jeudi 19 décembre 2024

La Maison des Jeux - Le Serpent

Claire North - La Maison des Jeux - Le Serpent - Le Bélial’

 

A Vera Menchik

 

« Quel destin n’est pas pendu entre le caprice d’un inconnu et le mépris de l’univers ? »

 

 

Venise début du XVIIe siècle. Thene, fille d’un riche marchand est mariée à 15 ans à un aristocrate vénitien. Jacamo de Orcelo est un homme violent, qui ne cesse d’accumuler des dettes de jeux au point d’entamer la fortune de sa belle-famille. Le couple débarque un soir dans un Etablissement mystérieux. Thene s’y découvre une passion pour le jeu d’échecs ; elle collectionne au fil des jours les victoires au point de se voir admise dans un cercle restreint de la Maison, la Haute Loge. La Maitresse des lieux propose aux impétrants une partie dont l’enjeu bien réel n’est rien moins que la nomination d’un inquisiteur au sein du Tribunal Supreme de la Cité des Doges. Chaque Joueur est le champion d’un candidat et bénéficie de l’aide de personnages identifiés par des cartes de tarots.

 


Publiées initialement en plusieurs volumes dans la collection Une Heure-Lumière, les trois  novella (1) de Claire North reviennent dans un recueil relié du plus bel effet. Cette Maison des Jeux qui semble s’affranchir du Temps et de l’Espace s’inscrit dans une thématique tellement ample que l’on se contentera de citer L’Echiquier du Mal de Dan Simmons et La Ville est un Echiquier de John Brunner. Un narrateur extradiégétique commente les péripéties de la partie. Thene a échangé son visage victimaire contre un Masque d’indifférence. Le Jeu et rien que le Jeu, un but, la victoire. Si les Mythes grecs passent sous silence les passions des Dieux et dévoilent sans complaisance celles des hommes qu’ils manipulent, à l’inverse, Claire North place sa narration à hauteur d’une Joueuse froide et déterminée sous l’œil d’un chœur antique réduit à une voix off, les pièces (humaines) étant réduites à leur valeur utilitaire. Thriller original situé dans la ville des Masques, « Le Serpent » se lit aussi comme l’histoire de l’émancipation d’une femme, inspirée de la série Le Jeu de la dame.

 

 

(1)   « Le Serpent », « Le Voleur », « Le Maitre ».

 

117 commentaires:

Christiane a dit…

Claudio Bahia devrait venir faire un tour sur votre blog, Soleil vert....

Très attirant le premier tome de cette trilogie.
Cette jeune héroïne a tout pour plaire.

Anonyme a dit…

Un Inquisiteur au dix septième siècle ? Il faudrait savoir quand . Ça me paraît un peu tardif…le côté anti-papiste de l’auteur, peut-être ? MC

Soleil vert a dit…

Je ne sais pas. L'action démarre en 1610

Christiane a dit…

J'aime beaucoup ce personnage de Thene.
"Elle a posé mille ducats sur la table.
Jacamo de Orcelo les contemple. (...)
Un moment, ils restent là, mari et femme, de part et d'autre de l'or, et leurs visages s'expriment, déploient leur rage en des discussions que leurs voix n'ont pas le courage d'entreprendre, jusqu'à ce qu'enfin Thene déclare :
"Je pars trois mois prier dans un couvent. Vous découvrirez que toutes les dispositions ont été prises. Au revoir. "
Il hurle alors : "Putain, traînée, roulure, où as-tu eu l'or ? Où peux-tu en trouver davantage." Il tente de l'empoigner par les cheveux mais elle riposte d'un coup de poing. Ce n'est pas la gifle main ouverte qu'assenerait une dame de la maison Orcelo : c'est elle, elle-même, la fille de la Juive, qui frappe en pleine face, sans retenue. Comme Jacamo part en arrière, ensanglanté, elle prend une profonde inspiration avant de conclure : "Pour en avoir davantage, vous attendrez mon retour."
Il reste assis par terre, les jambes écartées, un temps trop choqué pour bouger. Puis surgit en lui le petit garçon qui se met à ramper aux pieds de son épouse, dont il embrasse la chaussure. (...)
Elle se détourne. "

Bon, c'est très bien. Elle va pouvoir percer les mystères de Venise et de la maison de jeux.

Pourquoi les narrateurs sont plusieurs ? Puisque le pronom "nous" entame chaque phrase leur donnant la parole ?

Anonyme a dit…

1610 c est encore possible. J’aime bien’ la baffe de la «  fille de la Juive » qui se retire au couvent…

Christiane a dit…

Oui, moi aussi. Cette affirmation de liberté chèrement conquise ouvre l'aventure de cette jeune femme qui déjà se révèle une stratégie exceptionnelle à ce jeu d'échecs. La surprise : les figures habituelles du jeu seront imposées comme autant d'habitants de Venise.
J'ai résisté aussi à la notation des vues de Venise, très poétique. Une atmosphères ouatée et brumeuse donne à cette affaire une ambiance de roman noir. C'est très très bien.

Christiane a dit…

Ce beau roman que vous aviez présenté le 17 octobre est mis en valeur sur le blog de Pierre Assouline.

https://soleilgreen.blogspot.com/2024/10/au-soir-dalexandrie.html

Christiane a dit…

une stratège

Anonyme a dit…

Clin d'oeil :) SV

Christiane a dit…

Vous avez bien fait. Votre billet était un bonheur.

Christiane a dit…

Cette approche du ghetto de Venise est d'une finesse rare. Claire North sait observer la vie secrète de ce quartier et connaît bien son histoire.
Donc, traverser le pont et marcher dans les ruelles du ghetto. (P.66)
"Le ghetto de situe dans le quartier Cannaregio et, du point de vue architectural, peu de chose le distingue au premier coup d'œil de ce qui l'entoure. Comme une grande partie de la cité, il a absorbé les styles de l'Orient et de l'Occident : une grande place au centre, de minuscules ruelles tout autour, des coupoles pentues et des angles vifs, des vêtements mis à sécher sur les fils tendus entre les fenêtres. Pourtant regardez, regardez d'un peu plus près : il n'y a aucun crucifix mais des chandelles brûlant sur des menoras ; il y a des gens qui vivent un peu trop entassés dans des logements qu'on aurait dû agrandir voilà des années - or, au lieu de cela, on a abaissé les planchers ; toutes les pièces paraissent donc comprimées et l'entrepôt au bord de l'eau accueille sept étages au lieu des cinq que justifierait sa hauteur. A présent écoutez, écoutez, et vous n'entendrez peut-être pas parler seulement vénitien mais aussi l'espagnol des Juifs séfarades expulsés par une reine chrétienne, ou les prières de ceux qui ont fui le Saint Empire romain quand les protestants les ont pris pour des amis des catholiques, les catholiques pour des amis des protestants. L'Orient et l'Occident ne prient pas ensemble, chacun visite sa propre synagogue et chuchote, quoique de la même famille, du même sang, "lui" ne pratique pas les mêmes règles qu'"elle".
Donc, même entassée, et même au sein du ghetto, une confrérie se retrouve aisément divisée."
C'est un roman qui réserve bien des surprises car la stratégie de Thene trouve son excellence dans l'observation des lieux et des habitants . ( Si cela s'appelle "entrer au couvent"....)

