samedi 4 septembre 2021

Les Temps parallèles


Robert Silverberg - Les Temps parallèles - Marabout - Le Bélial’

 



La littérature de science-fiction entretient un rapport singulier avec le Temps. A la différence des autres genres romanesques, elle ne se résout pas à un constat d’impuissance. Elle n’hésite pas à en déchirer la trame. Ses personnages surfent sur la quatrième dimension ou en font un terrain de jeu, plus communément dénommé « voyage dans le temps ». Robert Silverberg s’est illustré sur ce thème avec plusieurs romans et nouvelles : Les Masques du Temps, Les déserteurs temporels … Homme d’une grande culture historique, féru de lettres classiques, il transpose dans l’infini des temps révolus, des angoisses et interrogations contemporaines.

 

2059 : Jud Elliot, jeune homme de vingt-quatre ans las d’un travail d’assistant juridique, file à la Nouvelle Orléans s’engager dans le Service Temporel. Une nouvelle industrie touristique est née, offrant à des vacanciers fortunés un saut dans le passé à la rencontre d’évènements exceptionnels sous la houlette de guides. Une patrouille temporelle - clin d’œil à Poul Anderson - contrôle l’activité de ces derniers, rétablissant si besoin est, la trame de l’Histoire, supprimant d’éventuels paradoxes provoqués par des voyageurs imprudents ou malfaisants. Diplômé d’Histoire byzantine, Jud, après quelques essais, embarque ses premiers clients dans la ville de Constantinople.

 

La traduction du titre du roman (édition Marabout et ultérieures) est un contre-sens. « Les temps parallèles » suggère l’existence d’univers alternatifs. Or la VO Up the line affirme le contraire. Il s’agit bien d’une unique ligne temporelle que les guides et patrouilleurs s’engagent à préserver. Robert Silverberg emprunte la voie difficile des paradoxes à résoudre, dans la veine des nouvelles de l’anthologie Histoires de voyages dans le temps qui réunissait les spécialistes du genre. Le plus inattendu de ces nœuds gordiens n’est pas celui énoncé jadis par René Barjavel mais l’effet d’accumulation engendré par la contemplation des plus grands évènements historiques, comme la scène de crucifixion du Christ. Le Golgotha devient progressivement aussi peuplé que la Place de la Bastille dans ses grandes heures.

 

Gare au guide qui perd un touriste ou s’avère de leur fausser compagnie pour se livrer à des commerces frauduleux ou séduire une beauté levantine ! Gare également au guide qui tente de corriger ses propres errements au risque d'élargir l'éventail des possibles ! C’est pourtant le travers dans lequel tombe le naïf Jud, bien aidé en cela par un confrère, un certain Metaxas, qui non content de dresser son arbre généalogique, se fait un devoir de copuler avec ses aïeules. Les Temps parallèles se lit comme une histoire d’amour impossible, une plongée brillamment documentée de l’Histoire de Byzance et Constantinople. Mais c’est aussi un livre érotique, sans tabou, genre alimentaire auquel se livrait l’auteur des Chroniques de Majipoor sous différends pseudos. Tout à sa passion avec une très lointaine parente, Jud dans la continuité d’Œdipe demeure aveugle aux conséquences de sa liaison et en subit le châtiment.


Plus qu’une illustration involontaire des mœurs des années 60, Robert Silverberg livrait avec Les Temps parallèles une vision très personnelle du thème. Le Temps, objet de tous les fantasmes, terrain d’exploration du Désir. Ce roman très hot, qui offre une représentation de la gente féminine pas toujours heureuse, tient cependant toujours la route.

 

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