lundi 25 mars 2024

Les Déserteurs temporels

Robert Silverberg - Les Déserteurs temporels - Le Livre de Poche

 

 

 

 

Terre Vingt-Cinquième siècle : le citoyen de Septième Classe Quellen s’octroie quelques moments de détente dans une résidence secondaire illégale au Congo. Quelques instants arrachés, non sans risques, à un monde citadin surpeuplé, étouffant, irrespirable au sens propre puisque chaque habitant, chaque famille dispose dans son réduit d’habitation d’une petite aération fournissant à prix d’or quelques molécules d’oxygène. Bureaucrate rattaché à un secrétariat aux affaires criminelles, Quellen jouit d’une situation relativement privilégiée à l’inverse de son beau-frère, père de deux enfants, chômeur et citoyen de Quatorzième Classe. On ne meurt pas de faim dans ces temps futurs. On éteint tout doucement ses rêves à force de drogue, de dérivatifs avant de s’éteindre soi-même.


 

Or un nouvel espoir surgit qui inquiète les instances dirigeantes des deux Premières Classes et fait vaciller l’ensemble. Un individu propose à tout un chacun de s’évader dans le passé. Promesse d’autant plus sérieuse qu’elle est tracée dans les livres d’histoire. Les autorités chargent Quellen d’enquêter et de retrouver le concepteur de la machine temporelle, tout en restant indécis sur les mesures à prendre : stopper un saut temporel n’est-ce pas modifier une histoire déjà écrite et par voie de conséquence le présent ?


 

Comme l’indique Fréderic Jaccaud dans la revue Bifrost 49, Les Déserteurs temporels paru en 1967 annonce des thématiques d’ouvrages futurs de Robert Silverberg, les « espaces inhabitables » des Monades urbaines, les fuites (ou plutôt les expulsions temporelles) des Déportés du Cambrien, l’avènement d’autocrates tel Gengis Mao de Shadrak dans La Fournaise etc. Des courts romans parfois très remarquablement écrits comme Les ailes de la nuit ou L’oreille interne. La progression du style frappe le lecteur au sein de l’ouvrage, passant de l’acrobatique (page 9 de l’édition Poche) « Il était incapable des contorsions mentales qui permettaient de considérer ce hideux surpeuplement etc. » à des phrases d’écrivain « La nuit venait comme un poing qui se ferme » (page132) ou « Le monde était trop pour lui ; il était trop peu pour le monde » (page 147).


 

Les personnages comme souvent chez Silverberg sonnent juste. Beth et Hélaine sont des Ariane abandonnées par leurs maris au bord du labyrinthe d’un monde sans espoir. Brogg, l’adjoint et maitre chanteur de Quellen, Quellen lui-même endossent le costume des opportunistes. Quant à Lanoy, scientifique féru d’antiquité romaine c’est Silverberg lui-même ouvrant les portes de la fiction à ses lecteurs. Les Déserteurs temporels se lit encore aujourd’hui sans déplaisir.


80 commentaires:

S'Anonyme a dit…

dans mon souvenir, un Silverberg mineur (Chapman emploie les termes de "dreary performance" et de "tired dystopia").
À noter que c'est un roman basé sur une nouvelle de 1956 Hopper (dans le magazine Infinity, un texte inédit en VF et difficile à trouver puisqu'il n'est repris que dans le recueil Next Stop the Stars.

Pierre-Paul Durastanti a dit…

Tsss, il n'y a pas de Silverberg mineur, non mais. ;)
Blague à part, oui, ce n'est pas un grand Silverberg. Ce qui m'intéressait, c'était de lui redonner une chance au sein du petit omnibus que j'ai fait au Bélial' (Time opera) en l'appariant avec un livre sur la même thématique pour lequel j'ai une vraie tendresse, Les temps parallèles.

S'Anonyme a dit…

une précision supplémentaire, d'après RS lui-même (dans sa préface à Next Stop the Stars dans la version 1977 du recueil), ce texte (la nouvelle) a été écrit en 1954 et a été refusé par les principaux magazines...

