mardi 18 juin 2019

Acceptation


Jeff Vandermeer - Acceptation - Le livre de poche






Acceptation met fin à la trilogie du Rempart Sud. L’identité du Rampeur et le mystère de l’apparition de la zone X sont révélés et résolus, disons lâchés comme à regret par l’auteur en un paragraphe à quelques encablures de la fin. L’expression usuelle de progression du récit ne s’appliquant pas exactement ici, on a le sentiment qu’un ou deux autres volumes auraient très bien pu prolonger le cycle. En contrepartie, de nouveaux éclairages, de nouveaux personnages apportent une profondeur dramatique à la scène grâce au registre du flash-back : le lecteur découvre l’enfance de la Directrice, sa complicité avec Saul le gardien du Phare, et le duo bizarre de La Brigade Science et Spiritisme.



Le second volet s’achevait sur une note catastrophique. La zone X engloutissait le Rempart Sud, cependant que Control le nouveau directeur et la biologiste alias Oiseau-fantôme prenaient la décision de s’y immerger à nouveau. Ils croiseront là-bas quelques personnages du Centre abandonné et peut être leurs doubles. Les investigations scientifiques initiales ont cédé la place à une forme de résignation, ou d’indifférence à la présence de ce phénomène surnaturel : « Peut-être aussi l'indécision me paralyse-t-elle parce que quand je pense à écrire j’entre aperçois le monde que j'ai abandonné. Le monde de l’autre côté qui, quand mes pensées vagabondent dans sa direction, est une vague sphère indistincte émettant une faible lumière, grouillant de voix et d'images discordantes qui coupent yeux et esprits comme une lame de rasoir, sans qu'aucun de nous n'arrive seulement à cligner des yeux. Que j’y aie vécu par le passé, que quiconque y vive encore paraît un mythe, une sorte de tragédie mythique, un mensonge. Un jour le poi­sson et le faucon, le renard et le hibou raconteront des histoires, à leur manière, sur ce globe lumineux immatériel et ce qu'il contenait, tout le poison et le chagrin qui s'en sont échappés. Si le langage signifiait quoi que ce soit, je pourrais peut-être même le raconter aux vagues et au ciel, mais à quoi bon ? »



Ouvrir Acceptation, comme les deux précédents romans, c’est accepter de participer à une expérience de lecture peu commune. Elle atteint un sommet de beauté et d’horreur avec la deuxième partie communément appelée « testament de la biologiste », récit à la fois exploratoire et méditatif de la jeune femme toujours en quête de son mari. On retrouve là le sentier plus balisé d’une narration horrifique, agrémentée de ce style si particulier de l’auteur. Ailleurs on s’ennuie parfois et l’écriture devient télégraphique : « Comme elle ne répondait pas, il inventa une citation, et ressentit de la culpabilité dès qu'elle lui sortit de la bouche- « Le sentiment dans lequel la falsifi­cation parfaite devient la chose qu'elle imite, ce qui par un processus étrange bien que statique révèle une part de vérité sur le monde. Même si elle ne peut pas, par définition, être originale. » »



Plus intéressant qu’Autorité, Acceptation révèle des hauteurs inattendues en renversant les perspectives. Chaque être humain à sa manière est une ile mystérieuse, une Zone x, tenté par le rejet d’un monde incompréhensible noyé par « le poison et le chagrin ». Expérience stylistique, la trilogie du Rempart Sud tient à la fois du fantastique et du surréalisme.

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