mercredi 17 juillet 2024

Le Magicien Quantique

Derek Künsken - Le Magicien Quantique - Albin Michel Imaginaire/Le Livre de Poche

 

 


Dans une librairie généraliste possédant un petit rayon SF, j’avais surpris une conversation entre un adolescent accompagné de son père, et une libraire. Le jeune homme après avoir écumé toute la fantasy du stand souhait acquérir un roman de science-fiction orienté action. La vendeuse suggéra successivement Demain les chiens de Simak et le dernier Damasio … Proposition évidemment refusée. Le sourire qui commençait à se dessiner sur mes lèvres s’estompa. Qu’est-ce que j’aurais proposé, en dehors du constat désolant d’une génération passant à côté des œuvres du natif du Wisconsin ? J’ai moi-même zappé nombre de cycles orientés « action » signés James S.A Corey, Jamie Sawyer, John Scalzi etc. sous des prétextes « élitistes » pour reprendre le jargon en usage sur un forum disparu. En fait je m’éloigne de la littérature de science-fiction, d’un temps où je lisais tout ce qui me tombait sous la main. Le Magicien Quantique de Derek Künsken, paru chez AMI voici quatre ans est l’occasion de me faire mentir.

 

Dans un futur inconnu, le genre humain s’est dispersé dans les étoiles et surtout s’est ramifié en sous-espèces n’ayant presque plus rien à voir avec les morphotypes originels. Des manipulations génétiques pas seulement liées à leur nouveau milieu d’existence ont transformé les uns en « Homo éridanus », mi-poissons mi-humains évoluant dans des abysses océaniques, d’autres en « Homo pupa », ou « Fantoches », sortes de poupées humaines soumises aux « Numen, » par le biais de phéromones et les « Homo quantus », fruits d’une expérimentation. Décrits comme des « automates intellectuels » ils peuvent s’immerger partiellement (le mode savant) ou totalement (le mode fugue) dans l’indétermination du monde quantique au prix de l’annihilation temporaire de leur conscience.

 

Plusieurs théocraties gouvernent cette fraction de l’Univers dont la plus puissante est La Congrégation vénusienne. Une partie des Fantoches s’est révoltée contre les Numen et a fondé une théocratie religieuse, un consortium anglo-espagnol s’est créé. Dans ce contexte, une lointaine Union Subsaharienne, vassale de la Congrégation, souhaitant se débarrasser de sa tutelle, tente de faire passer une flotte de vaisseaux hautement technologique à travers un trou de ver (un raccourci permettant de s’affranchir des limitations de la vitesse de la lumière), au nez et à la barbe des Fantoches qui en gardent l’accès. Pour cela elle fait appel à Belisarius Arjona, un homme quantique et arnaqueur de génie qui s’entoure d’associés généticiens, experts en explosifs, d’une consœur et autres cas sociaux assez dingues pour le suivre dans cette entreprise.

 

Présenté comme un Ocean’s Eleven science-fictionnesque, Le Magicien Quantique établit un pont entre la génération des Egan - Watts dont il emprunte le vocabulaire scientifique et celle des grands délirants de l’âge d’or comme Van Vogt, au demeurant canadien comme Derek Künsken, en témoigne l’invention de boutons de veste contenant des particules intriquées bien utiles pour géolocaliser un partenaire dans le fin fond de l’univers. Intrigue de folie et personnages inénarrables complètent la panoplie.

104 commentaires:

Christiane a dit…

Le début du billet commence comme une nouvelle.
La suite du billet comme une plongée vivifiante dans les étoiles et dans le temps.
J'aime beaucoup cette petite librairie et le dialogue entre l'ado et les "grands".

Anonyme a dit…

J’aime tout particulièrement « les grands délirants de l’âge d’or »! Pour le reste, entre confidence et résumé, et c’est bien ainsi, sans vouloir imiter l’Imperatrice que vous savez. MC

Christiane a dit…

Dans ce roman SF se suivent de nouvelles classifications du genre post-humain : des homo-eridanus, des homo-quantus, des homo-pupa.

Le "sapiens" qui nous caractérise a disparu...

L'espèce "Homo sapiens" appartient l’ordre des Primates disaient les naturalistes et ils la rattachaient à la famille des Mammifères. Ce qui offusqua les contemporains de Linné, jugeant qu’une telle classification portait atteinte à la singularité
et à l'excellence spirituelle du genre humain !
La "sapienta" a donc disparu dans ce roman. Qu'est-ce à dire ? Cette évolution de la technologie imaginée par Derek Künsken ouvre donc ces espèces à un monde de folie, de démesure deserteet par la sagesse humaine ?
Enfin, sagesse humaine... aurait-elle déserté le monde bien avant de géolocaliser cette post humanité "dans le fin fond de l’univers" ?
"Intrigue de folie et personnages inénarrables complètent la panoplie".
Est-ce donc un monde aussi fantasque que celui des Shadocks ?

Christiane a dit…
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Christiane a dit…
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Christiane a dit…
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Christiane a dit…
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Christiane a dit…
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Christiane a dit…

Quel univers que la science-fiction !
Trou de ver... Je pensais au cet adorable album d'Éric Carle qu'adoraient les petits de la Maternelle, l'histoire de la petite chenille qui a faim et qui va creuser des trous au long de sa promenade dans différents fruits. Les enfants adoraient, surtout qu'à la fin elle devenait un papillon et qu'ils pouvaient avec leur index traverser les pages cartonnées qui étaient trouées.
Donc dans ce roman de
Derek Künsken pas de chenille, pas de trous dans une pomme ou une poire.
Les trous de ver chers à la science fiction seraient donc une façon de traverser l'espace temps en entrant dans un trou noir et en ressortant par l'autre.
Ici les chenilles sont des capsules spatiales.
Un peu comme dans le film "Premier contact" et dans bien d'autres
Je pense à un poème de Supervielle.
"Où courent-ils ainsi ces lièvres et ces belettes....." Je vais chercher.

Christiane a dit…
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Christiane a dit…

Supervielle écrit encore :
"Ne touchez pas l’épaule du cavalier qui passe, il se retournerait et ce serait la nuit, une nuit sans étoiles, sans courbes ni nuages..."

Magique....