Christiane a dit…


J'aime beaucoup ces deux citations :
"La nuit venait comme un poing qui se ferme » (page132) ou « Le monde était trop pour lui ; il était trop peu pour le monde » (page 147).

Soleil vert a dit…

Le coup des Oreilles internes pour l'espionnage rooooo ...

S'Anonyme a dit…

PPD :
"Tsss, il n'y a pas de Silverberg mineur, non mais. ;)"

je dois facilement pouvoir faire une liste.. (qui a dit Revolt on Alpha C, Stepsons of Terra ou The 13th Immortal, voire le plus récant Vance-like The Longest Way Home ?

(mais bon, au vu de l'avatar de notre hôte, je vais éviter)

Soleil vert a dit…

Merci S'Anonyme :)
Par contre pour Glissement vers le bleu, vous pouvez vos lâcher

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…


Merci pour la récréation... Il faut s'aérer la boite un brin de temps à autre, en attendant le Shibumi.

Christiane a dit…

Déserteur temporel... Ça fait rêver ou rêvasser...

Anonyme a dit…

Pas de Silverberg mineur? Certain Homme dans le Labyrinthe donne en tous cas cette impression là…. MC

Anonyme a dit…

Rêver ou rêvasser. Bon résumé du problème Silverberg…. MC

Christiane a dit…

Reprenant la lecture du roman de Trevanian, "Shibumi", je me demandais si les auteurs de science-fiction qui utilisent un langage inventé comme lui, ont une même façon d'inventer ce langage ? Une étude a-t-elle été faite à ce propos ? Y a-t-il des spécialistes étudiant la façon dont ces langues sont construites autant dans les romans que dans les films ?
Qu'apportent-elles aux oeuvres ? Ce qui est intéressant c'est quand elles sont traduites comme dans ce roman et comment.

Jim a dit…

Mineur ou pas, ce roman me promet suffisament sur le plan thématique pour me tenter.
Je le lirai à l'occasion.

Merci pour cette chronique, Soleil vert !

Jim a dit…

Oups ! "sur le plan thématique et stylistique"

Soleil vert a dit…

Rêver ou rêvasser. Bon résumé du problème Silverberg…. MC

tss tss MC

Merci Jim !

Christiane a dit…

Formidable préface de Gérard Klein au tome 1 du "Quatuor de Jérusalem. (Le codex du Sinaï), notamment dans ces lignes qui m'évoquent des commentaires récents de Soleil vert.
"Certaines oeuvres, certains romans mais aussi des nouvelles, échappent au domaine de la science-fiction, si extensive que soit la définition qu'on donne à cette espèce littéraire.
Cependant, elles semblent par construction destinées surtout aux lecteurs de science-fiction, voire parfois à eux seuls, tant elles échappent aux conventions habituelles de la littérature dite générale. Elles développent une sorte d'élaboration rationnelle poussée jusqu'aux frontières de l'absurde, voire du délire paranoïaque, tout en s'affirmant avec une jubilation ironique comme de la fiction.
En d'autres termes, elles renoncent avec allégresse aux séductions du mentir-vrai, de la vraisemblance et de la copie plus ou moins conforme de la réalité commune, pour exalter les saveurs plus fortes de l'invention débridée, de l'histoire énorme..."
C'est très pertinent.

Anonyme a dit…

Le sacrifice final du spéléologue basque, ami du héros de Nicolai Hel est, à mes yeux, le plus beau passage d'une amitié à toute épreuve de ce magnifique et increvable roman d'espionnage hors norme.
J'espère que vous en conviendrez dans la prochaine kronik, SV. J'en nourris quasi comme de l'impatience,
Bàv,

Anonyme a dit…

Il s'appelait Bernat le Cagot (avec un tilde sur le n)? @ bintôt. MC

Anonyme a dit…

Le dernier commentaire, quoique signé MC , n’est pas de moi. Pour Silverberg, SV excusez moi de ne pas mentir! MC



Christiane a dit…

Quand j'écris : "Déserteur temporel... Ça fait rêver ou rêvasser...", je pense que dans ces deux activités nous faisons l'expérience d'un décalage temporel et non une évaluation quelconque d'une lecture du livre de Silverberg proposé par SV.
Par ailleurs, le commentaire signé MC (qui n'est pas de MC) ne trompe personne pour qui connait la façon de s'exprimer de MC. L'écriture fait plutôt penser dans le jeu de l'orthographe se rapprochant de la phonétique et par l'humour au style de JJJ.
Quoi qu'il en soit je trouve inquiétant qu'un visiteur puisse aussi facilement emprunter la signature d'un autre commentateur de ce blog. Ce
St une question d'éthique.

