Nina Allan - Complications - Tristram
Le Temps semble affaire anglaise. La géographie et la littérature s’accordent sur ce point ; tout part de Greenwich et du Time Machine de H.G Wells. Les lecteurs de la talentueuse écrivaine et chroniqueuse londonienne Nina Allan s’aventureront donc en terre connue dans un ouvrage rassemblant six nouvelles où petites et grandes aiguilles mènent la danse. Depuis le présent recueil publié en France en 2013 ont suivi Spin, La course, La fracture tous traduits par l’excellent Bernard Sigaud.
Le titre Complications désigne des fonctions autres qu’horaires ajoutées à une montre mécanique. La plus célèbre de celles-ci, souvent citée par l’auteure, le « Tourbillon », fut inventé par le français Louis Breguet afin de contrebalancer les effets de la gravité sur les montres à gousset. Pour la petite histoire si la stase temporelle imaginée par un des personnages du livre n’est pas à l’ordre du jour, les plus complexes et onéreux modèles actuels proposent une fonction astronomique « L’équation du temps » qui se contente pour l’instant de mesurer l’écart entre le temps solaire vrai et le temps solaire moyen. Peut-être qu’un jour …
Qui dit complication dit sophistication. Comme tous les orfèvres de nouvelles de science-fiction ou de fantastique, Nina Allan sait insuffler un tourbillon d’imagination au sein d’une mécanique de précision. Elle y parvient entre autres grâce aux jeux de l’intertextualité, tressant un réseau invisible entre les différents textes. Une seconde spécialité anglaise, signaleront les lecteurs de David Mitchell et de Christopher Priest ; dans L’adjacent du dernier nommé, des personnages franchissent narrations et époques sous des identités différentes.
L’héroïne de « La Chambre noire », fabrique des maisons de poupée. Attristée d’avoir perdu l’homme qu’elle aimait, elle suit sa trace dans l’œuvre de l’auteur favori de son amant. Misery de Stephen King montrait un écrivain prisonnier de son lectorat. Et si l’inverse était vrai ? Le récit introduit le personnage de Martin Newland que l’on retrouvera de façon récurrente dans les fictions suivantes. Dans « Le char ailé du temps », le plus beau récit avec « Le vent d’argent », Martin vit une relation fusionnelle avec sa sœur dont le temps de vie est compté. Les années passant le voient tenter d’oublier Dora dans les bras d’un nouvel amour (« A rebours »), ou découvrir sa mère véritable (« Gardien de mon frère »). La palme revient au « Vent d’argent » fiction magnifique qui voit le narrateur évoluer dans un Londres uchronique, inquiétant, où un autre personnage récurrent Owen Andrews, une sorte de maitre du Temps, lui fait état d'étranges expériences pratiquées dans un hôpital voisin.
Toutes ces figures tentent de maitriser les horloges comme elles tentent de pallier les absences de proches disparus, à l’image des romans de Haruki Murakami. Servi par une écriture ciselée Complications méritait bien son Grand Prix de l’Imaginaire 2014.
3 commentaires:
J'avais beaucoup aimé "L'âme des horloges" de David Mitchell ";Nul doute, ce roman de Nina Allan devrait me plaire!
Attention, ici recueil de nouvelles. On dit du bien de La fracture son dernier roman.
Oui, bien sûr il s'agit de nouvelles ,oups!
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