samedi 17 février 2024

Les sentiers de Recouvrance

Emilie Querbalec - Les sentiers de Recouvrance - Albin Michel Imaginaire

 

 

En rupture de ban, le jeune Ayden quitte le domicile familial quelque part dans le sud-ouest de la France où il se remettait d’une longue hospitalisation consécutive à des feux de mortiers. Il file vers le Morbihan lieu de naissance paternel. Anastasia, une adolescente originaire de la région d’Aragon en Espagne, suit le même chemin. Ravagée par le décès accidentel de son père, elle laisse en partant une mère meurtrie. Tous deux font route vers l’île de la Recouvrance en quête de jours meilleurs.

 

Les sentiers de recouvrance est le troisième roman d’Emilie Querbalec publié par AMI. Née au Japon, quelques premières années passées dans l’archipel nippon lui ont inspiré la matière de Quitter les monts d’Automne. Traces que l’on retrouve dans cette présente odyssée de deux êtres abimés dans un monde qui ne l’est pas moins, avec l’influence discrète de Nausicaä de la Vallée du Vent, voire du Château dans le ciel de Hayao Miyazaki. Le titre de son dernier opus évoque une autre filiation : « Recouvrance est le nom d'un quartier historique de Brest situé rive droite de la Penfeld, la rivière le long de laquelle Brest s'est construite, avec son arsenal militaire. Le nom Recouvrance vient du fait que dans la paroisse de Sainte-Catherine (l'ancien nom de Recouvrance), on honorait une statue de vierge, Notre-Dame de Recouvrance qui a donné son nom au quartier. Recouvrer la terre c'est retrouver la terre : on priait Notre-Dame de Recouvrance pour faire un bon retour à sa terre de départ » (1).

 

Restaurer le lien des hommes et de la terre : comme toute une génération d’écrivains de science-fiction française Emilie Querbalec rêve d’une planète habitable pour les décades futures. Alors que Marguerite Imbert immerge son lecteur dans les eaux chimiques d’une dystopie ou qu’Audrey Pleynet envisage de mettre l’Humanité en jachère (« Encore cinq ans »), l’auteure livre un récit légèrement utopique architecturé dans sa première moitié comme un road trip au sein d’un univers altéré :

« Les vagues s'écrasaient presque sans bruit, une vingtaine de mètres plus bas. Les mouettes ricanaient dans le vent. Les poissons filaient silencieusement dans le noir, loin de la surface et de la lumière du jour. Un satellite passait, braquant vers eux l'œil froid de ses caméras. Quelque part, des bombes éventraient des immeubles, arrachaient des ponts et des toits d'hôpital. Des femmes et des enfants fuyaient. Des bébés souffraient de dysenterie. Un homme se félicitait d'avoir conquis un nouveau marché. Un autre tuait un au nom d'une idée. Seconde après seconde, des particules fines engorgeaient les poumons de milliers nouveau-nés. Des abeilles mouraient. Des oiseaux. Des ours. Des dauphins. »

 

La seconde partie nous embarque dans un lieu qui n’est ni celui de La Montagne Magique ni l’Abbaye de Thélème mais celui de la guérison. Ce mot utilisé en quatrième de couverture frappe l’esprit. Guérir le monde, guérir les êtres. On peut croire et on peut ne pas croire comme l’auteur de cette fiche de lecture en l’espoir d’une restauration de l’alliance antique entre l’homme et la nature, aux révolutions et à tous ces termes saccagés par des générations de politiciens comme réforme, changement etc. On peut cependant en toute humilité leur substituer un vocable apparenté à guérison, il s’agit de réparation : réparer le monde, réparer les vivants. C’est un concept mentionné dans quelques vieux écrits rabbiniques, que Bernard-Henri Levy résume ainsi : « […] L’idée de « Réparation ». Oui, c’est cela l’idée de Haïm. Non plus sauver le monde. Encore moins le recommencer. Mais juste le réparer, à la façon dont on répare les vases brisés. J’aime ce mot de réparation. Il est modeste. Il est sage. Mais il est aussi vertigineux. C’était celui d’Isaac Louria, bien sûr. Mais ce sera celui, aussi, que retrouvera Walter Benjamin, quand, sans rien ou presque rien savoir du judaïsme, il dira de la traduction, c’est-à-dire du transport, d’un grand texte d’une langue vers une autre langue, qu’il est une « réparation du monde ». Il ne dit plus, ce concept de réparation, la nostalgie d’un corps plein ou d’une pureté perdue. Il ne rêve plus d’un vase d’avant la brisure ou d’un vase dont on hallucinerait qu’il n’a jamais été brisé. Il ne véhicule rien qui ressemble à de l’eschatologie ou de la théodicée. Il nous parle du présent. Du présent seulement. De ce présent dont un autre grand Juif a dit qu’il est juste un instant que l’on a su et pu sauver. Et dont il aurait pu dire, et dont je dis après lui, qu’il est la seule réponse à la mauvaise prophétie de Nietzsche sur le bel avenir du Mal. » (2)

 

Pour en revenir aux Sentiers de recouvrance c’est un ouvrage sensible que j’ai beaucoup aimé pour sa fraicheur, la modestie de son propos et d’où j’ai vu surgir, malgré le ressentiment des années, une petite flamme d’espérance magnifiquement illustrée par une couverture en forme d’estampe.

