samedi 10 août 2024

Mygale

Thierry Jonquet - Mygale - Folio policier

 

 

Dans un bal de village, deux mauvais garçons agressent sexuellement une jeune fille. La suite sera terrifiante, incroyable. Mygale, un des premiers succès de Thierry Jonquet, révéla un auteur adepte de pitchs au cordeau servis par une écriture à l’os. Ce court roman de 150 pages fut adapté au cinéma par Pedro Almodovar. Une telle mécanique de précision dont les éléments s’assemblent parfaitement en bout de course ne peut que séduire, on l’imagine, les scénaristes de films. L’écrivain conçu ce texte dans les années 80 (décennie faste si se on réfère au Chainas chroniqué ici) et le révisa en 1995.

 

Trois morceaux du puzzle sont soumis à notre sagacité dès la première partie. Trois histoires de séquestrations : un professeur de médecine réputé, chirurgien esthétique, emprisonne dans sa demeure du Vésinet une jeune femme qu’il prostitue dans un studio parisien. Un jeune motard poursuivi par un véhicule est enchainé dans une pièce sombre en un lieu inconnu, un braqueur tueur de flic en cavale se réfugie dans un vieux mas entre Cagnes et Grasse. Des protagonistes comme des mondes étrangers mus par des ressorts mal cernés qui font route vers un cercle rouge Melvillien.

 

On se souvient que dans Bois-aux-Renards, Chainas inquiétait le lecteur avec une énumération d’anesthésiques et de leurs effets secondaires. Chez Jonquet le compte-rendu détaillé d’une opération de chirurgie esthétique aboutit au même résultat dans une séquence rappelant des images fortes de Franju. Ce n’est pas l’inconnu, l’impalpable, qui à l’instar des films d’horreur fait frissonner l’amateur de polars ; c’est l’hyperréalisme. Sophistications supplémentaires, la progression du récit alternant présent et flash-back et le timing précis avec l’auteur distille certains détails (les cheveux blancs).

 

Un travail d’orfèvre.

72 commentaires:

Christiane a dit…

Ne connaissant rien de cet auteur, Thierry Jonquet, ni ce roman, ni le film que vous évoquez de Pedro Almodovar (qui semble rejoindre le thème du livre) mais ayant longuement réfléchi au roman d'Antoine Chainas chroniqué ci-dessous, je suis assez bien le lien que vous faites entre les deux romans.
Je sens que "Mygale" associe une architecture redoutable à une atmosphère poisseuse.
Autre lien, le beau film de Melville, "Le cercle rouge" qui réunit des personnages qui devaient se rencontrer. Ainsi peu à peu, Thierry Jonquet va éclaircir un imbroglio qui paraît bien indéchiffrable à lire le billet. Trois morceaux de puzzle ...dites-vous....
Des souffrances, des violences, voire du sadisme pour aboutir à quoi ?
Suite terrifiante et incroyable, dites-vous, encore.
Mygale... Quelqu'un tisse une toile diabolique...
"Un professeur de médecine réputé, chirurgien esthétique, emprisonne dans sa demeure ...."
Chirurgie esthétique ? Je pense au docteur Frankenstein...
Vos lectures sont bien sombres, Soleil vert.
Mais il se trouve qu'elles sont attirantes par leur construction et l'atmosphère fantastique qui y règne.

Pourtant, je balance.
Envie de relire le Journal de Virginia Woolf que ma fille m'avait offert et dont un solitaire évoque la puissance et la justesse sur un blog voisin.

De quoi traverser les chaleurs de ce mois d'août. Quand je lis, je ne sens ni le chaud ni le froid. Seul le déclin de la lumière du jour me parle du temps qui passe...

MC a dit…

Moi, elle m' horripile, mais c'est sans surprise... MC

Anonyme a dit…

Je garde un bon souvenir d’une prof de français qui nous avait fait étudier ”La bête et la belle”de cet auteur.Le personnage de Léon était très touchant.
Merci pour ce rappel.

Soleil vert a dit…

Attention à ne pas revéler l'intrigue :)

MC a dit…

Distinguons, Christiane, entre une Femme, et Virginia Woolf, ou George Sand!

Anonyme a dit…

Oui surtout ne pas révéler la fin de La bête et la belle qui en surprendra plus d’un.
Nous étions en college pour précision.