Christiane a dit…
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Anonyme a dit…

Moi j’aimais beaucoup à cette âge le Conte de la Marguerite, de Beatrice Appia. Beaucoup plus tard, j’ai acheté un paysage Cezannien plus que Picassesque d’elle. Et les couleurs de cette gouache me charment toujours. (Le Mouton est devenu grand…)

Christiane a dit…

Ah, les albums du Père Castor, c'était notre fiction... Michka, Marlaguette et le loup, pic et pic et colegram, les biquets et le loup, la petite poule rousse, roule-galette, perlette goutte d'eau, les trois petits cochons, la petite poule rousse.... avec les illustrations de Marie Colmont... Lay ce n'est pas seulement une classe de maternelle mais c'est aussi l'enfant que j'étais puis la maman et la grand-mère qui avait gardé ces trésors.... Un âge d'or aussi....
Merci pour ce beau partage.

Christiane a dit…
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Anonyme a dit…

Je comprends un peu Soleil Vert. Avoir lu tant de Cycles, de Sagas, de romans de SF même, connaître les moindres ficelles du genre, cela doit à un certain moment, prémunir contre la SF. Et moi-même, lorsque je passe dans une librairie, je ressens ces jours-ci un effet de saturation devant le rayon SF. Cela dit, je crois toujours aux trouvailles, ce qui me sauve un peu…

Christiane a dit…

Pour l'instant, le titre du roman, la couverture du livre me font davantage rêver que la dizaine de pages du roman feuilletées sans conviction.
Ces homo-quelque chose sont semblables dans leur comportement aux homosapiens qui les ont précédés. Ils font remonter la lectrice que je suis en amont, peut-être à partir de ces trous noirs et de ces trous de ver où le lecteur rejoint une humanité banale préoccupée de transports illicites dans l'espace interstellaire. Comme si leur présent s'involuait dans un passé qui est notre présent.
Pour l'instant je ne trouve pas ce que j'attendais : la logique paradoxale des contes, un côté extraordinaire de l'aventure, une certaine magie.
Les dits de cette fiction se figent dans des scènes presque immobiles avec une myriade de vaisseaux intergalactiques - de guerre - qui divaguent tout autour des personnages aux noms farfelus.
Une figure stable semble se dessiner, un certain Belisarius.
Un dialogue, trouvé page 32, précise les préoccupations des personnages :
" - Vos camarades et vous recourez à un escroc plutôt qu'à une solution militaire. Les services de renseignements de l'Union ont dû évaluer tous les agents secrets d'Epsilon Infi. Je parie qu'ils n'en ont pas trouvé un seul qui ne collaborait pas déjà avec un service rival (...).
- D'après Babedi, l'Homo quantus est une nouvelle espèce de contemplatifs. Vous ne me paraissez pas très contemplatif.
- Je ne suis pas enchanté non plus d'être le choix par défaut. De quoi vos vaisseaux sont-ils capables ?
Iekanjika porta le doigt à la membrane transparente sur le dos de sa main pour y taper des instructions. (...) L'hologramme du vaisseau amiral, le Mutapa, s'agrandit"

Il faut attendre cette membrane pour trouver l'insolite d'un dialogue dans ce monde de dealers et l'apparition du vaisseau amiral qui rappelle la saga de La guerre des étoiles
On apprend plus tard que ce dernier a "une vitesse d'éjection de 500 000 kilomètres par seconde."
Voilà. Une impression de déjà vu, de déjà lu.
Cet adolescent écouté dans la petite librairie trouvera certainement l'ambiance à son goût. Moi, je m'ennuie un peu, surtout après la traversée des romans et nouvelles présentés dans les derniers billets.

Christiane a dit…

Quelle remarque intéressante !
Dans la bibliothèque de Soleil vert, chacun des livres est un fragment. Le suivre dans ses lectures revient à tracer les contours d'une vision poétique de la pratique livresque. Une représentation de ce qu'il vit comme lecteur.
Lisant à notre tour les romans qu'il présente on entre dans le pouvoir imageant des livres, dans le plaisir de la lecture.
Lire c'est parfois aussi rencontrer un être car certains livres sont des lieux où l'écrivain se livre. Cela m'arrive avec les romans de Tchekhov, de Camus, de Beckett, de Modiano, de V.Woolf, de Leiris, de Sarraute... Mais je ne déteste pas la science-fiction. Certains romans m'ont marquée plus que d'autres....

Anonyme a dit…

J’étais en librairie hier , et si je l’ai cherché, je ne l’ai pas trouvé l’opus présente ici. A ce propos, il semble que la Librairie de SF rue Lafayette ait disparu, ou est-ce moi qui me trompe? Bien à vous . MC

Christiane a dit…

Les tablettes numériques ont du bon, cher MC.

Anonyme a dit…

Mais elles peuvent tuer l’objet livré, chère Christiane, et celles et ceux qui en vivent…

Anonyme a dit…

C’est beaucoup, 500 O00 km à la seconde…Le moteur est atomique, je présume ? Ils furent très à la mode jusqu’à la fin des années 1970… MC

Christiane a dit…
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Christiane a dit…
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Christiane a dit…
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Christiane a dit…

"La vitesse maximum qu'il est possible d'atteindre dans tout l'univers est celle de la lumière : c'est une limite inscrite dans la physique même de notre cosmos. C'est l'astronome danois Ole Rømer qui réussit à la déterminer en 1676, alors que c'était jusque-là une mesure non infinie.
Avant lui, Galilée avait aussi essayé, tout comme plusieurs autres scientifiques après lui, comme le mathématicien danois Christiaan Huygens, sans jamais parvenir à la précision du calcul actuel. En revanche, il ne s'agit pas d'une valeur absolue, mais toujours relative au milieu dans lequel la lumière se propage : dans le vide, la lumière atteint 299 792 458 m/s. Ceci signifie que si nous pouvions voyager à la même vitesse, nous pourrions faire le tour de l'Équateur sept fois et demie par seconde."

Christiane a dit…

Relu, grâce au nouveau billet de Pierre Assouline, sur Baudelaire, le Salon de 1846.
Baudelaire saisit, en avance sur les critiques de son époque, l'extraordinaire liberté et science de l'emploi des couleurs chez Delacroix..
Il contemple ses tableaux, prête attention à la douleur humaine , à la mélancolie opiniâtre qui s'exhalent de toutes ses œuvres. Mais après avoir fait un arrêt devant chacune des oeuvres exposées et remarqué chez Delacroix un mélange de science et de naïveté, ce qui serait la marque d'un homme complet, il revient à une méditation sur les couleurs qui me laisse ébahie .
1846, il n'a que 25 ans, et s'interroge sur la fusion intime de deux couleurs comme dans l'arc-en-ciel .
Dans le chapitre précédent, "De la couleur", il notait déjà l'harmonie naissant de la juxtaposition du rouge et de sa complémentaire, le vert, les tons mélanges , les gris teintés adoucis par ces mélanges subtils des couleurs primaires avec leur complémentaire, comme ici pour le bleu : "Les vastes ombres bleues chassent la foule des tons oranges et roses-tendre qui sont comme l'écho lointain de la lumière."
On dirait que Baudelaire aspire le spectacle lumineux du monde et le retrouve dans les toiles de Delacroix.
Newton déjà avait réussi à décomposer un rayon lumineux en le faisant passer à travers un prisme. et notant que des longueurs d'ondes distinctes étaient perçues comme autant de couleurs différentes.
La couleur est donc pour Baudelaire l'accord de deux tons. Oui. Mille fois oui.
Toute couleur vaut donc par son rapport avec les autres. D'où son approche remarquable de Delacroix
Cinquante pages d'un bonheur parfait en compagnie d'un homme qui aurait tant à dire de l'abstraction....
Une belle science-fiction !