Christiane a dit…

c'est

Janssen J-J a dit…

Le dernier commentaire est de JJJ. "@ bintôt MC" voulait signifier : je vous dis à bientôt MC, Désolé... l'Anonyme avait oublié de signer de son pseudo habituel.
Je souhaite à tous.tes une bonne journée de science fiction, vivre dans le feu par exemple, comme nous le suggère Antoine Volodine, en son 46e roman avant fermeture définitive au 49e.
Bàv (bien à vous).

Soleil vert a dit…

Vous ne savez pas d'où vient L'homme dans le labyrinthe MC, donc vous ne pouvez l'apprécier.

Christiane a dit…

Alors vous, JJJ, vous êtes reconnaissable ! Toujours aussi farceur !
Ceci dit la lecture du roman de Trevanian, "Shibumi" est passionnante mais complexe par ses allusions à la politique des États-Unis en matière de contre-espionnage (CIA). Le personnage principal, Nicholai Hel, a une belle épaisseur psychologique, celle d'un héros ambigu capable de courage, de ruse, de violence, de maîtrise de soi, d'action et de sagesse méditative.
La construction du roman suivant six phases du jeu de Go donnent un plaisir supplémentaire à cette lecture. Les chapitres portent en titre ces phases : Fuseki,Sabaki, Seki, Uttegae, Shicho, Tsuru no Sugomori. Ces étapes sont expliquées en début de roman.
Quatre hommes dont Le Cagot sont en rapport avec la réalité.
Trevanian est un conteur doué maniant une langue raffinée ou très crue, voire mordante.
Je préfère terminer ce roman avant d'en aborder un nouveau.

Le Fou parle a dit…

Vous aurez de quoi nourrir le débat shibumiste avec greensun... La perspective devrait en être passionnante pour nous autres, téléspectateurs déjà confortablement installés avant le lever du rideau. Nous avons tous pensé à éteindre nos smartphones et à ne pas prendre de photos durant le spectacle. Bàv, jjj

Anonyme a dit…

Il n'avait jamais dû valider autant de camions, de motos et de feux rouges pour pouvoir entrer dans l'en-faire de dante, ces derniers temps. Le soleil vert protège de mieux en mieux ses rayons... mais ses yeux en prirent un sacré coup. Bàl,

Christiane a dit…

Oui ce sera un grand bonheur , JJJ, d'autant plus désiré que ce roman par ses mille facettes me transporte dans tant de mondes différents .
Là je suis avec Nicholai Hel et son truculent ami le Cagot (qui n'a pas la langue dans sa poche) dans une énorme
caverne où ils descendent en rappel car ils sont passionnés de spéléologie.. Hélas , un éboulement les arrête. Alors ils remontent, trente mètres d'ascension.
Vous voyez, JJJ, où mène le contre-espionnage ! C'est un plaisir fou d'avancer dans ce rêve baroque. Un conte, une histoire secrète, des personnages étonnants. C'est une autre réalité dans laquelle je glisse, qui m'emporte au coeur de cette caverne.
Qu'adviendra-t-il page 266 ? Aucune idée. ..
Je pense que "Greensun" va éclairer tout cela magistralement....

Christiane a dit…

J'aime bien qu'ils affrontent à ma place ce labyrinthe chaotique, cette peur d'être pris au piège et que tout s'écroule. Cette peur de tomber dans le noir, de s'y perdre. Peur d'être sous terre.
Nicholai Hel et Benat Le Cagot font équipe depuis seize ans pour explorer ces grottes inconnues Le Cagot descendait toujours le premier....