Anonyme a dit…

Thierry Jonquet dénonce les défaillances de nos sociétés et met en avant les éclopés de la vie,ayant exercé lui même en psy gériatrique, ou dans l’Éducation nationale. Ses personnages, SDF,enseignants atteints de pathologies mentales etc C’est un auteur que je continuerai à découvrir car il nous fait réfléchir sur notre société contemporaine.

Christiane a dit…

Thierry Jonquet :

"J'écris des romans noirs. Des intrigues où la haine, le désespoir se taillent la part du lion et n'en finissent plus de broyer de pauvres personnages auxquels je n'accorde aucune chance de salut. Chacun s'amuse comme il peut. »

Anonyme a dit…

Termine « Vent Sombre  de Tony Hillerman. Roman bien construit, sans facilités à la Fenimore Cooper, ce qui donne du mauvais Hillerman façon « Femme qui entend,  »policier et sombre, bien que dans une réserve de Navajos! Roman de la folie, aussi sur une enquête qui officiellement n’a pas eu lieu…

Anonyme a dit…

Louise Ackermann en sa désespérance, la Sand de Consuelo, qui n’est pas, grâce à Pierre Leroux , que de la « Lavasse littéraire « (Guillemin dixit!) Madame de Girardin et ses lettres du Vicomte de Launay, Sophie Gay pour ses nouvelles, Madame de Genlis moins pour ses Mémoires que pour ses romans Louis Quatorziens parus sous l’ Empire. Madame de Remusat pour ses Mémoires sur le même Empire, même si sa documentation dépend beaucoup de Talleyrand alias le Diable Boiteux, et je n’oublierai pas Louise Colet pour une nouvelle où elle décrit ses retrouvailles avec une famille façon Séraphin Lampion. C’est drôle et bien enlevé. Et Colette, et Noailles, qu’on ne lit plus guère, mais qui m’émeuvent toujours. Plus près de nous Yourcenar pour l’Oeuvre au Noir.

Anonyme a dit…

Parfois, même Clopine Trouillefou!

Anonyme a dit…

MC ( l’autre anonyme n’est pas moi.)

Christiane a dit…

Merci. J'avais deviné !

Anonyme a dit…

Rajoutons la Sevigné, femme de lettres s’il en fut, et parfois la Palatine…

Anonyme a dit…

Corporeisation , decorporeisation, viduité, et l’on finit dans un ruisseau…Tonique, non?

Anonyme a dit…

Je ne crois pas séjourner trop sur un blog voisin. Cela dit, si l’on se donne la peine de retraduire en anglais littéraire le dernier fragment, ce que j’ai modestement essayé pour les trois quarts, oui, c’est impressionnant. Je pense que Woolf ne gagne pas à la traduction française. Un peu comme Shakespeare mais pour des raisons radicalement différentes. MC

Anonyme a dit…

C’est d’ailleurs curieux car par delà sa valeur historique, ce texte est presque exclusivement informatif. Et pourtant la l’ alchimie opère.

Anonyme a dit…

En revanche « ce silence désincarné dans lequel il m’a été donné ce modèle de perfection » a tout de l’épiphanie mal traduite, et de surcroît, incommunicable. Ça jargonne au lieu d’éclairer… l’ expérience des mystiques paraît claire à côté de ça…

Anonyme a dit…

C’est Virginia Woolf…

Libraire a dit…

Grand merci à tout le monde. Dans la chaleur ou l’ennui,le blog de Soleil Vert est un peu comme une oasis,par des conseils de lecture dans les commentaires, les romans deviennent des compagnons de route et par là on devient sensible à l’expérience de leur personnages.On écoute leur voix,celle de l’enfant orphelin,celle de ceux qui rêvent d’un avenir meilleur, il est toujours important d’écouter ceux qui nous interpellent,les livres parlent de plusieurs façons.

Christiane a dit…

Oui, libraire, les livres interpellent de plusieurs façons. Oui, pour l'oasis aussi.

