jeudi 30 mai 2024

L’île de béton

J. G. Ballard - L’île de béton - Folio

 

 




L’île de béton est l’un des trois ouvrages de James Graham Ballard regroupés à l’initiative d’un éditeur sous la dénomination « La trilogie de béton ». De pareils regroupements existent ailleurs comme « La tétralogie noire » de John Brunner qui offre aussi un regard sur les sociétés contemporaines mais dans un autre registre. La trilogie ballardienne tranche avec l’inspiration picturale de la série des apocalypses poétiques et du chef d’œuvre Vermillion Sands précédents au bénéfice d’une vision anthropologiste de la modernité, rappelant l’observation de François Truffaut sur le film de Jacques Tati Playtime (même si Trafic semble encore plus en adéquation avec la formule) « L’Europe de 1968 filmée par le premier cinéaste martien ! »

 

Même si de l’aveu de l’auteur, Crash s’inspire de Limbo de Bernard Wolfe ou de Notre Dame des fleurs de Jean Genet (1), force est de constater que les névroses obsessionnelles des protagonistes de cet ouvrage, la description des non lieux de L’ile de Béton et la résurgence de la barbarie dans les gratte-ciels de I.G.H n’ont aucun équivalent en littérature française et qu’il nous faut, pour tenter de retrouver pareil regard de martien, évoquer les essais de Baudrillard ou Debord voir les Mythologies de Barthes.

 

L’île de béton se présente comme une suite ou un appendice de Crash. Roulant à une vitesse excessive, la Jaguar de l’architecte Robert Maitland franchit le parapet de ciment d’une autoroute pour atterrir dans un terrain vague en dessous d’un échangeur routier. Reprenant ses esprits, quoiqu’assez grièvement blessé, il tente en vain de regagner la voie routière ou d’alerter les véhicules. Il ne le sait pas encore mais il est désormais exclu de la gens Homo Automobilus. Après avoir récupéré ce qui pouvait l’être dans le coffre de sa voiture, il part à la découverte de ce nouveau territoire d’herbe folles et de détritus, à la recherche de nourriture ou d’aide. Il découvre l’existence de deux marginaux, une jeune femme en rupture de ban et un trapéziste de cirque à moitié estropié. Tout en espérant l’arrivée des secours et pouvoir renouer avec le cours de son existence antérieure, Maitland prend conscience de l’émergence d’un désir de lâché prise inédit.

 

Les autoroutes urbaines, les hypermarchés, Ballard s’est longuement épanché sur ces non-lieux de la modernité et leur simple dénonciation paraitrait aujourd’hui désuète. Ce qui n’a pas vieilli et constitue encore l’actualité de la new wave c’est d’avoir rétréci l’espace-temps aux dimensions de l’homme. Maitland est à lui seul un monde en voie d’engloutissement. Devenu le Robinson Crusoé d’une ile improbable il découvre un jour un abri antiaérien, construction dont la présence étonne mais qui du coup renvoie aux souvenirs de l’enfant Ballard dont les futurs textes regorgeront de terrains d’aviation, de bombardiers jusqu’à la publication de Empire du Soleil, Rosebud de l’imaginaire ballardien. Cette mise en abyme constitue l’une des surprises d’un texte porté par une écriture fluide et une thématique de la marginalité, des angles morts de l’urbanisme toujours d’actualité. Sans atteindre les sommets, L’ile de béton se lit encore avec plaisir.

 

     (1) cf la préface de l’éminent Xavier Mauméjean


59 commentaires:

