Jeff
Vandermeer - Acceptation - Le livre de poche
Acceptation met fin à la trilogie du Rempart Sud. L’identité
du Rampeur et le mystère de l’apparition de la zone X sont révélés et résolus, disons
lâchés comme à regret par l’auteur en un paragraphe à quelques encablures de la
fin. L’expression usuelle de progression du récit ne s’appliquant pas exactement
ici, on a le sentiment qu’un ou deux autres volumes auraient très bien pu
prolonger le cycle. En contrepartie, de nouveaux éclairages, de nouveaux
personnages apportent une profondeur dramatique à la scène grâce au registre du
flash-back : le lecteur découvre l’enfance de la Directrice, sa complicité
avec Saul le gardien du Phare, et le duo bizarre de La Brigade Science et Spiritisme.
Le second volet s’achevait
sur une note catastrophique. La zone X engloutissait le Rempart Sud, cependant
que Control le nouveau directeur et la biologiste alias Oiseau-fantôme prenaient
la décision de s’y immerger à nouveau. Ils croiseront là-bas quelques personnages
du Centre abandonné et peut être leurs doubles. Les investigations scientifiques
initiales ont cédé la place à une forme de résignation, ou d’indifférence à la
présence de ce phénomène surnaturel : « Peut-être aussi l'indécision
me paralyse-t-elle parce que quand je pense à écrire j’entre aperçois le monde
que j'ai abandonné. Le monde de l’autre côté qui, quand mes pensées vagabondent
dans sa direction, est une vague sphère indistincte émettant une faible
lumière, grouillant de voix et d'images discordantes qui coupent yeux et
esprits comme une lame de rasoir, sans qu'aucun de nous n'arrive seulement à
cligner des yeux. Que j’y aie vécu par le passé, que quiconque y vive encore
paraît un mythe, une sorte de tragédie mythique, un mensonge. Un jour le poisson
et le faucon, le renard et le hibou raconteront des histoires, à leur manière,
sur ce globe lumineux immatériel et ce qu'il contenait, tout le poison et le chagrin
qui s'en sont échappés. Si le langage signifiait quoi que ce soit, je pourrais
peut-être même le raconter aux vagues et au ciel, mais à quoi bon ? »
Ouvrir Acceptation,
comme les deux précédents romans, c’est accepter de participer à une
expérience de lecture peu commune. Elle atteint un sommet de beauté et d’horreur
avec la deuxième partie communément appelée « testament de la biologiste »,
récit à la fois exploratoire et méditatif de la jeune femme toujours en quête
de son mari. On retrouve là le sentier plus balisé d’une narration horrifique, agrémentée de ce style si particulier de l’auteur. Ailleurs on s’ennuie parfois et l’écriture
devient télégraphique : « Comme elle ne répondait pas, il inventa
une citation, et ressentit de la culpabilité dès qu'elle lui sortit de la bouche-
« Le sentiment dans lequel la falsification parfaite devient la chose
qu'elle imite, ce qui par un processus étrange bien que statique
révèle une part de vérité sur le monde. Même si elle ne peut pas,
par définition, être originale. » »
Plus intéressant qu’Autorité,
Acceptation révèle des hauteurs inattendues en renversant les
perspectives. Chaque être humain à sa manière est une ile mystérieuse, une Zone x, tenté
par le rejet d’un monde incompréhensible noyé par « le poison et le chagrin ».
Expérience stylistique, la trilogie du Rempart Sud tient à la fois du
fantastique et du surréalisme.
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