Anonyme a dit…

Le pauvre Thierry Jonquet est bien oublié…

Christiane a dit…

Il y a dans les "Contes cruels" de Villiers de L'Isle-Adam un récit fantastique-visionnaire : "Vera' qui m'évoque un peu l'inspiration de "Mygale". Là aussi une structure soigneusement construite et redoutable.
C'est l'aventure étrange, fantastique et douloureuse du comte d’Athol qui tente de ramener à la vie sa femme morte dans un délire charnel et spirituel. Il dépasse les limites de l’humain.
Lié à son épouse morte par une passion qui devient folie, il défie la mort jusqu'à la réapparition de la défunte qui sort du tombeau.
La fin est aussi surprenante que celle du conte de Thierry Jonquet.
Le relisant je retrouve l'attachement de ce personnage, Mygale, pour une défunte aimée. Ici sa fille.
Dans le film d'Almadovar ce sera aussi une défunte aimée, l'épouse.
Ces trois créations donnent une issue fantastique et tabou à la mort d'un être aimé.
S'y ajoutent pour le cinéaste et Thierry Jonquet le thème de la vengeance mais une vengeance qui se dissout dans un amour imprévu à la fin des contes. Les deux protagonistes de cette vengeance machiavélique devenant dépendants de leur créature.

Christiane a dit…

Le caveau, la chambre, la cave sont aussi liens entres ces créations, entre mort et claustration.

Christiane a dit…

Il y a un serviteur complice dans le film et le conte de Villiers de L'Isle-Adam. Dans celui de Thierry Jonquet, je ne crois pas.

Christiane a dit…

Un effacement entre la limite du réel et de l'imaginaire dans ces contes laissent le lecteur ( spectateur) dans un embrouillement des des pensées jusqu'à hésiter entre le Bien et le Mal. Que sont ces hommes douloureux, bourreaux ou victimes ? Que sont leurs victimes, innocentes ou coupables ?

Christiane a dit…

Dans un entretien, Thierry Jonquet, ayant listé tous les métiers de sa vie dit : "Au fil des ans, obsédé par les fous que j'avais côtoyés, poursuivi par les tarés qui m'avaient tenu compagnie, encerclé par les pervers qui s'étaient ingéniés à m'empoisonner l'existence, j'ai donc consacré quelque énergie à tenter d'apprivoiser les "freaks", au travers de mes modestes romans. J'ai travaillé à la manière d'un artisan."

Tout l'entretien est intéressant :
https://www.reseau-canope.fr/savoirscdi/societe-de-linformation/le-monde-du-livre-et-de-la-presse/auteurs-et-illustrateurs/realite-et-fiction-interview-de-thierry-jonquet.html

Christiane a dit…

Dans ce roman noir, Mygale, fusionnent deux histoires . Thierry Jonquet rappelle puis supprime peu à peu la première pour donner de l'ampleur à la seconde. C'est là vengeance qui est à deviner; et le mystère s'épaissit plus on s'approche de la fin. Et justement il ressort la première histoire comme un magicien sort le lapin disparu de son chapeau.
Soleil vert évoquait trois morceaux de puzzle. C'est exactement cela qui attise la curiosité du lecteur et en même temps l'entraîne sur de fausses pistes.
N'empêche que le roman est cru, direct, assez malsain.
Vous voyez, Anonyme, Thierry Jonquet n'est pas oublié !

Soleil vert a dit…

Il est vrai que les commentaires sur le journal de Wolf auraient eu leur place sur la fiche du "Phare", mais vous n'avez pas à vous laisser dicter vos mots par .... Anonyme

Christiane a dit…

Oh, aucune obligation. J'ai simplement eut envie de revenir vers cet auteur.

Virginia Woolf c'était un aparté. Quelques notes en cours de lecture. Il m'a plu de les écrire. Il m'a plu de les effacer.
Le travail était fait, en partie et m'a permis d'y voir plus clair dans ces sombres années de la fin de sa vie.

Pendant ce temps, je me suis détachée de l'émotion violente qu'avait produit sur mon imaginaire la lecture de Mygale pour revenir à celui qui avait écrit ce roman noir, de comprendre pourquoi il l'avait écrit.

Cet espace est pour moi un atelier de travail. J'aime réfléchir avec des mots le temps d'une lecture puis aller vers un espace encore inexploré.
Que mes notes restent ou pas est vraiment sans importance. C'est comme les graines de pissenlit. Je souffle et elles s'envolent.
Mais merci de votre attention, Soleil vert.
Anonyme n'a été qu'un souffle de vent...

Anonyme a dit…

« Car l’un n’est que Fumée et l’autre n’est que vent ». St Amant

Christiane a dit…

J'adore !