Soleil vert a dit…

et alii : message reçu

Christiane a dit…

Vous évoquez dans ce billet tant de terrains littéraires à explorer . Savez-vous que grâce à vos chroniques de SF, j'ai relu "Mythologies" de Barthes.
Je cherchais l'article (1970) réservé aux "Martiens". C'est passionnant
Ainsi, il y dévoile que le mystère des soucoupes volantes a d'abord été terrestre. Elles étaient censées être soviétiques. l'URSS devenant un monde inquiétant intermédiaire entre la Terre et Mars.
Puis Mars , dans la suite de cet article, devenait une Terre rêvée, parfaite, idéalisée. "Une psychose fondée sur le mythe de l'Identique, du Double". Un Double en avance et belliqueux.
Le ciel était désormais "celui de la Terreur, celui de l'apparition de la mort atomique". Barthes voyait là une impuissance à imaginer l'Autre autrement qu'antipathique.
"Un anthropomorphisme étroit" écrivait Barthes dans sa conclusion.
Cela correspond dans ma mémoire aux premières bandes dessinées de SF que je chipais à mon frère où à chaque page on voyait force de combats explosifs.
Un jour , j'ai posé les yeux sur vos chroniques, découvert des auteurs, des personnages différents de ceux évoqués par Barthes en 1970 et les BD de mon frère..
Ballard, c'est d'abord, m'avez-vous appris , celui bouleversant de "LEmpire du soleil". Ah, ce récit d'une enfance inoubliable...
Donc ce jour , ça parle béton et d'autoroute. Un homme sort de sa route suite a un dérapage et se retrouve dans une jungle d'herbes folles où il va rencontrer des fugitifs....
Barthes a bien dû parler du mythe des grosses voitures et du béton. Mais dans "L'île béton", c'est Balard qui est aux commandes... Que nous réserve t'il ?

Christiane a dit…

Ballard

Christiane a dit…

Choniquant le roman de Bernard Woolf, "Limbo" en 2016, dans un de vos liens, vous écrivez : "Je lui vois personnellement deux prolongements, l’œuvre de Ballard, d’une part, dans la façon d’interroger l’inconscient humain dans ses productions totémiques (...)"
Aujourd'hui, en 2024, vous écrivez choniquant le roman de J.G. Ballard en évoquant "Limbo" et "Crash" : "la description des non lieux de L’ile de Béton et la résurgence de la barbarie dans les gratte-ciels de I.G.H n’ont aucun équivalent en littérature française ."
et "qu’il nous faut, pour tenter de retrouver pareil regard de martien, évoquer les essais de Baudrillard ou Debord voir les Mythologies de Barthes."
(Au passage, merci pour
l’observation de François Truffaut sur le film de Jacques Tati Playtime : «L’Europe de 1968 filmée par le premier cinéaste martien ! »).

Voilà un billet où vous suivez un parcours labyrinthique. Qu'est-ce que l'I.G.H ? Qu'est-ce que "les productions totémiques de l'inconscient humain" ? Qu'est-ce que "Crash" ?

En gros, qu'est-ce qui réunit ces trois fictions ?

Christiane a dit…

Ce totémisme est-ce le souvenir de la culture dont nous venons, liant des rites sociaux et religieux. Est-ce
une recherche de continuité pour se convaincre qu'on appartient à la «famille humaine" ? Est-ce au contraire le fait de rompre avec ce passé ?
Quel est le rôle de l'inconscient dans cette affaire ? Quelle lecture du monde recevoir de cette grille de lecture qui m'échappe un peu ?

Christiane a dit…

Je lis un article de Thierry Paquot concernant "James Graham Ballard , Le visionnaire de la «real-fiction», paru dans Hermès,
la revue 2009/3 (n° 55), pages 185 à 189.

"Nulle tentation de futorologie dans ses romans, il n’invente pas des architectures inédites ou des engins volants non identifiés, il fait évoluer ses personnages dans des tours, des centres commerciaux, des autoroutes, des maisons ordinaires, tout un environnement auquel sont habitués ses lecteurs. Ce qui leur procure peut-être l’illusion d’une légère anticipation résulte du fait qu’il force le trait de certains éléments et comportements de la vie moderne, l’isolement, le consumérisme absolu, la non-communication, la violence gratuite, l’indifférence à l’autre, la manipulation par les médias, l’auto-censure, le fanatisme, etc."

Soleil vert a dit…

En gros, qu'est-ce qui réunit ces trois fictions ?

… le béton

Soleil vert a dit…

https://soleilgreen.blogspot.com/2019/04/ballard-10-ans-deja.html

Christiane a dit…

Ô, merci cher Soleil vert pour cette explication exhaustive. Je comprends mieux maintenant !

