mercredi 13 septembre 2023

A propos des neuf milliards de noms de Dieu

Une lamaserie tibétaine démarche une société informatique occidentale pour une prestation singulière. Elle entend utiliser la puissance de calcul d’une de leurs machines pour générer tous les mots possibles de neuf lettres moyennant certaines contraintes. Son objectif, trouver le nom de Dieu au risque de faire résonner la Trompette du Jugement Dernier. Aux antipodes des motivations des lamas, les deux opérateurs dépêchés sur place, une fois leur travail effectué, se préoccupent plutôt d’échapper à la possible colère de leur client face à ce qu’ils considèrent comme une supercherie.

 

La science-fiction comme l’explique Jacques Goimard s’accommode fort bien de la religion, de toutes les religions fussent-elles imaginaires. Elle intègre par exemple la thématique post apocalyptique à la vie d’une communauté de moines comme dans Un cantique pour Leibowitz, ou livre une nouvelle interprétation de la vie du Christ à la faveur d’un voyage temporel dans le fameux Voici l’homme de Michael Moorcok. Arthur Clarke fut l’un des plus en vue de ces auteurs avec la nouvelle iconoclaste « L’étoile » dans lequel « l'espérance d'un monde peut être déclenchée par la fin d'un autre » et le spectaculaire texte « Les neuf milliards de noms de Dieu ».

  

Notons une incongruité dans cette short story. L’extinction visible des étoiles décrite par Clarke s’oppose à une vérité scientifique : la vitesse de la lumière n’est pas infinie. Pour qu’une étoile ne soit plus visible, sa lumière ne devrait plus nous parvenir et cela prend … un certain temps. Inversement nous continuons de percevoir la lumière d’étoiles disparues. Mais nous sommes dans un registre divin et comme dit le Créateur de toutes choses sous la plume de Victor Hugo dans Abime « Je n'aurais qu'à souffler, et tout serait de l'ombre. »

 

On trouve trace d’une sorte de métaphysique des nombres dans le roman de Carl Sagan Contact, avec un message enfoui dans le nombre pi. Dans un autre registre la kabbale associe dix énergies, les Sephiroth et les vingt deux lettres de l’alphabet hébreux, à la Création. Plus généralement le nom de Dieu y est associé à l’apparition de l’homme et non à sa disparition. Comme l’exprimait dans une conférence le regretté Josy Eisenberg « Dieu n’a pas besoin de nom, vous n’avez besoin d’un nom que pour vous différencier, or il n’y a pas d’autrui pour Dieu. Le nom de Dieu est une fabrication divine pour permettre à l’espace et au temps d’exister. Le nom de Dieu c’est l’expression divine de sa volonté. Une volonté ne peut s’exprimer que dans un monde fini. Le nom de Dieu est un moyen de communication. Avant le nom de Dieu, il n’y a rien. Création ex nihilo. Pour les Kabbalistes la création du monde n’est pas ex nihilo, c’est le contraire. Nous ne sommes rien c’est Dieu qui existe ». Ce nom va prendre de multiples appellations dont la plus importante est le Tétragramme.

  

Un des plus célèbres kabbalistes Isaac Louria, cité par Josy Eisenberg, donne une vue originale de la Genèse, employant une idée ou plutôt un terme repris dans la théorie de la gravitation quantique, la contraction. Selon celle-ci, qui tente comme la théorie des cordes d’unifier la relativité générale et la description quantique du monde des particules, l’Univers aurait une longévité plus grande que celle prévue par le Big-Bang. On parle alors de Big Bounce. L’Univers aurait connu avant la singularité une ou plusieurs phases d’expansion suivies de contractions ou de rebonds. Isaac Louria utilise l’image mais dans une toute autre acceptation. C’est Dieu, qui en se contractant (le tsimtsoum) laisse place à un vide où se développent les séphiroth ou pour résumer très grossièrement, le monde. Mais voilà qui nous emmène bien loin du texte d’Arthur Clarke.

66 commentaires:

Christiane a dit…

Quelle joie de retrouver ce roman dont nous avions parlé, il y a quelques semaines
Je m'y replonge dès demain

Là j'ai hâte d'écouter Pascal Quignard à La Grande Librairie.

Décidément entre MC. Et SV. Difficile d'oublier Dieu !

Christiane a dit…

PS: billet d'une grande richesse, très bien documenté. Bravo.