Anonyme a dit…

A-t-il eu l’occasion de voir un Turner?

Christiane a dit…
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Anonyme a dit…

Oui, il exposait en Angleterre, et tôt, mais des gravures ou dessins pouvaient circuler sous l’Empire, c’est attesté, et peut-être la Restauration. C’est votre analyse des couleurs qui m’y a fait penser. Pas plus.

Anonyme a dit…

Cela dit, il y a aussi des catastrophes baudelairiennes…

Christiane a dit…

Comme ce poème ! Bon, je l'enlève !

Christiane a dit…

Oui, je pensais à des peintres qu'il ne connaissait pas en notant ces remarques.

Christiane a dit…

Voilà j'ai ôté ce qui n'avait pas de rapport avec cet univers de Derek Künsken ou le billet de Passou sur Baudelaire.

Anonyme a dit…

« Le vaisseau Amiral le Mutapa ». Je ne sais pourquoi, ce patronyme m’évoque une sorte de CPE façon armée des Indes…Le modèle a bien existé !

Anonyme a dit…

Je n’ai pas dit de mal des Phares. Mais les Litanies à Satan…

Christiane a dit…

Oui, cet aspect négatif est réel.

Christiane a dit…

Bonjour au pays des "missiles militaires propulsés par fission".... Enfin quelques pages en amont j'ai trouvé un passage qui me plaît. Ce sera pour un prochain commentaire...

Christiane a dit…

Car il s'agit d'une flotte de vaisseaux de guerre portant des noms en rapport avec l'époque où s'était formée "l'Union subsaharienne" ! ( Zimbabwe, Ouganda, Soudan....)

Christiane a dit…

Voilà, un beau passage, qui, hélas, ne dure pas !
"Belisarius voyait quatre mille étoiles. Entre elles, le vide béant, infini. Activer la fonction télescope de ses implants oculaires lui permettrait d'en voir peut-être cinq fois plus, mais multiplierait aussi l'espace entre elles, entraînant l'apparition d'autres néants insondables. Le spectacle avait pour lui un goût de fugue : voir tout le cosmos non seulement en sachant que c'était un néant, mais en étant partie intégrante de celui-ci.'

Mais voilà, c'était trop beau !
"Un bâtiment de guerre de tenait par le travers, à quelques kilomètres de là...."

Christiane a dit…

Il y a d'autres propositions intéressantes dans ce roman, ainsi page 62 :
"S'il voulait y arriver, il lui fallait entrer en fugue, cesser totalement d'être lui-même. Il était déjà à moitié quelqu'un d'autre. Le mode savant désactivait toutes sortes de fonctions cognitives, le changeait en détériorant pour un temps son cerveau. Mais entrer en fugue quantique signifiait n'être personne. Il évitait la fugue depuis des années, l'avait fuie et s'était enfui de chez lui."

N'être personne... quelle proposition insolite....

Christiane a dit…

Alors là, je me régale ! Page 63. (Je pense à Sergio....)
"Aux débuts de la théorie quantique, savants et philosophes s'étaient farouchement opposés sur la signification de la fonction d'onde quantique, tout comme sur celle de la superposition des états. Que voulait dire qu'un électron puisse passer par deux fentes à la fois ? Au niveau atomique, la réalité était insaisissable. Propriété qu'avait rendue célèbre le chat de Schrödinger, empêtré dans l'incertitude du monde quantique parce que son sort dépendait d'une observation. D'après certains, le chat était devenu partie intégrante du monde quantique, avec une dualité d'états comparable : ni mort ni vivant. Pour d'autres, l'expérience elle-même créait deux nouveaux univers : l'un avec l'animal mort, l'autre avec l'animal vivant. Les deux interprétations charriaient tant de choses qu'aucune ne l'emporta sur l'autre."

Ce roman me plaît par ses apartés.

Christiane a dit…

Je ne peux vous priver du paragraphe suivant, si juste, si grave.
"Le projet "Homo-quantus" découlait de la découverte que la conscience était l'élément qui effondrait les systèmes quantiques en résultats clairs et nets. Êtres subjectifs et conscients, les humains ne pourraient jamais observer directement des phénomènes quantiques. Dès qu'ils s'y essayaient, ils trouvaient le chat soit mort soit vivant et l'électron passait par l'une ou l'autre des deux fentes de l'expérience. Les probabilités de superposition et de recouvrement disparaissaient dès que les humains approchaient. La conscience transformait la probabilité en réalité."
Et l'auteur ajoute - ça c'est dans le roman - :
"Le projet "Homo quantus" avait eu pour but de concevoir des humains capables de se départir de leur conscience et de leur subjectivité afin de ne pas effondrer le phénomène quantique."
Quelle folie ! Toute la grandeur de l'être humain est dans la présence de cette conscience, de cette subjectivité qui le plongent dans la gravité d'une prise de décision, d'un choix. C'est tout le roman du XIX et du XX e siècle.
Résoudre les cas de conscience, les doutes qui se posent à l'être humain par un cerveau augmenté, manipulé revient à le transformer en machine apte à obéir à tous les ordres, même les pires.

Christiane a dit…

Derek Künsken le dit autrement, très poétiquement.
"Aborder la fugue quantique donnait à Belisarius l'impression de se tenir debout sur un plongeoir. Le moi était au-dessus de l'eau, s'y reflétait. La dissolution attendait dans l'eau, l'extinction du moi. Plonger était devenir partie intégrante de l'environnement, tels l'espace,les étoiles et le néant, cesser d'être un sujet capable de ressentir. Plonger signifiait rejoindre la catégorie de choses qui étaient des ensembles de règles et d'algorithmes sans esprit, tels les insectes et les bactéries. Entrer en fugue vous transformait en une des innombrables choses dans l'indétermination du quantique."