Christiane a dit…

Vous ecrivez : "Thriller original situé dans la ville des Masques, « Le Serpent » se lit aussi comme l’histoire de l’émancipation d’une femme, inspirée de la série Le Jeu de la dame."

Oui, cette émancipation est repérable. Qu'est-ce que cette serie le "jeu de la dame"?

Anonyme a dit…

Netflix. SV

Christiane a dit…

Merci mais je n'ai pas Netflix. Je vais chercher sur internet.

Christiane a dit…

Le synopsis fourni par wikipédia : "Cette fiction suit Elisabeth Harmon, une prodige des échecs orpheline, de neuf à vingt-deux ans, dans sa quête pour devenir la meilleure joueuse d'échecs du monde, tout en luttant contre des problèmes émotionnels et une dépendance aux drogues et à l'alcool. L'histoire commence au milieu des années 1950 et se poursuit dans les années 1960."

Christiane a dit…

C'est un bien étrange roman. Deux jeux s'ont liés : les cartes du tarot et les personnages vivants qui sont des pions a abattre d'un immenses jeu d'échecs. Le damier est Venise . Leurs motivations sont variées et fortes. Thene est claire. Elle joue pour gagner sa totale liberté ( mari, famille, institutions...) .
Elle est froide, dure, très intelligente.
Je commence à comprendre pourquoi le "nous" des narrateurs. Il pourrait se faire qu'ils soient deux, deux joueurs d'échecs. Des sortes de dieux jouant sur l'échiquier de Venise une partie démoniaque où les humains tombent si le coup est gagné. Les personnages portent les noms des cartes du tarot.
Je pense à une scène de Harry Potter quand les enfants chevauchant des pièces de jeu d'échec entrent dans une bataille où ils risquent la mort.
Cela ferait un film haletant, noir, mystérieux.
Brrrr...

Christiane a dit…

Je pense aussi aux Voyages de Gulliver de Jonathan Swift. Le deuxième voyage, quand Gulliver se retrouve à Brobdingnag,. Il est alors dans la situation inverse de Lilliput car les Brobdingnagiens sont des géants. L'un d'entre eux s'empare de lui. Il devient le jouet de sa fille.
Un peu comme les personnages de ce "conte" surréaliste de Claire North. Peut-être dans les mains de deux géants...

Christiane a dit…

Là, c'est Venise mais vous nous aviez transportés à Florence avec Jo Walton. Un roman étrange entre rêve et réalité. Le titre, c'était : "Ou ce que vous voudrez". Une magnifique évocation de
Florence, à la Renaissance. Un roman tout baigné d'histoire de l'art et de.littérature avec un pays imaginaire où l'héroïne aimait se refugier.
Si vous retrouvez le billet... J'ai descendu la colonne de droite , je ne l'ai pas trouvé !

Christiane a dit…

Ce qui va dans ce sens c'est par exemple page 66, ces lignes :
"Elle commence à comprendre que les pièces de ce jeu ne sont pas aussi simples que des pions sur un plateau : elles ont des secrets, des fiertés , et, quoique les règles du jeu stipulent qu'elles lui appartiennent,elles aussi doivent êtres façonnées pour devenir quelque chose de plus."

Christiane a dit…

Bon, par erreur j'ai posté mon commentaire au-dessus sous le livre de Zweig. Mille excuses.
Je reviens au bon endroit.
La lectrice que je suis est sans cesse plongée dans l'atmosphère de ce jeu. Ainsi page 79 :
"Il ne reste que trois cartes encore à jouer dans sa main. Le Fou, le Trois de Deniers et la Tour, plus cette étrange pièce romaine, ancienne et pourtant récente, sans grande valeur - quel est son but ? Comment doit-elle être jouée ? "
Même si je ne comprends rien aux règles de ce jeu mortel, le récit des aventures de Trene me passionne.

Christiane a dit…

Oh, c'est bien ! Écoutez, Soleil vert. Re-voici les observateurs qui épient les déplacements de Trene et que nous annoncent-ils alors qu'elle est entrée à nouveau dans la Maison des Jeux ?
"Nous l'observons sans qu'elle nous voie, tant ses pensées sont concentrées sur le jeu, jusqu'à ce que... un autre joueur s'asseoie en face d'elle devant l'échiquier.
Il porte un masque qui est presque le jumeau du sien : blanc, sans âme."
C'est extra !

Christiane a dit…

Ils jouent une partie extraordinaire , complètement différente de celle qui se joue dans la ville avec de vrais personnages.

Il semble bien connaître Trene et lui déclare : "vous êtes ici, madame, seule, alors que votre ivrogne de mari va aux putes et joue seul dans la maison que vous souhaitez abandonner. Vous prenez de grands airs et discourez comme si vous expliquez une doctrine (...)"
Il déclare la partie nulle. Elle s'en va dans la nuit. "Seule.
Dans le noir .
Marchant.
Elle est
en colère."

J'adore ce blog et ces plaisirs de lecture.

Soleil vert a dit…

Corrigé, merci

Christiane a dit…

Pourquoi aime-t-on un livre ? Hors l'intrigue, pour une scène parfaite comme celle-ci :
"Thene se force à ouvrir la lettre lentement. Deplie le papier. L'approche de la flamme. Il y a de la force dans la lenteur, de l'intelligence à ne jamais de presser. Elle doit être forte."
Je vois un tableau de Vermeer. Magique.

Christiane a dit…

https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/vermeer/femmeenbleulisantunelettre.htm

Christiane a dit…

Van Gogh écrivait à Émile Bernard :
"Ainsi, connais-tu un peintre nommé Vermeer qui, par exemple, a peint une dame hollandaise très belle, enceinte. La palette de cet étrange peintre est : bleu, jaune citron, gris perle, noir, blanc. Certes, il y a dans ses rares tableaux, à la rigueur, toutes les richesses d'une palette complète ; mais l'arrangement jaune citron, bleu pâle, gris perle, lui est aussi caractéristique que le noir, blanc, gris, rose l'est à Vélasque."

Christiane a dit…

Vélasquez

Il est dommage que la reproduction atténue l'ambiance bleue du tableau.
Il y a aussi une Madeleine à la veilleuse de Georges de la Tour, pour la flamme de la bougie.