Christiane a dit…

C'était encore à propos de ce billet :

Kamo No Chômei - "Notes de ma cabane de moine" - Le bruit du temps.

Vers le 10 août, un bel échange sur cette nouvelle.
Et oh, surprise, dans cette déferlante de commentaires (300), soudain le très beau livre , "Les heures heureuses", de Pascal Quignard est évoqué.

Et ce soir, retour de boomerang.
La nouvelle de Clarke excellement située dans le monde des croyances par le nouveau billet de Soleil vert et Quignard, bien là, dans LGL (qui commence par une remarque qui me lie au livre que je lis "Le temps incertain" de Michel Jeury - billet précédent de SV..
P.Quignard dit que le sommeil et le rêve mettent le temps à mal. (un des thèmes du "Temps incertain")

Et justement, tout cela, toutes ces bifurcations alors que j'étais triste que MC n'intervienne plus sur les sens cachés de "La Chute de Satan" du grand Hugo aux prises avec sa foi.
Un plein panier de questions brûlantes.
N'y a-t-il que des hasards dans la vie ? C'est tout à fait extraordinaire.

De plus ça arrive pile poil au moment où je decrochais du roman de M.Jeury. ( C'est ce deuxième mouvement du roman où l'enquête policière tient toute la place avec une sombre organisation politique, l'empire industriel de Hermann Kahn Hauser (où Hidenburg III) alias HKH qui aurait tenté à plusieurs reprises de séparer Rob et Daniel Diersant, (fantôme d'un autre HKH, Harry Krupp Hitler Ier....).

J'aime beaucoup la présence de la philosophe Cynthia Fleury qui n'est pas écrivain. Elle écoute
Pour les autres écrivains je réécouterai demain en replay.

Christiane a dit…

Pour fêter les 10 ans de la série "Un été avec", Cynthia Fleury avait choisi de faire découvrir aux auditeurs de France Culture Vladimir Jankélévitch (1903-1985)....

Christiane a dit…

Oups ! de France Inter. La série formidable est disponible en postcast : un été avec... Jankélévitch. Il y joue "Des pas sur la neige" de Debussy et en parle longuement. C'est une très belle série.
Et une pensée de Jankélévitch introduit le billet sur le livre "Le Temps incertain". De Soleil vert.
Cynthia Fleury y est d'une clarté agréable. Beaucoup de précisions sur la vie et la pensée du philosophe.
La sortie du livre correspondant à la série est évoquée dans la Grande Librairie. Mais la radio permet de tendre sa voix

Christiane a dit…

Cette nouvelle, très courte.

Christiane a dit…

Je me régale d'être à demain pour ouvrir tous les liens du billet. Merci SV. Quel plaisir ! Surtout le dernier sur la rétraction de Dieu ( Le Tsimtsoum).et pour réfléchir à la conférence de Josy Eisenberg ( le nom de Dieu).
C'est quand même incroyable que ce grand scientifique ait écrit tant de nouvelles de science-fiction. 2001 l'odyssée de l'espace si adroitement portée à l'écran est extraordinaire. Surtout la mort de l'ordinateur Hal qui régresse dans son langage comme un enfant et qui tue les humains parce qu'il était incapable de gérer deux demandes contradictoires.
Et peut-être encore avec ce monolithe noir une sorte d'intelligence non humaine que l'on ne peut nommer Dieu.
Ah, c'est enivrant tous ces rêves générés par la science-fiction. Surtout qu'avec Clarke tout se passe dans la pensée des hommes.
Bon, à demain. C'est à dire, à toute à l'heure puisqu'on est déjà demain.

Christiane a dit…

Le décalage entre ces moines tibétains et ces ingénieurs-techniciens en informatique est malicieusement présent par une question de l'ingénieur :
- Mais avez-vous de l'électricité pour brancher l'ordinateur ?
- Oui , répond le Lama, nous avons un groupe électrogène pour faire tourner les moulins à prières.

Il y a là deux mondes de pensée , de coutumes, de croyances, d'appréhension du temps.
Chaque mot de cette courte nouvelle induit le sourire ou la perplexité.
La fin du monde... le jugement dernier... les prophéties... les présages... les religions... les guerres de religion... la conquête spatiale... l'avancée des recherches des astrophysiciens... tout cela donne des chambres d'écho à cette nouvelle.
Soleil vert y invite la réflexion de Josy Eisenberg sur Dieu. Et ce n'est pas rien... (Mais c'est compliqué, à comprendre !)