Christiane a dit…

Le texte de Jérôme Leroy, Requiem pour Ballard", paru le 27 avril 2009, dans le journal Causeur que vous avez mis en lien, est passionné et donne une idée précise de l'oeuvre violente de Ballard.
L'univers de Ballard, n'est pas vraiment mon univers fictionnel , car trop violent et désespéré, mais je respecte son expression.



Anonyme a dit…

Peut être faudrait-il lire les Sables Vermeils, comme traduisaient encore nos amis belges. Pour le reste, si IGH a vieilli, le très nerveux récit dont il est question ici reste une variation saisissante sur la Robinsonade classique…

Anonyme a dit…

Mais pas que. Quoique lu au premier degré, il y ait de cela,

Anonyme a dit…

Livre de poche; Vermillon Sands. Cf aussi Marabout, « Billenium » ou se trouve la nouvelle sur une certaine Aurore Lejout, qui a toutes les raisons de porter ce joli nom.,,

Christiane a dit…

Vermillon Sands...
J'attends de ce roman de J.G. Ballard, les sables du désert, un paysage qui ondule comme dans la toile des montres molles de Dali où le temps coule et s'enroule dans les vagues de sable.
Je vous dirai quand suavement je plongerai entre ces lignes à la recherche d'une poésie hypnotique.

Christiane a dit…

Un extrait d'une des nouvelles... Les étoiles...
"Qui était Aurora Day ? Je me le demande souvent à présent. Traversant comme une comète d’été la voûte placide d’un ciel hors saison, elle semble être apparue dans des rôles différents à chacun des membres de notre petite colonie aux Étoiles. Je la pris d’abord pour une belle névrosée jouant les femmes fatales, mais Raymond Mayo voyait en elle une des madones explosives de Salvador Dali, une énigme capable de chevaucher sereinement l’Apocalypse. Pour Tony Sapphire, comme pour le reste de ses admirateurs d’un bout à l’autre de la plage, elle était la réincarnation d’Astarté elle-même, une fille du temps aux yeux de diamant, vieille de trente siècles.
Je me rappelle très bien comment je découvris le premier de ses poèmes. Un soir, après dîner, je me reposais sur la terrasse – ma principale occupation à Vermilion Sands -, lorsque je remarquai une sorte de banderole traînant sur le sable en contrebas de la balustrade. À quelques mètres de là, il s’en trouvait plusieurs autres et, pendant une demi-heure, je les observai qui volaient çà et là, légèrement, parmi les dunes. Les phares d’une voiture brillèrent dans l’allée menant à l’atelier n°5 et j’en conclus qu’un nouveau locataire s’était installé dans la villa, inoccupée depuis plusieurs mois." ("Numéro 5, Les Étoiles")

Une des madones de Salvador Dali...
Ces mots donnent envie de peindre....

Christiane a dit…

Dali composait ses madones avec des fragments, des encastrements, des vides peints avec virtuosité pour former une vision en suspension, cohérente, somptueuse comme un mirage dans les sables bleus du desert.
Dali , cité par J.G. Ballard dans cette nouvelle, comme le faiseur de madones explosives. Je ne crois pas quelles sont fragmentées par une explosion mais par un glissement surréaliste où les corps en apesanteur se laissent déconstruire par un rêveur obsédé de géométrie.
Quelque chose de ça peut-être dans l'écriture de J.C.Ballard.
Je suis née grâce au blog de Pierre Assouline dans ce monde d'internet. Je découvrais un espace infini où les lectures peuvent s'ouvrir comme les fractales fantasmagoriques de Sergio.
Un jour, un promeneur a laissé un message. Somptuosité d'une langue étonnée, c'était Paul Edel.
Puis le désert venant sur une piste de sable, un voyageur du temps s'est arrêtée. Il a créé l'ombre, l'oasis, l'eau et les contes des mille et une variations de ses lectures.
Je me repose dans son campement. Il passe de temps à autre aussi énigmatique qu'un chat égyptien. C'est Soleil vert.
Donc je lis et me lie aux livres avec délice.
Fidèle aussi à ma première escale et visitant aussi celle du corsaire de Saint-Malo par quelque voyage dans le temps ...
Bonjour aux amis.

