lisbonne et lit le livre, fasciné par l'histoire. Lorsqu'il arrive à Lisbonne, Raimund décide de rester dans la ville pour rencontrer Amadeu. Il retrouve sa maison, où vit sa sœur Adriana , et découvre bientôt qu'Amadeu est mort. Raimund décide de faire des recherches sur la vie d'Amadeu, qui était un médecin et écrivain appartenant à la résistance contre le dictateur Salazar, et ses découvertes affectent sa propre vie ..."
C'est déjà plus clair mais il me manque pas mal d'autres personnages !

Christiane a dit…

La loi du talion embrase le Moyen-Orient... Cette escalade est effrayante .
Une sorte de folie s'empare de ces dirigeants. Une mécanique s'est enclenchée entraînant ces pays vers la guerre..... Terrible actualité.

Christiane a dit…

JJJ et Bruno Latour... Quelque part, d'une façon philosophique Bruno Latour a franchi le même pas que les grands amateurs de science-fiction dont notre ami Soleil vert.
Ne dit-il pas que notre vision du futur s’est radicalement transformée parce que nous sommes passés d’une version temporelle à une version spatiale ?
Avant, le futur était sans espace, maintenant, toute projection temporelle
est liée à l’espace dans lequel nous aurons un futur.
Cela change la façon d'imaginer le futur et l'avenir de Gaïa, la Terre, notre Terre bien mal en point avec toutes ces guerres qui la fracassent, avec tous ces morts. Comment imaginer un progrès sans la paix du monde ?

Christiane a dit…

C'est je début de ce nouveau roman, JJJ, qui m'a fait penser à Latour, car les oiseaux et les insectes sentent un péril là où les êtres humains ne perçoivent aucun signe inquiétant.

Christiane a dit…

C'est comme si on passait de l' idée de la fin des temps chère aux religions à une idée nouvelle : habiter un monde qui ne finirait pas.

Christiane a dit…

Ce roman de Sarah Brooks "Comment voyager dans les Terres Oubliées" introduit une métaphore spatiale, géographique. Par ce train qui semble ne jamais devoir s'arrêter, le temps est scandé par l'alternance des jours et des nuits.
Page 124.
"Le train de nuit est très différent du train de jour. On sent davantage le mouvement, en un sens, une fois que les couloirs de sont vidés ; le bruit des rails meuble le silence et se glisse dans vos os. Le train de nuit grince et chuchote. Il s'agrandit, comme s'il était en train d'exhaler toutes les distances du jour. (...) Les lumières s'éteignent à 23 heures donc il y fait sombre, à part la petite lampe au-dessus de la porte qui brûle toute la nuit. On entend des conversations étouffées...."
C'est très proche du train de nuit de Michel Butor dans "La Modification " quand le voyageur insomniaque regarde sa cigarette allumée dans le reflet de la vitre du couloir.
Un enfermement dans l'immobilité du wagon d'un train lancé à toute allure dans la nuit.

Christiane a dit…

Dans le temps de l’espace : toutes les temps sont simultanément présents. Ceux des voyageurs, celui de la Terre, celui des hommes habitant ces terres oubliées.

Christiane a dit…

Bruno Latour écrivait avec humour : "Voilà qui nous donne non pas un futur, mais tout un carquois de flèches du temps. Mais ne comptez pas trop sur les futuristes pour viser la bonne cible."
(Expo Beaubourg)

Christiane a dit…

C'était en 2008, pour l'exposition « Le futurisme à Paris, une avant-garde explosive »,

Christiane a dit…

Un espace qui dure et se confond avec la Terre...

Christiane a dit…

Et surtout le temps de l'intérieur.

Christiane a dit…

C'est un roman ou encore une fois les récits se pluralisent à partir de lieux et de voix différentes jusqu'à faire perdre la tête au lecteur !

Christiane a dit…

Une proposition, ce carquois, fracassant le temps linéaire, et successif comme la flèche du paradoxe de Zénon, (également décriée par Henri Bergson dans son approche de la spatialisation du temps),.

