Kritika H. Rao - Les Survivants du Ciel - Albin Michel Imaginaire
Homme ! libre penseur - te crois-tu seul
pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.
Respecte dans la bête un esprit agissant : ...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
"Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !
Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie
A la matière même un verbe est attaché ...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !
Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !
Gérard de Nerval - Vers dorés
Connaissez-vous dans votre entourage une personne qui
parle à ses plantes ? Ne vous moquez pas ! Dans le premier tome de sa
saga des « rages » l’écrivaine Kritika H. Rao propose au lecteur de
découvrir un univers végétal post apocalyptique. Les humains ont trouvé le
moyen de quitter une Terre en furie en se réfugiant dans des cités de feuilles
et d’écorces qu’ils soumettent à leur pouvoir. Ils lévitent ainsi dans les
nuages et s’autorisent entre deux séismes à quelques atterrissages sur le sol
natal réduit à une jungle. Nous n’en saurons pas plus dans ce volume sur les évènements
catastrophiques à l’origine de ce nouveau monde.
Le récit se déroule dans la ville de Nakshar et gravite autour de deux personnages, Irawan, un des maitre architecte détenteur de ce fameux pouvoir appelé trajection et sa femme Ahilya archéologue. Architectes et maitres architectes forment une caste élitiste au sein d’une population de techniciens et d’ingénieurs qui convertissent l’énergie de la trajection en technologies du quotidien. La position dominante des premiers est d’ailleurs une des sources de la brouille au sein du couple. Ces désaccords parcourent tout le roman, à tel point que, turbulences sur terre et turbulences au sein du foyer, j’ai cru, avant même d’évoquer Le château dans le ciel de Hayao Miyazaki ou Les Villes nomades de James Blish revoir Typhon sur Nagasaki, curiosité cinématographique française des années 50.
L’intrigue démarre par une expédition terrestre commanditée
par Ahilya. Les trois protagonistes (elle, son mari
et Oam un apprenti) atterrissent en pleine rage (c’est-à-dire une tempête,
pas de panique un glossaire est fourni). Irawan doit fournir des efforts
insensés de trajection pour sauver sa femme, abandonnant contre sa volonté Oam
à la furie des éléments. Dès lors plusieurs questions se posent. Pourquoi les
alarmes n’ont-elles pas prévenu le trio de l’imminence d’un danger ? Le sauvetage
héroïque d’Irawan ne l’a-t-il pas conduit à céder à l’Extase, c’est-à-dire
à une perte de contrôle de ses facultés, un délit puni par une castration
chimique de celles-ci ? Ou bien, un évènement extérieur, une résonnance, a-t-elle
interféré avec les protocoles habituels ?
Le worldbuilding des Survivants du Ciel
séduit. Une civilisation, ou ce qui l’en reste, fonctionnant à « l’énergie
spirituelle », un univers où chaque chose recèle une conscience. Il y a le
Nerval des Vers dorés ici et comme remarqué par L’épaule d’Orion,
de l’hindouisme, à preuve le radra, l’arbre-cœur au sein de cités
volantes. Même si les joutes verbales d’Irawan et Ahilya agacent un peu à la
longue, on se plait à lever les yeux sur cette fantasy, parce qu’en bas en ce
moment, c’est pas terrible.

20 commentaires:
"(...) se réfugiant dans des cités de feuilles et d’écorces qu’ils soumettent à leur pouvoir. Ils lévitent ainsi dans les nuages et s’autorisent entre deux séismes à quelques atterrissages sur le sol natal réduit à une jungle (...)"
Promesse tenue. Merci. Hâte de le lire.
Ahilya, quand commence cette histoire, parle à une fougère. Elle veut dessiner les signes qui apparaissent dans la poussière quand les rages de la terre s'annoncent. Et pour cela, les fougères doivent s'ouvrir...
Ce sont des plantes dont les feuilles bougent, j'avais appris cela...
Des fougères... Pendant mes études de botanique j'aimais tant dessiner des fougères. C'est une lignée de plantes très anciennes, déjà présentes sur la terre bien avant que l'homme n'apparaisse.
Ainsi, dans une même première page je me trouve près d'une jeune femme qui dessine et qui parle aux fougères. Que cherche-t-elle dans la poussière, quels signes alors que des rages de la terre vont commencer ?
Et ce billet mystérieux dévoile bien des surprises. Des plantes dans des cités de feuilles et d'écorces pour accueillir les hommes...
Ce poème de Nerval est envoûtant...
Questions et constats prosaïques au nouveau billet.
1- Qu'est-ce qu'une trajection ?
2 - "Connaissez-vous dans votre entourage une personne qui parle à ses plantes ?"
Oui, une voisine vivant seule depuis son veuvage, dont la maison est emplie de fleurs et de plantes soigneusement entretenues grâce au dialogue permanent dont elle les nourrit tous les jours. Elle vit dans notre monde 'pré-apocalyptique', est toujours fière de montrer son monde végétal à qui veut bien ne pas broncher quand elle leur parle. Elle n'est pas folle, mais elle est très sage. Je crois qu'elle n'a jamais lu de livres de science-fiction. Mais ne parlons-nous pas tous aux plantes que nous élevons avec amour, observant les remerciements qu'elles nous adressent face aux musiques que nous leur diffusions auxquelles elles sont plus sensibles que d'autres en leur épanouissements. Nous n'osons pas l'avouer, à la différence de nos dialogues avec les bêtes. Mais c'est une pratique assez répandue, je crois. Le meilleur pour vous.