Anonyme a dit…

J’espère bien! MC

Christiane a dit…

Une poésie un peu mélancolique que j'apprécie. Tout à fait au goût de ces échanges légers, paisibles.
Mais ici ni fagot ni tabac !

Soleil vert a dit…

J'écoute en boucle
https://www.youtube.com/watch?v=097ULpnYhnQ

Christiane a dit…

Belle variation sur ce thème très doux répété à l'infini.

Anonyme a dit…

Bon rapprochement avec » Vera » de Villiers, ceci dit.!

Christiane a dit…

Merci !

Christiane a dit…

Vera, c'est un conte romantique, une reprise d'Orphée et Eurydice. Très mystérieux. Une variation sur le jamais plus de la mort. Entre réalité et songe. Entre folie et chagrin.
Vera... Thierry Jonquet s'en est-il inspiré pour lui aussi refuser la mort par ce conte bien plus cruel que celui de Villiers de L'Isle-Adam ?
Quant au film d'Almadovar que j'ai vu ces jours-ci, la beauté glaçante de l'héroïne cache une révélation aussi démoniaque que celle de Thierry Jonquet.
La scène d'introduction de Mygale pose déjà une énigme. Cet homme a une attitude grossière et brutale envers cette femme, un voyeur sarcastique. Mais pourquoi esquisse-t-elle un sourire ironique introduisant un malaise, une arrière-pensée. Comme si elle n'était pas une victime sans défense....
Almadovar entraîne le spectateur dans une autre aventure de peau aussi sordide que celle de Jonquet.
Au moins Villiers de L'Isle-Adam n'abîme pas le corps de son épouse qui garde jusque dans la mort une beauté diaphane.
Et dire que pour échapper à cette oppression j'avais choisi Virginia Woolf qui a, elle aussi, un rapport fasciné avec la mort...
La mort comme un lien entre ces écrivains et ce cinéaste.
Villiers de L'Isle-Adam est inspiré par la sauvagerie des landes bretonnes. Ses écrits sont fascinants.
Les trois épilogues sont très différents mais tout aussi désespérants.

Anonyme a dit…

Sauvagerie des Landes Bretonnes, comme vous y allez! Rien
N’est moins folklorique que le fantastique de Villiers,à l’exception peut être du concept d’Intersigne, repris par Anatole Le Braz, mais dans un tout autre contexte.,.

Anonyme a dit…

Jonquet me fait penser un peu à René Réouven,un auteur de Sf,polars,qui a pas mal pastiché Conan Doyle.
”Souvenez vous de Monte-Cristo ”que mon fils lit en ce moment.

Christiane a dit…

Villiers de l’Isle-Adam ? N'a-t-il pas écouté la voix des fées et rêvé sous la lune et dans le crépuscule, sur les landes mystérieuses où le vent passe. N'a-t-il pas écouté rugir les vagues se brisant sur les rochers ? La Bretagne que j'aime. Granit et landes, aussi.
C'est un breton du pays de ma mère et ses contes hallucinés m'enchantaient. Tout y etait illusion, présences fugitives. Voilà bien longtemps que je ne l'ai relu.

Christiane a dit…

Je ne connais pas Reouven mais Conan Doyle me ravit. Quelle classe !

Christiane a dit…

J'avais aimé à la fin du conte, Vera, cette clef dans la chambre qui tombe du lit où il a cru la voir. Qui a apporté cette clé qu'il avait laissée dans le tombeau, si ce n'est elle ? Ainsi par ce signe, il ouvre la puissance du surnaturel, de l'étrange.
Ce conte, seul, a traversé les années. Aussi ne puis-je prétendre à une connaissance de l'écrivain.
Sans cette réflexion sur la mort, il ne me serait pas revenu en mémoire.
Pour la lande, les genêts , les vagues rageuses, les fées c'est peut-être ma mère qui vient donner ce souffle à ces souvenirs lointains. C'est elle la conteuse.
Elle donnait vie à tant d'histoires incroyables et nous les trois gamins , l'écoutions bouche bée. Et le temps de l'enfance passait un peu magique.

