Sylvie Lainé - L’Opéra
de Shaya - Hélios
Née dans un vaisseau spatial So-Ann bourlingue de planète en planète au gré des affectations, ne se posant jamais très longtemps. En ces temps futurs, l’Humanité essaime dans la galaxie. Elle se heurte à des mondes hostiles ou les domine complètement, détruisant les écosystèmes existants pour en édifier d’autres compatibles avec notre espèce. Comme tous les voyageurs la jeune femme caresse parfois l’idée de s’installer définitivement quelque part avant de retrouver l’habitacle spartiate du vaisseau. C’est alors qu’un jour un astronaute évoque devant elle le souvenir d’une escale sur Shaya, une planète bienveillante.
Voici quelques dizaines d’années que Sylvie Lainé publie des
nouvelles toutes plus chatoyantes les unes que les autres. Celle-ci, une
novella, a été plusieurs fois primée en 2015, et c’est grande honte pour moi de
faire figurer seulement aujourd’hui au sommaire de mon blog une autrice qui me
qualifia jadis de « copain au nom d’étoile ». Sa création, Shaya,
évoque un autre nom, « Shayol », la terre des enfers imaginée par
Cordwainer Smith où les vivants sont transformés en banques d’organes. Shaya en
serait l’exacte opposée, une planète paradisiaque.
C’est ce que constate Anne-So sur place, sans trop se
demander pourquoi elle a été sélectionnée pour sa féminité. L’accueil des
autochtones est exceptionnel, la flore féérique, la faune exempte de
prédateurs. L’écosystème y est en perpétuelle et rapide évolution, une sorte de
loi naturelle là-bas car rien ne doit se figer. Seul Nico un humain dont elle
tombe amoureux échappe à cette frénésie transformatrice. Les animaux qu’elle
caresse, les plantes qu’elle effleure absorbent son ADN, sa singularité. Ce monde
la désire.
Dans l’interview de Jerôme Vincent qui suit, Sylvie Lainé
explique avoir voulu interroger « notre rapport au monde, aux autres, et à
la nature ». La science-fiction par l’intermédiaire de ses floraisons imaginaires
réactive subtilement nos doutes, nos angoisses en les transposant dans des
espace-temps différents. Peut-on concevoir un ailleurs, une terre étrangère où
les humains ne seraient ni prédateurs ni victimes, mais prêts à coexister, à
échanger ?
En prenant appui sur les structures quelque peu archaïques d’un
space-opera, le récit de Sylvie Lainé déploie une philosophie de l’imprégnation
dont un de ses corollaires - la coexistence pacifique - subit aujourd’hui de
furieux assauts idéologiques et militaires. Au moins avons-nous rêvé le temps
de quelques pages, même si, nous le savons, les Paradis recèlent toujours un
serpent.
5 commentaires:
500 000 vues ... au bout de 14 ans tout de même
Bravo , Soleil vert, c'est mérité. C'est beaucoup de lecteurs, donc des dizaines de romans chroniqués. Combien, au juste ? Pourriez-vous le dire sans oublier ceux qui apparaissent sous lien ?
Et toujours, accompagnant ces analyses fines, votre perception de notre monde comme dans ce billet.
Félicitations SV pour ce parcours.
Mon fils a lu Le karma du chat de cette autrice. Je retiens L’opera de Shaya.
Ca représente à peu près 600 chroniques, dont essentiellement des romans, une dizaine "d'articles" et un peu de bla-bla
Des romans et beaucoup de nouvelles, un genre qui est souvent délaissé à tort. Elles ont la concision, les fins surprenantes, la virtuosité.
Quel plaisir ces chroniques qui m'ont fait découvrir tant de textes !
Oh, excusez -moi. L'orage arrive. Je rentre le linge qui séchait sur le balcon.
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