C'est une page très philosophique. On dirait qu'il parle de la mort.

Christiane a dit…

Je ne peux m'empêcher de penser à la fin du film de Luc Besson, "Lucy", un dernier acte un peu spirituel. L'univers graphique utilisé pour illustrer la plongée de l'héroïne dans d’autres dimensions ressemble au plongeon de Belisarius .

Janssen J-J a dit…

@ Voilà j'ai ôté ce qui n'avait pas de rapport avec cet univers de Derek Künsken ou le billet de Passou sur Baudelaire.
----
Ah ! je me suis toujours demandé comment cela se passait... Demandez-vous explicitement la suppression d'un message à SV et comment cela se passe-t-il. Avez vous une convention personnelle où il vous aurait assurée d'accéder à votre demande en privé ? Ou bien, d'un mécanisme quelconque qui vous permettrait de supprimer vos propres messages post hoc ?
Merci pour vos réponses éventuelles, SV et Christiane.
(nb/ je déplore en effet de ne pouvoir procéder ainsi, au moins sur le blog de l'RDL).
Bien à vous,

Christiane a dit…

Bonjour, JJJ
J'écris mes commentaires et les envoie, ici, avec mon adresse Google qui me permettent , une fois le commentaire envoyé et apparu, de le laisser ou de le supprimer. Il suffit alors de cliquer sur la case "supprimer".
Cela me permet, à la relecture, de peser mes commentaires et de supprimer ceux qui me paraissent superflus. J'aime beaucoup cette possibilité.
Chez Paul Edel c'est WordPress et là aucune possibilité d'effacer un commentaire. Seul PE peut le faire.

Christiane a dit…

permet

Christiane a dit…

Cet après midi, sur une chaîne cinéma, ce film que j'apprécie tant. "Le troisième homme" de Carol Reeds. Vienne à la fin de la guerre... Un air entêtant de cithare... Des acteurs fabuleux...


https://www.legrandaction.com/films/le-troisieme-homme-the-third-man/

Christiane a dit…

Retour au roman. Une faiblesse ? Le chapitre un peu nunuche du couple Cassie Bel(isarius)....

Christiane a dit…

Sauf peut-être cette phrase très évocatrice , page 82 :
"Des lèvres entrouvertes comme quand on respire doucement dans un demi-sommeil."
Je revois alors des dessins de Greuze dans une salle du Louvre, dont un à la sanguine , "L'enfant endormi".

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020212767

Christiane a dit…

JJJ, cela donne à l'espace commentaire une allure lacunaire comme dans "Les gommes" d'Alain Robbe-Grillet.
Il faut combler les trous (pas de ver) pour accrocher une réponse à un commentaire qui a été... gommé.
L'acte de lecture devient alors une devinette comme dans le roman amusant de Robbe-Grillet. Et le passant, vous à l'occasion, doit reconstruire une trame à partir des indices qu'il ramasse. Cela doit vous plaire, JJJ, vous le farceur. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles de mes trois adresses email je choisis celle-ci pour intervenir sur ce blog que j'aime pour sa liberté. Mais elle ne passe pas chez Paul Edel.

Christiane a dit…

D'ailleurs, dans le prologue, Robbe-Grillet écrit ces lignes qui entrent bien dans le domaine de la science-fiction dont ce roman..
"Bientôt malheureusement le temps ne sera plus le maître. Enveloppé de leur cerne d'erreur et de doute, les évènements de cette journée, si minimes qu'ils puissent être, vont dans quelques instants commencer leur besogne, entamer progressivement l'ordonnance idéale, introduire ça et là, sournoisement, une inversion, un décalage, une confusion, une courbure pour accomplir leur oeuvre, sans plan, sans direction, incompréhensible et monstrueux."

Janssen J-J a dit…

Merci pour vos explications... C'est simple.

S'agissant des Gommettes grillées aux marshmallows pour vous rebondir, je me rappelle de la phrase inaugurale de Molloy, autre compère en becquettée : "Je suis dans la chambre de ma mère. C'est moi qui y vis maintenant. Je ne sais comment j'y suis arrivé. Dans une ambulance peut-être, un véhicule quelconque certainement". Sa mère est morte, et il souffre de troubles mnésiques, ce qui l'invite à gommer et à rajouter de sa mémoire de multiples variations, sans faire l'effort de retrancher des E, comme le faisait votre ami Georges. L'Etranger, quant à lui, était beaucoup plus direct : "Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas - J'ai reçu un télégramme de l'asile : "Mère décédée. Enterrement demain".
A-t-on assez mesuré, me suis-je dit, les parallélismes de ces écrivains proches d'un marigot stagnant plutôt que toujours emportés par une nouvelle vague ?

Christiane a dit…

Comme c'est intéressant, JJJ, ce rapprochement entre ces trois écrivains. La littérature offre cela ces voyages de lecteurs d'un livre à l'autre qui tissent des liens entre des livres , des auteurs. Oui, d'une façon différente, ils "gomment" et dans leurs silences (Camus) ou leurs bredouillements (Beckett) ou fausses amnésies ou élisions pour Perec, on trouve le mystère des vies.
Votre pensée me saisit alors que j'étais plongée dans une réflexion profonde sur ce film de Carol Reeds que j'ai regardé pour la troisième fois.
Outre les plans vertigineux dans les égouts de Vienne, les nocturnes dans les rues inquiétantes, la nuit, le fantomatique Orson Welles dans le rôle principal, des séquences m'ont frappée que j'avais juste un peu oubliées, ce pauvre écrivain qui cherche à comprendre ce qu'il croit être la mort de son ami et qui allant voir un portier pour en savoir plus, tombe sur un nouveau mort et des habitants le soupçonnant d'être l'assassin avec un horrible enfant criard qui sans lâcher son ballon crie en allemand - C'est lui, c'est lui je l'ai vu et qui le poursuit de ses cris.
Me suis aussi interrogée sur cette incarnation du Mal, qui après la guerre n'est pas un nazi mais un américain , un représentant de la pègre vivant du marché noir qui a vendu de la pénicilline frelatée pour se faire, sans vergogne de l'argent. Il est dur, vaniteux, méprisant (épisode des "fourmis" dans la grande roue du Prater). Et cet écrivain, vulnérable, un peu naïf qui a du mal à comprendre qu'il n'est pas mort et que c'est un salaud de la pire espèce car il est séduisant et malin et qu'il a encore de l'emprise sur lui. Une belle réflexion sur le mal. Que Graham Greene ait écrit le scénario et même un court roman ne m'étonne guère. Il est travaillé par le thème du Mal et de la rédemption, bien qu'ici il n'y a pas de rédemption. La grille de l'égout ne se soulève pas. Plan magnifique sur les doigts de sa main qui sortent de cette grille. Pas de rédemption et une mise à mort qu'il accepte exécutée par son ami.
Même plan au début du film et à la fin, le cimetière, sauf que cette fois c'est lui qui est dans la tombe.
La jeune femme, un personnage déchu et aimant, courageuse aussi dont on ne sait pas grand chose si ce n'est qu'elle fuit les soviétiques.
Et puis ces ruines et cette ville de Vienne qui comme Berlin est occupée par les quatre forces de libération découpant la ville en secteurs : soviétiques, américains, anglais et Français.
C'est un film en eau trouble comme ces romans à trous, que vous citez, le sont. Merci, JJJ. J'aime beaucoup votre réponse. C'est celle d'un grand