Cette nouvelle qui pourrait être un divertissement tourne à la méditation philosophique sur l'origine et la durée de la création (Terre, cosmos et êtres humains).
Clarke nous redonnera à être perplexes dans ce roman "2001 l'odyssée de l'espace"
Un lien passionnant, dans le billet de Soleil vert, fait mémoire de tous les romans de science-fiction qui tournent autour de l'idée de Dieu - dont certains ont déjà été lus et questionnés ici dont "Un cantique pour Leibowitz".. SV rappelle que "sous la plume de Victor Hugo , on peut lire cette parole prêtée au Créateur : «Je n'aurais qu'à souffler, et tout serait de l'ombre.»

Je me souviens aussi du monde de ténèbres et de néant du poème "La chute de Satan" du même Victor Hugo, si excellemment commenté par MC.

Dans cette nouvelle, une autre vision, celle de Bouddha, inspirant les moines tibétains : le passage dans le nirvâna à la fin des temps....mais seul le renoncement au monde leur permet d’espérer atteindre la délivrance...

Outre les montagnes omniprésentes dans la nouvelle de Clarke, on ne peut oublier que l’univers des Tibétain est peuplé d’innombrables entités invisibles, bienveillantes ou malveillantes selon l’attitude des hommes.
Voilà qui aurait pu donner une idée de suite à Clarke mais il préféra poser la plume après l'extinction des astres lumineux.

Décidément , les auteurs de "La fin de Satan" ou des "neuf milliards du nom de Dieu" aiment l'inachevé !

Christiane a dit…

https://soleilgreen.blogspot.com/2018/06/les-50-ans-de-2001-lodyssee-de-lespace.html

Christiane a dit…

https://soleilgreen.blogspot.com/2014/02/fernando-pessoa-le-livre-de_16.html

Et pour ce livre que j'ouvre si souvent, encore merci.
Il est au coeur de nos questions sur le sens de la vie... et sur Dieu.

Christiane a dit…

Mais la notion de fin du monde n’existe pas chez les bouddhistes. car , pour eux, il n’y a rien de permanent, le monde où l'on vit disparaît continuellement et de plus, ils pensent que les choses et les êtres se transforment constamment.
Quant à la Bible, les signes de la fin du monde sont réunis dans le Nouveau Testament, dans le livre de l’Apocalypse, selon saint Jean.

Christiane a dit…

Je reviens à la nouvelle de Clarke, "les neuf millions du nom de Dieu".
Il faut encore imaginer une autre différence. Ces moines qui mènent leur recherche depuis 300ans, les imprimant de façon traditionnelle et artisanale sur des tablettes xylographiques faites de bois de bouleau, estimant à 29000 ans le temps qu'il leur faudrait pour faire aboutir ces recherches.
Et cet ordinateur qui en 100 jours peut résoudre cette énigme et l'imprimante qui débute les résultats immédiatement.

Christiane a dit…

Envie de relire "Tintin au Tibet."..

Christiane a dit…

Des cases hymalayennes d'une blancheur reposante et l'amitié entre Tchang porté disparu et Tintin... qui est le Yéti ?

Christiane a dit…

Hergé racontera plus tard dans les entretiens qu’il réalisa avec Numa Sadoul à propos de cet album :
«A cette époque, je traversais une véritable crise et mes rêves étaient presque toujours des rêves en blanc et ils étaient très angoissants. J’en prenais note et je me souviens de l’un deux où je me trouvais dans une espèce de tour constituée de rampes successives. Des feuilles mortes tombaient et recouvraient tout. A un certain moment, dans une sorte d’alcôve d’une blancheur immaculée est apparu un squelette tout blanc qui a essayé de m’attraper. Et à l’instant, tout autour de moi, le monde est devenu blanc, blanc. »

Christiane a dit…

Ces rêves en blanc, évoqués étouffent Hergé qui a besoin d'en faire quelque chose. Ce sera la création de "Tintin au Tibet" .
Hergé se métamorphose à nouveau en Tintin et part sur le toit du monde....

Christiane a dit…

L'album s'ouvre sur un songe. Tintin rêve que son ami Tchang, en danger, l'appelle.

Christiane a dit…

C'est l'œuvre la plus personnelle d'Hergé, écrira Pierre Assouline dans la biographie qu'il consacre à Hergé.