 

 

 

 

 

 

(1)   Wikipedia

(2)   BHL - Contre le mal, s’il est absolu, que faire ?


58 commentaires:

Anonyme a dit…

Le Breton et Brestois vous remercie de cette belle évocation, mais je ne vois pas en quoi consiste ici le Haim, si Haim il y a….C’est le mystère du livre?

Anonyme a dit…

MC

Christiane a dit…

Billet très intense. Ce roman va me plaire, oui.
J'aime l'idée de réparation qui semble illuminer la deuxième partie du roman -comme la couverture.
L'extrait de la méditation de Bernard Henri Levy évoque l’idée de Haïm, non sauver le monde ni le recommencer mais juste pour le réparer, "à la façon dont on répare les vases brisés."
Or, vous dites qu'Emilie Querbalec est née au Japon, y a vécu quelques années...

Un jour passé, visitant une expo d'art japonais, dans l'Orangerie du jardin du Luxembourg , des vases ont attiré mon regard. Des coulures d'or semblaient suivre des fêlures et magnifiaient ces objets. Un esthète qui s'attardait dans cette partie de l'exposition m'expliqua l'art du Kintsugi. Travail extraordinaire qui permet de restaurer des objets émaillés cassés, abîmés, non en dissimulant les fêlures, les cassures mais en les sublimant avec de l'or. Le Kintsugi est une ode à à la fragilité, à la modestie, à une sorte de tendresse qui guide le geste délicat vers une beauté passée pour lui redonner une place dans le monde.
Il me semble que le cheminement de ces jeunes gens, Anastasia et Ayden pourrait s'apparenter à cette philosophie des fêlures.
Je vais lire ce livre, "Les sentiers de recouvrance", en pays breton traversé par la guerre, avec respect.
Merci, Soleil vert

Anonyme a dit…

Noter le Quer, orthographe initiale de Ker, avant la réfection de La Villemarque pointée en ces termes par Anatole Le Braz: les mots bretons se hérissèrent de K comme des mâchicoulis. Ce pourquoi on doit écrire Mr de Queriolet ou actuellement Madame Querbalec. Il y a là, dans ce K oblige, une norme idiote qu’il faut faire sauter. MC

Soleil vert a dit…

Sur la philosophie des fêlures (oh la jolie expression !), on s'est éloigné de Sully Prudhomme ici, mais l'idée de l'homme abimant le monde et devant le réparer est là (tikkun):

https://fr.wikipedia.org/wiki/Isaac_Louria

Anonyme a dit…

Merci pour l'éclairage sur Notre Dame de Recouvrance, une école religieuse de Saintes (17100) pas mal fréquentée par moij autrefois, dont j'ignorais tout de l'origine.
Ainsi donc, Réparer le monde, réparer les vivants. Cela dit quelque chose de la sympathique petite flamme restée en vous, SV (en nous, peut-être aussi). J'ai plutôt pensé à mon amie Maylis de Kerangal, plutôt qu'à Lévy BH. Il faut dire que je reste pmp toujours un peu éloigné de la culture yiddish du Haim. Bàv (JJJ)

Anonyme a dit…

NB / quand vous mettez un lien URL sur votre blog, SV, il est inutile de le cliquer, car il ne s'ouvre jamais... Pmp, j'y ai renoncé depuis bien longtemps. J'avoue avoir souvent la flemme d'en faire un CC et d'aller sur un moteur de recherche pour aller le consulter. Ce qui est dommage, ne pourriez-vous pas remédier à ce pb, SV. Merci par avance (JJJ)