Soleil vert a dit…

Hé la traductrice : dans l'édition Totem on parle de Shangaï lieu de naissance de Nicholai Hel et de la facade de Sasson House. Non il s'agit de Sassoon House

Christiane a dit…

Oh la la, des Shunga se glissent vers la page 300. C'est beau tout cet érotisme.
Vraiment ce Shibumi est un art complet....

Christiane a dit…

Ce roman par son atmosphère m'évoque un film deJim Jarmusch, Ghost Dog, que j'ai beaucoup aimé (BO incluse) qui mêle une atmosphere de films de samouraïs, une poésie planante et celle d'un polar américain. Ici aussi, dans ce roman, un mélange poetique et tragique, un héros fatigué qui s'est retiré de la violence pour se consacrer à la spéléologie, au jardinage. Recherchant la paix du Shibumi. Roman allégé par la désinvolture de son ami Bernat Le Cagot.
Arrive donc cette Hannah Stern, seule rescapée d'un groupe antiterroriste, poursuivie par des tueurs.... Jeune femme dont l'oncle a sauvé la vie de Nicholai Hel quelques années auparavant. Une dette de coeur. Qu'attend -elle de lui ? Que peut-il pour elle ?

Christiane a dit…

Soleil vert, je vous dois ce temps de ravissement. Plongée dans la lecture de ce roman un peu bizarre, pas très sérieux de ton. Très bien écrit en alternance avec des passages plutôt salés dûs aux interventions de ce personnage insolite Benat Le Cagot, un homme de la cinquantaine, sportif, filou, lettré, parlant avec force jurons, manifestant une amitié dévouée pour Nicolas Hel.
Ce dernier, vous me direz ce que vous en pensez, on ne sait que peu de choses de sa vie d'avant. Je suppose une sorte d'aventurier solitaire menant des actions punitives partout dans le monde. Bref, des personnages que je n'ai pas l'habitude de fréquenter dans ma bibliothèque. Et puis cette sorte de philosophie, le Shibumi liant beauté, sagesse, code de l'honneur, expérience en arts martiaux.
Presque un conte de cape et d'épée si ne s'y glissait l'attentat bien réel des jeux de Munich et ce groupe antiterroriste qui poursuivait les assassins.
Au passage un regard critique sur les us des citoyens des Etats Unis. Une peinture réaliste, caustique, argumentée.
Alors, dites-moi, Soleil vert, pourquoi je prends tant de plaisir à lire ce roman ? Une joie me libérant des problèmes philosophiques d'autres ouvrages. Je m'amuse, goûte les mots comme s'il étaient un festin. De plus je me moque complètement de cette histoire cousue de fil blanc. C'est l'écriture, ce tissu de mots qui me réjouit. J'ai hâte de lire vos impressions. Elles seront, je suppose, concises et foudroyantes comme d'habitude. Vous n'aimez pas vous répandre ! ( Je le fais pour deux !). Pas de chance, c'est tombé sur votre blog...
Qu'est-ce que c'est bien !

Anonyme a dit…

ce matin, j'adore sa générosité et enthousiasme de lectrice. Impatiente et incroyable, parfois on aimerait bien l'embrasser. D'autres fois, non. Aujourd'hui, ô oui, ma mie.
Il faut bien reconnaître que le Christ a beaucoup souffert pour nous autres, et permis au blog de SV d'exister. Oui, c'est tombé sur elle. Pas de lézards. Evidemment, poussé à la roue par l a Horde du Contrevent, la tâche du SV va être un brin plus plus difficile que prévu...
Mais va s'en tirer, pas trop de soucis... hein, hein ? (JJJ)

Christiane a dit…

Coucou, JJJ. C'est bon de vous lire de bon matin. Aussi vif que le merle qui m'enchante quand il se pose furtivement sur la cheminée d'en face.
Bonne journée.

