Edward Whittemore - Le Codex du Sinaï - Ailleurs & Demain
« Un anachorète albanais égaré dans le Sinaï, Skanderberg Wallenstein, découvre par accident le manuscrit le plus ancien de la Bible. Horrifié par sa lecture, il épuise sa vie à fabriquer le plus grand faux de l'Histoire. Afin que la Bible demeure telle que nous la connaissons.
Un lord anglais excentrique, Plantagenêt
Strongbow, duc de Dorset, rompt avec les coutumes bizarres de sa famille et
parcourt nu les déserts du Moyen-Orient avant d'écrire une somme sur le sexe en
trente-trois volumes et d'acquérir secrètement tous les biens de l'Empire
ottoman.
Un Juif arabe né sous les Pharaons, Hadj Harun,
coiffé d'un casque de croisé, défend seul Jérusalem contre la multitude de ses
envahisseurs, et ne sait plus s'il est juif ou arabe, ni du reste qui il est.
Un adolescent irlandais, Joe O'Sullivan Beare, mène
avec une redoutable pétoire la lutte contre l'oppresseur anglais avant de fuir
en Palestine sous la défroque d'une religieuse et de devenir par accident un
héros de la guerre de Crimée, perdue bien avant sa naissance. »
A cette galerie
de personnages invraisemblables peut-être faudrait-il ajouter celui de Maud,
jeune américaine orpheline, épouse un temps de l’héritier des Wallenstein, sorte
de Comte Dracula albanais. Ou encore Stern, fils de Strongbow, instigateur du
projet d’une grande nation au Moyen et Proche Orient réunissant arabes juifs et
chrétiens. Rêves insensés qui se fracassent sur le mur de la réalité des
massacres du XXe siècle, génocide arménien, sac de la ville de Smyrne etc…
Plutôt que
la recherche de deux bibles, une vraie et une fausse, Le Codex du Sinaï raconte l’odyssée
de funambules perdus dans les sables et les songes. Jérusalem est le centre de
gravité de ces aventures à l’image de l’Alexandrie de Lawrence Durrel auteur d’un
roman au titre quasi-homonyme (1). Ancien de la CIA avant de basculer dans une carrière
romanesque, Whittemore, comme le souligne Gérard Klein, présente un profil d’espion
comparable à John le Carré. Cela nous vaut, à côté d’élucubrations délirantes, des
pages d’histoires d’un réalisme saisissant à l’image de la description des
carnages opérés en 1922 dans la ville de Smyrne, antique patrie d’Homère et Troie perdue d’André Tubeuf. L’humour ne manque cependant pas, à commencer par les mœurs
de la famille Plantagenêt Strongbow et les supposées coutumes estudiantines cambridgiennes.
L’œuvre
d’Edward Whittemore s’apparente à une rêverie sur l’Histoire comme l’œuvre de Borges
s’apparente à une rêverie sur la littérature. Placé sous le haut patronage des Mille et une nuit, Le Codex du Sinaï rappelle que la fonction principale des contes - et
les écrivains ne sont pas les seuls à se raconter des histoires - consiste à repousser
la pensée de notre finitude.
(1)
Le quatuor d’Alexandrie
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