Christiane a dit…

d'un grand lecteur

Christiane a dit…

Le film que j'évoque est "Le Troisième Homme" réalisé par Carol Reed et tiré du livre de Graham Greene, qui ne paraîtra qu'après la sortie du film.
Il obtint le grand prix du festival de Cannes en 1949.
Harry Lime, c'est la crapule, interprété par Orson Welles.
Le romancier américain c'est Holly Martins. (Tout juste arrivé à Vienne, il apprend que Lime vient de mourir dans un accident de la circulation et qu'il est enterré le jour-même. Il croit donc que Harry Lime, son ami, qu'il n'a pas revu depuis le début de la guerre, est mort mais... il apparaît soudainement et disparaît aussitôt....)
La musique entêtante, c'est la cithare d'Anton Karas.

Christiane a dit…

Pour comprendre le chapitre 13 du Magicien quantique de Derek Künsken, j'ai cherché ce portrait de saint Matthieu peint par Le Caravage .
Il s'agit donc d'une congrégation de la Ploutocratie qui vit à l'écart. Belisarius a été appelé par une IA qui prétend être saint Matthieu et qui attend de lui une aide pour s'évader .

Décidément ce livre est complètement fou...

Donc après avoir présenté son passeport en hologramme, il entre dans ce territoire et trouve le repaire de ce saint Matthieu....
Une petite église sur les portes de laquelle est fixé un "panneau en français indiquant Paroisse de Saint-Jean-de-Brébeuf. Belisarius entre dans la petite église. "Tout près du mur du fond, de dressait une chaire déserte. Y flottait un hologramme de la tête de saint Matthieu, tel que l'avait peint le Caravage. Saint Matthieu parlait d'une voix riche, multitonale, conçue pour provoquer dans l'ouïe des humains une résonnance génératrice de dévotion. Mais qui ne fonctionnait pas sur Belisarius, au cerveau at l'architecture et à la chimie différente. Le jeune homme doutait d'ailleurs qu'elle ait fonctionné un jour sur qui que ce soit. (...)
Le seul problème, c'est qu'il se croyait le saint Matthieu de la Bible, réincarné au bout de presque deux millénaires et demi pour relancer le moribond culte de la chrétienté."
Donc, si j'ai bien compris, la Banque qui a créé cette IA veut s'en débarrasser car il fonctionne mal. Il a bien un mode suicide mais ne veut pas s'en servir. "Tout mouvement lui était donc proscrit". Et il se retrouve enfermé dans un stockage de la Banque.

Ce Derek Künsken est vraiment un auteur à l'imagination fertile !!!!

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Matthieu_et_l%27Ange

Christiane a dit…

J'ai choisi ce tableau qui semble correspondre au portrait de la page 108 :
"Il regarda le visage peint par le Caravage. Barbu. Sévère Mais sympathique."

Christiane a dit…

Chouette ! Ce soir, "Down by Law" de Jim Jarmusch er son beau noir et blanc sur une chaîne cinéma. J'apprécie les films de Jim Jarmusch,. J'aime la fin de celui-ci.
Livres refermés.
De l'orage dans l'air me semble-t-il...
l'Assemblée Nationale en ébullition....

Down by Law...John Lurie,
Tom Waits, Roberto Benigni, Nicoletta Braschi... Quel jeu ....

Anonyme a dit…

A noter que Jean de Brebeuf, très connu au Québec, est un Jésuite martyr du dix-septième siècle. Un texte d’époque en français laisse une description très colorée de son martyre par une tribu indienne.laquelle n’avait pas aboli la torture! (canonisé sous Pie XI en 1930)

Christiane a dit…

Ah ça alors vous êtes fortiche ! Merci, MC. Il ne laisse rien au hasard ce Derek Künsken !
J'ai cru comprendre que l'évasion est réussie, que Belisarius le porte comme un bracelet autour de son poignet, qu'ils se parlent mais que cette I.A est un illuminé avec... de grands pouvoirs. Il ne manque plus que Marie Madeleine , le trio serait parfait !!

Christiane a dit…

Ces trois barjos dont d'une poésie folle. Cocasserie et gravité. L'image est superbe. Nicoletta les reçoit avec tant de naturel dans cette maisonnette perdue au milieu de nulle part. Roberto Benigni a là son meilleur rôle. Très Chaplin. C'est une fiction toute pleine de la poésie américaine des grands marcheurs qui font la route.. Jack et Zack, Bob... Trois chemins qui bifurquent et.... Bonne chance.
Et le dernier plan. Ces deux chemins qui s'éloignent l'un de l'autre dans la grande forêt claire. Ils partent sac au dos tout contents d'être sapés comme des hommes du quotidien. Bob reste avec Nicoletta. Cela ressemble à un conte doux amer. Du beau Jarmusch.

Anonyme a dit…

Les Brebeuf sont une famille Cornélienne de Rouen , qui ont fourni une adaptation de la Pharsale au gout dix septième, et le Jesuite. Ils méritent tous deux de ne pas être oubliés, n’ en déplaise à Boileau et à sa « Pharsale aux Provinces si chere », ou Faguet qui voit dans Brebeuf le plus grand lyrique du dix septième.La vérité est entre les deux. MC

Christiane a dit…

Voyez-vous un rapport particulier avec saint Matthieu ?

Christiane a dit…

"L'historien Joseph Loth évoque pour sa part une tradition selon laquelle les reliques de Matthieu auraient été transportées en Bretagne" ("Origine de la Légende")...