Anonyme a dit…

Argument sophistique: on ne pourrait apprécier que les romans dont on sait d’où ils viennent, SV??? MC

Christiane a dit…

Ah ça c'est intéressant.
Page 388.
Comment Nicholai est vu par un autre personnage, De Lhandes :
"Vous êtes l'antihéros médiéval.
Hel sourit.
- L'antihéros médiéval ? Seigneur ! Qu'est-ce que cela signifie ?
- (...) Cela tient à votre origine japonaise - je veux dire votre culture japonaise. Seul le Japon a connu une époque classique et médiévale à la fois. En Occident, la philosophie, l'art, l'idéal politique et social, tout se rapporte à des périodes précédant ou suivant le Moyen Âge, la seule exception étant le glorieux pont élevé vers Dieu qu'est la cathédrale. Seul le Japon a mêlé la période féodale à la période philosophique. "

Anonyme a dit…

Pas faux, d’ailleurs ce « classique et médiévale à la fois »…

Anonyme a dit…

Pour le féodal et le philosophique, il faudrait voir…

Christiane a dit…

Je viens de finir le roman. Éblouissantes ces dernières pages.
Tout y est : aventure, suspens, émotion, tristesse, philosophie du Shibumi, une fin rayonnante de beauté et de bonté qui laisse l'esprit du lecteur en repos comme d'être dans le jardin de Nicholai Hel pour écouter la pluie sur le gravier, les pierres,les feuillages, le contrepoint du ruisseau.
Je vois Nicholai agenouillé devant la table laquée face à Benat, près de Hana enveloppée d'un kimono molletonné... enfin chez lui... après tant d'années d'errance.
Transfiguration...
Nicholai Hel a donc conservé noblesse et dignité dans l'adversité. Sa présence émouvante dans ces dernières pages brille d'une étrange beauté, celle qui vient de l'âme, du cœur .
"Une fois déconnecté du futur, le passé n'était plus qu'une suite insignifiante d'événements mineurs, ni puissants ni douloureux."

Une attitude qui laisse son cœur vide car habité par la vacuité comme l'intérieur du bambou.
Qui avait parlé de grâce récemment ? Le degré suprême de la beauté et de la bonté réunies, oui...

Christiane a dit…

Maintenant, j'attends que Soleil vert me raconte ce livre. J'écouterai comme autrefois quand les anciens dévidaient leur magique mémoire... Laine d'enfance écheveau de douceur.

Christiane a dit…

"Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l'expliquer à la demande, je ne le sais pas! Et pourtant - je le dis en toute confiance - je sais que si rien ne se passait il n'y aurait pas de temps passé, et si rien n'advenait, il n'y aurait pas d'avenir, et si rien n'existait, il n'y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d'être alors que le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l'éternité.(...)"

Saint Augustin, "Confessions"

Christiane a dit…

Il y a tant de mythes dans ce roman. .. Ainsi celui de la grotte des montagnes du pays basque, matricielle et tombeau. Refuge ou dédale, soumise à la présence de l'eau, et de la boue. Elle au centre de beau roman.
Pas une grotte contenant des peintures rupestres, juste dans le noir qu'éclaire fugitivement la flamme du magnésium, des roches, des goulets, des eaux stagnantes, des éboulis et la peur. Un chemin de hasard dangereux qui passionne Nicholai Hel et Benat, un combat à mort..
Vous ne nous avez pas dit, Soleil vert, ce qui vous a donné envie de nous parler de ce livre, de le lire
Et puis cette montagne par ses phénomènes météorologiques particuliers semble avoir un pouvoir de vie ou de mort pour ceux qui s'y aventurent dont les contrebandiers. Cette sorte de brouillard blanc qui peut troubler l'orientation voire former un mur infranchissable.
Plein de sortilèges, de leurs, de contes transmis à voix basse....
Seul un combat meurtrier dans un avion supersonique, le bel oiseau blanc du Concorde, pourra répondre à la peur de ces profondeurs...
La mort plane du début à la fin du livre, tantôt barbare, tantôt vengeresse et toute aussi violente.
Une issue énigmatique, philosophique , seule, peut donner à ce combat une issue ainsi que la grande poésie d'un jardin de méditation et de ce jeu de go.
Un livre qui déroule son mystère longtemps encore après l'avoir refermé...

