vendredi 10 janvier 2025

Apollo et après ?

Barry N. Malzberg - Apollo et après ? - Casterman

 

 

Harry M. Evans est le seul rescapé du premier vol vers Vénus. Joseph Jackson, chef de l’expédition et unique coéquipier de l’astronaute a disparu. Que s’est-il passé ? Placé en institution psychiatrique, interrogé par le docteur Forrest, Evans multiplie les versions. Seul dans sa chambre il réinvente son existence, refait indéfiniment l’expédition interplanétaire, dialogue avec des fantômes, relate les détails d’une activité sexuelle aussi débridée qu’imaginaire, parle à son double. Il souffre de symptômes dissociatifs. Pour faire simple son cerveau est en marmelade.

 

Décédé très récemment Harry Malzberg laisse une œuvre conséquente, mais mal connue, tout au moins dans l’Hexagone. La faute peut-être à la concurrence de contemporains brillant comme Ellison, Spinrad ou Delany qui comme lui ont secoué le cocotier de la littérature de science-fiction dans les années 60 et 70. Sauf erreur, le pitch du roman avait préalablement fait l’objet d’une nouvelle traduite sous le titre « Notes pour un roman sur le premier vaisseau atterrissant sur Vénus » et publiée dans Univers 01. Il inspirera peut-être quelques années plus tard La grande porte de Frederik Pohl, résumé ainsi par Denis Guiot « [une] conquête de l'espace à la Malzberg, sordide et dérisoire »

  

Cette vision d’une thématique à l’agonie est confortée par la conclusion d’un texte de présentation sur le rabat de la couverture : « Evans joue à cache-cache avec la vérité. Mais la seule qui compte est que l’espace n’est pas fait pour l’homme. L’espace rend fou. L’exploration des planètes est un mythe, un gouffre ruineux, un rêve absurde de technocrates. Apollo et après – Après ? Rien. ». Mais est-ce de cela dont il s’agit ? Certes l’œuvre a été publié en 1972, trois ans après le mythique atterrissage lunaire. Certes aussi soixante après l’Humanité piétine aux portes de Mars. Découvrons nous cependant dans cette histoire quelque élément matériel sur l’échec du vol, sur l'éventuelle détérioration progressive des rapports entre deux astronautes cloitrés pendant des mois dans une capsule, quelque chose de factuel ? Hormis le chapitre 58 qui sonne la fin des courses spatiales, rien.

  

A l’inverse on peut avancer que Malzberg propose un roman qui se réinvente à chaque page, laissant un instant entendre que Harry M. Evans en est l’auteur, exploitant une idée reprise la même année par Spinrad avec Rêve de fer. Quelles sont les limites de la littérature de science-fiction ? Ou plutôt, pourquoi réduisons nous celle-ci, nous et pas seulement des critiques extérieurs au corpus de l’imaginaire, à des schèmes préétablis ? Et si Malzberg avait, à sa façon, sur fond vénusien, tenté de rédiger Une saison en Enfer ?


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