Christiane a dit…

Pour le plaisir, ce poème de Saint-Amant que vous aviez cité :
(1649)

"Assis sur un fagot, une pipe à la main
Tristement accoudé contre une cheminée
Les yeux fixes vers terre, et l'âme mutinée
Je songe aux cruautés de mon sort inhumain
L'espoir, qui me remet du jour au lendemain,
Essaye à gaigner temps sur ma peine obstinée,
Et, me venant promettre une autre destinée,
Me fait monter plus haut qu'un empereur romain.
Mais à peine cette herbe est-elle mise en cendre,
Qu'en mon premier estat il me convient descendre,
Et passer mes ennuis à redire souvent :
Non, je ne trouve point beaucoup de différence
De prendre du tabac à vivre d'espérance,
Car l'un n'est que fumée, et l'autre n'est que vent."

Il va bien avec l'ambiance de ces échanges. Vous aviez bien choisi.

Anonyme a dit…

Ce que je veux dire c’´est que ce n’est ni un Luzel, ni un Le Braz. C’est le Comte Villiers de l’Ile Adam, éduqué comme le grand homme qu’il doit être, et sera finalement, mais pas du tout dans le sens où l’entendaient les siens! Donc la Bretagne, chez lui , ne joue qu’un petit rôle. Plus me plait de ce point de vue l’ancêtre enterré au pays, autour d’une minuscule église que je connais….

Christiane a dit…

Je suis bien accordée à nos émouvantes filiations.
Il était une fois... c'est pour moi, dans le lointain de l'enfance, la magie d'une voix capable d'éloigner les peurs. C'était tellement rassurant. On oubliait le quotidien. Nous étions captifs...
Après vinrent les premiers livres car elle racontait, elle ne lisait pas.
La première découverte du langage fut pour moi, l'écoute. Dans ce monde nous aurions pu ignorer les livres, l'écriture.
Le choc nous attendait à l'école.
Ainsi les livres pouvaient voler la parole des ancêtres... quelle liberté de découvrir toutes ces voix sans visages et l'écriture !
Une petite pointe de jalousie quand elle nous découvrit plongés dans la lecture d'un livre. Nous lui echappions.
Plus tard, les livres furent sa passion...
Elle aussi devint libre.
J'aime beaucoup "l'ancêtre enterré au pays, autour d'une minuscule église"que vous connaissez.
Ces franges d'échanges autour d'un livre ont un parfum de lampe d'Aladin...

Christiane a dit…

Ce soir, le si beau film de John Huston , "Gens de Dublin" / ( Thé Dead). La nouvelle de James Joyce, inoubliable Angelica Huston.dans le rôle de Greta Conroy.
Dublin. 1904.
Thé Lass of Anghrim... Ce chant qui bouleverse Greta et lui évoque un passé douloureux, un amour qu'elle n'a jamais pu oublier, un jeune homme qui est mort pour elle... Et cette tirade finale où Gabriel Conroy seul devant une fenêtre pense à leur vie, à cet amour qu'il découvre et qu'il n'a jamais pu égaler.
Il reste la neige qui tombe sur les vivants et sur les morts.
Vous aviez évoqué cette nouvelle, Soleil vert, et c'était un grand bonheur.

Christiane a dit…

Là aussi le retour d'un "mort", l'amour de jeunesse de Greta, Michael Furey, enseveli mais vivant dans le cœur de Greta....

Christiane a dit…

John Huston est mort en août 1987, quelques semaines après la fin du tournage de cette adaptation de la dernière nouvelle du recueil "Dubliners" de James Joyce...

Christiane a dit…

Les lignes qui terminent la nouvelle (Dubliners), de James Joyce :
"Oui, les journaux avaient raison, la neige était générale sur toute l'Irlande. Elle tombait sur chaque partie de la sombre plaine centrale, sur les collines sans arbres, tombait doucement sur le marais d'Allen et, plus loin vers l'ouest, doucement tombait sur les sombres vagues rebelles du Shannon. Elle tombait, aussi, en chaque point du cimetière solitaire perché sur la colline où Michael Furey était enterré. Elle s'amoncelait drue sur les croix et les pierres tombales tout de travers, sur les fers de lance du petit portail, sur les épines dépouillées. Son âme se pâmait lentement tandis qu'il entendait la neige tomber, évanescente, à travers tout l'univers, et, telle la descente de leur fin dernière, évanescente, tomber sur tous les vivants et les morts.
Son âme s'était approchée de cette région où demeurent les vastes cohortes des morts. Il avait conscience de leur existence capricieuse et vacillante, sans pouvoir l'appréhender. Sa propre identité s'effaçait et se perdait dans la grisaille d'un monde impalpable : ce monde bien matériel que ces morts avaient un temps édifié et dans lequel ils avaient vécu était en train de se dissoudre et de s'effacer."

