Léo Henry & Jacques Mucchielli - Yama Loka Terminus - L’Altiplano/Dystopia
Très récemment offert par Dystopia dans le cadre de l’Opération Bol d’Air, Yama Loka Terminus, conçu en 2008 par Léo Henry et le regretté Jacques Mucchielli, offre en miroir à nos journées carcérales actuelles, la vision d’un univers délétère et désespéré, le nôtre peut- être demain. Le titre de ce recueil de 21 nouvelles désigne le nom d’une station ferroviaire de la ville de Yrminadingrad. Lieu dystopique par excellence, la cité portuaire située dans une Russie imaginaire est en guerre contre un pays tout aussi imaginaire la Mycrønie. Evoquant un anti-Vermillion Sands mais aussi la trilogie de béton de J. G. Ballard, les récits croquent des lieux improbables où des personnages en proie à la déréliction errent dans des labyrinthes existentiels et rêvent de fuite. Rien d’exotique ici, on est plutôt dans le sillage revendiqué du post-exotisme d’un Antoine Volodine.
Sacrifiant beaucoup à une forme d’écriture expérimentale Yama Loka Terminus offre des textes pleinement réussis comme Cheval cauchemar, Pøwer Kowboy, Au-delà il n'y a que le ciel, ...toutes les flammes sont égales... Demain l'usine. Le premier, à travers la figure d’un cheval cloitré dans une cave et participant à des courses sur l’asphalte, incarne une forme de perversion. Le second raconte la fuite d’un gosse dans l'imaginaire. Dans le suivant, très légèrement inspiré de L’écume des jours, un couple ne cesse de déménager pour laisser place à des cercueils mortuaires qui envahissent progressivement les appartements de leur immeuble. Le quatrième vaut surtout par son écriture. Un patient interné vend ses cauchemars au psychiatre censé le soigner. On pense au Syndrome du scaphandrier de Brussolo et à Antonin Artaud. Il y a un manifeste surréaliste :
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« Il n’est pas
de naissance sans destin,
La vie est
étonnamment brève,
La nécessité
est un mensonge,
Le rêve est
un océan.
Le réveil
est toujours mortel. »
Enfin Demain l'usine pousse la logique productiviste jusqu’à l’absurde : un atelier construit des pièces qu’un autre est chargé de détruire.
Ces photos de moi que l'on n'a jamais prises, Clair de lune, chienne de ville, La Pluie, extérieur jour ne déméritent pas non plus et racontent l’odyssée d’individus perdus dans des environnements délabrés ou des trips mortifères. Bienvenu dans une mythologie de la souffrance, qui à l’heure où j’écris ces lignes, commence à franchir les portes du réel.
3 commentaires:
Oh purée, ça fait des années que j'ai envie de le lire, va vraiment falloir que je m'y mette. Merci pour la piqûre de rappel.
"un pays tout aussi imaginaire la Mycrønie"
Si on remplace le "y" par un "a"...c'est troublant !
Manu : oh que oui !
ED : ça m'a démangé, mais vraiment démangé :) :)
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