Christiane a dit…

....ce Yéti qui sauve Tchang en le recueillant puis en le portant dans son antre où il prendra soin de lui…

Christiane a dit…

Tchang dira à propos de ce Yéti :
- Je t’assure, Tintin, il a agi avec moi d’une telle façon que je me suis parfois demandé si ce n’était pas un être humain.
- Qui sait ? répondra Tintin.....

Christiane a dit…

Tintin mettra trois jours pour arriver à Tchang.
Trois jours....
Comme ceux nécessaires au Christ pour vivre sa passion et sa résurrection....

Anonyme a dit…

Le Christ n’a pas été enlevé à sa Résurrection par le Yéti, me semble-t-il,,.

Anonyme a dit…

MC

Anonyme a dit…

Quant au commentaires sur Satan, c’est vous je crois qui m’aviez demandé de les cesser. Ça , plus un passage au bloc, à dû jouer…. MC

Christiane a dit…

Très drôle !

Christiane a dit…

Alors là, je n'ai pas eu besoin de la signature. J'ai eu une crise de fou-rire formidable. Vous alors !!! vous voilà en train de réécrire la Résurrection mode science-fiction !

Christiane a dit…

Si je vous ai blessé, pardon.

Anonyme a dit…

Bon, vous m’encouragez à récidiver, si je comprends bien ! Je vois le temps où cette page va devenir notre domaine reserve avec la bénédiction de Soleil Vert! Pour le reste, je ne suis ni amoindri ni retouché, simplement une cataracte inopportune ,un héritage familial et que je n’ai d’ailleurs pas vu venir. Le seul point commun avec la SF est qu’ aujourd’hui on ne vous arase plus le cristallin, on vous en met d’autorité un neuf! Plus ou moins informatique. Ce qui vous vaut de repartir avec la référence , sur une petite carte, de la pièce que le Docteur vous a rajoutée, au cas où celle-ci aurait des velléités de vagabondage !( on ne sait jamais…) Vous emportez aussi, bien qu’indolores, les images du charcutage de votre œil dans la salle . Du pur Maurice Renard. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Oh là, c'est quand même une opération importante.
Ma mère l'avait très mal vécue ( ancien mode).
Heureuse que vous alliez bien.

Oui, oui, revenez à notre discussion sur "la chute de Satan". Promis, je ne ruerai plus dans les brancards !

La nouvelle qui suit " Neuf millions de noms de Dieu", "L'étoile" est une fiction intéressante. Une planète aux confins de l'univers habitée par des êtres intelligents ayant laissé des traces de leur vie dont un monolithe calciné. Cette planète a explosé il y a très longtemps. Un vaisseau spatial fait des recherches.. L'explosion lumineuse de cette planète aurait un rapport avec l'étoile de Noël... même date... la mort de millions d'êtres, la naissance d'un élu... le narrateur est ébranlé, doute de ce qu'on lui a raconté à propos d'une unique planète habitée.
C'est beau. C'est fort. Quelques pages aussi....

Christiane a dit…

Bon, je retourne au "Temps incertain " de Michel Jeury que je n'ai pas terminé sauf si ... un certain professeur regagne l'amphithéâtre pour nous parler de La chute de Satan....

Anonyme a dit…

quelle chance vous avez, Soleil Vert, de bénéficier de tous ces commentaires si variés sur votre blog littéraire ! Je n'en connais pas d'autres exemples.
Bonne journée. JJJ

Anonyme a dit…

Satan est livre !

Soleil vert a dit…

Merci JJJ

Christiane a dit…

La réponse exacte du lama, page 8, est : " - Nous avons un générateur Diesel d'une puissance de cinquante kilowatts en cent dix volts. Voilà cinq ans qu'il a été installé, et jamais il ne nous a causé le moindre ennui. Grâce à lui, la vie à la lamaserie est devenue incomparablement plus confortable, mais à l'origine, nous l'avions fait installer dans le seul but de faire tourner les moulins à prières."

Christiane a dit…

Après avoir relu Les neuf milliards des noms de Dieu, une énigme mathématique, il me semble que cette recherche met les moines tibétains devant un principe d'infinis de l'être -temps. Une transmission de l'infini par le déploiement et le maniement du nombre de blocs de lettres en séries de ces noms de Dieu et par l'origine de ces noms.
Dieu aurait-il créé le monde avec des lettres ? Des mots ? Chaque mot du Livre serait alors un nom divin.
Est-ce une métaphore de l'écart infranchissable entre les hommes et Dieu.
Les noms de Dieu ne tombent pas sous le signe des autres noms. Ce sont les noms de l'Un, le premier infini, le Dieu qui se retire et ces noms prennent appui sur son retrait comme l'expose Josy Eisenberg. (Merci pour le lien)
Un seul nom devrait donc valoir pour le tout.

