Lucius
Shepard - Les Attracteurs de Rose Street - Le Bélial’
En cette fin du XIXe siècle, à Londres, le
médecin Samuel Prothero est
interpellé à la sortie du select Club des Inventeurs par l’excentrique Jeffrey
Richmond. Savant confirmé mais de sinistre réputation, ce dernier sollicite son
aide pour une affaire mystérieuse. Le chercheur a installé à son domicile situé
dans les bas-fonds londoniens une série de machines conçues pour nettoyer
l’atmosphère locale de ses pollutions les plus nuisibles. Ce faisant il a
ouvert les portes d’un autre monde.
Une novela gothique du
regretté Lucius Shepard quelle bonne surprise ! En première lecture Les grandes profondeurs de René Reouven
me sont revenues à l’esprit. Ambiance victorienne et fantastique et surtout même
idée d’un détournement d’usage d’un appareillage scientifique (le tube de
Crooks pour le roman précité) au profit d’activités spirites. Les deux textes
témoignent d’une qualité d’écriture superlative.
Les Attracteurs de Rose Street raconte les affres d’un homme aux prises avec le
fantôme d’une sœur que sa machine a rappelé d’outre-tombe. Christine est en
quelque sorte la Rebecca (1) de Rose Street. Appelé à la rescousse par le
maitre de maison pour étudier le phénomène, Samuel Prothero tombe sous le
charme d’une des deux domestiques.
La référence de l’éditeur
à Jane Austen, bien que citée par l’écrivain dans le récit, m’a étonné. La
coexistence de deux mondes aussi dissemblables que la noblesse anglaise et les
prostituées du quartier de Saint Nichol tient davantage du Maupassant de Boule de suif que des états d’âme de la
gentry anglaise sous le roi George III. Néanmoins on pourra rétorquer que le
destin final du personnage de Jane ne détonne pas de celui auquel pouvait prétendre
les héroïnes d’Orgueil et Préjugés ;
et qu’enfin les propos affectueux et policés de Samuel et Jane ne dépareraient
pas de l’ouvrage de la célèbre romancière. De Maupassant, Prothero - mais peut
être devrais-je dire Shepard - hérite une appréciation du genre humain sans préjugé. Aussi
à l’aise dans la haute société victorienne que dans l’ex-claque de Richmond, il
privilégie les âmes aux artifices poudrés quitte à sacrifier sa carrière
médicale.
Les Attracteurs de Rose Street se lit aussi comme une double histoire d’amour, l’une
placée sous le signe du Mal et du crime, l’autre sous le signe de l’affection
qui s’affranchit des codes sociaux. Pour revenir à Rebecca, Richmond et Prothero sont en quelque sorte un Maxim dédoublé. La scène finale évoque une autre adaptation d'Alfred Hitchcock, Psychose … mais j’en ai déjà trop dit.
« Et durant cet instant, durant ces quelques
minutes en haut de la colline, nous étions aussi heureux que le permet le
malheur du monde ». Qu’est-ce que c’est beau !
(1) Rebecca roman de Daphné du Maurier et titre du film éponyme d’Alfred
Hitchcock. Mon opinion est que l'ouvrage de Daphné du Maurier est
l'influence principale des Attracteurs de Rose Street
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