Christiane a dit…

https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/latour/madeleinealaveilleuse.htm

Christiane a dit…

Et maintenant c'est Rembrandt... La leçon d'anatomie.
"Or je connais un homme qui connaît un homme dont on sait que le cousin déterre lors des nuits paisibles les cadavres inhumés de frais, et les apporte aux savants de la ville, lesquels fouillent secrètement tripes et boyaux à la recherche de mystères, prophétisant une ère nouvelle de sang et d'os."
C'est comme si ce roman m'entraînait au fil des mots au Louvre ou dans quelqu'autre musée. Je tourne les pages d'un livre enchanté traversant les lames du tarot, oubliant l'échiquier...
Je redeviens immobile, contemplant une toile, attendant qu'elle m'envahisse. Osmose....


https://histoire-image.org/etudes/rembrandt-lecon-anatomie

Anonyme a dit…

La Tour peut être la Maison-Dieu, mais j’ignore à quoi correspond le Trous Deniers…. MC

Christiane a dit…

Le trois de deniers

La tour... On verra si votre intuition est juste....

Anonyme a dit…

Oui , le trois! J’en déduis que vous n’êtes pas plus avancée que moi ?

Christiane a dit…

Effectivement, je ne comprends rien à ce jeu mais j'aime les évocations qui, au fil des pages, créent un décor somptueux.
Et puis tout cela va peut-être s'éclairer... Je vous ferai signe.

Anonyme a dit…

On peut penser qu’on ne joue pas à Venise selon les règles du tarot de Marseille…le Fou, la Tour , je vois, mais Trois Deniers, non ! En tous cas il n’apparaît pas sur les figures françaises du dix-septième siecle…

Anonyme a dit…

En revanche, la Maison-Dieu est bien figurée par une sorte de tour de Babel. D’autres figurations existent avec une insistance sur les marches ( 36, je crois). Bruce Morissette in Les Romans de Robbe-Grillet ( mais oui! )fait référence à cette iconographie où se conjuguent nombre de marches et valeur.

Christiane a dit…

Peut-être un indice dans la suite du dialogue des deux femmes, page 114.
"On dit que la Maison des jeux n'a d'autre objectif que le jeu, mais j'ai assez vécu et participé à assez de parties pour discuter cette opinion. La nature même du jeu change le monde et, sans pouvoir l'affirmer, je soupçonne la distribution des cartes, en théorie aléatoire, d'être truquée pour produire un résultat plus adapté aux vœux de la Maison qu'aux compétences des joueurs
- Dans quel but ?
- Cela... je ne saurais le dire. Ce n'est pas une question que les joueurs - même les plus anciens - aiment poser. Il est possible que seule la Maîtresse des jeux le sache.
- On m'a bien donné une pièce de monnaie.
- Oui, je m'en doutais.
- Qu'est-ce que c'est ? Ce dernier n'a pas sa place dans le paquet de cartes, c'est un objet de tous les jours, je n'en comprends pas l'intérêt pour le jeu."

Vous voyez, MC., Thene aussi ne comprend pas.
( L'honneur est sauf !)

Christiane a dit…

Venise, c'est vite dit car la Papesse dit (page 114) que " la Maison des jeux est ... ancienne. Elle n'est pas limitée à un seul lieu mais possède des portes dans le monde entier. Cette partie livrée à Venise est l'une des centaines, peut-être des milliers, qui se jouent en des lieux dont vous ne rêvez même pas, et ce n'est qu'une partie élémentaire, une escarmouche sur le champ de bataille. La Maison se soucie d'empires, de rois, d'armées et d'Eglises, et ses joueurs sont parmi les... êtres les plus anciens et... peut-être pas les plus sages mais, disons, les plus déterminés que j'aie jamais rencontrés."

Aïe aïe aïe.... Je donne ma langue au chat !

Christiane a dit…

Ah non, ce n'est plus la Papesse c'est Argent qui l'a suivi dans les rues de la ville. C'est lui qui répond aux questions de Thene

Christiane a dit…

Il définit d'abord le rôle du Maître des Jeux :
"Un Maître des Jeux est la tête et la source de toutes les parties qui se jouent. Des règles sont absolues, son jugement est définitif. Il conçoit et dirige les parties sur les autres disputent, mais ne joue pas lui-même. (...)
La Maîtresse ne peut mourir qu'une fois vaincue...
Puis...Il en revient au denier par un conte où un pauvre hère n'a plus qu'un denier à offrir au sorcier pour avoir une reponse.
" - Lance le denier. Choisis pile ou face. Si tu gagnes, tu vis assez longtemps pour disputer ta partie, celle de la Maison des Jeux.
Si tu perds, tu meurs.
- C'est du hasard, ce n'est pas un jeu.
- Tout est hasard. La vie est hasard. La folie des hommes est de chercher des règles là où il n'y en a pas. Alors choisis.
Et l'homme a choisi."

Donc, Thene devrait jouer à pile ou face avec son dernier....

Christiane a dit…

Ah, MC, désolée pour cette fausse joie. Ce n'est pas un dernier qu'elle a mais une carte, le Trois de Deniers.
La carte représente un personnage jeune, mendiant ou voleur, petit et discret, qui vit de la charité ou de ses rapines. Il aura un rôle à jouer, plus tard
La Tour est prête à être déployée
Ils sont à nouveau trois. La Papesse les a rejoints.
Ils regardent la Tour. C'est ... un homme grand, barbu, un colosse. Foscari. Un vrai personnage... au service de la Maison des Jeux.

De plus en plus bizarre ce conte....


Christiane a dit…

Lire denier, le smartphone remplace par dernier

Christiane a dit…

Réveillé, M.C. ?
C'est le matin des découvertes...
Que pensez-vous de ce nouvel indice ?
"Ce garçon, cet étrange garçon lointain a le regard fixé mais vide. Aussi vide que les yeux de la Tour, aussi fixe que ceux de la Papesse. Voilà ce que dissimulent le rire de la Reine de Coupe, la Vantardise du Valet d"Épée, la décontraction du Sept de Bâton.
(...) Chaque pièce est arrivée dans sa main par l'intermédiaire de la Maison des Jeux...."
Alors, une idée ?

Christiane a dit…

Ah, je n'avais pas rêvé. Page 150 :
"N'y a-t-il pas dans bourse un petit denier romain qu'elle n'a pas joué, n'y a-t-il pas des cartes sur la table, des pièces encore à déplacer ?"
Donc, les cartes du tarot lui donnent le sens d'un symbole, du personnage représenté sur la carte.
Ces personnages, Thene doit les affronter, les cerner, les vaincre. Savoir pour l'un, espoir pour l'autre, ... mort pour la dernière carte reçue. Mort ?
Venise est un cadre labyrinthique pour sa fuite éperdue : "les rues de tordent et s'enchevêtrent, les canaux sinuent de-ci de-là et leurs lents méandres trompent... et lorsqu'elle émerge à nouveau, elle a perdu toute idée de sa position..."
Thene est-elle devenue vulnérable ? Va-t-elle perdre la partie dont l'enjeu est si important pour elle ?

Christiane a dit…

J'ai beaucoup aimé la fin du conte .
Je ne vous en dirai rien mais tout s'est éclairé.
A propos, la Tour n'est pas la Maison-Dieu, loin s'en faut, elle met le feu partout transformant Venise en une toile de Turner.
Bonne lecture.