Christiane a dit…

Cela fait penser à l'aleph de Borges. Une série infinie des alephs ( 9 milliards !), chacun d'eux étant infini. La trace de l'esprit biblique doit une alliance entre l'Un de Dieu et le multiple des nominations de l'infini.
Fiction ?
Poésie ?
Ce passage à l'acte détruit un fantasme...
Merci, Soleil vert de placer la barre si haut.
En 1948, également, René Char terminait un poème par ces vers :
"Je dis chance comme je le sens.
Tu as élevé le sommet
Que devra franchir mon attente
Quand demain disparaîtra."
( Recherche de la base et du sommet)

Christiane a dit…

La science-fiction ? S'envoyer ailleurs pour fuir le danger d'être là. Et pour se rappeler qu'on peut rêver.

Christiane a dit…

Ce voyage est alors le massage du temps... incertain.

Christiane a dit…

passage

Christiane a dit…

Charme infini du dernier billet de Paul Edel. Un père et sa fille....ils prennent doucement et cruellement conscience du temps qui passe. Silence attentif... attente... confidence... béance obscure de l'enfance... mémoire de leur secrète complicité mêlée d'étrangeté. Désarroi touchant du père. La jeune fille devient... et de souvient de la légèreté de son adolescence. Vient ce temps où elle doit se défaire de son enfance.Le père lui donne le temps de mettre des mots sur sa tristesse. Le père se souvient aussi d'éclats d'enfance de sa fille, de son étonnement d'être père
Tout s'éloigne à grande vitesse même cette pièce de Pinter mal interprétée. Même le petit restaurant choisi est un souvenir. Ils sont ailleurs dans leur passé... un texte comme une buée sur la vitre, un murmure... parfois, ils changent de rôle. La parole et le silence comme un fil entre eux. Une révélation de tout ce bonheur fragile. Battement d'ailes. Que de beauté...

Anonyme a dit…

« Un seul nom devrait valoir pur le tout » C’est peut-être un peu ce qu’entend Borges avec son conte du Roi et du Barde, qui doit être dans le Livre de Sable. Ne pas oublier l’humour du personnage…

Anonyme a dit…

MC

Christiane a dit…

Je n'ai pas Le livre de sable, juste L'aleph et des nouvelles
Pouvez-vous me résumer la nouvelle de Borges. Ça me ferait bien plaisir. Merci.

Christiane a dit…

Au parc, ce matin, j'ai lu une autre nouvelle du livre de Arthur C. Clarke très très intéressante : Le mur de ténèbres. Il est question d'un mur qu'on ne pourrait franchir vivant et dont on ne connaîtrait ce qu'il cache qu'après la mort.
Un homme astucieux arrive à le traverser un instant, ce qu'il découvre est inimaginable...

Christiane a dit…

Dans Le Zahir, autre contes de Borges, j'ai le vague souvenir que des soufis répètent comme une ritournelle les quatre-vingt-dix-neuf noms de Dieu jusqu'à ce que ces noms ne veulent plus rien dire. Mais s'ils ajoutent leur propre nom un chemin s'ouvre....
Dans L'aleph c'est un prisonnier qui découvre sur le pelage d'un léopard la formule dont le monde est issu.
Pour Borges L'aleph tous les signes convergent vers leur source.

Soleil vert a dit…

Intéressant(Le Zahir); je m'en servirai pour parler d'une une autre nouvelle.