Christiane a dit…

arrêté

Christiane a dit…

Toutefois, Dalí avait été ébranlé par l’explosion atomique d’Hiroshima en 1945 et dans ses bronzes on retrouve une matière convulsée, brûlée. Des années après l'explosion de la bombe, les survivants étaient incapables de raconter ce qu'ils avaient vécu ce jour-là.
Dans ses toiles quelque chose survit à ce néant, se reconstruit comme dans l'époque mystique des madones où l'on sent son admiration pour les maîtres italiens dont Raphaël.

Ballard aussi a survécu à la guerre, à l'enfermement, à un monde féroce.
Je ne m'étonne pas qu'il construise ses fictions sur des mondes d'après le désastre bien que les paysages n'aient pas bougé , comme pétrifiés dans sa mémoire.
Qu'est-ce que le temps quand l'Histoire le menace de fission nucléaire.

J'écoutais ce matin la merveilleuse évocation d'Anna Akhmatova dans l'émission d'Alain Finkielkraut, "Répliques". Geneviève Brisac était éblouissante pour préciser les épreuves de cette femme poète qui a vécu l'emprisonnement et l'exécution de ceux qu'elle aimait, qui écrivait dans sa tête quand le pouvoir soviétique l'interdisait d'écriture et de publication. Les poèmes traduits par Sophie Benech étaient si émouvants à écouter.

Les hommes résistent comme ils peuvent. Peindre, sculpter, écrire, lire, écouter y compris la musique, parler, crier, se taire sous la torture (torture, du latin torquere, tordre...)
C'est beau et émouvant l'humanité qui résiste à la barbarie.

Bloom a raison d'évoquer Sebald qui a tant évoqué l'effroyable œuvre de destruction du vingtième siècle dans ses romans dont "Austerlitz", l'enfant terrifié qu'il était, envoyé en Angleterre dans un convoi d'enfants avec la mort de ses parents dans le cœur.

La vérité pour Ballard semble résider dans un ailleurs qui peuple un monde vide, empli du vide des vies disparues. Obscurité impénétrable...
"L'île de béton" me fait froid dans le dos. Dans "Vermillon Sands", une beauté presque miraculeuse et fragile aussi éphémère qu'un mirage.
Écrire, parfois c'est faire quelque chose à partir de rien, d'une suspension dans le temps. Une échappatoire... pour créer un semblant de sens là où il n'y en a pas.

Christiane a dit…

Joli : "Sables Vermeils".

Anonyme a dit…

Heureux que les Sables vermeils et Aurore Lejour vous plaisent, au delà de la soupe franglaise qu’est la traduction poche…

Christiane a dit…

Oui, mais c'est une atmosphère pas tout à fait rassurante - comme les toiles de Dali d'ailleurs - mais l'art peut être une réponse quand la pensée est en panne. On suit une intuition de couleur, on se souvient d'une toile et l'imaginaire tend sa voile pour fendre la désespérance. C'est quand même mieux que de s'envoyer en l'air avec un bolide juste pour être invité à explorer la jungle de la solitude.
Oui, un très subtil recueil de nouvelles, ces sables vermeils... Dommage de dépendre d'une traduction. On voudrait saisir le texte dans sa langue d'origine, l'entendre sonner comme elle a dû le faire dans la tête de Ballard.

Christiane a dit…

Vermillion

Christiane a dit…

Ce vide, Sebald construit tout son roman, "Austerlitz" sur un vide. Le narrateur qui rencontre cet étrange homme , Austerlitz , toujours par hasard à différentes époques de sa vie , cet homme donc, lui raconte qu'il n'a su son véritable nom , Austerlitz, qu'à l'âge de treize ans , à la mort du pasteur qui l'avait accueilli à son arrivée en Angleterre. Nom qu'il doit taire, cacher. Nom qui flotte sur un effacement complet de son passé. Avec des questions qui resteront longtemps sans réponses : d'où vient-il ? Qui sont ses vrais parents ? Quel est ce nom qui ne figure que dans une bataille de Napoléon ?
Chacun de ces écrivains construit sur un vide de civilisation, une fiction où le désastre est présent comme une pré -histoire.