Christiane a dit…

La réponse :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Trois_inquisiteurs_d%27%C3%89tat

Christiane a dit…

Ce qui m'a plu ?
Le rythme, l'écriture, les emboitements entre tous les personnages y compris les narrateurs et les lecteurs.
Le choix de Venise .
Le fait que c'est une histoire qui ouvre à une autre histoire plus grande, certainement le troisième tome de la trilogie.
C'est une fiction qui donne une lecture de notre société plutôt déprimante mais un questionnement intéressant sur le hasard.
Camus écrivait : "Un homme ça s'empêche."
Ici, c'est tout l'inverse. Les personnages vont jusqu'au bout d'eux-mêmes comme s'ils n'étaient plus libres de choisir... ( esclaves ?manipulés ? désespérés ? robotisés ?) .Trois se différencient dont Thene.
Cette Maison des Jeux est mystérieuse. Qui est la Maîtresse des jeux ? Quel est son but ?Trouver un inquisiteur ? Mais pas seulement. Elle distribue les cartes d'une façon perverse. Le Serpent est intéressant, aimanté par Thene. La Papesse engourdie par une souffrance.
Venise est ici une cité sombre, glauque, pleine du sang des meurtres et des lueurs de la nuit.
Un bon livre.

Christiane a dit…

Maintenant que j'ai terminé le roman, je ne crois pas que les narrateurs soient deux joueurs d'échecs. Ils surplombent la scène , n'en font pas partie, l'observent débonnaires.
Comment dites-vous, Soleil vert, ils sont extradiégétiques. Oui, et pourtant dans la fin du livre, alors qu'on ne s'y attend pas , il est écrit que maintenant Thene sait qui l'observe, mais elle doit parler du personnage qui la suit.
M.C. un jour, avait évoqué un roman SF la grande peur...., où des entités cachées dans les nues pêchaient des êtres humains comme on pêche un poisson, jusqu'à ce qu'elles comprennent que ces créatures étaient intelligentes. Ramuz, peut-être, j'ai oublié.

Christiane a dit…

O, merci Soleil vert pour les cartes du jeu. Je réalise les regardant que la Reine des coupes je l'imaginais avec un instrument tranchant et pensais au verbe couper plus qu'à une coupe... pour le vainqueur ?
J'ai commencé le troisième volume, "Le Maître - La Maison des Jeux."
Quelle fluidité de raccord entre la fin du premier volume et celui-ci.

" Venez, à présent, venez.
Le plateau est disposé ; les cartes sont prêtes.
Le denier qui a été lancé doit enfin retomber."
Maintenant le quadrillage recouvre toute la Terre.
"Un coup de dés et des inconnus meurent ; des cartes s'abattent, le denier tourne, tourne, tourne, et, quand nous aurons terminé, des armées seront décimées, le niveau des océans aura monté, et nous aurons gagné, nous vivrons, ou bien nous aurons perdu, nous mourrons. (...)
Le rideau se lève, la musique se tait et le joueur entre en scène."

Magnifique ! Le balancement de cette prose induit presque un chant. Il ne manque qu'un ménestrel pour me conter la suite de cette histoire...

Christiane a dit…

Les narrateurs (nous) du volume 1 ont disparu. C'est Argent que l'on retrouve et qui raconte. Il vient de défier la Maîtresse des Jeux. La suite du récit de passe de nos jours, pour l'instant à New-York.
Une grande aisance pour suivre le récit car tout est familier.

Anonyme a dit…

Non , il s’agissait bien d’une coupe de carte. Cela dit, je ne vois pas qui serait « « Trois deniers » dans le Tarot de Marseille, même si la monnaie évoquée ( une petite pièce romaine » ) n’a rien à y faire! Il faudrait que je me penche davantage sur le devenir du tarot vénitien pour y voir clair. Est suspecte aussi la lecture de la « Tour. « Mais on peut la rapprocher d’au moins deux cartes marseillaises , je crois.. Le roman cité doit etre le Péril Bleu , de Maurice Renard, dont les parties symétriques m’enchantent toujours; «Ou Comment, Qui, Pourquoi? « , «Ou, Comment , qui, pourquoi. » Bien à vous et pardonnez à l’existence de Noël.. MC

Christiane a dit…

Oui oui c'est bien le péril bleu de Maurice Renard. Merci.
Pour le reste, les symboles, je crois que ces cartes aident seulement à trouver un personnage qui a une certaine caractéristique et un rôle dans la partie.
Il y a une grande différence entre ceux qui jouent et ceux qui subissent sans être stratèges.
Un beau rapport se noue entre Thene et Argent fait de respect mutuel construit sur l'estime.. Aucun ne semble vouloir anéantir l'autre.
Thene gagne son pari dans le premier volume de bien étrange façon.
Le troisième volume écrit à la première personne du singulier est très différent de cette quête mystérieuse dans la Venise du dix-septième siècle. Ici, on est précipité dans l'actualité politique du monde. On voyage beaucoup. Argent (c'est un personnage) qui a défié la Maîtresse des Jeux est plongé dans un monde virevoltant et dangereux. En trente pages avion, bateau, New-York, l'Afrique, un peu d'Asie. Des références actuelles en technologie informatique et armements. Pas mal d'explosions !
Pour l'instant je préfère le premier volume très poétique. Mais des clés de trouvent dans ce dernier volume que j'ai envie d'utiliser pour ouvrir les portes qui ont résisté.
Merci pour le symbole de la coupe. Que veut dire couper une carte ?
J'aime bien ce tourbillon en attendant Zweig.
Dans les écrits retrouvés de Borges, il répond au questionnaire de Proust avec élégance. Pas mal d'articles sur Le Quichotte.
Comme il pleut dru, je ne rate rien. Je cale les achats entre deux averses me réjouissant de la venue de mes tendres alliés qui m'offrent leur présence le soir de Noël.
Doux noely at vous, malgrey l'absente... Également at mon astronaute préféré, Soleil vert , et aux amis qui posent leurs mots ici.

Anonyme a dit…

Argent se dit Silver en’ anglais et sa postérité romanesque est réelle, ne serait-ce que par John ! Je me demande s’il n’y a pas ici un tour de ce type…

Anonyme a dit…

Sur le jeu universel, Borges: Tlon Orbis Terrarum, peut-être d’un certain secours…

Christiane a dit…

Doux Noël à vous malgré l'absente.

Christiane a dit…

Oui oui... Plein de souvenirs de Fictions de Borges. L'invention du monde Boys Cavares Sylvana Ocampo.... Il me faut retrouver ce livre dans mon fatras....

Anonyme a dit…

Bon Noël à tous. SV

Christiane a dit…

Merci, SV.

MC., vos références au tarot de Marseille semblent indiquer que pour la magie de ce récit, Claire North superpose des éléments à elle et des ressemblances avec des symboles connus.
Une structure de palimpseste éclairerait son imaginaire.
Quelque chose revient souvent avec la force symbolique du tarot de Marseille dans les récits de fiction. D'où vient ce jeu de cartes. A quelle époque a-t-il vu le jour ? Qui l'a inventé. Était-ce pour la distraction ou la divination ?