Christiane a dit…

J'avance à grandes brasses coulées dans ce roman fleuve de Derek Künsken. Contente d'avoir trouver la bonne représentation de Saint Matthieu dans l'œuvre du Caravage puisque je lis (chapitre. 18- page168) :
"Saint Matthieu se trouvait toujours dans la bandelette utilitaire, qui était posée sur un établi, sous un hologramme du visage barbu peint par le Caravage dans "Saint Matthieu et l'Ange."

Christiane a dit…

Ensuite, il n'y a que sa tête dans l'hologramme. Il s'emploie dans ce chapitre à se fabriquer un corps et des vêtements...
Une certaine Marie est près d'eux depuis plusieurs chapitres... Elle a un langage cru, snobe un peu saint Matthieu.
Saint Matthieu ( enfin celui du roman) se croit investi d'une mission divine : apporter le salut au monde des machines - qui ne manquent pas dans ce roman - les gratifier d'une âme !
Belisarius est toujours là, "regardant la tête holographique qui pose sur lui des yeux innocents."
Voilà que cette Marie qui fabrique des explosifs.... a besoin d'aide "calculatoire".
Alors là ça devient érotique !
"Parvenue à l'établi, elle souleva doucement, comme une couronne, la bandelette utilitaire contenant saint Matthieu et l'inséra dans un logement sur son cou. L'hologramme du saint Matthieu du Caravage tremblota un peu...."
Peste doit de la séductrice pécheresse !
Il a maintenant un corps et envie de se faire des vêtements qui "conviendront mieux à un apôtre. Et peut-être même une auréole."
Et ben, Derek Künsken devient grivois ....
C'est très distrayant cet épisode religieux. Certains saints ont ainsi des besoins irrépressibles.... Serait-ce le cas de ce saint Matthieu ?

Christiane a dit…

Jean-Ollivier qui intervenait brillamment sur lancien blog de Paul Edel, passionné de musique et de traductions, avait offert une nouvelle traduction du "Paradis perdu" de Milton.
Que penserait-il de ce dialogue cueilli page 177 du roman de Derek Künsken ?

" - Vous avez lu "Le Paradis perdu" de Milton ?
Belisarius et William secouerent la tête.
- C'est plus ou moins redevenu un grand classique chez les Fantoches. Il contient beaucoup de messages, mais son principal est 'a nature de la souffrance de Lucifer. Être hors de la présence de Dieu est souffrance."

Tous aux abris ! si MC lit ce dialogue il va aller direct à "La fin de Satan" de Victor Hugo ! Je me souviens d'une sacrée controverse, un jour, dans les commentaires qui suivaient le billet sur une certaine aventure dun moine ascète....

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

A partir du 2 septembre 2023. MC est brillant, intarissable.

Janssen J-J a dit…

Bonjour Soleil vert
je me permets de signaler à vos lecteurs ce lien qui fait l'apologie de l'éditeur indépendant de La Volte où j'avais découvert Damasio, bien que je ne fusse a priori pas féru de SF.
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2024/07/18/je-me-sens-attire-par-tout-ce-qui-nest-pas-moi/
Et puis, comme il rend un vibrant hommage à Antoine Volodine, je me suis dit qu'il ne pouvait pas être entièrement mauvais, cet homme. Sans doute le connaissez-vous bien,
Bàv, et à votre blog attachant,

Christiane a dit…

C'est formidable, ce lien, JJJ. Oui, on ne parle pas assez de ces éditeurs indépendants qui tentent et souvent réussissent à faire connaître des écrivains méconnus.
Et puis il y a ce regard rétif sur la science-fiction, regard plein d'humour puisque ses amis lui ont offert un t-shirt avec l'inscription : Je suis normal !
J'ai eu les mêmes réticences jusqu'à m'attacher à ces fictions qui souvent puisent dans un univers culturel admis pour entrer dans les légendes, les mythes., mêlant la science futuriste telle qu'on la rêve - même si la vitesse d'un vaisseau spatial plongeant dans un "trou de ver" est pour le moins, excessive - à l'histoire d'êtres imaginaires qui nous ressemblent tant....
C'est un monde un peu loufoque , c'est pour cela que j'ai évoqué les Shadocks.
Ici, se croisent, s'apostrophent, rient ensemble ou de disputent des passagers que n'aurait pas renié Bruegel dans sa Nef des fous, mais c'est aussi l'art de prendre au sérieux ce qui n'est pas sérieux ou l'art de rire de ce qui est sérieux
On lit, on écrit, on cite, on efface, on réécrit, on réfléchit.
Les éditeurs indépendants s'intéressant à la science-fiction sont des parieurs. Attireront-ils un public de bibliophiles ? Il y en a , c'est certain. Ça leur donne un coup de jeunesse pour traverser les étoiles.
Le dernier roman que Soleil vert nous présente est un énorme éclat de rire de Derek Künsken qui ne se prive pas de réveiller ses lectures anciennes. Mais quand même trouver saint Matthieu dans ce monde halluciné, je ne m'y attendais pas ! En hologramme, en plus !
Merci de votre présence, JJJ. C'est une joie.

Anonyme a dit…

La comparaison Milton/Hugo est un pont aux ânes des hugoliens. Pour autant, il ne faudrait peut être pas oublier que le dernier traducteur français de Paradise Lost est Chateaubriand, et qu’ Hugo aurait écrit sur ses cahiers d’écolier «  je veux être Chateaubriand ou rien ». Aurait, parce que le cahier, cite des l’origine de l’Hugologie, n’a jamais été retrouvé. Ce qu’il y a de sur, c’est qu’il y a une compétition entre VH et Chateaubriand dans les sujets, mais pas obligatoirement sur le Satan. Si les Mages évoquent bien « Milton songeur à Whitehall « , la traduction de Chateaubriand, si ma mémoire est bonne, ne figure pas ( ou plus?) dans l’inventaire de la Bibliothèque de Guernesey.On peut dire qu’il l’a lue à Paris, ou sa Bibliothèque a été vendue our financer l’exil, mais je ne sais s’il en a été fait un inventaire, étant donné le caractère précipité de la vente…Un fait est sur: Chateaubriand n’aurait jamais écrit une Fin de Satan. MC

Anonyme a dit…

Bibliophilie et SF .l’ Atalante réunissait pour la SF certaine qualité bibliophilique dont bénéficia entre autres Pierre Bordage. Il semble au vu de ses derniers produits, qu’elle ne se soit pas maintenue. Dommage.

Anonyme a dit…

« Dans les sujets » ; lire « pour certains sujets « . Vous voyez Chateaubriand écrire les Misérables, vous ?

