samedi 15 septembre 2018

Les chaines de l’avenir


Annalee Newitz - Autonome - Denoël Lunes d’encre







2144 : à la suite de bouleversements environnementaux ayant mis en péril l’agriculture, les Etats de la Terre regroupés en Fédérations investissement massivement dans la biotechnologie et la bio ingénierie. Dans ce monde futur ultracapitaliste qui voit les plus démunis tomber en esclavage, les avancées scientifiques ne profitent pas au plus grand nombre. Jack Chen, ancienne militante antibrevets et chercheuse mise au ban, synthétise des médicaments couteux qu’elle distribue aux populations défavorisées. Mais l’un de ses produits, dérivé du Zacuity, censé accroitre la productivité dans les entreprises, provoque des addictions mortelles chez leurs utilisateurs. Une course de vitesse s’engage alors entre l’héroïne et deux tueurs lancés par les autorités à ses trousses. Jack Chen aura-t-elle le temps de prouver sa bonne foi en dénonçant la malfaisance de la molécule originelle ?


Essayiste et journaliste, Annalee Newitz signe là un premier roman qui ne manque pas d’intérêt. On discerne quelques réminiscences de Blade Runner, de Robocop (pour le personnage de Paladin) et d’Outland (la drogue au travail). L’aspect le plus inquiétant d’Autonome réside dans la vision esquissée d’un monde où une partie de la population s’adonne à des substances plus ou moins licites, tandis que l’autre, humains ou robots ou robots organiques, subit l’asservissement. L’asservissement est une version futuriste de l’esclavage dans laquelle les maillons chimiques de la dépendance remplacent les antiques chaines de fer. Ceux qui s’affranchissent de ce destin d’animal domestique, deviennent autonomes, c'est-à-dire libres.


Le récit s’articule autour des personnages de Jack Chen et de ses poursuivants. L’histoire de la fugitive prend peu à peu forme au travers de flash-backs, depuis l’époque héroïque de sa lutte contre les lobby pharmaceutiques détenteurs monopolistiques des brevets, aux côtés de son mentor et amant Kirsh, puis la narration de ses combats solitaires, les rencontres de Troized, un humain asservi, et de Med une biorobote. Le couple de tueurs formé par l’humain Eliasz et Paladin, une robote muni d’un cerveau organique, déçoit. Paladin fait pâle figure comparativement à Robocop. Dans le roman de Newitz, la relation homme-machine est poussée dans ses derniers retranchements. L’auteur a sans doute voulu passer un message de tolérance et d’universalité : l’amour s’affranchit des codes et des genres. Soit.


Autonome est un thriller maitrisé mais pas étincelant. A l’image de Michel Houellebecq qui prophétise dans Soumission l’abandon du libre-arbitre au profit du religieux, Annalee Newitz dévoile les chaines de l’avenir. Le combat pour la liberté, prochain enjeu des sociétés futures ? Mention spéciale à la traduction limpide de Gilles Goulet dont on extraira un « gambit conversationnel » à réserver aux soirées branchées.





PS : Le sur-titre Les chaines de l’avenir est tiré d’un roman de P. K. Dick

2 commentaires:

Le Maki a dit…

Il est dispo à la médiathèque du coin. Je vais essayer pour me faire mon propre avis, beaucoup d'avis mitigé mais il m'intrigue.

Soleil vert a dit…

Moins bon que le Al Robertson (station la chute) mais ça reste une vision du futur