Christiane a dit…

J'aime beaucoup dans ce volume 1, la neutralité impersonnelle des narrateurs qui scrutent les scènes comme du bout d'une lorgnette.
On ne saura qui regarde, d'où et dans quel but. Ils ressemblent à un public d'événement sportif, intéressé par la joute et seulement préoccupé des astuces des combattants .

Christiane a dit…

Bioy Casarès

Christiane a dit…

Le charme de la répétition dans le récit de Claire North tient aussi aux nombreuses répétitions d'un mot, d'une formule, qui scandent le récit comme une comptine... Des instants brefs et ludiques. Le temps est ainsi différent pour les narrateurs qui semblent au-delà de la durée et celle linéaire du récit.
Je regrette de ne pas les retrouver dans le volume 3.

Christiane a dit…

C'est un peu comme différents conteurs s'emparaient des mêmes mythes et qu'ils formaient, ensemble, un livre unique fait de traductions multiples.
Le lecteur sollicité navigue dans un monde de réminiscences chatoyant, une lecture jamais terminée. Une envie que le rêve continue - un peu comme écoutant Shérazade dans ce joyau des Mille et une nuits.
Vous avez raison, MC., d'évoquer Borges et son idée de l'éternel retour.

Christiane a dit…

J'apprécie beaucoup que Claire North ne ferme pas le récit de ce volume 1. Elle l'empêche de se refermer sur lui-même. Quelque chose reste incomplet et le lecteur cherche une suite qui sauve de la fin. Elle sait rendre son récit interminable. Il me semble que dans ce volume 3 - (j'ai sauté le 2) - elle va utiliser les mêmes combinaisons, les mêmes rouages, les mêmes matériaux - (cartes, jeu d'échecs, damier, pions....), à plusieurs siècles de distance.

Christiane a dit…

La fin du premier volume relance le début du troisième. Le lecteur n'a plus qu'à revenir en arrière pour remettre les personnages - qui traversent le temps - en place.
Le denier tourne, tourne, tourne.... inscrivant dans le temps un mouvement inachevable....

Christiane a dit…

Toutefois, je réalise que si chaque histoire a un parcours différent, un cadre différent, la totalité de son ouvrage comprendra trois volumes comme les séries se terminent par le dernier épisode. Un labyrinthe qui se laisse segmenté à l'infini...

Christiane a dit…

Ces lames du tarot ne deviennent-elles pas les arcanes d'un tri divin ?

Christiane a dit…

Dieu ressemblerait alors à un écrivain imprévisible....

Christiane a dit…

Je n'ai pas retrouvé mon exemplaire de Fictions de Borges mais je me souviens de l'atmosphère de ces nouvelles déconcertantes. A travers ces récits souvent obscurs, Borges me semblait concevoir le monde comme un chaos inintelligible auquel il opposait la fabulation, ses fictions empreintes d'un fabuleux mythique métaphysique. Le fantastique y naissait de la combinatoire d'anachronismes, de légendes sans rapport avec le réel, de symboles, d'un univers cryptique à déchiffrer, de chimères, de cauchemars, de merveilleux.
Un bric-à-brac d'une grande force poétique. Des écrits qui convergent vers un centre secret, une mémoire lointaine.
Et des motifs répètes : le sable, les miroirs, les fauves, les boussoles, les jardins-labyrinthes, les bibliothèques, les prisons... le vrai et l'invention (des écrivains imaginaires, des textes imaginaires servant de references).

Anonyme a dit…

Talon orbis terrarum raconte , si je m’en souviens bien, un Empire qui tient par une sorte de loterie. Mais celle—ci est peut être antérieure à l’ Empire. Il y a quelque chose de ça dans votre Maison de Jeux, qui peut-être ici une métaphore du jeu lui même. Ce qui expliquerait que les plus grosses batailles ne se jouent pas à Venise. Les Arcanes divins du Tarot me laissent plus réservés. Je trouve normal qu’on joue à Venise selon des règles et peut-être des symboles différents de ceux de Marseille. Mais il faudrait se documenter sur le Tarot joue à Venise….

Anonyme a dit…

Tlon, pas Talon!

Anonyme a dit…

Je ne crois pas à l’hermétisme Borgesien. Borges a connu une éducation anglaise, avec l’humour qu’elle peut véhiculer….

Christiane a dit…

Ce qui est à l'origine de l'utilisation du tarot dans ce roman c'est l'autorité incontestée de la Maîtresse des jeux. C'est elle qui distribue les cartes, trois je crois, à chaque joueur qui doit rencontrer les personnes symbolisées par les cartes. Ensuite chaque joueur doit les affronter les uns après les autres et essayer de gagner. Enfin c'est ce que j'ai compris.
Je n' ai pas lu le volume 2 qui déplace le jeu dans un autre pays.
Peut-être, Soleil vert pourrait-il nous éclairer ? Je crois que le tarot sert à Claire North à cette transaction le temps de mettre en jeu la cartes.

Christiane a dit…

Borges, on en reparlera. Là, je décroche. Bonne nuit.

Christiane a dit…

Je reviens à l'hermétisme de certaines nouvelles de Borges traduites par Roger Caillois.
Vous souvenez-vous de celle que nous évoquions récemment où je confondais jaguar et léopard ?
Eh bien, j'ai relu les nouvelles du recueil dont El Aleph (tirée du recueil Fictions) celle du prisonnier, un devin, qui du fond de sa geôle de pierre, si profondément enfoncée dans le sol, si sombre, attend le moment où il peut voir le jaguar qui est dans la geôle d'à côté, derrière les barreaux. Il ne le voit que lorsque la trappe s'ouvre, à l'heure de midi,et que le gardien fait descendre à l'aide d'une poulie et d'une corde de l'eau et un peu de nourriture.
Il imagine que son dieu confie un message à la peau de ce félin. Il apprend l'ordre et la disposition des taches sur le pelage de l'animal par rapport aux barreaux. Et il "laisse les jours l'oublier" dans l'obscurité... Et pense, essaie de déchiffrer le message.
Cette intermittence, écrit Borges est celle de la mort et de la vie. Il perçoit alors ces signes en relation avec la poulie. Un archétype de l'éternité. C'est pour le devin la roue du monde, la formule d'où le monde est issu. Quelque chose qui le rattache à l'ensemble du cosmos. Le prisonnier est alors hors du temps. ( Moi aussi !)
Ce recueil devint pour moi un livre hermétique inscrivant des mythologies nombreuses et divergentes de Borges qui me parut être initié aux mystères orphiques, à la recherche d'un Dieu ressemblant à une sphère intelligible dont le centre est partout et la périphérie nulle part. Ayant la certitude qu'il est le rêve d'un autre qui est en train de revery de lui et qui partage les mêmes images. Il devient la créature d'un rêve....Il y est aussi question de quarante cartes du Truca, les combinaisons possibles d'un nombre lointain... Le miroir des énigmes... Un labyrinthe infini...