Christiane a dit…

J'ai donc commencé la lecture de ce roman d'Emilie Querbalec. Il m'a fallu une trentaine de pages pour différencier la construction, le récit, l'insolite (par une présence fugitive et bienveillante), du flot d'une écriture un peu passéiste comme celles des femmes ecrivain du XIXe siècle. Elle écrit aimant les phrases ornées d'adjectifs nombreux, des phrases sinueuses. Bon, je m'habitue !
Donc dans ces premiers chapitres très courts elle met en place alternativement ces deux jeunes gens pour faire connaître au lecteur qu'ils ont échappé l'un et l'autre à une mort accidentelle grâce à une présence mystérieuse. Ce pourrait être le début d'un conte gothique. Je dis conte car le ton du récit y fait penser. Dans cette ébauche de ce qui sera l'histoire à venir j'ai note des pensées philosophiques sur le temps, notre rapport au temps , ce qui est irréversible et ce qui ne l'est pas. Une touche poétique s'attarde sur les paysages, les oiseaux. Elle pourrait être aquarelliste.
J'aime la rudesse de votre écriture pour évoquer ce roman. Vous allez à son ecriture sensible avec clarté gardant toujours en tête le désir de situer le roman que vous présentez dans ceux qui ont déjà retenu votre attention.
La rencontre entre les deux recherches se situe dans un projet plus vaste, semble-t-il, ce que les écrivains inventent pour répondre à leur sombres pressentiments quant à l'avenir, leur détestation des guerres, des massacres, les questions se rapportant au sens de la vie.
Vous avez dit que j'aimerai ce roman. J'aime l'ambiance mysterieuse dans laquelle Émilie Querbalec a commencé son roman ( je dis commencé car je me place à ses côtés en ce début d'ouvrage). Où mène-t-elle ses personnages ? Qu'a-t-elle prévu pour eux ? Ce fond de guerre qui sourd dans les premières scènes met en place un conflit qui pourrait être ancien (mortiers) où futuriste ( satellites de surveillance). Les deux personnages semblent vulnérables mais non effrayés par cette présence irrationnelle.
Beau champ à labourer ! J'y retourne.

Christiane a dit…

Maylis de Kerandal... Vous avez de belles amitiés, JJJ.

Christiane a dit…

Ah bon ! Je les ouvre sans problème... Bizarre !

Christiane a dit…


Dans votre lien, cette troisième partie : " Le Tikkun ou réparation : c'est à l'homme qu'incombe la tâche de réparer les vases. Pour ce faire, l'homme doit agir à l'intérieur de lui-même pour exhumer les étincelles de lumière divine en les libérant des choses qui les emprisonnent."
C'est un beau projet : trouver en soi suffisamment de paix pour la répandre autour de soi...
La trouver comme un trésor déposé par un visiteur inconnu...

Janssen J-J a dit…

@ J'ai donc commencé la lecture de ce roman d'Emilie Querbalec.

Suisj toujours impressionné par pareille réactivité... Et soupçonne un fort désir de complaire un brin surprenant, en vue de pouvoir échanger avec un blogueur durant des lustres, faute de pouvoir en satisfaire la pulsion communicatoire par ailleurs (?).
Je vais encore vous indigner Ch., mais ne le prenez pas à mal. Qu'en est-il au juste vraiment ?... Iriez-vous acheter les bouquins signalés ou vous servire à la médiathèque de Montsouris sur le champ, afin de les dévorer entiers durant la longévité du post du SV ? Ce serait proprement incroyab !... Bàv, ---

Christiane a dit…

Ai-je lu "Les voies d'Anubis" ? Pas plus que d'autres romans présentés par SV. sur son blog, ou par des habitués de ce blog. J'ai parfois lu ceux que vous proposiez, voir récemment un certain roman qui m'a peu convaincue et valu une volée de bois vert de votre part. Au moins, SV, quand je ne lis pas où quand je n'apprécie pas un des romans présentés ne me vole pas dans les plumes.
Je ne fréquente pas la médiathèque Montsouris.
Et je lis bien d'autres livres que ceux chroniqués par SV
Alors qu'est-ce que ce nouveau mouvement d'impatience. Que vous importe mes lectures ?
Ici, c'est mon escale préférée même si la science-fiction n'est pas mon premier choix. Ce que j'aime lire et relire m'est personnel et ne dépend pas des livres dont on parle sur internet. Ce chemin m'appartient
Mais j'aime, entre deux lectures m'intéresser aux choix de Soleil vert. J'ai toujours eu envers mes amis cette curiosité amicale pour connaître leur monde ( écriture, lectures, art, voyages....). Je cherche rarement à les rencontrer mais je réponds à certaines invitations même si je sais qu'il est périlleux de mêler le réel et le virtuel.
Il fut un temps où j'aimais suivre les pistes de lecture données par Paul Edel sur ses blogs jusqu'au jour où il m'a imputé la révélation de son identité sur la RdL, ce qui était faux. Quelque chose s'est brisé ce jour-là.
Quant à vous, ici, envers moi, vous êtes volontiers irascible, ne supportant pas que je lise volontiers les livres proposés par SV et encore moins que je les commente. Excès d'agressivité , d'intrusion incompréhensibles pour moi.
Néanmoins je vous souhaite une bonne journée, monsieur le ronchon car bien que maladroit vous êtes un homme de coeur, assez déraisonnable.

Soleil vert a dit…

JJJ je vous aime bien, mais laissez respirer Christiane.