Christiane a dit…

leurs ,/ peurs

Christiane a dit…

"Ghost Dog", de Jarmusch, "Le samouraï" de Jean-Pierre Melville, "Shibumi" de Trevanian... Autant de ballades d'êtres solitaires insaisissables, vivant selon les préceptes du "Hagakure", le code d'honneur des samouraïs du Japon médiéval.
Ce sont des histoires -prétextes qui dénoncent la fin d'un monde où des héros se confrontent avec la pègre qui les entoure. Héros entoures d'amitiés indéfectibles. Dans ce roman quel beau personnage que ce Benat Le Cagot.
Et puis, dans le roman de Trevanian , il y a la table sur laquelle repose le jeu de go. Trevanian déplace les pierres lentement....

Ghost Dog, retrouve sa cabane saccagée et décide d'éliminer la bande mafieuse.
Nicholai Hel retrouve son château et son jardin saccagés et décide d'éliminer les crapules terroristes qui sont responsables de ce carnage, de ces assassinats.
Ils ont rendez-vous, au-delà de la mort, avec eux-mêmes, justicers dévoués à un code d'honneur où la loyauté passe avant la survie, à la fois vulnérables, mélancoliques, forts physiquement et spirituellement. Douceur et violence mêlées.

Anonyme a dit…

Hel repris par Don Wislow avec Satori.

Anonyme a dit…

Winslow

Christiane a dit…

https://fr.wikipedia.org/wiki/Satori_(roman)
Ah, merci.

Christiane a dit…

Cela ne m'étonne pas car ces romans ou films sont des seuils, lieux d'arrivées et de départs. Des fictions de l'entr'ouvert... Comme si les prisons étaient à l'extérieur contre une immensité intérieure agrandie par la contemplation et la méditation..
Tardieu écrit :
"Mais au-dedans, plus de frontières !"
J'aime ce personnage, Nicholai y, qui change d'espace extérieur mais pas d'espace intérieur habité par l'immobile et le renoncement.
Et malgré tout ce bruit de batailles, de grandes ondes de silence vibrent dans cette fiction.

Soleil vert a dit…

Remarquable ce bouquin, à mi-parcours

Christiane a dit…

Chic, alors !

Anonyme a dit…

Cette « grotte des montagnes du pays basque «  m’évoque une prison dans un Gouffre d’ Heinlein ou de Simak. L’amusant , si je puis dire, c’est que la prison est bien basque, et contenue dans un gouffre réutilisé…

Christiane a dit…

Maintenant que je vous lis, difficile de ne pas me souvenir des 16 gravures de Piranèse de 1765. Les Prisons imaginaires... Carceri d'invenzione... Eaux fortes et pointes sèches.
Dans une atmosphère de rêve, d'un rêve de pierre, l'abîme enclos, des colonnades, des voûtes, des galeries, des blocs empilés, des vastes salles souterraines, les recoins sombres, des murailles.
Mais ici nulle présence, nul supplice hors la solitude des deux spéléologues. Juste l'enfermement possible... Une chute dans l'abîme dans un monde non construit par les hommes qui se prolonge à l'infini.... Même combat entre la lumière et la nuit. Même obsession de l'emprisonnement.

Christiane a dit…

Sous le billet précédent, JJJ parle de grottes du pays basque....

Anonyme a dit…


@ Cette « grotte des montagnes du pays basque

https://laverna.fr/fr/

en fait, à La Pierre St martin...

(jjj)