Christiane a dit…

tous

Anonyme a dit…

oulàh, vous m'en bouchez un coin, Ch....! Je ne connaissais pas cette sentence de Latour à Beaubourg, or elle est bien dans la veine de son humour. Merci de l'avoir citée... cela me ragaillardit la journée de mes mots fléchés sens dessus dessous... Bàv,

Christiane a dit…

C'était l'occasion de découvrir ou de retrouver les artistes et philosophes qui ont exprimer la vitesse, le mouvement , un espace nouveau : Braque, Delaunay, Duchamp, Kupka, Léger , Malévitch, Picabia, Picasso…
L'idée de futurisme devait faire place à la première guerre mondiale....
Le temps était bouleversé...

Anonyme a dit…

oups, j'ai failli écrire Latour à Maubourg... Mais vous êtes habituée à mes bons jeux de maux..., qui agacent si souvent nos erdéliens..., n'est-ce pas ? Je n'arrive pas à les empêcher... Hein ! Bàv, (jjj)

Anonyme a dit…

et vous aviez pris des notes muséales, sans doute, comme toujours ?... Car enfin, 1988 : quelle mémoire !... J'impressionne, j'hallucine et j'admire dans tous les sens en 3D... (jjj)

Christiane a dit…

Je les aime beaucoup vos variations. Elles font travailler l'imaginaire et le son de la langue et ouvre des pistes dans le domaine des non-dits.

Christiane a dit…

Pour les dates je cherche souvent sur internet. Ce qui me reste ce sont des tableaux, des citations, mes impressions.
C'est une époque où je bougeais beaucoup dans Paris et ailleurs.
Que de gares, de trains, de marches...
Des haltes aussi. A l'époque je choisissais souvent les hôtelleries des monastères si calmes, si loin de tout.
Mais j'aimais retrouver le brouhaha de la ville, la tiédeur d'un appartement avec mes livres, mes notes, mes musiques, les enfants adultes loin et proches.
Parfois les toiles et les couleurs. Plutôt les carnets de croquis mêlés de mots inachevés. Oui, j'ai gardé des carnets....
Les blogs sont venus très tardivement dans ma vie, en 2008 , grâce à celui de Pascale Robert-Diard.
Puis celui de Pierre Assouline comme un ouragan.
Bruno Latour, je connais peu. Vous en parlez souvent. Je crois qu'il est sensible au sort de la Terre, à sa protection, qu'il est aussi interrogatif dans le domaine des croyances.
Parfois vous ironisez sur mon envie de lire presque tous les livres proposés par Soleil vert. J'aime beaucoup vivre sur son blog des expériences de lecture, d'écriture. C'est un homme à qui je fais confiance.

Ce train de Sarah Brooks est source de questionnements. Le danger à l'extérieur semble venir d'une faune, d'une flore devenues menaçantes sans parler de mouvements de houle des éléments. Comme si Gaïa était très en colère contre les fourmis humaines... C'est je crois un premier roman d'une jeune femme écrivain. Très agréable à lire car les voix multiples donnent à connaître des voyageurs qui nous ressemblent.
Des mots croisés ou fléchés, j'aime aussi ce loisir souple.

Christiane a dit…

Pour vous, JJJ, l'article complet :
https://www.centrepompidou.fr/fr/magazine/article/bruno-latour-les-crises-ecologiques-nous-obligent-a-une-recomposition-totale-de-tous-nos-modes-de-vie

Anonyme a dit…

Parfois vous ironisez sur mon envie de lire presque tous les livres proposés par Soleil vert.
Pas trop méchamment, je l'espère, c'est surtout que je suis constamment impressionné et que je lutte un brin contre ce sentiment d'admiration... Comment vous en voudrait-on réellement ? - Bàv,

Christiane a dit…

Mais lire ne devrait procurer aucun sentiment d'admiration. C'est une activité paisible, lentement faite de fidélité à la langue écrite. Une préférence en quelque sorte très automnale.
Saison des frimas où lire est aussi douillet qu'un nid. Saison de la vie où les rythmes se ralentissent, où la vie de fiction se mêle aux reminiscences. Plus rien n'est certain mais tout devient possible.
Vous êtes une personnalité attachante, sautillante comme un lutin et pleine de mémoire.
Vous maniez l'ironie avec une telle espieglerie comme si le spectacle du monde vous rendez triste et que vous vouliez cacher ce désarroi..
En vous s'équilibrent le féminin et le masculin harmonieusement, loin des batailles.
Voilà comme je vous lis, cher lecteur.