Christiane a dit…

"Chateaubriand et Victor Hugo, une confrontation magistrale. A quatorze ans, Victor Hugo, écrivait : "Je veux être Chateaubriand ou rien". Après la première représentation de sa pièce Hernani, quatorze ans plus tard, Chateaubriand lui écrivit : "Je m'en vais, Monsieur et vous venez".
L. Blériot. "Châteaubriand et Victor Hugo ". (2019)

Christiane a dit…

L. Bériot

MC a dit…

Oh il y a tout une histoire d'"enfant sublime" avant, et des heurts aussi. René est parfois majestueusement dur: "Vous me demandez cinq cent francs, Monsieur, je ne les ai pas". Plus la fréquentation du salon de Céleste,dont il laisse un portrait assez effrayant dans Choses Vues. Hugo se moquera gentiment de cette atmosphère un peu guindée "de Te Deum" du Salon Chateaubriand Recamier ou il apparaissait comme le seul espoir royaliste dans le Journal d'Adèle II.
Pour St Matthieu, ne pas oublier qu'il existe une vénérable abbaye de ce nom, que la Révolution a ruinée sur une des plus belles pointes du Finistère. Un culte de reliques est parfaitement plausible. C'est peut-etre ce à quoi pense Loth. Lequel a aussi laissé le souvenir plus inattendu d'un bon danseur de Gavotte! Pas mal pour un Professeur du Collège de France!

Christiane a dit…

Merci, MC
Je suis en famille. Je vous répondrai plus tard. Bon dimanche à vous trois.

MC a dit…

Pas de probleme. Lire "Toute une histoire". Je devrais moi-meme etre à Brassens, mais non!
MC

Christiane a dit…

J'aime ce que Proust écrit des "paradis perdus : "Oui, si le souvenir grâce à l'oubli n'a pu contracter aucun lien, jeter aucun chaînon entre lui et la minute présente, s'il est resté à sa place, à sa date, s'il a gardé ses distances, son isolement dans le creux d'une vallée ou à la pointe d'un sommet, il nous fait tout à coup respirer un air nouveau, précisément parce que c'est un air qu'on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayé de faire régner dans le paradis et qui ne pourrait donner cette sensation profonde de renouvellement que s'il avait été respiré déjà, car les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus."

Châteaubriand, Milton, Hugo, s'ils n'ont évidemment pas écrit les mêmes œuvres, ont ressenti cette tristesse incondolable des paradis perdus... Est-ce l'enfance comme pour Proust, est-ce la femme aimée, est-ce une maison que l'on a dû quitter....
Ce qui est beau c'est que la tristesse se transforme en paix si on réalise que la meilleure façon de perdre un paradis c'est de le retrouver...
Ulysse n'a pas connu le bonheur quand il retrouva Pénélope. Ils avaient changé, vieilli, avaient eu le temps de rêver du retour de l'autre. Mais l'autre c'était le même... perdu.

Anonyme a dit…

« Dans ses Mémoires, Chateaubriand dialogue avec Dieu, peut-être, avec lui-même, sûrement, avec le Christ, certainement pas «  disait Malraux.Mais le problème ne saurait se poser uniquement en termes de mondes perdus. Hugo est un incorrigible optimiste, qui se sert aussi de son enfance pour se comprendre lui-même , Chateaubriand traduit un auteur-frère par sa puissance, etc. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Non, non, dites encore. J'apprends.

Christiane a dit…

C'est la première fois que vous laissez une chance à Châteaubriand. Je vous croyez idolâtre d'Hugo, MC. C'est chouette quand vous êtes lucide.
Pour notre dialogue mouvementé sur la fin de Satan, je viens de me rappeler que j'ai effacé tous mes commentaires. Une vraie Razzia... Je le regrette même si vous êtes brillant car sans le jeu des questions et des réponses , vos interventions sont pleines de trous Je ne peux pas revenir en arrière. C'était idiot. Vous aviez dû me dire quelque chose de rosse. Alors j'ai gommé. J'ai tout gommé.
Le seul espace où je n'ai jamais pris de gomme c'est en dessinant car là tous les traits concourent à faire naître une forme. L'écriture, c'est sournois. Ça sort de vous trop vite et ça dit des choses pas encore prêtes à naître. Après, on en veut à sa main. On en veut au langage trop tentateur. On efface ou on déchire pour se retrouver dissous, sans ombre. Du rien nécessaire pour être libre d'être tout ce qui nous entoure. Comme dans ce livre, très très bavard de Derek Künsken mais qui sème ça et là ce qu'il ne faut pas effacer.

Christiane a dit…

JJ-J dit: à
l’idée d’infini est née de l’infiltration de la nostalgie dans la géométrie

Christiane a dit…

L'infini est une chimère, une sorte de trou noir qui absorbe tous les nombres, toutes les distances. Une fuite.
Nostalgie, oui, puisque pour entrer dans ce monde abstrait il faut quitter ce que l'on connait. L'infini c'est l'inconnaissable, une sorte de ruban de Moebius où on tourne sans fin,
rarement abordé dans la science-fiction.
Ces nouvelles et romans ont besoin d'une assise, une planète connue ou inconnue pour faire halte. Ou ... un retour à l'origine comme dans "2001, lOdyssee de lespace" ou comme dans cette nouvelle extraordinaire de Ted Chiang, "La Tour de Babylone" :
"Soudain, l'inspiration lui vint : un cylindre sigillaire ! Si on le roulait sur une tablette d'argile molle, le cylindre gravé laissait une empreinte. Deux signes pouvaient apparaître aux extrémités opposées d'une tablette alors qu'ils se situaient côte à côte sur le cylindre. Le monde entier ressemblait à cet objet. Les hommes se représentaient le paradis et la terre aux deux bouts d'une tablette, et le ciel et les étoiles entre eux ; mais le monde s'enroulait de telle sorte que, fantastiquement, le paradis et la terre se touchaient.
Il semblait que Jéhovah n'ait pas jeté bas la tour, ni puni les hommes d'avoir voulu dépasser leurs limites imposées, car le plus long des trajets les ramenait au point de départ. (...)
Cette structure désignait l'œuvre de Jéhovah, et dissimulait l'œuvre de Jéhovah.."
Alors, nostalgie de l'origine ?

Christiane a dit…

Ou encore comme dans cette nouvelle de Robert Silverberg, du "chemin de l'espace" : "Le ciel ouvert" :
Un aller simple vers le néant, cap sur n'importe où.

"Et jamais plus, pour l'éternité, Noël Vorst ne foulerait le sol de la planète Terre. (...) Il semblait dément que ce vieil homme puisse ainsi s'enfoncer dans la nuit du cosmos.(...)
La capsule était encore au sol, mais l'air vibrait au-dessus d'elle. (...)
Et puis, elle ne fut plus là. Voilà tout. Kirby contemplait un lieu vide. Il n'y avait plus de capsule et l'air était immobile. Vorst était au sein du ciel. Et une porte avait été ouverte. Elle ouvrait sur... n'importe où."