Christiane a dit…

Quand Borges écrit il entre dans le réseau des doubles. Le lecteur vacille entre un récit autobiographique et un basculement dans la fiction. J'ai en tête la mémoire d'une nouvelle où il se rencontrait à deux époques de sa vie. Je ne sais plus dans quel recueil... je crois que cette nouvelle s'appelait L'autre. il se parle à lui-même. Les deux "moi" sont tellement vraisemblables qu'il ne sait plus lequel il est. (Un peu la fin de la nouvelle de Clarke à propos de ce que le mur mystérieux cache.)
Avec Borges rien n'est achevé tout se fissure.
Le Zahir c'est la déchirure d'un voile, une combinaison des possibles à l'infini. Pas toujours le début. Pas toujours la fin. Il traverse d'innombrables mondes. Mondes dans le monde pourtant pas inclus en lui. Un peu l'univers des fractales de Sergio.
Son univers est une bibliothèque infinie. Même Dieu est un livre pour lui.
Quand mon fils jouait avec un Rubik's Cube, le regardant je pensais à l'écriture de Borges. Une répétition rayonnante, des lignes de fuite à l'infini.
Dans la science-fiction des mondes différents sont en concurrence. La SF c'est une immense machinerie avec des milliers d'étages dissemblables comme les prisons de Piranese.
Plus on lit plus on lie les fictions les unes aux autres.
C'est vraiment bien ce tissage entre ces lectures.

Christiane a dit…

Les récits de fiction sont faux mais ce que l'on ressent en les lisant est vrai car ils remuent des choses en nous très profondes.

Christiane a dit…

De ma virée matinale au-dessus de la RdL, je retiens l'invitation de Claudio de relire dans "Le premier homme" d'Albert Camus les pages 66 et suivantes.
Ce que je viens de faire, me plongeant à nouveau dans cette rencontre pudique et émouvante de la mère et et du fils.
Le temps a passé mais, l'etreignant fugitivement, il se souvient par ce contact, de son enfance auprès d'elle. Puis de la mère il passe au portrait de cette femme courageuse, silencieuse, humble, patiente et fière. Celle à qui la parole était refusée...
Oui, Claudio, c'est absolument magnifique et dramatique quand on pense que ce manuscrit inachevé a été retrouvé dans la sacoche de Camus.
C'était le 4 janvier 1960... Une voiture fracassée dans un accident où il a trouvé la mort....
Une liasse de feuilles sans ponctuation d'une écriture parfois difficile à déchiffrer. Il reste d'ailleurs des blancs entre crochets pour les mots ou passages qui n'ont pu être déchiffrés . L'édition finale doit beaucoup au travail minutieux de Francine Camus.
Dans les feuillets intercalés dans le manuscrit, offerts à la fin du livre, à nouveau ce passage inouï :
"Quand, l'ayant embrassé de toutes ses forces deux ou trois fois, le serrant contre elle et après l'avoir relâché, elle le regardait et le reprenait pour l'embrasser encore une fois comme si, ayant mesuré le plein de tendresse (qu'elle venait de faire), elle aurait décidé qu'une mesure manquait encore et (1). Et puis, tout de suite après, détournée, elle semblait ne plus penser à lui ni d'ailleurs à rien, et le regardait même parfois avec une étrange expression comme si maintenant il était de trop, dérangeant l'univers vide, clos, restreint où elle se mouvait."
1. La phrase s'arrête là.

Christiane a dit…

Ce "et" a été suivi de bien d'autres notes dans l'édition finale grâce à ses feuillets ( un peu les paperoles de Proust).

Anonyme a dit…

Dans le Masque et le Miroir, un Roi veut commémorer une bataille. Il le demande à son Barde. Ce dernier prend son temos, acheve un poème selon les regles, reçoit une gratification d’or. Cependant le Roi exige plus: suit , avec un délai plus long, un poème qui « est la Bataille » dans son caractere panique et désordonné. Le Roi exige plus, et ici tout bascule : le Barde arrive après un an avec une ode d’un mot. Ce mot, c’est la beauté qu’il est interdit de contempler, et que le Barde et le Roi. connaissent maintenant, Avec le poignard donne pour récompense, le Barde se tue a la sortie du Palais, Le Roi part mendier sur les routes d’ Irlande, La vision de l’ Absolû les a renversés tous deux . MC

Christiane a dit…

Magnifique devinette !

Christiane a dit…

Comme si ce mot était une empreinte de tous les désirs du roi mais cette figure de l'achèvement ouvre à la mort (où entrée dans l'éternité) comme dans le conte d'Arthur C.Clarke.
Un instantané qui abolit le temps.
Comme cette pensée d'Henri Cartier Bresson qui clôt la biographie que Pierre Assouline a écrite du photographe ("Henri Cartier Bresson, l'œil du siècle") :
"Le Temps court et s'écoule et notre mort seule arrive à le rattraper.
La photographie est un couperet qui, dans l'éternité, saisit l'instant qui l'a éblouie."
Idem pour ce mot qui les foudroie. Merci, MC. Oui il y a un réel lien entre ces fictions.

