Shigeru Mizuki - Vie de Mizuki
- 3. L’apprenti - Cornélius
Un an d’attente, tel fut mon prix
à payer pour lire le troisième tome enfin réédité chez Cornelius de la Vie
de Mizuki. Ainsi s’achève ce cycle autobiographique paru dans l’archipel
nippon dix ans avant la mort du célèbre mangaka et qui couvre l’ère Shōwa et
le début de l'ère Heisei. L’apprenti raconte les évènements d’après-guerre,
les années professionnelles de Mizuki sur fond de renaissance du Japon.
Revenu estropié du conflit, atteint de malaria, l’auteur quitte l’uniforme pour endosser la défroque d’auteur de mangas. Un passeport pour la misère en ces temps de reconstruction d’autant plus que ses parents se mettent en tête de le marier. Courant le cacheton chez les éditeurs, le succès finit par couronner ses efforts en 1965 avec Le gamin de la télé puis Kitaro le repoussant. Plus que les histoires de guerre, ce sont les récits d’imagination faisant surgir les yōkai, - esprits ou fantômes tantôt bienveillants tantôt malveillants issus du folklore et auxquels les japonais attribuent les faits du quotidien - qui emportent l’adhésion de son public. La quête de cet au-delà, auquel l’avait initié sa chère Nonnonbâ, constitue paradoxalement une échappatoire à ses interminables journées passées à dessiner dans l’atelier et une source intarissable d’inspiration. L’aisance matérielle aidant, elle l’incite à retrouver les tolai de Nouvelle-Guinée, ce peuple des forêts qui l’avait accueilli et protégé en quelque sorte de la fièvre guerrière de ses concitoyens. L’obsession des esprits surnaturels le poussera d’ailleurs à suivre les traces d’Antonin Artaud dans ses expériences hallucinogènes mexicaines.
On pouvait craindre, après les sortilèges de l’enfance et les années de guerre, une baisse d’intérêt du lecteur. Il n’en est rien. L’éternel inadapté qui surmontait les aléas de l’existence en trébuchant dessus chemine allègrement sur le fil séparant la réalité des rêves, la vie de l’art. L’âge survenant, sa passion pour les facéties des esprits prend la couleur mélancolique d'une réflexion sur le devenir des âmes. Mais le propos ne cède jamais à la pesanteur. Les obsèques de la mère deviennent sous le crayon de Mizuki une farce comique, ponctuée de baffes. L’achat d’une statuette d’un démon de la gloutonnerie le mène au seuil du cannibalisme. A l’inverse de Confucius il découvre que vieillir c’est douter. Tel est peut-être le sens du titre de ce troisième volet qui vient conclure une saga formidable.
Le jugement du Bardo d'après Le livre des morts tibétain |
4 commentaires:
Bonsoir,
malgré ces nombreuses expériences hallucinogènes passées Antonin Artaud ne prend malheureusement plus de H.
Amicalement.
Slicte
Argh,
Seriez vous un yōkai :) ?
Enfer et damnation (pour rester dans l'ambiance Bardo) je suis démasqué.
Aurais-je quelque vantardise je dirais Tanuki et ce ce serait bien caractériser l'esprit grivois qui parfois m'habite (décidément).
Mais malheureusement je ne sais pas grand chose de ces êtres fantasques et me souviens à peine ce qu'en disait Nicolas Bouvier dans sa Chronique Japonaise.
Je profite de l'occasion pour vous remercier pour la richesse de vos chroniques.
Slicte
Il est vrai que le Tanuki possède des attributs … étonnants.
La prochaine chronique tentera de cerner un livre dingue.
Merci à vous.
Enregistrer un commentaire