Christiane a dit…

Je ne peux oublier une autobiographie parallèle, celle de georges Pérec, "W ou le Souvenir d'enfance" qui commence par ces mots : « Je n'ai pas de souvenir d'enfance. Jusqu'à ma douzième année à peu près, mon histoire tient en quelques lignes : j'ai perdu mon père à quatre ans, ma mère à six ; j'ai passé la guerre dans...."

Anonyme a dit…

Un Silverberg qui ne se fournit pas à la Grande Friperie Mythologsue, c’est «  Les Déserteurs Temporels ». Et par là, j’y crois plus qu’ aux Philocteteries et autres Gilgamesheries diverses et peu variées par lui commises…. MC

Christiane a dit…

"Friperie mythologique" ?"Philocteteries et autres Gilgamesheries diverses"

Quelle confiture !

Christiane a dit…

Vous êtes un maître incontesté de la satire ! Quelle critique acérée ! Mais êtes-vous juste ?

Anonyme a dit…

De mon point de vue, oui. Ici , le fait de placer la remontée du temps vu d’un bureau ou un fonctionnaire a reçu pour mission sciemment impossible de lutter contre, ( Que feriez vous di vos concitoyens fuyaient en masse dans le passé ?! ) et se retourne in extremis contre ses employeurs, a quelque chose qui devrait vous plaire. Ajoutez-y le petit monde kafkaïen traditionnel du futur façon SF….

Anonyme a dit…

Du Kafka vitamine, en quelque sorte…

Christiane a dit…

Ah ça alors quelle situation paradoxale ! Se retrouver dans le passé pour déserter le présent. Robert Silverberg a une imagination vertigineuse. Embouteillages à prévoir dans ces lieux où les rencontres deviendraient affolantes.. le pari le plus risqué ne serait-il pas de retrouver des êtres aimés avant leur mort ou manquant car non encore né. Où s'arrêterait ce retour arrière ?
Et que se passerait-il dans le présent devenu un désert ? ( Pour cause de... désertion !).
La SF de Silverberg plonge le lecteur dans un univers où il perd ses repères.
C'est d'autant plus passionnant que je relis "Austerlitz" de Sebald. Cet homme qui recherche désespérément l'enfant qu'il a été, d'où il vient, ce que sont devenus les siens. Il marche avec Vera ( son ancienne nourrice retrouvée) dans Prague bruissante du passé, de la Shoah. Sa mémoire se réactive mystérieusement comme la langue tchèque qu'il comprend à nouveau, comme des lieux qui lui rendent cet enfant qu'il était, perdu dans une salle d'attente
Le roman le plus déchirant que j'ai lu.
J'avoue preferert cette façon de trouer le présent...

Christiane a dit…

Dans ce roman, Sebald exploite aussi le réalisme magique comme si la vérité devait surgir d'un rêve prémonitoire. Comment réveiller une vie qui a basculé dans l'oubli ?
Je sais pour l'avoir déjà lu que dans les rues désertes de Terezin, là où sa mère a trouvé la mort dans un camp, tout va lui être révélé grâce à un objet vu dans la vitrine d'un bazar encombrée d'objets divers ayant appartenu aux prisonniers de ce camp.
Un autre voyage à travers le temps.
La révélation d'une effroyable oeuvre de destruction.
Cet écrivain incroyable arrache à l'oubli des souvenirs qu'il n'a jamais eus.
Une autre façon d'arrêter le temps, de rendre perméable cette frontière qui sépare le monde des vivants et des morts.
Le monde n'apparaît jamais que voilé et la frontière qui sépare la fiction de la non-fiction est parfois si ténue.

Christiane a dit…

Des éléments référentiels dont l’ouvrage de H.G. Adler : (Theresienstadt 1941-1945) , la forteresse de Breendonk, d'autres lieux comme des gares, évoquent, dans le fil du récit fictionnel , le monde connu du lecteur.
Ils seront les réalités face auxquelles Austerlitz se retrouvera en ce long voyage où il part à la recherche de ses parents.

