samedi 20 septembre 2025

Les Survivants du Ciel

Kritika H. Rao - Les Survivants du Ciel - Albin Michel Imaginaire

 

Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant : ...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
"Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !

Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie
A la matière même un verbe est attaché ...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !

Gérard de Nerval - Vers dorés

 

Connaissez-vous dans votre entourage une personne qui parle à ses plantes ? Ne vous moquez pas ! Dans le premier tome de sa saga des « rages » l’écrivaine Kritika H. Rao propose au lecteur de découvrir un univers végétal post apocalyptique. Les humains ont trouvé le moyen de quitter une Terre en furie en se réfugiant dans des cités de feuilles et d’écorces qu’ils soumettent à leur pouvoir. Ils lévitent ainsi dans les nuages et s’autorisent entre deux séismes à quelques atterrissages sur le sol natal réduit à une jungle. Nous n’en saurons pas plus dans ce volume sur les évènements catastrophiques à l’origine de ce nouveau monde.


Le récit se déroule dans la ville de Nakshar et gravite autour de deux personnages, Irawan, un des maitre architecte détenteur de ce fameux pouvoir appelé trajection et sa femme Ahilya archéologue. Architectes et maitres architectes forment une caste élitiste au sein d’une population de techniciens et d’ingénieurs qui convertissent l’énergie de la trajection en technologies du quotidien. La position dominante des premiers est d’ailleurs une des sources de la brouille au sein du couple. Ces désaccords parcourent tout le roman, à tel point que, turbulences sur terre et turbulences au sein du foyer, j’ai cru, avant même d’évoquer Le château dans le ciel de  Hayao Miyazaki ou Les Villes nomades de James Blish revoir Typhon sur Nagasaki, curiosité cinématographique française des années 50.


L’intrigue démarre par une expédition terrestre commanditée par Ahilya. Les trois protagonistes (elle, son mari et Oam un apprenti) atterrissent en pleine rage (c’est-à-dire une tempête, pas de panique un glossaire est fourni). Irawan doit fournir des efforts insensés de trajection pour sauver sa femme, abandonnant contre sa volonté Oam à la furie des éléments. Dès lors plusieurs questions se posent. Pourquoi les alarmes n’ont-elles pas prévenu le trio de l’imminence d’un danger ? Le sauvetage héroïque d’Irawan ne l’a-t-il pas conduit à céder à l’Extase, c’est-à-dire à une perte de contrôle de ses facultés, un délit puni par une castration chimique de celles-ci ? Ou bien, un évènement extérieur, une résonnance, a-t-elle interféré avec les protocoles habituels ?

 

Le worldbuilding des Survivants du Ciel séduit. Une civilisation, ou ce qui l’en reste, fonctionnant à « l’énergie spirituelle », un univers où chaque chose recèle une conscience. Il y a le Nerval des Vers dorés ici et comme remarqué par L’épaule d’Orion, de l’hindouisme, à preuve le radra, l’arbre-cœur au sein de cités volantes. Même si les joutes verbales d’Irawan et Ahilya agacent un peu à la longue, on se plait à lever les yeux sur cette fantasy, parce qu’en bas en ce moment, c’est pas terrible.  


2 commentaires:

Christiane a dit…

"(...) se réfugiant dans des cités de feuilles et d’écorces qu’ils soumettent à leur pouvoir. Ils lévitent ainsi dans les nuages et s’autorisent entre deux séismes à quelques atterrissages sur le sol natal réduit à une jungle (...)"

Promesse tenue. Merci. Hâte de le lire.

Christiane a dit…

Ahilya, quand commence cette histoire, parle à une fougère. Elle veut dessiner les signes qui apparaissent dans la poussière quand les rages de la terre s'annoncent. Et pour cela, les fougères doivent s'ouvrir...
Ce sont des plantes dont les feuilles bougent, j'avais appris cela...
Des fougères... Pendant mes études de botanique j'aimais tant dessiner des fougères. C'est une lignée de plantes très anciennes, déjà présentes sur la terre bien avant que l'homme n'apparaisse.
Ainsi, dans une même première page je me trouve près d'une jeune femme qui dessine et qui parle aux fougères. Que cherche-t-elle dans la poussière, quels signes alors que des rages de la terre vont commencer ?
Et ce billet mystérieux dévoile bien des surprises. Des plantes dans des cités de feuilles et d'écorces pour accueillir les hommes...