Christiane a dit…

Soleil vert, avez-vous dans ce blog un billet concernant les douze nouvelles réunies dans "L’Été de l’infini" de Christopher Priest ?

Janssen J-J a dit…

@ Christiane, la citation était d'Emil CIORAN / in, Fenêtre sur le Rien...
Il n'empêche qu'elle est puissante. merci de vos propos, Belle journée,

Christiane a dit…

Merci, JJ-J Jansen. La formule est mystérieuse à cause du mot nostalgie. Ça éveille un questionnement vertigineux. Je m'étonne que personne ne vous ait interrogé sur cette citation de Cioran (donc).
Le nostalgique, ajouterait Jankélévitch (s'il était comme un fantôme sur le blog à Passou), c'est peut-être :
" Celui qui s'installe " dans l'espérance parce qu'il se reconnaît citoyen d'une autre cité et d'un autre monde, parce que sa patrie est une Ville invisible située à l'infini. Comme la Dame de la mer chez Ibsen, il regarde un rivage Inconnu situé bien au-delà de l'horizon."
Et dans ce même essai , "L'irréversible et la nostalgie", à la fin, il écrit cette pensée extraordinaire : "le retour, dans l'espace, défait ce qu'a fait l'aller ; mais dans le temps il lui succède et le prolonge. (...) Le nostalgique, dans l'espace et dans le temps, continue de partir et d'aller droit devant soi, il va tout droit même quand il revient ; il continue de chercher ce qu'il a retrouvé ; il apprend sans cesse ce qu'il sait déjà, devient sans cesse ce qu'il est déjà. Ou comme l'Eros platonicien désire ce que déjà il possède.... et ne possède pas."
C'est un peu vous, non ? Et un peu Modiano...

Christiane a dit…

J'ai lu une citation d'une de ces nouvelles de Priest qui me donne envie de lire le reste de la nouvelle : "Pourquoi faut-il tout expliquer ? Il vaut mieux laisser certains mystères tels quels."

Anonyme a dit…

Par delà ces hautes considérations, je voulais simplement dire que ma supposée hugomanie ne m’empêche pas d’en apprécier d’autres, dont Chateaubriand, ou Blanc de St Bonnet auteur de la Loi des Trois clergés «  le clergé saint rend le peuple pieux, le clergé pieux rend le peuple honnête , le clergé honnête rend le peuple impie ». Loi réactualisée par Léon Bloy: « sommes- nous encore au temps du clergé honnête? »Je crois aussi m’être beaucoup intéressé aux deux Restaurations, et à leur vie litteraire, même si je n’en parle quasiment pas.Enfin…

Anonyme a dit…

Je ne vois pas très bien le lien entre infini, nostalgie, et géométrie. L’infini existe en tant que tel…Et le « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre «  renvoie à une autre strate..,

Christiane a dit…

C'est une inquiétude poétique. Cette pensée me fait penser à la Mélancholia de Dürer

Christiane a dit…

https://www.lesauterhin.eu/descriptions-d%E2%80%99une-image-1-la-melancolie-de-durer/

Christiane a dit…

Vos "Enfin..." Sont votre marque quand vous êtes agacé.
Les "hautes considérations", une autre qui frise la moquerie.
L'exemple donné me passe au-dessus de la tête. Je ne dois pas assez fréquenter le clergé..

Christiane a dit…

"Un culte de reliques est parfaitement plausible. C'est peut-etre ce à quoi pense Loth. Lequel a aussi laissé le souvenir plus inattendu d'un bon danseur de Gavotte! Pas mal pour un Professeur du Collège de France !"
Cette biographie n'est pas ordinaire. Elle me plaît beaucoup.

Anonyme a dit…

Eh oui ! Il dansait la Gavotte en sa ville natale de Guemene sur Scorff,, où il n’était pas sans revenir! MC

Christiane a dit…

La littérature et la vie sont deux choses différentes, MC. L'écrit poétique est le jeu d'une perpétuelle transformation. C'est une expérience hors de la science. Il y a toujours du mystère et de l'inquiétude dans les écrits de Cioran. C'est un jongleur qui manipule à merveille les images fatiguées. Un peu un côté surréaliste. Il trace, dans cette pensée qu'à citée JJJ, un itinéraire poétique du monde. La poésie est une force comme le souffle. Il s'interroge sur les rapports entre les mots et les concepts, le mot nostalgie a ici beaucoup de pouvoir. Cioran a le goût des mots.
Oui, c'est une rencontre singulière avec la géométrie. (J'adorais la géométrie surtout celle dite de l'espace. Il y avait là une frontière poreuse avec la poésie. De plus le vieux prof avait des mains extraordinaires pour tracer dans l'espace des lignes invisibles. Il se dédoublait, comme absent. Il aimait se libérer du carcan des théories. Le grain de son langage nous dévoilait un mystère.)
Cioran est dans l'interprétation liée à une énonciation qui vous choque. Il signale la conscience d'une perte par l'emploi du mot nostalgie. Il ne faut pas seulement chercher ce que cette phrase signifie mais voir vers quoi elle nous entraîne. C'est un lieu de passage., de déambulation d'un mot. Une rencontre entre une absence informulée et une présence, l'abstraction géométrique.
Cioran est un inquiet. Il conduit ses lecteurs vers un nouveau rapport au monde. C'est pour cela que j'ai pensé à cette oeuvre de Dürer. Ne calez pas devant cet apparent paradoxe.

Christiane a dit…

C'est très touchant. La tête et les jambes !

Christiane a dit…

Entre Dieu et Satan, je ne choisis ni Hugo ni Châteaubriand, je choisis Baudelaire. Entre l’horreur de la vie et l’extase de la vie, entre la passion de l'infini et la mélancolie des choses passées, je choisis Baudelaire.
Intimité, spiritualité, aspiration vers l’infini, je choisis Baudelaire. Pour sa dimension scandaleuse , je choisis Baudelaire, le dissident absolu. Le poète maudit, je le choisis.

Christiane a dit…

"Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
— Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
— Tes amis ?
— Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
— Ta patrie ?
— J’ignore sous quelle latitude elle est située.
— La beauté ?
— Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
— L’or ?
— Je le hais comme vous haïssez Dieu.
— Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !"

Charles Baudelaire

Christiane a dit…

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/charles-baudelaire-8837930