Christiane a dit…

Voilà, Émilie Querbalec a trouvé son tempo ou j'ai trouvé le sien ! L'écriture s'allège, elle tend vers l'essentiel. Cela me fait penser à un avion qui décolle. Passager, on sent la poussée de l'avion. C'est un moment d'arrachement à nos habitudes de pesanteur. Puis, l'avion atteint sa vitesse de croisière. On peut détacher les ceintures. On respire normalement. On fait corps avec l'avion. Par le hublot de l'écriture, l'esprit du lecteur s'échappe et connait l'infini du ciel ouvert. Un autre espace.
J'aime ce moment dans mes lectures quand je ne suis plus hors de l'écriture du livre. Il faut pénétrer dans la façon de penser et d'écrire de l'auteur. Ça durera le temps de la lecture. Osmose. Une fluidité du penser-lire...
Puis, il faudra retrouver sa propre pesanteur, notre langue, nos silences. Laisser alors à la mémoire son travail de tri...
Je confie ici mes mues de lectrice. Je sais que je peux hésiter, me contredire, m'enthousiasme, rager. Tout est possible ici, lieu où je peux respirer tranquillement.

Christiane a dit…

Que de surprises dans ce roman.ainsi donc....
Ah, j'aime beaucoup ce rêve multiformes.

Christiane a dit…

Quelle fournaise sur la terre où errent ces deux adolescents en fugue. Chaleur et soif... Des rêves d'eau ou de feu selon que l'on pense à l'un ou à l'autre. Des rêves d'envol aussi...
D'étranges animaux traversent ce roman...
Une île au loin dans leurs rêves, en Bretagne.
Beaucoup de souffrance aussi dans ces jeunes coeurs avides d'absolu...
L'écriture devient discrète, allégée.
Les chapitres les rapprochent l'un de l'autre pour une raison qui m'échappe encore sauf à relire le billet de Soleil vert...

Christiane a dit…

Désenchantement et ré-enchantement dans un même mouvement.
Déambulation spatiale et mentale.
Une géométrie tortueuse vient à traverser le roman très surprenant , soudain.

Anonyme a dit…

@ laissez respirer Christiane.

Mais c'est qu'elle m'intrigue trop depuis toujours ! Nul ombrage, nul vol dans les plumes, voyons donc ! la preuve : sa verve respiratoire généreuse s'en trouve décuplée. Il suffit de la titiller Justin Brun car on ne peut s'en empêcher vu qu'on l'aime bien, et la voilà repartie dans ses rêves multiformes, après une bien compréhensible saute d'humeur capricante.
Bàv, - JJJ

Christiane a dit…

Dans ce roman, Soleil vert, le lisible est lié à l'obscur. Et une ombre se glisse dans l'identité des personnages. Qui sont-ils ? Les "Métamorphoses " d'Ovide sont proches...
Une levée de fantômes à l'état latent.
Leurs rêves construisent-ils ces métamorphoses ou sommes-nous dans un futur surréaliste que le lecteur n'a pas vu venir ? Est-ce seulement la fugue de deux ados ? Est-ce seulement un conte écologique où ces deux-là vont participer à une renaissance des plantes, des arbres ?
La mort y est tellement, et en douceur, mêlée à la vie que le lecteur doute de son action irréversible.
C'est un très étrange roman, vraiment.
Je ne sais où l'auteur nous conduit... C'est comme si, en elle, combattaient des peurs et des espérances, des certitudes et leur envers dans un grand jeu d'enfance.
Comme eux, elle se raconte des histoires où elle a tout pouvoir sur ses personnages.
Cette femme doit être jeune pour bousculer ainsi, sans crainte, le tabou de la mort.
Elle danse sur les mots, fait ce qu'elle veut. Même avec le temps.
Que dit-elle de son univers onirique dans ses autres livres puisque celui-ci semble être le quatrième ?
Est-ce de la science-fiction ?
Deux faces existent, une claire, l'autre obscure et cohabitent pour donner aux personnages leur épaisseur.
Cette femme écrivain est animée d'une pulsion métaphorique. Dans ce roman, l'animal devient homme, l'homme devient animal. Elle affirme l'unité du monde du vivant.
Je pense à René Char : "De quoi souffres tu ? De l'irréel intact dans le réel dévasté."

Christiane a dit…

C'est comme si l'écriture de ce roman était un dialogue avec elle-même, un soliloque fécond, une plongée vertigineuse dans son inconscient .
Pour moi, une porte ouverte sur le fantastique.

Christiane a dit…

Effet écho ! Je n'y suis pour rien. Y a-t-il des montagnes ici qui nous renvoient espièglement nos paroles ?

Christiane a dit…

JJJ, vous lisant, je ressens comme un arrachement joyeux à ce qui freine un temps la réflexion qui demande ténacité et patience.
Vous êtes planté à vie dans l'Enfantin. Vous lancez les mots joyeusement, presque avec innocence. C'est vous le cabri ! Je suis certaine que vous êtes incapable de cruauté. Et vos éclats de rire ricochent sur les mots comme des éclats de soleil.