Christiane a dit…

C'était pour vous répondre car avec ce roman, ce témoignage, mi-historique, mi-fiction, nous avons aussi rendez-vous avec le passé, avec ceux qui ont été ,que l'on a effacés, et qu'il veut retrouver.
D’une certaine manière une fuite dans le passé où il accepte de plonger dans une atmosphère onirique où les signes se multiplient. Le narrateur qui reçoit ce récit est comme un lecteur et cette fiction, étayée par des documents historiques dont les photographies sont jointes au texte, devient la voix d'un témoin inconnu..

Christiane a dit…

"Austerlitz " est l’ultime roman de l’écrivain W. G. Sebald, paru en 2001, l’année de sa mort accidentelle à l’âge de 57 ans.

Anonyme a dit…

Oui, mais chez Silverberg, on fuit pour des raisons très prosaïques. Parce qu’on ne travaille pas, parce qu’on est maintenu dans une vie de cauchemar ( une petite pièce pour une famille pour les moins favorisés!) et parce que le Gouvernement a tout intérêt à maintenir cette médiocrité, et , le cas échéant, à mettre la main sur la machine pour y envoyer ses prisonniers! De sorte que par un renversement final , l’honneur se trouve du côté du passeur et dans une moindre mesure, du dernier «  passe »! La dernière ligne clôt en beauté ce qui peut se lire aussi comme une farce! Ce qui n’est pas du tout le cas de Sebald tel que vous le résumez…

Christiane a dit…

Très juste remarque.

Christiane a dit…

Donc Silverberg s'amuse !

Christiane a dit…

Ainsi Austerlitz dit au narrateur :
"Ne serait-il pas pensable que nous ayons aussi des rendez-vous dans le passé, dans ce qui a été et qui est déjà en grande partie effacé, et que nous allions retrouver des lieux et des personnes qui, au-delà du temps d'une certaine manière, gardent un lien avec nous ?"
Il a même l'impression dans les gares, dans les rues, près de certains objets que c'est ce monde de pierre et de verre qui l'attire à lui comme pour lui souffler une présence.
C'est entre le témoignage historique ( beaucoup de recherches sur le sort des déportés depuis les camps de rétention français de Drancy ou Gurs jusqu'aux lieux d'extermination en Allemagne, en Pologne.) et de la pure science-fiction pour cette atmosphère onirique et inquiétante où le monde extérieur le happe, le malmène, l'écartèle tant ceux qu'il cherche désespérément appartiennent à la sombre cohorte des morts sans sépulture.

Christiane a dit…

Ce qui le fait conclure, quelques pages plus loin :
"Aussi loin que je puisse revenir en arrière, j'ai toujours eu le sentiment de ne pas avoir de place dans la réalité, de ne pas avoir d'existence, et jamais ce sentiment n'a été aussi fort que ce soir-là. (...) Le lendemain tandis que je roulais vers Terezin, je ne parvenais pas à me faire une idée de qui j'étais ou de ce que j'étais."

Christiane a dit…

Vous qui aimez tant la musique, Soleil vert, j'écoute et je scrute ce Requiem de Mozart retransmis de Barcelone, L'Ensemble Pygmalion, dirigé par Raphaël Pichon, propose sa version du "Requiem" de Mozart car entre les différentes parties du Requiem laissées inachevées par Mozart, Raphaël Pichon inséré des morceaux des messes de Mozart, c'est surprenant).
Il dirige à mains nues, portant ses musiciens, son choeur, ses solistes, l'enfant (quelle voix...).
La droite est ouverte, paume puissante, la gauche joue du féminin. C'est un homme heureux recevant de ces hommes de ces femmes de cet enfant toute l'harmonie de Mozart mourant, enfin presque. C'est doux accordé un peu ici déjà ailleurs. C'est doux et grave frôlant le silence puis éclatant.
L'Agnus Dei est d'une beauté bouleversante. Oui, il donne le repos.

