Claire North - La Maison
des Jeux - Le Maître - Le Bélial’
New York, de nos jours : le troisième et dernier récit
de La Maison des Jeux entraine le lecteur dans une partie de Risk
opposant La Maitresse des Jeux à son plus ancien et habile adversaire, Argent. L'enjeu ? La Maison ! C’est
l’épreuve ultime dont les deux premières étapes constituaient les prolégomènes.
Les champions précédents Remy Burke et Thene, apparemment immortels mais pas
invulnérables, font des apparitions fugitives à des moments clefs. Argent se
déplace dans le monde, pas seulement pour se protéger mais pour activer des
pièces qui lui sont, comme pour sa rivale, obligées sans échappatoire. La Terre
est le plateau ultime ; dans cette bataille les coups portés ébranlent Etats
et Nations et les hommes en paient le prix :
« Elle [la
partie]continua pendant trois ans.
Des gouvernements chutent et des économies déclinent. Des
banques s'effondrent, des ordinateurs tombent en panne, des militaires se
rebellent, des frontières se ferment, des contrats partent à vau-l'eau, des
oléoducs s'assèchent, des satellites brûlent, des hommes meurent, le monde
tourne et la partie continue.
Allongé seul sur une chambre d'hôtel bon marché à
Addis-Abeba, un bol de cacahuètes et une bière vide à mon côté, j'effectuai
l'inventaire mental de tout ce que nous avions détruit au nom de cette partie
et le trouvai gigantesque. Pas seulement les pièces envoyées à la mort ou en
prison, mais les vies brisées chaque fois que nous jouions un tueur,
destituions un juge, décimions un gouvernement, ruinions une banque. Nous —
elle et moi — étions les parents de l'agitation civile et du carnage. Les
conséquences de nos actions étaient désormais si étendues que les experts
commençaient à appeler le déroulement de notre partie «années d'automne» :
l'espoir des années « de printemps» précédentes s'y effaçait devant la
sauvagerie qui précède l'hiver. »
7 commentaires:
Pourquoi ai-je lu ce troisième tome sitôt le premier lu ?
Je crois pour mieux connaître cette Maîtresse des Jeux. Peut-être aussi pour connaître cet observateur qui raconte, hors le "nous".
J'ai traversé les guerres, les conflits, les accidents hors normes laissant au hasard ou aux dirigeants belliqueux leur responsabilité.
Le final de la nouvelle apprend à connaître la peur qui peut affaiblir la Maîtresse des Jeux. Quant à Argent, l'oublieux de son nom, j'aime cette question qui le trouble vers la fin du volume .
Il semble d'abord se rencontrer, dédoublé, se demande si c'est lui, celui qui avait "brûlé depuis si longtemps jusqu'au dernier fragment de son âme." Il s'interroge. Que restait il en lui d'humain qu'il pourrait avoir besoin de cacher ? (...) "Qui était cet inconnu qui lui souriait là-bas ?"
Il avait son visage mais pas de ... nom...
Alors il se concentre, il lui semble se rappeler et... retrouve des bribes de souvenirs de sa très longue vie. Il court, fuit....
Il lui semble qu'il est lui , comme lui est son moi, qu'il possède un nom.
Mais alors, les souvenirs se dissipent. Il se dit " qu'un joueur n'a nul besoin d'être une personne, qu'un joueur n'a nul besoin d'un nom."
Pour quelles raisons pense-t-il alors :Je m'appelle Argent. Je choisis l'humanité."
Quant à Claire North, elle ne peut s'empêcher de faire tournoyer, encore une fois, ce dernier qui n'est pas encore retombé quand le livre se referme...
ce denier
Le chapitre 38 est mon préféré. C'est celui du retournement. Un joueur oublié va surgir et changer le destin d'Argent.
C'est également celui de la fin d'une quête, celle de la femme aimée et à nouveau perdue. Il la voit, il la perd... Mythe que me veux-tu ?
C'est celui du choix : va-t-il la tuer, se tuer, choisir une autre option ?
Dans le chapitre 37 une fine observation sur le comportement des joueurs d'échecs.
"Je ferme les yeux,respire lentement. Un joueur ne montre jamais ses émotions, ne révèle jamais sa main. Il n'y a que le plateau ; que le jeu. Tout le reste est distraction."
Aucun souvenir des chapitres précédant ce chapitre. J'ai lu sans attention depuis le chapitre 28.
Les lignes, les dernières qui ont été importantes pour moi , sont page 113 :
"Quand avais-je été simplement moi pour la dernière fois ?
Je ne me rappelle pas.
Je ne me rappelle pas qui j'étais avant le jeu."
Et juste avant page 102, on sait pour quelle raison il veut gagner la partie : détruire la Maison des Jeux car elle détruit des vies.
Oui, je reconnais avoir fait des bonds dans ce troisième tome depuis la page 15 jusqu'au chapitre 38.
Je voulais des réponses j'en ai eues.
Ainsi, pour la femme retrouvée et perdue au chapitre 37, tout était là, dès la page 15.
"la joueuse n'en est plus une : elle est devenue Maîtresse des Jeux. Par son succès, elle s'est donc changée en son ennemie, ce qui constitue peut-être une suprême défaite, car elle n'est plus elle-même, seulement une nouvelle Maîtresse des Jeux."
Voilà une lecture expresse, justifiée par une répétition de morts. J'aurais aimé que Claire North s'attarde en Mongolie mais non. Elle a chaussé des bottes de géant pour resserrer son étreinte autour d'Argent. Lui importait surtout le face à face final entre le roi et la reine et la mise à mort du perdant. Elle a eu un sursaut qui a changé l'issue de la partie, ce visiteur qui voulait payer sa dette.
Mais rien ne vaut la poésie du premier tome dans la Venise du dix-huitième siècle.
Franchement, difficile d'oublier le charme récent du livre précèdent "Les boutiques de cannelle" de Bruno Schulz. Je retourne à ce livre.
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