Anonyme a dit…

Oh cet ancêtre, je suis tombé par hasard sur lui sans le chercher. Elle était émouvante car bien conservée , cette plaque de marbre blanc plus ancienne à elle seule que toutes les tombes autour. Et ces caractères début dix-huit-dix-neuvième parfaitement entretenus, laissant voir qu’ un Villiers reposait dans ce tout petit village où à part la petite église, il n’y a rien.

Christiane a dit…

Merci, MC, pour cet arrêt délicat.

Christiane a dit…

Qu'est-ce que c'est le concept d'intersigne qui relierait Villiers et Le Braz ?

Christiane a dit…

Pas tirade, plutôt monologue.

Christiane a dit…

Étrange cheminement des commentaires après la lecture du billet de Soleil vert. Un roman noir pas sympathique, tourmenté et tourmentant mais ouvrant la voie à d'autres fictions où l'ébranlement de la mort d'un proche fait plonger celui ou celle qui est dans l'affliction dans un gouffre proche de la folie.
S'y joint un regard interrogatif sur l'identité sexuelle d'un homme devenu femme par une intervention chirurgicale démoniaque et faite sans le consentement de celui-ci. S'y joint une réflexion sur la culpabilité non sanctionnée et sur la vengeance.
Je préfère les sentiers détournés qui me conduisent à la méditation mélancolique de Gabriel Conroy et à mes morts...

Anonyme a dit…

Oui, ces transformations sont très perturbantes, étant assumées par des psychiatres qui jouent les apprentis sorciers au nom du positivisme scientifique qui règne chez leurs ouailles….

Anonyme a dit…

D’autant qu’eux ne risquent rien, sinon grossir par personne interposée Lgebetisme bêlant, tres bien représenté dans les médias.

Christiane a dit…

Le changement d'identité sexuelle est un problème sérieux surtout quand il concerne des enfants, êtres encore en devenir, au corps inachevé.
Que de souffrances psychologiques suivent ces manipulations...
Le monde n'est pas tout féminin ou tout masculin mais souvent ouvert.
Les corps sont surinvestis, narcisés, hysterisés. Que de fantasmes dans ces influences. Ces mutations ont effectivement un lien avec les médias et l'idée folle, une mode, de nouvelles thérapies, d'un corps manquant, d'un idéal imposé. Réduire les êtres à leur corps est angoissant.

Anonyme a dit…

Tableau de François-Joseph Navez ”La nymphe Salmacis et Hermaphrodite ”.

Christiane a dit…

Oui, une grande sagesse dans ce mythe. Chaque être porté en lui le féminin et le masculin. C'est la richesse des caractères et des sensibilités.
Toutefois il est bon comme dans le roman de Witold Gombrowicz , Ferdydurke, d'en appeler au tiers qui separe.
Dernière page du roman.
"Oh, une tierce personne ! Au secours, au secours ! Viens, troisième homme, viens vers nous deux, montre-toi pour que je m'accorde à toi, sauve-moi !
Qu'arrive ici tout de suite, sur-le-champ, un tiers, un inconnu, un autre, objectif et froid, et pur, lointain et neutre, qu'il déferle comme une vague et frappe en étranger cette familiarité tiède !
Oh, troisième homme, viens, fournis-moi un point d'appui pour résister, (...) arrache-moi, détache-moi, eloigne-moi."

Anonyme a dit…

Mais quand «  l’être inachevé «  a près de la trentaine, qu’en dire?!

Christiane a dit…

Mais nous sommes tous inachevés....

Mais pour en revenir au sujet, les adultes font ce qu'ils veulent, ce qu'ils peuvent de leur vie de leur corps de leur sexualité pourvu que ce soit dans le respect de l'autre.
Parfois il y a de tels mal-être à habiter un corps, une identité...

