Julio Cortázar
- Les armes secrètes - Folio
Avertissement :
cette relation contient de nombreux spoilers. Il me semble n’avoir pas eu d’autres
choix pour aller un tant soit peu au fond des choses et tenter de comprendre
ces textes complexes.
Figure marquante
de la littérature argentine comme son légendaire compatriote Borges, Julio Cortázar
laisse l’image, comme hélas de trop nombreux écrivains sud-américains, d’un déraciné
opposé à la dictature de son pays. Tristes années qui virent l’émergence des Videla,
Pinochet et consorts et les ambiguïtés d’un Castro célébré par Garcia Marquez
mais rejeté par le péruvien Vargas Llosa. Certains comme Sepulveda choisirent l’errance
perpétuelle et l’apaisement des mots. D’autres comme Cortázar, exprimèrent dans
leur œuvre une fragmentation identitaire encore accrue pour l’auteur de Marelle
par la disparition de son père. Extrait d’une production protéiforme, Les
armes secrètes groupe onze nouvelles.
« Je
est un autre ». L’assertion rimbaldienne éclate dans plusieurs des fictions
du recueil et notamment dans deux récits purement fantastiques « La nuit
face au ciel » et « l’axolotl ». Le premier raconte l’émergence
dans une autre réalité d’un motocycliste hospitalisé après un accident de la
route. Ses nuits sont envahies par des rêves où des Aztèques le prennent en
chasse en vue d’un sacrifice rituel. Peu à peu le souvenir de sa chambre s’estompe
le laissant seul face à ses poursuivants. Dans le second un habitué du Jardin
des Plantes se découvre une fascination pour de petits batraciens au point de s’incarner
dans l’un d’entre eux au sein de l’aquarium. Dans une thématique voisine la
short story « Continuité des parcs » met en scène un amateur de
roman policier, absorbé dans sa lecture au point de ne pas s’apercevoir que c’est
sa propre destinée sanglante qu’il découvre au fil des pages.
De facture
plus traditionnelle, on découvre le célèbre « Les fils de la Vierge »
qui inspira le film Blow up d’Antonioni et par ricochet Blow out
de Brian de Palma. Le héros est un traducteur-photographe qui au fil d’une
promenade découvre un curieux manège Ile Saint Louis à Paris. Une femme essaye
de séduire un tout jeune homme. Prenant la scène en photo, l’observateur est surpris
et interpellé par la femme cependant qu’un complice émerge d’une voiture et que
l’adolescent s’enfuit. Rentré à son domicile le photographe développe ses
négatifs et reconstitue la tentative de rapt à laquelle il tente de s’opposer cette
fois activement en pensée. Assez déconcertante dans son traitement, la nouvelle
évoque à la fois l’impossibilité de capter le réel et les liens troubles avec l’imaginaire.
La surprise finale vient de la description du troisième homme décrit comme « un
clown enfariné », renvoyant le lecteur à un célèbre roman de Stephen King.
« Bons
et loyaux services » ou « Les portes du ciel »
explorent plus classiquement les thèmes de la cruauté et de la nostalgie. L’un
décrit les humiliations et tourments imposés à une humble femme de chambre par des
bourgeois. L’autre décrit les errances d’un veuf inconsolable dans les bals
populaires de Buenos Aires où il fit connaissance de sa femme. A côté de cela, des
textes comme « La lointaine » ou « Les armes secrètes »
lorgnent vers le surréalisme, déployant pour le premier le thème du double - à
l’instar de « La nuit face au ciel » - qui vient prendre
possession d’une musicienne ou pour le second l’amour impossible de deux êtres
plongés dans des réalités différentes.
Ces récits et
d’autres (« Fin d’un jeu », « Circé », « L’homme
à l’affut »), d’une approche pas toujours aisée, évoquent la
souffrance d’êtres isolés, englués à la fois dans le réel et leurs cauchemars.
L’univers complexe de Cortázar reste à découvrir.
7 commentaires:
Oui c'est un auteur qui laisse souvent le lecteur à sa libre interprétation. Les personnages sont poursuivis par le passé. Que penser de "Lettres de maman"qui crée un trouble dans le ménage de Luis,avec le fantôme du frère disparu par exemple..A rapprocher de Bestiaire" et la nouvelle "Les portes du ciel".
Néanmoins il reste un auteur complexe et son œuvre est vaste.
A découvrir donc.
J'ai découvert Cortázar cette année avec la nouvelle "Maison occupée" et j'ai adoré. Je retrouve dans cette chronique ce style, cette ambiance que j'ai tant aimée pour un texte très court.
On évoque beaucoup aussi un roman La marelle mais je ne connais pas.
Carlos Fuentes,auteur mexicain pourrait vous intéresser avec un recueil ”En inquiétante compagnie”,des nouvelles à la frontière du fantastique.
D'accord, merci
Une grande plume argentine feminine du Fantastique, Silvina Ocampo,grande amie de Borges et épouse de Bioy Casares,gagne a être lue.
Je ne saurais trop vous conseiller un livre en particulier mais elle a écrit beaucoup de contes et de nouvelles traduits pour la plupart.
Mon retard s'accroit, ma liste d'attente s'allonge …
Merci à vous de me relancer !
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