Anonyme a dit…

Vous avez saisi qq chose de moij, Ch... quel magnifique compliment, merci.
J'ai toujours compris l'œuvre de Gombrowicz comme une incarnation théorisée de ce que j'étais en pratique au monde, càd définitivement immature.
Mais je ne le sus que bien plus tard, vous savez, après avoir cru accéder aux contraintes de l'adultat responsable et vacciné de l'enfance volée.
Mais vous aussi..., vous savez rester cette Infante sage et rieuse après coup, avec vos nattes mordorées de rubans s'éployant sur la courbure de vos reins, tel un ruissellement d'embruns soyeux au milieu des tempêtes océanes.
Bàv :-)

Christiane a dit…

Nuit rhénane
Guillaume Apollinaire

"Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d’un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n’entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été

Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire"


Christiane a dit…

"Et que nous importe au fond si Jep Gambardella n’a jamais trouvé la Grande Beauté puisqu’il nous a emmenés à sa quête…", écrit Pierre Assouline dans son dernier billet.
Deux photos : Dustin Hoffman dans "Marathon Man» et Toni Servillo dans "La grande belleza» et des éclats de souvenirs comme la mélancolique confidence de Graham Greene, à l’évocation de son scénario du "Troisième homme" de Carol Reed.
C'est un beau billet.
Oui, nous aimons ces livres qui nous transportent dans nos plus beaux souvenirs de cinéma.
Viennent alors de grands cinéastes, des acteurs, des BO, des atmosphères. Quel monde enchanté...
Toute fiction exige de nous une certaine naïveté mais comme nous les attendons...
Merci à ces enchanteurs : Pagnol, Orson Welles, Hitchcock, Ingmar Bergman, Truffaut, Bunuel, Antonioni, Godard, Huston, Deray, W. Allen....et tant d'autres...

Christiane a dit…

Relisant le billet de Pierre Assouline et les réactions qui ont suivi, il me semble que ce qu'il a tenté n'a pas vraiment été reçu. Chacun y va da sa citation ou de son constat de ne rien comprendre au billet.
C'est cet aspect bobine de fil qui m'a intéressée. Il tire un fil où sont accrochés des livres, nombreux, parlant du cinéma, des séquences de films, des personnages, des acteurs, des paroles inattendues de cinéastes. On le sent à la recherche de témoignages remontant aux sources de ces créations comme un être plongeant dans le monde du cinéma par des éclats de lectures se superposant à la mémoire de séquences de films qui l'ont marqué durablement, Entrera-t-il dans cette fiction ? Qui l'a écrite ? Quel lien existe entre littérature et cinéma ?
Que reste-t-il de cette projection longtemps après ?
Un peu comme un roman...
Quel mystère que nos réactions face à la fiction...

Christiane a dit…

C'est un conte plein de douceur et d'espérance portant un regard attentif sur les adolescents mal dans leur tête, handicapés, en fugue. C'est un regard encore sur les désastres du réchauffement climatique qui n'est pas que de la science-fiction.
Bien dans l'actualité pour les prothèses nouvelles permettant aux paralysés de retrouver une certaine mobilité.
Beaucoup aimé ces à-côtés sur les dragons et les anges, parfums de légendes, les Métamorphoses entre le monde humain et minéral ou animal.
Les paysages bretons.
C'est un livre sans aspérité, un conte...

Christiane a dit…

Mais il ne peut effacer par une jolie fable romantique les cendres de ce temps, l'épaisseur de l'Histoire, les fantômes des suppliciés.
Les plus beaux contes sont périssables. Tant de femmes et d'hommes sont morts.
La lumière de la pensée éclaire le présent de son obscurité, de son incertitude. Nous vivons un temps de ténèbres.
Un miroir d'étrange courbure embellit dans cette fiction les cendres de l'Europe. Son reflet nous procure un épilogue délicieux qui n'est ni celui de Navalny, ni de tous ces résistants morts dans les geôles des tyrans.
"Il n'est rien de si beau que ce qui n'existe pas."

Pour terminer ce moment de solitude, une citation de Valéry qui va vous plaire (Variété I) :
"L'obscurité qui nous entoure nous fait une âme toute nue.
Cette obscurité est toute ensemencée de clartés inaccessibles. L'on peut difficilement se défendre de songer à des demeures où l'on veille. Nous peuplons vaguement l'ombre de vivants lumineux et inconnaissables." (p.125)

Christiane a dit…

Une seule a su offrir à Pierre Assouline le "Rosebud" caché dans ce billet : DHH/Rosanette.
Une arc-en-ciel qui traverse le temps et lillumine.
Un livre, une dédicace, un grand-oncle...

Christiane a dit…

Magnifique texte de Paul Edel. Tellement émouvant. Tellement surprenant.
Voilà un réel. Un réel qui se fait modèle de l'irréel dont il assume les pouvoirs comme une fausse confidence.

Christiane a dit…

Une heure hors du temps : Missak et Mélinée Manouchian portés vers le Panthéon. Pluie, nuit, chants, paroles des carnets et des lettres, musique. Bel hommage au groupe de ces résistants.