Christiane a dit…

Maintenant que j'ai compris et apprécié la fin du roman de Trevanian, "Shibumi", je reprends la lecture au début. Un texte assez violent et cru qui m'avait un peu rebuté.
Sauf la scène filmée que l'on voit à l'envers, un grand moment cocasse et poétique.
En sorte, comme l'écrit Soleil vert, à propos d'un autre livre : c'est le "concepteur de la machine temporelle" qui, tout en restant indécis sur les mesures à prendre : stoppe(r) un saut temporel", modifie(r) une histoire déjà écrite et par voie de conséquence le présent "
Je ne m'en lasse pas :
"... la porte de l'ascenseur s'ouvre et se ferme sur la tête du tueur abattu. L'homme revient à la vie, se relève le long du mur. Le trou dans la paume de sa main se referme, il retire la balle de son dos. Il court en marche arrière, traverse un groupe d'écoliers ; une petite fille se redresse, ondoyant au-dessus du sol, la traînée rouge sur sa robe rentre, comme aspirée, dans son ventre. Le Japonais atteint le hall principal baigné d'une lumière floue, esquive des morceaux de verre brisé qui se rassemblent d'un coup en forme de porte vitrée. Le deuxième tueur se remet sur pied, saisit une arme automatique au vol ; tous les deux courent en arrière et sortent du champ ; un panoramique accéléré découvre un jeune étendu à terre ; le flot de sang remonte à sa hanche. Il se redresse d'un bond, court à reculons, attrapant son sac de montagne au passage. La caméra pivote, se fixe sur le second juste à temps pour voir sa joue se recoller. Il se redresse et le sang reflue dans sa poitrine, la déchirure dans la chemise se répare d'elle-même..."
Un jour de Pâques où est évoquée une résurrection, c'est inouï !

Christiane a dit…

rebutee

Christiane a dit…

C'est un auteur bien mystérieux. A-t-on affaire à un roman d'espionnage ou à sa parodie ? Le relire me permet d'approfondir cette impression.
Ce personnage central, Nicholaï Hel, né à Shanghai en plein chaos de la Première Guerre mondiale, fils d’une aristocrate russe et protégé d’un maître de Go japonais, on le retrouve retiré dans un château mystérieux dans le Pays basque, près de ces montagnes où il s'adonne à sa passion, la spéléogie, avec son ami l'étrange Benat Le Cagot.
Il pourrait rester en dehors du roman si Hannah poursuivie par ces tueurs ne lui demandait de l'aide.
Entre les deux , un lien, ce maître du jeu de Go, qui a accompagné son enfance à Shanghai...

Soleil vert a dit…

Hum cette excursion spéléologique, ventre mou ou pas, je m'interroge ?

Janssen J-J a dit…

ventre mou ou pas???, je m'interroge

du roman Shibumi, vous voulez dire, sa faiblesse ?... pour noyer le pirhana sur "comment s'en débarrasser en vuitesse, de ce personnage encombrant ?...
Dites nous vite, nous brulons d'enregistrer votre opinion sapientiale, elle et moij...
Bàv, SV !

Anonyme a dit…

Il n’ y aurait pas quelques références au Maître du Haut Château, de K Dick, dans la situation initiale, et peut-être plus? Ce qui pourrait dans une certaine mesure rendre compte des effets dits parodiques »? Non pour K Dick lui-même que pour ces effets de reprises qui semblent être incessants si j’en crois Christiane. MC

Anonyme a dit…

La reprise en elle même pouvant s’avérer parodique, bien évidemment.