C'est pour les enfants que la hâte à encourager un fantasme est mal venue.
Que des hommes et des femmes vivent une "transition" c'est une naissance et un deuil. Parfois une libération parfois un enfer.
Ne vivant pas ce besoin dans mon corps, ne connaissant aucun homme ou femme l'ayant vécu je ne peux que ressentir que quelque chose ne va pas dans cette évolution. Notre monde devient de plus uniforme. Peu de distinctions dans les apparences de nombreux hommes et femmes, jeunes ou moins jeunes. Pourquoi passer par ces mutilations. ??Rien n'empêche un homme ou une femme d'aimer un partenaire de même sexe, de se sentir alors plutôt féminin ou masculin. C'est dans le coeur et l'esprit que se fait la rencontre. Le corps n' est que l'enveloppe de l'un et de l'autre. Et dans les étapes de la vie, l'âge transforme les fièvres en douceur, en amitié, en tendresse, en écoute en silences partagés ou musiques ou paysages.
Quant aux enfants, qu'ils se sentent aimés tels qu'ils sont hors des projections exigeantes des parents.
Je me souviens de mes enfants ou plus tard petits-enfants aimaient partager leurs jeux, leurs jouets, aimaient se déguiser, ont adoré et continuent tous, les activités théâtrales. Ce bonheur paisible et non intrusif a laissé chacun d'eux suivre son chemin. Ils sont de beaux adultes ouverts à l'amitié, aux autres.
Et moi je vieillis heureuse de les voir aller....
Ma demeure est pleine de livres, de musique, de films et mes pots de crayons, mes encres, mes carnets sont des traces où j'apprends le temps.

Christiane a dit…

de / que

Christiane a dit…

Ce film de Neil Jordan : Thé crying game, que j'apprécie , est très proche de mon regard sur ce couple très surprenant et cette déchirure que vous évoquez .

https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Crying_Game

Christiane a dit…

Je pense aussi par ce merveilleux livre à la blessure de Joe Bousquet. Quelle beauté quelle douleur dans ces lettres à Poisson d'or.
La vie parfois abîme les corps - maladies, amputations, accidents. Tout L'amour de l'autre posera sur le corps abîmé une tendresse inventive pour tenter de combler la blessure par un éblouissement du monde, mille soleils et aurores pour aimer le corps modifié, pour tenir en son coeur la beauté d'une âme .
Le monde comme un nid d'où s'élancer dans le ciel bleu.
Bienvenue aux Jeux paralympiques.


https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/L-Imaginaire/Lettres-a-Poisson-d-Or

Christiane a dit…

Ce passage de "Entre-deux" de Daniel Sibony ( Points- Essais) semble écrit pour répondre à votre question (p.192- 4e chapitre.) :
"Est-ce que je suis un ou deux ?"
Il est comme tout le monde un et deux. (...) Il est un passage entre deux. Socrate mourant a dit cela dans le "Phédon", le grand dialogue de son passage, juste avant la ciguë : il s'étonne de ce que le "un" et le "deux" n'aient pas de rapport : "Lorsque un plus un font deux, lequel des deux "un" s'est transformé pour faire deux ? le premier ou le second ?" Il veut penser le tiers caché qui fait passer du un autre deux. Mais il en est empêché car il cherche une différence (entre deux "un") là où il y a un entre-deux à explorer. Et tout comme dans l'amour, la différence, même sexuelle, ne suffit pas à l'éclairer. (...)
Il voudrait penser l'entre-deux, la multiple identité, il finit par dire que la vie terrestre est une longue maladie dont seule la mort nous guérit. (...) Il veut résoudre mais il élude l'entre-deux par le clivage entre semblant et vérité, entre le corps et l'âme. Entre deux fractures de l'être, Socrate s'accroche au passage."

J'aime beaucoup cette méditation sur les paradoxes de l'entre-deux.

Christiane a dit…

Effectivement, dans ce roman noir, Mygale, un chirurgien se livre en toute quiétude à sa folie, celle de faire couple pervers avec sa victime qu'il possède totalement. Tous deux finissent par souffrir et jouir du même néant.

Christiane a dit…

Et vous, Anonyme, quelle réponse donnez-vous à votre question ?

Anonyme a dit…

Reste que quand on vient de le diagnostiquer autiste d’une forte amplitude, a-t-il le droit de donner à sa mère par changement, oblation, etc, une fille, sexe qu’au demeurant elle n’aime pas?!

Anonyme a dit…

Et j’avoue mon peu de sympathie pour les Talmudistes athées.

La convergence des parallèles a dit…

Citation issue de la chronique: "La suite sera terrifiante" >>> Oui, ce n'est sans doute pas la mise abime qui m'a laissé le plus sur le cul mais sans doute celle qui a glissé une overdose de frissons d'horreur sous mon épiderme.