Franck
Ferric - Le chant mortel du soleil - Albin Michel Imaginaire
Araatan, roi des rois, Grand Qsar des peuples des Montagnes, se prépare à asservir
Ishnour, la dernière cité libre des Plaines. Au-delà d’une soif de sang et de
domination propre aux tyrans, sa quête recèle une ambition prométhéenne : libérer
l’Humanité de ses Dieux, précipiter la Toute Fin et ouvrir une ère nouvelle.
Kar-Koshig, un sorcier aux desseins impénétrables lui propose ses services afin
d’éteindre le culte de la Première Flamme.
Kosum, esclave de la tribu des sukaj, nourrit une espérance plus modeste,
survivre. Dresseuse de chevaux d’un potentat local, une altercation avec le
fils aviné de celui-ci la condamne à une mort lente sous le joug. Mais un cavalier-flèche
sukaj la prend en pitié et l’incorpore dans sa bande. Bientôt affranchie, Kosum
se retrouve malgré elle sous la bannière du Qsar.
Le chant mortel du soleil de Franck Ferric est le premier volume de la
nouvelle aventure éditoriale de Gilles Dumay à tomber dans mon escarcelle. Le discret liseré
pointilliste de la couverture renvoie quarante années en arrière aux vénérables collections « SF
(2ème série) » et « Super fiction » du même éditeur. Le fond issu du mythique Rayon Fantastique comporta
quelques titres remarquables mais sans trop m’avancer la série des Fulgur de E.E Doc Smith marqua les fans
de space-opera. La lecture de ces ouvrages de fabrication rigide n’était pas
sans conséquence ; au mieux un dos cassé, au pire un démembrement. Aujourd’hui
Albin Michel Imaginaire propose un panorama littéraire qui devrait satisfaire l’éventail
des sensibilités des amateurs du genre.
Trois oboles pour Charron paru en Lunes d’encre révélait (bien que ce ne fut pas son premier ouvrage) un auteur de fantasy à l’écriture accomplie, gouteur de mots rares. Le chant mortel du soleil ne fait pas exception et ravira les médiévistes ou rolistes avec son lot de souquenille, houssine, ballotte, bâtier, sente, émouchet, caponne (on), broigne, haquet, cangue, alentir, embâcle, armoise, javelle, bauge, meige, voyer, freux, roncin, carnier, bascorneux, aboucher, égrotant etc. Le prologue se souvient de Macbeth (1) : « Aux incrédules qui déjà fourbissent leurs doutes, je demande qu’est-ce que l’Histoire ? Ceci ; ce qu’en rapportent les survivants aux oreilles des imbéciles ». Ainsi débute une histoire pleine du bruit et de la fureur des armes, hantée par des spectres, sous l’œil indifférent des dieux : « Le cri des vivants lancé contre le silence du monde ». Les destins opposés d’Araatan et de Kosum fournissent la matière de deux narrations. Une fantasy épique rythmée par les batailles, d’une part, un récit d’exploration voir ethnologique d’autre part. Le roi précipite la fin des civilisations des Plaines, la jeune femme est envoyée par le même Qsar à la quête de leurs origines. Parfois amicaux, parfois rétifs, les peuples que Kosum croisent apportent un témoignage singulier : les croyances comme les mauvaises herbes ont la vie dure.
Il y a aussi des surprises. Au milieu des égorgements et des errances, le
chapitre « La Dame aux pousses de bouleau » plonge le lecteur dans un
conte hallucinatoire d’eau et de marécage hérité de La Vouivre ou de La Malvenue.
C’est à tout à fait étonnant. Quelques personnages hauts en couleur émergent de
cette assemblée de rois, d’esclaves de soldats et de prêtres. Le Qsar Araatan souverain
puissant et inquiet, son aide de camp Tsaral ancien roi déchu, Kar-Koshig
sorcier énigmatique. Les géants Montagnards d’où est issu le tyran ne
font pas bonnes figures. On trouvera un peu d’humanité chez les drujes,
compagnons de route de Kosum. Kosum, héroïne sans passé qui s’efforce de passer
entre les mailles de la folie guerrière et religieuse des hommes, pour tenter
de s’approprier le plus beau trophée qui soit, la liberté.
Le livre refermé, au vu de toutes les qualités affichées, on se dit qu’avec
un héros ou une héroïne récurrente, Franck Ferric pourrait embrayer les pas d’un
Robert E. Howard. Quarante-sept ans
après la Flamme Noire, la quête de la
Première Flamme poursuit la geste …
(1)
it is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing.
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