Anonyme a dit…


Non il n’est pas initié. C’est à juste titre qu’une des plus belles formules pour saluer son trépas reste celle de Dutourd titrant «  Hoffmann est mort »…

Anonyme a dit…

Ne pas confondre Réalisé Magique et Initiation, svp! Merci à Soleil Veet de ses cartes….

Christiane a dit…

Je comprends rien ay ce que vous dîtes, MC. C'est quoi être initié ? D'où sortez-vous ce terme que je n'ai pas employé. Vous êtes vraiment bizarre, parfois.

Christiane a dit…

J'ai écrit initié aux mystères orphiques, càd aimant chercher les mythologies de l'origine et s'initiant lui-même par la lecture et les recherches.
Votre initié isolé n'a pas le même sens. Encore vos domaines étranges....

Anonyme a dit…

Vert!

Christiane a dit…

Non bleu comme le ciel !

Anonyme a dit…

Initié aux mystères orphiques , s’entend, , suppose une Initiation qui n’existe plus. Dès lors j’aimerais bien savoir comment et par qui Borges, si c’est de lui qu’il s’agit , a pu être initié. D’autant que ce pouvoir la, au moment de sa Conquête , est brusquement laissé de côté….

Anonyme a dit…

En revanche il a sa place dans le Mouvement dit de la Réalité Magique, oui.

Christiane a dit…

Je comprends mieux votre pensée. Non, je ne pensais pas à cette sorte d'initiation. Merci de vos explications.

Christiane a dit…


Sur internet , j'ai trouvé cette définition qui éclaire l'utilisation que je faisais de ce mot.

Définitions de orphique : adjectif.
Ayant une portée non apparente aux sens ni évidente à l'intelligence ; au-delà de la compréhension ordinaire.
synonymes : mystérieux, mystique, occulte, secret, ésotérique.
En gros, ce que je trouve dans les nouvelles du recueil l'Aleph.

Christiane a dit…

Donc, j'aurais dû écrire que Borges me semblait suivre "une quête initiatique" que je perçois en croisant ses nouvelles et ses poèmes.
Voilà je pense qui mettra fin à cet échange sur l'emploi du mot "initie".

Anonyme a dit…

Si vous voulez, mais tout est apparence, chez Borges. Cf la Nouvelle le double…

Christiane a dit…

Certainement.

Anonyme a dit…

Donc l’initiation peut en être la parodie…

Christiane a dit…

Peut-être... C'est un fin joueur. Il y a toujours un décalage entre ce que nous imaginons de la fin d'une de ses nouvelles et celle qu'il a choisie.
A vrai dire, je les lis souvent sans chercher à comprendre. C'est souvent très hétéroclite mais avec un charme fou , poétique et autre chose que j'ai du mal à définir. Voilà un écrivain qu'on reconnaîtrait, même si pour le recueil, par jeu quelqu'un cachait le titre et le nom de l'auteur.
Pour moi, c'est un conteur et son monde est un peu magiqueen plus la cécité qui le touche à la fin de sa vie m'émeut beaucoup. Les rares photos que j'ai vues de lui en ces dernières années offrent un très beau visage, j'allais écrire un très beau regard. Car quelque chose traverse ce visage, venant de l'intérieur, très mystérieux.... Une belle âme voyageuse.

Anonyme a dit…

Les » rares photos »? Il y en a beaucoup de la période Kodama, reprises dans l’album de la Pléiade, façon Borges des mondanités…

Christiane a dit…

Celles que j'ai vues....

Christiane a dit…

Où j'acquiesce c'est avec les fausses pistes que Borges sème dans ses nouvelles. Tantôt des écrivains réels, tantôt des textes-canulars et des écrivains fictifs, tantôt des pastiches. Souvent de la pure invention.Il s'amuse à l'idée de manipuler le lecteur.
Une grande place au rêve, à la mémoire au temps et au possible. Des motifs qui reviennent : le sable, les labyrinthes, la Bible, la Kabbale... les songes... les tigres... la transmutation... l'Aleph...
Un mouvement circulaire dans l'œuvre et dans le Temps..
Une vision d'une bibliothèque infinie, la Bibliothèque de Babel. (Quel rapport avec la Tour de Babel de la Bible ? ) Il n'oublie pas qu'il a été bibliothécaire.

Anonyme a dit…

Il y a un texte sur la Bibliothèque de Babel, me semble-t-il ?

Christiane a dit…

J'ai été plus sensible aux gravures imaginées par Érik Desmazières pour illustrer cette fameuse Bibliothèque de Babel conçue par Jorge Luis Borges que par le texte qui en est l'inspiration.
Dans ces gravures on découvre la fascination pour un lieu où l’ordre est chaos.
Dans la nouvelle de Borges parue dans "Fictions", j'avais été rebutée par les limites données à chaque volume ( pages, lignes, caractères), les références mathématiques qui pullulent dans le texte mais conquise par une possibilité de croiser les recherches dans ces livres imaginaires ou réels , déjà écrits ou à venir, par un système pressentant l'arrivée de l'informatique.
Mais là n'est pas ma question.
Dans le mythe de la Tour de Babel ( Bible), Dieu brouille volontairement les langages pour que les hommes ne se comprennent plus et donc pour qu'ils ne puissent réussir l'édification de cette tour voulant égaler la puissance de Dieu. (Décidément, quel jaloux ! Les langues de feu de la Pentecôte ont tenté de réparer ce manquement... Échec et mat !).
Dans le texte de Borges la narrateur qui nous tutoie est le concepteur et l'utilisateur de cette bibliothèque entassant ces fameux livres sur des étagères dans les salles hexagonales.
Borges a été dix-huit années directeur de la bibliothèque de sa ville, alors qu'il était déjà aveugle. Il y recevait moult étudiants et érudits et c'était pour lui un bonheur. Il se faisait lire des livres, dictait les siens. Il semble n'avoir vécu que pour les livres, les lire, les écrire et surtout partager ses connaissances en matière de littérature.
Je ressens donc une contradiction dans deux vocations opposées : partager et semer en chemin, décourager.
Là était le sens de ma question.
Et vous, qu'en pensez-vous ?

Christiane a dit…

Je reprends . Dans la Bible, pour atteindre Dieu et connaître ses secrets, les hommes, qui parlaient alors la même langue, entreprirent de construire une tour qui atteindrait le Ciel.
Pour les punir de vouloir l’égaler, (péché d’orgueil !!! ) Dieu (très orgueilleux aussi) multiplia les langues entre les hommes afin qu’ils ne se comprennent plus.

Christiane a dit…

Je préfère penser que cette Bibliothèque représente l'univers, immensité encore inexplorée dans sa totalité. Et que les bibliothécaires de cette fiction sont comme ces hommes, démunis devant l'immensité de la littérature du passé, du présent et du futur. Une "recherche" toujours inachevée et inachevable qui, en plus, démultiplie par l'approche des lecteurs le sens de chacun de ces livres.
Mais il n'y a plus là un défi d'orgueil, juste une attitude pensive face à la littérature, à l'acte d'écrire ou de lire.