Anonyme a dit…

Ce n’est plus tout à fait une débutante. Elle en est au moins à son troisième ouvrage. Lesquels ressortent céans dans une librairie dédicatoire…Ce qu’elle écrit dans les deux autres semble également plutôt bon et original.

Anonyme a dit…

MC

Christiane a dit…

Mais c'est un bon roman. C'est l'actualité du monde qui me rend perplexe face à ce temps passé dans ces évasions de la science-fiction.
Dans le réel pas de dragons. Des anges.... peut-être... La détérioration du climat, c'est certain.
Mais plus que les adjuvants magiques du conte, il me semble que c'est en soi que le combat se mène.
Je vous observe sur la RdL. Je suis ébahie par votre calme face à ces vulgarites qui ont pris possession de son être et qu'elle déverse sur vous. Je pense aussi à la maladie qui abat l'interdiction que l'on se fait de s'abandonner à de telles hémorragies verbales sexuelles et obsessionnelles.
Et dans le même espace le souvenir de Rosanette qui exprime avec excellence et discrétion juste ce qu'il fallait dire. Et qui feint d'accepter de recevoir une évaluation de celle qui pourrait être son élève.
La dite dame aux camélias est comme une blessée de guerre qui ressasse sans cesse le traumatisme violent qu'elle a vécu. Une Scarlett sans sa terre, sans son fantasme de bonheur mérité...... Quelle idée elle a eu de choisir le béton d'une banlieue triste...
Enfin, ce sont vos affaires et plus du tout les miennes. Je partage la mise à distance de JJJ, très émouvant et silencieux sur son drame.
Plaisir de vous lire.
Où en êtes-vous de vos recherches ? Que vous apportent-elles pour éclairer le présent ? Je ne vous imagine pas baignant dans des rites religieux. Je subodore une réserve en vous à ce sujet. Votre façon de lire certains ouvrages tient plus du chercheur scientifique que des fougues de sainte Thérèse !

Anonyme a dit…

Oh oui! Je n’ai d’ailleurs jamais mené de travail Theresien. Je ne relève pas du diocèse de Quimper, comme dirait une autre, et je crois bien avoir travaillé sur Comte, Hugo, et quelques autres mages, mais il parait défendu D’en parler. Deux travaux cet après-midi qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre: réception de la Mort de Molière, pièce de Cubieres-Palmaizeau, jouée l’ an V de la République (1797). Je viens de la lire. Il y passe parfois un souffle pre-romantique.Plus profondément, On passe du Moliere dramaturge et classique au Moliere-Dieu Génial, et les implications de la figure du génie ne sont pas du tout les mêmes dans cette pièce votive que dans d’autres monarchiques. L’Apothéose elle-même, est ici non vécue par un corps glorieux, mais chantée par le poète Chapelle, car «Un poète est un Dieu jusque dans sa Maison ». Ce que j’en ferai, on verra. Et puis il y a, côté mariologie, le résumé des deux premiers livres de Marie d’ Agreda, Perpignan 1695. Cette Abbesse qui installa son couvent dans sa maison, ce qui veut dire beaucoup, voit ici sa pensée résumée, et c’est intéressant. Il s’agit d’un in 12 quand l’original fait trois tomes in folio! Ces révélations mariales sont parfois bizarroïdes, on pourrait parler de délire mystique, Marie d’Agreda commentant toute la vie de la Vierge, même et surtout ce qui n’est pas historiquement attesté! Dans ce match franco-espagnol, on est à fronts renversés puisqu’on notera que l’ Inquisition, auquel le texte a été soumis, à contre toute attente permis la diffusion de ce texte, tandis que La Sorbonne l’a interdit durant toute la fin du règne de Louis XIV, quitte à l’autoriser plus tardivement. J’avoue que j’ai hâte de lire ce résumé qui promet beaucoup. Trois tomes in Folios devenus un volume in 12! Je corrige aussi une petite chose pour une publication.
Voila. Je n’en parle pas trop, mais nous sommes ici entre nous sous le pavillon du Vert Soleil! Bonne soirée. MC




Anonyme a dit…

Cela explique aussi que je ne me sois pas rué sur Querbalec….

Christiane a dit…

C'est intéressant les questions que vous vous posez.
La mort de Molière... Ces grands comédiens, ce dramaturge mis hors de l'Eglise par leur choix de vie de "saltimbanques' mais qui surtout à cette époque devaient se poser mille et une questions sur les dogmes. C'est le grand écart entre foi et dogmes, pratique et croyances.
Même sur ce dernier siècle que de fossés encore. La sexualité a toujours été suspectée de péché contre la morale par les religions. Et pourtant Le Cantique des cantiques est une pure merveille de sensualité.
Bref, Molière s'en est donné à cœur joie avec son Tartuffe et son Don Juan...
Les femmes que vous citez sont effectivement en plein délire !
Je relis les Cahiers de Valéry. Son intelligence me ravit. Il pose des bonnes questions sur Stendhal, l'homme aux nombreux pseudos qui vivait par l'écriture tant de vies.... Mais aussi sur Descartes, Montesquieu, Baudelaire.... Un régal !
Merci et bonne nuit.