Christiane a dit…

Oh Rose, je pense à une toile de Rembrandt qui devrait répondre à vos questions (chez P.E)
C'est le retour de l'enfant prodigue.
Regardez les mains du père, une main d'homme et une main de femme. Cette représentation de Dieu le Père est une osmose entre féminin et masculin. C'est une toile extraordinaire. Le fils a un crâne de bagnard, les pieds salis par la route. Il est aussi extraordinaire.
Je ne me souviens plus si vous croyez en Dieu. Dans le fond ce n'est pas très important, c'est de l'art. Ça raconte l'humain. Bonne nuit, plume de nuit

Anonyme a dit…

Oh non! Pas l’ensemble Pygmalion! Il fait au moins le Philharmonique de Vienne et Bohm, pour faire oublier Sussmayer! Mais pas un petit ensemble baroqueux qui prend Mozart pour une dentelle de Salon! Grrrr….

Christiane a dit…

Je reviens sur Chadi Lazreq, cet enfant soprano que l'on entend a cappella à l'ouverture et la clôture du Requiem. Il chante avec modestie, naturel, assurance.
Sa voix s'élance, pure et cristalline, fragile et sûre, paisible aussi, magnifiant l'atmosphère de recueillement du Requiem.
Il a été très applaudi.
C'était une apparition inattendue.
Le requiem est morcelé. Pichon introduit d’autres petites pièces musicales de Mozart (comme le plain-chant presque monacal ,"In paradisum", qui nous emporte ailleurs un court instant où un extrait de la Messe en ut mineur.)
Ce Requiem de Mozart, inachevé, a été complété en 1791 par Süssmayr, oui. Mozart avait seulement écrit la première partie du Requiem, l’Introït, le Kyrie et une partie du Dies ire.

Raphaël Pichon semble vouloir faire dialoguer Mozart avec lui-même, désirant s'émanciper des a priori esthétiques associés à l'œuvre pour produire une ambiance innovante, voire déroutantes .... J'ai bien aimé cette soirée.

De plus e concert est présenté au "Palau de la Música Catalana", un cadre d'une grande beauté entre ombres et lumière.

Soleil vert a dit…

Mes morceaux préférés de Mozart :

Heather Newhouse - Mozart - Kyrie de la Messe en Ut - Concert de l'Hostel Dieu
https://www.youtube.com/watch?v=QT9HZ8qy_0Q


Mozart, Concerto for Flute and Harp KV 299 | PAHUD · LANGLAMET · ABBADO, notamment l'Andantino
https://www.youtube.com/watch?v=cIUHkfwMZE4

Mozart ~ Ave Verum Corpus ~ Leonard Bernstein
https://www.youtube.com/watch?v=NK8-Zg-8JYM

LVHF 2017 | W. A. Mozart - Laudate Dominum, KV 339 - Patricia Janečková - Sopran
https://www.youtube.com/watch?v=ljvTwbxrylc

Mozart Requiem Sir Colin Davis 2004 (multisubs)
https://www.youtube.com/watch?v=D95igow6I6g

Christiane a dit…

Chic ! Quelle fête ! Je vais écouter. Merci , Soleil vert

Christiane a dit…

Premier extrait écoute. Une lerveille...
Heather Newhouse - Mozart - Kyrie de la Messe en Ut - Concert de l'Hostel Dieu.

Christiane a dit…

Le deuxième :
Mozart, Concerto for Flute and Harp KV 299 | PAHUD · LANGLAMET · ABBADO, notamment l'Andantino

C'est un beau souvenir... Je l'ai longtemps écouté le matin. C'est une aube, claire, légère que j'ai retrouvée un jour d'aquarelle au bord des étangs de Ville d'Avray. J'avais écrasé de l'herbe pour teinter le vert. Je jouais avec ces camaïeux allant du bleu au vert. Il y avait un vent très doux comme cette flûte. C'était au temps des saisons, au temps des nuages. Nous étions comme eux de passage, écrit Seghers...

Christiane a dit…

Oh, comme celui-là est inconsolable...

Mozart ~ Ave Verum Corpus ~ Leonard Bernstein

C'est replonger dans la mort qui m'a le plus bouleversée, celle de ma mère. Ces longues heures près du lit où elle reposait et où je lui parlais dans ce qui était déjà la solitude...