Comme l'écrit Alberto Manguel à la fin de son magnifique essai, "La Bibliothèque, la nuit" (Babel) - traduit par Christine Le Bœuf :
"L'histoire de ma bibliothèque commence assurément par des découvertes : découverte des livres, découverte d'un endroit où les loger, découverte du calme qui règne dans cet espace éclairé sous l'obscurité du dehors. (...) je ne suis pas à la recherche d'une quelconque révélation, puisque tout ce qui m'est dit est nécessairement limité à ce que je suis capable d'entendre et de comprendre. Ni d'une connaissance allant au-delà de ce que, en quelque manière secrète, je sais déjà. Ni d'une illumination, à laquelle je ne puis raisonnablement aspirer. Ni de l'expérience, puisqu'en fin de compte je ne peux prendre conscience de ce qui est déjà en moi. Qu'est-ce, alors, que je cherche, à la fin de l'histoire de ma bibliothèque ?
Une consolation, peut-être. Peut-être une consolation."

Anonyme a dit…

Je vous dirais pour la première intervention qu’un bibliothécaire peut être quelqu’un de profondément sceptique devant ce savoir émietté et toujours en devenir. Ce qui ne l’empêche pas au contraire d’accompagner efficacement toutes sortes de recherches, si elles se révèlent fondées. Seckel devait être un type de ce genre….

Christiane a dit…

Je crois qu'il décrivait un monde quil connaissait bien. Mais votre remarque est intéressante

Anonyme a dit…

En fait, la bibliothèque est Babel. Elle l’est par la variété des ouvrages, la multiplicité des langues et des ouvrages. Elle est Babel en son essor. On a pas , je le pense du moins, à s’embarrasser d’une tour foudroyée ou d’un Tout-Puussant en colère. La Bibliothèque est nécessairement Babelienne….

Anonyme a dit…

De sorte qu’elle ne peut représenter l’univers, qui lui serait un tout….

Christiane a dit…

Ah. Donc vous ne retenez comme Demazieres que l'immensité chaotique de la construction et pas du tout le mythe religieux.
C'est une belle découverte pour moi.
Mais l'univers n'est pas fini, peut-être.... Juste un peu connu... Et le tout de la littérature comme cet infini est inachevé aussi puisque les livres à écrire, bien que Borges les a inclus dans cette bibliothèque de Babel, ne sont pas encore conçus. Et les livres écrits sont-ils tous connus, imprimesy.
Votre pensée loin de fermer mon imaginaire l'ouvre sur l'inconnu. Merci.

Christiane a dit…

Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas dans votre raisonnement : pourquoi construire une tour immense, inachevable sans but ?

Christiane a dit…

Si babelien est employé dans le sens de confus, inextricable, n'est-ce pas en rapport avec le mythe de Babel quand après l'action de Dieu les hommes parlent des langues différentes et ne se comprennent plus ?

Christiane a dit…

Délimiter l'illimité...
Un élève de la classe demanda à Michel Cassé, astrophysicien que nous recevions : qu'y a-t-il autour de l'infini.
Je crois que l'homme est pris de vertige devant l'idée d'illimité.
Les dieux des cosmogonies sont une réponse parmi d'autres à ce vertige car dans les mythes des croyances, il ordonne le chaos, inscrit un début et une fin.
Le hasard est une autre réponse possible.

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si Borges emploie Babelien «  au sens de confus et d’inextricable « . Je pense que c’est plutôt l’aveu d’un nécessaire chaos.Lequel peut être dominé mais est toujours la. La seule chose qui unisse évoquer la Tour serait le bâtiment, ou l’ensemble des bâtiments-bibliothèques, intégrant nécessairement
d’ autres langues, et pourtant dialoguant entre eux…Un Bibliothecaire connaît ces situations là, et votre serviteur aussi , qui s’entend répondre par le service de documentation très compétent de la BN, a propos d’un livre sur la fondation de ce qui va devenir New York, livre conservé dans la Bibliothèque de Charles Perrault: mais sur lequel on sait bien peu«  vous allez devoir vous rapprocher de la Bibliothèque de La Haye! » passer du français au hollandais, ce n’est pas babelien? Bien à vous. MC

Christiane a dit…

C'est savoureux de vous suivre dans ce labyrinthe !
Quand on pense que longtemps il n'y a eu que des bibliothèques privées...
Ce que j'aime dans les livres qui sont nôtres c'est cette liberté de les ranger comme l'on veut même si, parfois, trouver le livre que l'on cherche devient une tâche de fin limier ! et puis ils sont nôtres. Une amitié qui dure parfois de nombreuses années.
Les bibliothèques électroniques me laissent perplexe par la rapidité nécessaire pour trouver un ouvrage, un texte.
Chez vous, comment rangezvous vos livres ? Il semble que jorget Luis Borges vivait très modestement ses dernières années au milieu de ses livres, invitant ses visiteurs à saisir tel ou tel ouvrage pour lire un passage recherché quand la cécité changea son quotidien.
Je pense à Soleil vert et à ses chers livres....
Bonne soirée.

Anonyme a dit…

J’ai connu quelqu’un qui recevait au milieu de piles: les déjà lus, les pas encore lus, et ses ouvrages. Je dois ajouter que son péché mignon était de voler un exemplaire ds ses œuvres chez son éditeur, qui laissait faire …une bibliothèque verticale, donc.

Anonyme a dit…

Je vous parlerai de chez moi demain.

Anonyme a dit…

J’avais commencé à vous répondre en évoquant la Bibliothèque verticale d’un grand chercheur avec le tas des lus des pas lus, des en lecture « , etc. J’ avais ajouté un détail très réel, et qui ne peut nuire à personne maintenant qu’il est mort. Ceci me vaut une censure. Je réécris donc en confirmant que je vous parlerai de ma bibliothèque demain. MC













L

Anonyme a dit…

Rectification: pas de censure et pourtant le message précédent n’apparaissait jamais plus!