Christiane a dit…

"Hier, 17 février, c’étoit l’anniversaire de la mort du premier des grands écrivains qui ont illustré le siècle de Louis XIV. (Il naquit en 1620 et mourut en 1673). Quel hommage plus beau pouvoit-on rendre à sa mémoire, qu’en l’offrant au public dans un ouvrage en 3 actes et en vers, qui a été représenté hier avec un succès brillant et mérité, sous le titre de Il n’est plus ?

L’auteur de cette pièce, le citoyen Cubières, jeune, a été vivement demandé, ainsi que le jeune Clairemonde, qui a rempli le rôle de Molière avec beaucoup d’intelligence. Nous reviendrons demain sur cet ouvrage."

Courrier des spectacles, n° 1817 du 1er ventôse an 10 [20 février 1802], p. 2

Anonyme a dit…

Oui, la pièce eut du succès. Elle était semble-t-il prête dès 1788, selon une lettre de l’ Acteur Mole reproduite en tête de l’édition de l’ An V.,Ce qui est intéressant, c’est qu’on a coutume de penser le pre-Romantisme comme antérieur à la Révolution, alors qu’en fait il en est la conséquence. Le Roman Gothique, ébauche sous la Monarchie , triomphe à cette époque là. Et pareil pour ces pièces centrées sur le Génie, de valeur certes inégale, mais qui finissent par casser la hiérarchie des Genres. Edmond Dembiewski, dans le récent » La Main Derrière le Rideau », dit là dessus des choses tout à fait passionnantes. C’est un ouvrage sur les théories du Complot prospérant autour de la Révolution. Il montre , avec une connaissance admirable de la littérature de l’époque, qu’elles sont fausses, mais que les hommes de la Révolution y croient…( Il n’y inclut pas cependant Cubieres!) Bien à vous. MC

Christiane a dit…

"Edmond Dembiewski, dans le récent » La Main Derrière le Rideau »

N'est-ce-pas Edmond Dziembowski qui a écrit "La main cachée", un ouvrage sur la Révolution française", édité chez Perrin ?
(Dont le thème tourne autour du complotisme qui prendrait naissance pendant la Révolution, fait d’intrigues avérées et surtout imaginaires. )
Si c'est le cas je ne comprends pas le rapport avec cette naissance du romantisme que vous avez trouvé dans "La Mort de Molière", la pièce de Cubieres-Palmaizeau.
.

Anonyme a dit…

Parce qu’il consacre un chapitre très documenté à l’essor de ce genre non après, mais sous la révolution. En ce sens Le Moliere de Cubieres-Palmaizeau parle parfois comme le feront, ou le font deja(?) les héros romantiques. Ce n’est plus le parfait honnête homme. Ce n’est plus le Classique. Quelque chose peut être comme un « Mage » qui s’ignore, ceci au sens hugolien du terme. MC

Christiane a dit…

C'est une vision de Molière très surprenante.
La longue introduction est passionnante.

Anonyme a dit…

Pardon, l’introduction de qui? De Cubieres? Elle est interessante. De Dembiowski? Même chose. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

De Cubieres. Je n'ai pas lu Diembiowski.

Anonyme a dit…

Il le faut! Cubieres est sur le net?

Christiane a dit…

http://bibdramatique.huma-num.fr/cubieres_mortmoliere

Christiane a dit…

https://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/CUBIERES-PALMEZEAUX_MORTDEMOLIERE3A.xml

Anonyme a dit…

J’ ai bonne mine, avec mon exemplaire de la collection Viollet Le Duc! Pas l’architecte, celui qui trouvait que la Sainte Chapelle ressemblait à une volière!( Ils sont pourtant parents…). MC

Anonyme a dit…

Il faudra que je vous nomme secrétaire aux affaires théâtrales ! Pour le net, vous feriez merveille!

Christiane a dit…

Vous êtes content, c'est l'essentiel. Et merci pour la découverte !