JJJ, grande est votre écoute des autres. Elle est
Je ne parle aux plantes qu'en les dessinant, longuement, attentivement. J'ai dans ma mémoire tant d'écorces, de racines, de branches. Le feuillage, c'est plus difficile. Cay bouge tout le temps ! Mais une feuille, une tige, oui.
J'ai vu Le château dans le ciel que ique Soleil vert dans ce billet. C'était tellement évident ce monde flottant. On oublie que notre Terre est un vaisseau flottant....
Elle est troublante votre voisine qui parle aux plantes
Hayao Miyazaki .... Je me souviens de la scène, tout au début du film, où l'enfant, flotte, doucement dans le ciel dans une ambiance bleutée, douce, poétique. Quelle féérie... Un film onirique où tout devient naturel comme un château derivant dans le ciel.
Le même pas nous est demandé pour entrer dans le monde flottant et végétal de Kritika H. Rao.
D'après ce que je comprends dans les vingt premières pages, archéologues (Ahilya) et architectes (Irawan) ne s'entendent pas. Seuls les architectes ont ce pouvoir de trajection (trajecter). Une sorte de pouvoir sur les écorces et les feuilles qui sont omniprésentes dans cette ville flottante de Nakshar .
Donc, il y a de la brouille dans le couple Ahilya / Irawan...
Ahilya a une grande curiosité intellectuelle. Irawan a envie de pouvoir, d'honneur.
Enfin, c'est une esquisse. Les architectes, quand ils utilisent leur pouvoir ont la peau luminescente, parcourue de volutes bleues.
C'est étrange car les fougères ont pour certains peuples d'Amérique latine le pouvoir de refléter la lumière de la lune, la nuit.
Il y a rencontre de légendes et d'imaginaire dans les premières pages de ce roman.
"La fougère est au cœur d’une légende maori, la légende de Rahi. On pourrait aussi les nommer « les fées de la forêt » « Patupaiarehe » puisque la femme de Rahi, enlevée par une tribu rivale, Ti Ara, releva tout le long de son chemin dans la forêt, les feuilles vertes de fougères, fluorescentes, pour montrer le chemin à son mari. On appelle cette fougère la « silver-Fern » ou Ponga. Le tronc droit est long et la fougère fait comme un parasol ou un palmier. Le tronc de cet arbre servait aux Maoris à construire leurs maisons ; le feuillage pour la literie, la sève à des fins médicinales et ses pointes pour fabriquer des petites lances. Et les maoris lors des nuits de pleine lune retournaient les feuilles pour retrouver leur chemin."
https://kaleidoscope-travel.blog/2024/05/03/le-koru-la-fougere-neo-zelandaise-une-legende/
Autre possibilité : "Ces cités végétales seraient maintenues en lévitation grâce à la trajection, une magie que les architectes sont les seuls à maîtriser."
(Albin Michel l'éditeur)
Que sait-on de l'auteur Kritika H. Rao ? Nom ou pseudo ?
Beaucoup de détails dont les vêtements, les particularités physiques des personnages, un système de castes entre les architectes et les citoyens sous-classés dont Ahilya, , des sortes de tabous entre les uns et les autres font penser à l'Inde..
Bon, je reprends cette lecture interrompue par l'arrivée impromptue du nouveau billet de SV sur "Les contes de Terremer" d'Ursula Le Guin. Ouvrage que je ne connais pas mais qui m'a rappelé une lecture lointaine d'elle dans les années 70, lecture appartenant à ses combats féministes mais déjà empreinte d'une grande beauté et d'une philosophie taoïste.
Les querelles du couple Ahilya, Iravan occupent beaucoup de place, trop de place. On perd peu à peu l'originalité de la proposition : villes végétales flottantes pour des reproches de elle à lui, de lui à elle, exprimés à un tiers ou pensés. C'est dommage.
Il y a trop de décalage avec l'écriture d'Ursula Le Guin. Je trouve l'écriture de Kritika H Rao banale, oscillant entre le langage parlé (adolescent) et la langue écrite un peu mollassonne. Mais c'est peut-être amplifié par la traduction. A vrai dire ce livre ne m'emballe pas. Je vais donc aller vers Les contes de Terremer d'Ursula Le Guin.
Ce que je préfère sur cette page : le poème de Nerval et la façon dont vous présentez ce livre. J'aurais bien aimé que vous l'écrivez, ce conte. Il y aurait moins de parlottes entre Ahilya et Iravan et beaucoup plus de rêves dans cet espace où flottent des planètes étranges couvertes de plantes. Il n'y aurait pas la suprématie de la caste des architectes, juste une amitié entre les plantes et les hommes. Il y aurait des chats partout par ce que vous les aimez et de vastes espaces pour accueillir tous vos livres. Pour le reste vous inventeriez tout ce que j'aimerais découvrir dans un roman de science-fiction lumineux, poétique, en paix avec les plantes, les bêtes, les humains. Les étoiles et la lune verseraient sur ce monde flottant une lumière bonne pour les fougères. (Ça ça m'a plu !) Il suffirait de les frôler pour que, déroulant leurs feuilles, elles éclairent le monde.
Bon, je retourne chez Le Guin - mais quand même vous y allez un peu fort, 1800 pages !!!
Je crois que Irawan s'écrit avec un W...
que vous l'ecriviez
J'espère ne pas vous avoir blessé, S.V. Vous étiez si content d'avoir trouver ce livre. Le thème me plaît, le début aussi mais je trouve dommage que cette histoire mal ficelée entre elle et lui occupe peu à peu tout l'espace. J'attendais autre chose de plus poétique de ces planètes feuillues dérivant dans l'espace. Autre chose du lien plante-homme.
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