Christiane a dit…

Non, pas de censure. Tous vos messages sont là. Un bien beau souvenir que cet ami qui aimait tant les livres.
Et demain je saurai comment vous habitez au milieu de vos livres.
Ici, dans mon chez moi, les livres donnent aux murs leur habit de mots, leur présence silencieuse. Des piles. J'aime aussi les voir sur des étagères toutes dissemblables. Chacune a son domaine. Un coin pour les livres qui sont clos sur de la pensée vive, un autre pour mes romanciers préférés que je regroupe par affinités. La poésie est juste au-dessus des livres et revues d'art. Et puis les solitaires, ceux qui veulent être préférés dans leur étrangeté. Ceux-là, je les pose à côté d'objets fétiches, des jouets en bois des enfants quand ils étaient petits, une pierre à encre chinoise, un pot de crayons, des pinceaux, des cadres photos, des paquets de lettres venues du passé. C'est une amitié sereine entre des mots écrits, imprimés, lus et relus et des objets tous aimés où s'attarde la paume de la main.
Le soir, c'est le règne des lampes douces et du silence. Les couvertures des livres, leur chair de papier deviennent réceptacles de cette lumière blonde, l'absorbent, s'y glissent comme dans un drapé. Les murs blancs deviennent ocres. Des cadres noirs enserrant des encres jouent avec des photos en noir et blanc. Quelques couvertures jaunes de chez Verdier allument des petits éclats ensoleillés. Des Pléiade au grain sombre entre les Poches en robe de tous les jours.
Dans un coin retiré, les livres de science-fiction qui me font penser à Soleil vert. Ils aiment la proximité des vaisseaux de l'espace et manèges en fer blanc très colorés Des biographies qui sont autre chose que les écritures, des morceaux de vie. Des livres de science, surtout sur le cosmos. Pas de livres de cuisine. Des coffrets minuscules pour des petites éditions que j'adore comme le petit Zweig des éditions Sillage. Et des cailloux, doux, lisses, des pierres, ramassés au long des années.
Le reste est pour le corps, des coussins, des tissus, des meubles où se lover pour lire, où dormir pour rêver les mots.
Voilà.
Les fenêtres s'ouvrent sur les toits en zinc de Paris et sur le ciel et ses oiseaux. L'arbre d'en face a perdu ses feuilles.
A demain.

Anonyme a dit…

Revenir aux bibliothèques n’est jamais facile, et je crois bien que je ne sais pas comment je les ai bâties en Bretagne moi-même. Je disposais d’une surface réduite, alors il parut nécessaire de les multiplier. Dans ma chambre, dans le salon , dans une autre chambre, dans le grenier. Je vous écris de ma chambre , cerné de trois bibliotheques. L’une, une armoire vitrée, contient une partie du legs breton et la série des carnets de Merimee et d’une partie de sa correspondance. Dix-neuvième siècle donc pour les éditions , entre correspondance, premier classement des monuments , et bases bénédictines actualisée.( Dans une autre pièce , siège le vrai et complet Dom Morice et DomLobineau!)À l’opposé , dans un autre meuble , des étagères grands formats accueillent le legs breton médiéval, les Chroniques, le Jouvencel. Et , quand elles décroissent de volume, elles se font hospitalieres pour accueillir une importante série d’ouvrages Dix-septiemre sept- Dix-Huitieme , allant du théâtre jésuite Normand via les deux Soriano sur Perrault , à mon compatriote Le Sage, tandis que deux étagères sont consacrées aux Louis Dix Sept divers et variés. ( Un article auquel j’ai renoncé) La Bretagne revient avec Villiers ( Axel etc) et l’Empire avec les clairvoyants mémoires de Madame de Remusat. Le meuble d’en face offre le même rangement chronologique de Walter Scott en e.o à Dumas et Verne. Il pourrait être voué au Roman, et l’est partiellement, mais inclut aussi les Mémoires de Werdet, l’éditeur de Balzac, et bien d’autres! Dont des livres factuels p qui ont trouvé leur utilité lorsque j’ai travaillé sur la Salette, ou le Mémoire de Lebois sur Elemir Bourges. Romans Mémoires donc. D’autres existent à côté, spécialement les mémoires de Police . À côté aussi, les partitions, volume oblige, et les minores : d’ Arlincourt, ou bien plus important, les Goncourt. Se place aussi dans un rayonnage spécial les ouvrages écrits sur de Gaulle. Ils interfèrent parfois drolatiquement avec ceux de poésie dite faisandée. Au deux bouts de sa carrière, Sanche de Gramint a ainsi inspiré un poème à…, Montesquiou, manuscrit figurant dans un envoi que j’ai, et a joué les espions américains contre le même De Gaulle! Deux étagères contiennent des livres variés, dix-septième pour la plupart. Les rayons familiaux et paternels Hugo, Molière et Racine sont préservés, tandis que leur fait face quelques pièces de la même époque dont le Themustocle et le Scevole, au moins, de Du Ryer….Je n’ai pas évoqué d’autres rayons consacrés à la Mauvaise Poésie, ou au Polar, cette fois dans ma chambre. Il est temps de se sauver , fut-ce, dirait Boileau, « Au milieu du jardin »…..Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Au fond , rangement par parentes ou thèmes , aisément repérable!

Christiane a dit…

Merci, M.C.
Vous ne vous étiez jamais dévoilé ainsi, entouré de vos livres, compagnons de toute une vie, partagé entre bonheur et recherches.
Quel beau cadeau. Livres et maison mêlés et vous allant des uns aux autres, tranquille, enfin en harmonie profonde avec ces écrivains rares. Une intimité silencieuse. Toute la beauté de la pensée et beaucoup de discrétion, d'humilité. C'est très beau, émouvant. Un trésor.

Respect, cher ami. Je m'éloigne sur la pointe des pieds pour ne pas troubler votre lecture...

Anonyme a dit…

C’est curieux, l’attachement à un livre. Pourquoi ai-je gardé « le Fait de la Salette? » Peut-être pour la sûreté de sa documentation joint aux trois volumes apologétiques de Correspondance, contrebalancée par la correspondance un peu folle conservée à Solesmes. À l’inverse , certains livres n’ont été lus qu’une fois ( les d’ Arlincourt) mais je n’en priverais pas ma Bibliothèque. Il en va de même des Lemerre, certains géniaux d’autres consternants, ds Lecomte de Lisle à l’Homere ds la platitude qu’est par exemple Edmond Haraucourt. Mais il nous a tant fait rire, bien qu’involontairement. La naissance et disons la croissance d’ un rayon. Bretagne s’explique mieux, même si elle est tardive….En bref, on ne peut jamais prévoir l’ouvrage qui va vous conquérir ou non….

Christiane a dit…

C'est très juste. Sait-on pourquoi on est attaché à un livre ? Peut-être parce qu'on retrouve, le laissant, des heures du passé où nous étions bien dans sa lecture. Une sorte d'osmose entre l'écriture et nos pensées. Un moment de cette vie où le livre était arrivé comme une présence.
C'est vrai aussi que nous sommes cruels envers certains livres que nous n'aimons plus ou moins. Peut-être plus à cause de nous que de lui....

Anonyme a dit…

Non, j’ai établi assez tôt ce caractère de Poésie nulle mais mémorable par sa nullité ! Il est difficile de ne pas s’esclaffer devant du Haraucourt ou du Theuriet, Cependant, la première poésie involontairement hilarante fut la Divine Épopée d’ Alexandre Soumet , vers 1840. Oh la belle découverte, lue à voix haute au musée d’Orsay alors tout neuf….A pompiers, pompiers et demi…

Anonyme a dit…

« Il est de Divines Épopées qui sont de tristes farces » disait un de mes amis, pas le dernier à en rire!