Christiane a dit…

Je plonge à nouveau dans un ouvrage dont je ne me lasse pas : "Rembrandt" de Georg Simmel (Circé).ce philosophe juif allemand est un grand admirateur de Rembrandt, de Michel-Ange, de Rodin, de Giotto, de Raphaël... Ouvrage étincelant. Parlant d'art, il explore l'âme dans le portrait, la mort, la Beauté, la vieillesse, la création artistique dans ses contradictions.
Pour faire écho à une remarque récente de Soleil vert sur le paradoxe de Zénon , Simmel montre combien la vérité en art passe par le "mentir vrai"
car dans la réalité le temps ne s'arrête pas. A propos du mouvement représenté , il explique comment apparemment figé dans le tableau, l'artiste peut rendre sensible un mouvement déployé dans le temps entre "l'ici" et "l'avoir été", cher à Barthes, regardant des photographies. Simmel évoque "L'homme qui marche" de Rodin... ce mouvement qu'il imprime au corps. Son homme est dans le devenir comme l'ensemble des "Bourgeois de Calais". Même regard sur les autoportraits de Rembrandt où la vie s'écoule dans sa totalité. La pesanteur de ce visage est ébranlée par le passage du temps jusqu'à un état d'apaisement ultime .
"Celui de l'âge n'est-il pas une libération et un retrait du monde, après l'avoir recueilli en soi, comme expérience et comme destin" ?
Quelle acuité dans son acte de regarder ces toiles, ces sculptures et quelle profonde méditation.
Lire ce livre c'est ressentir une vibration ouvrant toutes les limites de la vie humaine, l'éphémère de notre vie, "sa destination à l'éphémère".
La forme n'est pas rivée à la réalité.... Dans le chapitre réservé aux dessins de Rembrandt il écrit : "Les dessins de Rembrandt ont quelque chose de singulièrement inachevé, comme s'ils s'enchaînaient l'un à l'autre, comme une respiration à la suivante, et pourtant aucun ne semble désigner un au-delà du dessin, comme le fait l'esquisse - chacun réunit en lui la totalité et l'écoulement du flux."
Finalement cette monographie consacrée à Rembrandt, publiée en 1916, deux ans avant sa mort, n'est-elle pas une autobiographie où Simmel s'interroge sur son destin de juif assimilé pressentant les orages à venir ?

Christiane a dit…

Simmel 1858- 1918

Anonyme a dit…

Je ne connais pas, mais je comprend votre intérêt. En revanche pouvait-on penser en 1916-18 à la Shoah? Je crains que non. MC

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Voilà le texte de Valéry. C'est au début du voyage retour de Hollande (Variété II). Il est dans un train.

"Tout à coup, il me semble que le Temps commence ; le Temps de met en train ; le train de fait modèle du Temps, dont il prend la rigueur et assume les pouvoirs. Il dévore toutes choses visibles, agite toutes choses mentales, attaque brutalement de sa masse la figure du monde, envoie au diable buissons, maisons, provinces ; couche les arbres, perce les arches, expédie les poteaux, rabat rudement après soi toutes les lignes qu'il traverse, canaux, sillons, chemins ; il change les ponts en tonnerre, les vaches en projectiles et la structure caillouteuse de sa voie en un tapis de trajectoires...
Même les idées, toujours surprises, traînées comme étirées par le torrent des visions, se modifient à la manière d'un son dont l'origine vole et s'éloigne.
Il m'arrive aisément que je ne me sente plus nulle part, et comme réduit à l'être abstrait qui peut se dire en tous lieux qu'il pense, qu'il raisonne, qu'il dispose, fonctionne et ordonne identiquement ; qu'il vit et que rien d'essentiel n'est altéré ; qu'il ne change donc point de place. (...)
Mais, au contraire, l'être total, l'âme réelle du voyageur de qui l'absence va finir, quand chaque tour de roues le rapproche de sa maison, et qu'une boucle de sa vie va se fermer, est ka proie d'étranges effets de transition. Ce qu'elle quitte, ce qu'elle éprouve dans l'instant, ce qu'elle prévoit et se prédit, se la disputent (...). Son passé, son présent, son futur prochain sonnent en elle comme trois cloches bien distinctes, dont toutes les combinaisons se réalisent, se répondent, se brouillent et se composent curieusement. Jouant et reprenant sans fin tous les thèmes de l'existence, un carillon d'événements -accomplis, - attendus, - actuels, - accompagne le corps voyageur, habite une tête qui s'abandonne, l'amuse, linquietey, emprunte les rythmes de la route, orchestre les rêves, égaré, endort, réveille son homme..."
Puis la nuit tombe, il continue d'écrire ses impressions.
Une phrase vient l'entraîner sur une autre pensée : "Je viens pourtant d'Amsterdam, où Descartes et Rembrandt ont coexisté. "
Et c'est un autre émerveillement...

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Je reprends le commentaire, illisible suite à un envoi involontaire.
"Vous avez raison. C'est de son statut d'étranger sans cesse en déplacement dont il est question, sa difficulté à se trouver une terre où il se sente bien. Ceci dit, il était à l'abri du besoin, (la famille prospère laissa aux enfants de quoi vivre sans souci autre pour lui que les problèmes philosophiques). Il est assez proche de Bergson. C'est un inquiet.
On m'avait parlé de ce livre pour le thème final de la création quand l'âge vient... Il écrit des choses qui font du bien. J'aime cette idée de liberté, de recueillement de toute une vie. Quand la maladie ne vient pas tout compliquer. C'est bon de vieillir serein. C'est comme arriver au port. Ithaque pour Ulysse qui a tant bourlingué... (Mot que j'aime, piqué à Cendrars). Je vais copier un texte de Paul Valéry trouvé hier que j'aime beaucoup