Christiane a dit…

Vous étiez triste, JJJ, que personne n'évoque Jacques Reda.
Alors, pour vous ces chemins perdus, vus d'un train...


Chemins perdus

"Pareils aux inquiets, aux longs velléitaires
Qui n’auront jamais su choisir un seul chemin,
Tous ceux que j’aperçois, lorsque je passe en train,
Filer à travers bois, dans l’épaisseur des terres,
Me paraissent chacun devenir, tour à tour,
Celui que j’aurais dû suivre sans aucun doute.
Je me dis : la voici, c’est elle, c’est la route
Certaine qu’il faudra revenir prendre un jour.
Mais aussitôt après, sous la viorne et la ronce,
Un sentier couleur d’os ou d’orange prononce
Sa courbe séduisante au détour d’un bosquet,
Et c’est encore un des chemins qui me manquaient.
Puis le bord d’un canal donne une autre réponse
À ce perpétuel élan vers le départ.
Mais je vous aime ainsi, chemins, déserts et libres.
Et tandis que les rails me tiennent à l’écart,
Vous venez vous confondre au réseau de mes fibres."

In Retour au calme, poèmes, © Gallimard, 1989, p. 59

****

Christiane a dit…

Donc, je termine la lecture de ce roman étrange de Sarah Brooks. Ce train, peu à peu, devient moins important. L'extérieur se venge et l'emprisonne. Les rares fugitifs qui ont mis un pied à l'extérieur ont affronté ce monde hostile, spongieux, sanguinolent et ont vite regagné la protection devenue précaire du train devenu proie.
Quelques pages avant le final. Une centaine.
A ce point de son récit devenu horrifique que va-t-elle faire de ce train, des voyageurs, de l'extérieur envahissant et affamé ?
Ça ressemble à un rêve dont on essaie vainement de sortir....

Christiane a dit…

Mais un livre très bien écrit avec des paysages d'une grande beauté. Très fine approche du personnage de Wei-Wei, entre autres.

Christiane a dit…

J'aime beaucoup la fine transformation du roman dans 100 dernières pages. Sarah Brooks donne beaucoup de place à la psychologie de ses personnages. On sort un peu du roman fantastique pour entrer dans leur coeur et leurs pensées.
Je ne raconterai pas ce que je découvre mais je ne m'y attendais pas.
Peut-être est-ce l'heure, le soir, je lis lentement et les mots et les phrases prennent alors l'empreinte de l'écrivain. C'est comme de rapprocher de l'écriture et né pas tendre impatiemment vers la suite des évènements.
C'est toujours apaisant dans les romans de SF qui souvent donnent plutôt de l'importance à l'action.


Sur ma table, " Le bracelet de jade" de Mu Ming. Collection"Récifs" des éditions Argyll proposant des récits courts écrits par des femmes ecrivains du monde entier.
Anouck Faure a réalisé une couverture somptueuse que j'avais déjà aimée sur le blog de Soleil vert (billet suivant).
Traduit du chinois par Gwenaël Gaffric.
( C'est sympathique, il remercie Alice Abel pour sa relecture), et offre un avant-propos présentant les littératures de l'imaginaire en Chine nourries de la tradition textuelle chinoise. J'aime les repères historiques qu'il donne ainsi que cette note sur l'importance des jardins, lieux cosmogoniques invitant à la méditation.

Shanghai 2022 - France 2024.
Je crois que cette maison d'édition est bretonne car le soutien de la région Bretagne est noté ainsi que le logo de Rennes Métropole.

Voilà tout est prêt pour la fête de lecture à venir. Quelle voix aura Mu Ming pour nous conter cette histoire ?

Christiane a dit…

se rapprocher de... et ne pas tendre

Christiane a dit…

Voilà. Livre terminé. La fin du roman de Sarah Brooks me plaît beaucoup. La couverture splendide dit beaucoup si on l'observe bien.
Maintenant, une pause soleil avant d'entrer dans le conte de Mu Ming.