Jean-Joseph
Julaud - Anthologie de la poésie
française - FIRST Editions
(Illustrations Pierre
Fouillet)
On ne compte plus à ce jour les anthologies de poésie française. La
première que j’ai parcouru (1) avait été établie par Georges Pompidou,
Président Lettré entre tous, capable de citer Eluard en conférence de presse et
dont les copains de khâgne et d’hypokhâgne au lycée Saint-Louis s’appelaient Senghor (2) et Aimé Césaire. Par la suite, comme tous les amoureux du genre, je me suis
constitué, au gré de lectures hasardeuses ou approfondies, mes propres
recensements. Pourquoi donc celle-ci ?
L’anthologie de Jean-Joseph Julaud ne brille ni par son audace
ni son paratexte. On lui saura gré d’avoir sans prétention organisé l’ordonnancement
des textes en Carte du tendre : amour, tendresse, désir, passion, émotion,
humour, mélancolie… Par contre la qualité de fabrication de cette édition et l’idée
d’adjoindre une illustration de Pierre Fouillet en regard de chaque poème
emportent le morceau.
Environ quatre-vingt-dix poèmes dressent une liste d’incontournables
chefs d’œuvre : parmi eux, un gros bataillon de Baudelaire, Verlaine, Apollinaire, Rimbaud,
Hugo, Nerval, Chénier et au compte-goutte Lamartine, Vigny, Musset, Ronsard,
Leconte de Lisle, Heredia, des fables de La Fontaine. Quelques timides incursions
dans le XXe siècle dominé par Apollinaire : un poème de René Char, de Louis
Aragon, de Michaud, idem pour Desnos et le géant Eluard ne comblent pas l’immense
champ laissé en friche (Supervielle, Reverdy, Guillevic …). Chacun retrouvera ici son content de vers immortels.
On reprochera à Jean-Joseph Julaud la
part congrue consacrée aux poétesses, Marie de France et l’énigmatique Louise Labé, c’est peu. Que sont devenues pour emprunter à Rutebeuf (bien présent lui
dans l’ouvrage) et ne citer qu’elles, Marie Noelle, Andrée Chédid, et l’infortunée
Catherine Pozzi muse trahie de Paul Valery (Ariane ma sœur de quelle amour blessée/
Mourûtes vous aux bords ou vous fûtes laissée) … lui-même absent du volume
:
Très haut
amour, s'il se peut que je meure
Sans
avoir su d'où je vous possédais,
En quel
soleil était votre demeure
En quel
passé votre temps, en quelle heure
Je vous
aimais,
Très haut
amour qui passez la mémoire,
Feu sans
foyer dont j'ai fait tout mon jour,
En quel
destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
O mon séjour...
Quand je
serai pour moi-même perdue
Et
divisée à l'abîme infini,
Infiniment,
quand je serai rompue,
Quand le
présent dont je suis revêtue
Aura
trahi,
Par l'univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu'au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l’esprit, ô centre du mirage
Très haut
amour
CP
L’ Anthologie de la
poésie française de Jean-Joseph Julaud est
essentiellement un livre introductif pour lecteurs débutants dont les vers
éclatants ne laisseront pas insensibles les plus anciens.
(1)
Citons aussi quelques pages lumineuses de Gaétan
Picon consacrées à la poésie dans son Panorama de la nouvelle littérature
française, l'anthologie de Bernard Delvaille La nouvelle poésie française chez Seghers, et plusieurs délicieux recueils consacrés à la poésie africaine d'expression française.
2 commentaires:
Oui Georges Pompidou était un”Président lettré”,d’ailleurs il transita par Marseille où il enseigna en début de carrière le français, latin,grec .
Je feuilleterai cette Anthologie avec joie.
Biancarelli.
Adieu Meuse endormeuse et douce à mon enfance, qui disait le Péguy. Elle s'est sacrément réveillée l'endormeuse.
Poème repris dans l'antho il me semble.
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