Kim Stanley Robinson - Mars la rouge - Pocket
Objet d’une
curiosité humaine quasi-immémoriale et plus récente de la part des scientifiques,
des romanciers et des cinéastes, la planète Mars revient peu à peu dans l’actualité.
Outre les rediffusions télévisées des films Mission
to Mars ou The Martian, une série
présentée comme une docufiction a vu le jour en 2016. C’est l’occasion pour moi
de revenir sur la trilogie majeure de Kim Stanley Robinson longtemps délaissée
en raison d’un préjugé absurde. Les premiers romans de cet écrivain, Les menhirs de glace et Le rivage oublié avaient révélé un auteur
subtil. Mais j’avais en mémoire les débuts fascinants d’Orson Scott Gard dont
le génie inventif se perdit dans ses fantasy ultérieures. Enfin tout écrivain,
estimai-je, ambitionne de publier un pavé commercial qui le consacrera
définitivement aux yeux du grand public et pas forcément à ceux de ses
admirateurs.
Tous ces a priori
sont balayés par Mars la rouge . En décembre 2026, cinquante américains et cinquante
russes font route à bord de l’Ariès vers la planète du Dieu de la guerre. A
leur tête un triumvirat formé par John Boone, le Neil Armstrong des lieux, Frank Chalmers et Maya Katarina Toitovna. Un triumvirat qui est
aussi un trio amoureux dont les tensions rythment la narration. Les Cent
premiers partagent le rêve d’une utopie martienne, loin de la Terre natale
noyée par la misère et les conflits. Alors qu’ils livrent un combat colossal pour
passer d’un quotidien en mode survie à une existence supportable, les
divergences surgissent. Faut-il comme le revendique le biologiste Sax entamer
la terraformation sans tarder, ou à l’instar d’Anne la géologue préserver la
beauté minérale de cette terre ? L’un des protagonistes les plus secrets,
Hiroko, tranche la question en abandonnant le site pour fonder une seconde colonie
dans un endroit inconnu.
Personnage central, Boone déploie tous ses efforts pour maintenir la cohésion de la
communauté humaine tout en préservant l’espoir utopique d’un monde nouveau régi
par ses propres lois. Mais alors que le projet connaît ses premiers succès, que
l’amorce d’une vie biochimique parcourt les sols, que l’atmosphère se densifie,
que les humains quittent les caveaux de Underhill pour s’installer dans des
cités sous dôme, les multinationales terriennes entrent en jeu pour tenter de
rafler la mise.
Kim Stanley Robinson
a réalisé un travail considérable, étalé sur dix-sept années selon Claude Ecken.
On ne lit pas Mars la rouge, on
plonge en immersion dans un autre monde, le lecteur déambule sur le régolite, arpente
les canyons ou se balade sur la plateforme d’Olympus Mons à vingt et un kilomètres
d’altitude. Les inévitables considérations scientifiques liées à ce type d’ouvrage
ne nuisent pas à la marche du récit, d’autant que l’écrivain, peut-être inspiré
par l’ouvrage de Robert Heinlein Révolte
sur la lune, ne fait pas l’impasse sur l’environnement politico-économique.
Comme tous les grands romanciers, l’auteur s’approprie le temps ; les
pionniers dont certains disparaissent sont rejoints par d’autres migrants, de
nouveaux enjeux surgissent, Mars elle-même évolue.
La lecture
achevée, on se souviendra de la beauté minérale et multiple de ce monde, tout
autant que de la force des personnages créés par Kim Stanley Robinson. L’ultime
dialogue entre Maya et Hiroko rappelle l’épilogue de Chroniques Martiennes. Ça tombe bien, Mars la rouge rejoint le fameux livre de Ray Bradbury au Panthéon littéraire
martien en compagnie de La guerre des
mondes de H.G Wells.
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