Christiane a dit…

Le temps est alors suspendu de tout avenir...

Christiane a dit…

A propos qu'a voulu dire Borges dans cette pensée (quels chevaux ?) :
"L'univers, la somme de tous les faits, est un assemblage aussi chimérique que celui de tous les chevaux dont rêva Shakespeare entre 1592 et 1594." ?

Christiane a dit…

Y a-t-il tant d'images équestres dans l'œuvre de Shakespeare ?

Christiane a dit…

Est-ce le retour à "Richard III" quand la défaite du roi est symbolisée par son incapacité à trouver un seul cheval et qu'il crie : «A horse ! A horse ! My kingdom for a horse ! » ?

Anonyme a dit…

Ces pièces sont très difficilement datables. Mais en 1592, son nom apparaît à Londres, et en 1594, il intègre la troupe pro du Lord Chambellain, EN 1594, peut-être avant, on repère plusieurs éditions de Titus Andronicus, ce qui indique qu’il est ou a été joué par plusieurs compagnies .Il faudrait chercher quelle chronologie avait Borges des œuvres de Shakespeare! Nous, nous n’en avons plus! MC

Christiane a dit…

Peut-être pour les batailles nombreuses dans son théâtre ? Il en reste que plus le temps passe, plus l'univers est vaste, illimité et complexe.
Un élève avait demandé à l'astrophysicien, Michel Cassé , qui nous accompagnait et parlait avec les enfants de l'espace et des galaxies :
- Qu'y a-t-il après le bout de l'univers connu ?
Pas de réponse de l'astrophysicien. Nous ne savons pas encore.... lui dit-il. Nous cherchons....

Christiane a dit…

Merci à Pierre Assouline pour ce rappel :

https://www.mam.paris.fr/fr/expositions/exposition-nicolas-de-stael

Merci aussi pour la toile qu'il a choisie en tête de son billet .
Elle donne la primauté à la densité, à l'épaisseur. Ce n'est pas encore la lumière du Midi .
Là, un camaïeu de tons accordés, bleutés, bistres verdâtres, gris. Les touches sont conjointes sur un fond de céruse.
Est-ce le bleu délavé du ciel et des sables des plages du Nord ou le choc des paysages urbains? Blocs de pâte crayeuse.
Une forteresse, un débordement, un affrontement. L'espace est morcelé .
Donc, Pierre Assouline, nous parle des livres de septembre, plus exactement des bandeaux annonçant qu'ils sont tous remarquables, les meilleurs...
Nuée prolifique de faux critiques litteraires que Pierre Assouline regarde avec un sourire désabusé.

Anonyme a dit…

Il dit aussi des choses intéressantes sur la liaison entre le suicide et l’impossibilité ou il est d’achever les énormes toiles de la fin. J’avais eu une intuition de cette ordre devant les tableaux Siciliens à Beaubourg, mais ne l’avait pas poussée à terme. ( c’est, j’imagine, la différence entre Pierre Assouline et moi!). Pour le tableau, il faudrait l’avoir devant l’œil pour le bien juger. MC









Christiane a dit…

C'est un artiste qui a tant lutté presque contre la couleur. Et pourtant, certaines toiles même de modestes dimensions ont capte cette lumière qu'il cherchait, tant. Le morcellement disparaît. Les aplats deviennent plus amples.
Les dessins sont d'une grande pureté.
Là, Pierre Assouline a choisi une toile en résonance avec cet agacement qu'il ressent. Les marchands du temple veulent vendre.
Et pourtant comme pour l'art, il faut de la patience pour approcher un créateur qu'il choisisse les mots, les couleurs ou les dons.
Nous ne risquons que le regard ou l'écoute. Eux, ils liment leur vie.

Christiane a dit…

Sans oublier la terre comme Giacometti la creusait, la pétrissait. Lui aussi cherchait.
Mais vous avez raison, cette toile de Staël il faudrait être devant.
Pour Hugo, ses encres, quel univers...
Et les moines et leurs moulins à prières toujours prêts à fuir la répression politique chinoise...

Christiane a dit…

les sons

Christiane a dit…


Vues de l'exposition Nicolas de Staël au musée d'art moderne.

https://www.arts-in-the-city.com/2023/09/15/nos-images-de-lexposition-nicolas-de-stael-au-musee-dart-moderne-de-paris/

Christiane a dit…

Les moines tibétains ne postulent pour l’existence d’aucun dieu.