Christiane a dit…

LVHF 2017 | W. A. Mozart - Laudate Dominum, KV 339

La voix de la soprano Patricia Janečková est hypnotisante. Mozart l'a-t-il pressentie en écrivant ces notes sur le papier ? On grimpe avec elle tout là-haut où il n'y a plus de souffrance...
Ce concert que vous offrez est un enchantement.

Christiane a dit…

Mozart Requiem Sir Colin Davis 2004 (multisubs)


Ah, la perfection... J'aimais les esquisses de Pichon, hier au soir, sa jeunesse, sa construction embrouillée, l'atmosphère étrange du concert. L'enfant soprano .

Je découvre la traduction du latin. Quelle déception ! C'était plus beau au-delà des mots. J'aimais me fier juste à la musique. Nous n'avons pas toujours besoin des traductions...

Mais c'est bien votre choix. Un grand chef d'orchestre. Une interprétation sans faux plis...

(J'ai préféré vos choix précédents. )
Quel immense cadeau. Merci, cher Soleil vert du fond du cœur, là où la musique règne...

Anonyme a dit…

Ou Christiane est déçue par la traduction du latin.,,mais il y en a-t-il vraiment besoin d’une???In Paradisium et Requiem. Aeternam disent bien ce qu’ils veulent dire. Ou il se confirme que Pichon a voulu faire du joli, picorant par ci par là dans la Basse Cour mozartienne un petit motet qui ne demandait certes pas ce voisinage écrasant. Voilà précisément ce que n’a pas fait Sussmayer, qui, humblement, s’est contenté de développer les esquisses de son maître, au point qu’on s’y est longtemps trompé.!Bref Sussmayer fait du Mozart quand Pichon.fait du Pichon. L’un a en vue l’unité de l’œuvre, l’autre, on ne sait quoi. « Ce quelque chose qui n’a de nom dans aucune langue?! »Peut-etre.
On notera que la selection soleilvertesque fait l’impasse sur l’œuvre la plus science-fictionesque de Mozart, La Flûte Enchantée, les grands opéras, et la Concertante. J’ajouterais la Prague et la Linz. Que de découvertes ne reste-t-il pas, loin des Pichonneries que nos amis allemands baptisent ironiquement « qualité française ! ». MC

Christiane a dit…

La Flûte enchantée, oui, quel mystère...
Oui, il n'y avait pas besoin de traduction car la musique dit plus que les mots .
pour le reste
c'est du MC, pur jus je vous aime beaucoup gate-sauce.
Et j'aime, ô, combien le travail de Pichon.
Ne changez pas don Quichotte mais laissez-moi quelques moulins à vent. Ils sont si beaux avec leur grandes ailes qui brassent les nuages .
Mais Soleil vert est poète jusqu'aux bouts de ses fines moustaches de chat. Il sait .

Anonyme a dit…

Je ne suis pas trop amateur d'opera SV

Christiane a dit…

merveille

Anonyme a dit…

Sauf que la Flûté va bien au delà de l’Opera. Il s’agit d’un théâtre de Forces…

Christiane a dit…

Un théâtre des forces, oui. Le bien contre le mal, le jour contre la nuit. C'est une oeuvre qui bascule. Ainsi la Reine de la nuit est révélée dans sa noirceur et Sarastro dans sa sagesse.
Musique merveilleuse , des voix parlées , d'autres chantées. La basse de Sarastro est envoutante.
Trois personnages portent ce combat. Tamino et sa flûte enchantée à la recherche de Tamina, Papageno le sautillant oiseleur, un clown qui a bien du mal à se taire quand l'épreuve du silence viendra.
Des décors féeriques pour ce conte presque oriental. Une flûte , des carillons.... Une quête très spirituelle

Anonyme a dit…

Ou Science-Fictionesques; cf la Furia del Bauhaus,,et Sarastro poignarde dans une sorte de congélateur. ( Ne me demandez pas pourquoi!). MC

Anonyme a dit…

Je me souviens d’un tour renouvelé de la Malle Sanglante ou Sarastro saigne de douze glaives enfoncés dans le congélateur…ce qui ne l’empêche pas de. Chanter quand il le faut! MC

Soleil vert a dit…

et alii : message reçu fort et clair.
https://forums.belial.fr/viewtopic.php?f=7&t=10353