Christiane a dit…

Peut-être me suis-je mal exprimée mais ce n'est pas la parodie qui marque ce roman.
Bien sûr il y a aussi un château où vit de façon solitaire, enfin presque, un homme pas ordinaire.
Mais il n'y a pas d'inversion des événements historiques quant aux jeux de Munich et à l'assassinat des sportifs israéliens par des terroristes.
Le roman, Soleil vert mettra tout cela au clair, est construit sur la rencontre d'Hanah la fugitive et de Hel le justicier. Le décor est très beau : le pays basque pyrénéen avec des hauteurs sauvages, ces grottes.
Soleil vert a raison quand il parle de "ventre mou" à propos du très long passage dans la grotte qui met en veilleuse les poursuites sanglantes du roman. Je n'ai beaucoup aimé tous ces tueurs, ces assassinats, ces mines patibulaires, ce sang, cette violence.
A chaque échappée du récit principal je me reposais de récit violent sans concession où le bien et le mal s'affrontent d'une façon manichéenne.
Par ailleurs ce justicier n'est pas très net ayant commis lui-même pas mal de crimes.
Aussi je privilégiais le hors texte, le hors roman d'espionnage, justement ce qui se rapporte à la nature, à la culture japonaise du héros, au jeu de go, aux longs passages philosophiques, à ce sens de Hel lui permettant de sentir l'approche des gens par des vibrations un peu surnaturelles, tout ce qui teinte ce roman d'espionnage de poésie, d'amitié (très beau personnage de Benat Le Cagot et belle présence d'Hana, la compagne de Hel).
Je n'ai pas trop apprécié la représentation caricaturale de la CIA et de la Mother qui ne peuvent que donner des personnages antipathiques et inintelligents.
L'histoire qui en nait est forcément caricaturale sauf à la fin dans les dernières pages.
Savouré le langage rabelaisien de Le Cagot, le portrait des basques.
Je ne suis pas fiable sur cette lecture. Soleil vert l'est beaucoup plus. J'ai fait ma petite cuisine, triant, assemblant, inventant ce qui me manquait. Le chroniqueur lucide c'est Soleil vert. Il a évoqué ce livre. Je m'en suis saisie, l'ai lu par bonds, en ai un aperçu très mouvant. Franchement, MC, suivez de près les remarques de SV. Je ferai de même alors que je relis attentivement le roman.

Janssen J-J a dit…

@ Bien sûr il y a aussi un château où vit de façon solitaire, enfin presque, un homme pas ordinaire.

-> Au petit hameau d'Etchebar, où Hel est censé s'être retiré, précisons qu'il n'y a jamais eu de château. Je le sais d'autant mieux que j'y ai séjourné...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Etchebar

@ "Je ne suis pas fiable sur cette lecture. Soleil vert l'est beaucoup plus". Ah bon ?...

Je ne crois pas encore avoir lu la recension de SV sur le bouquin, sauf erreur...

@ A vrai dire, en toute amitié, je ne comprends toujours pas bien comment fonctionne la lectrice assidue de ce roman. Elle lit "ventre mou"... et fait instantément le tri de ce qu'elle a aimé ou pas... J'y vois parfois comme une forme de bêtise... je dois bien l'avouer. Tout se passe en effet comme si elle était incapable de la moindre distance émotionnelle entre ses goûts et dégoûts personnels, dans la vie réelle, même s'ils sont transposés dans une oeuvre de fiction. Exactement comme la Monique, dans mon cercle de lecteurs...
Et pourquoi pas, du reste ? mais enfin, pourquoi dire ensuite, que Soleil Vert tranchera ou a tranché dans la vérité de ce roman ?...
Bref, toujours ce mélange de lucidité cultivée et d'extrême puérilité dans les réactions... Comme la petite élève naïve d'une vieille institutrice autoritaire... en un seul personnage
Un personnage fascinant que n'aurait jamais inventé un Trevaninan déguisé en rayon ou lézard vert. Hurk !
Bàv, Cricri... c'est le jour du poisson, on peut vous en coller un dans le dos, pas vrai ?


Anonyme a dit…


Ajoutons ce lien le cas échéant, pour les saintes beyuveries ... (jjj)
https://www.larepubliquedespyrenees.fr/pyrenees-atlantiques/etchebar/soule-le-mystere-trevanian-5265072.php

Christiane a dit…

Mais il y a du vrai en ce poisson davril. J' attends toujours que mes lectures soient élucidées par un autre lecteur.
Je suis entrée dans ce roman à l'envers par le pouvoir d'un nom inconnu : Shibumi, par le Japon des samouraïs.
Comment faire quand les premières pages me plongent dans les suites d'un attentat. J'étouffe !
Jusqu'au moment où le film est projeté à l'envers.
Là , je plonge dans une méditation hors contexte. Et si c'était cela après la mort ? Un film de vie à l'envers jusqu'à l'origine, jusqu'à l'atome.
Et puis , en apnée, je subis la suite des assassinats jusqu'à la rencontre entre ces deux êtres si dissemblables. Hel est très très désagréable avec elle, la recevant comme une source de complications à venir, la soupesant du coin de l'oeil avec une impudeur un peu déplacée.
Envie de fraîcheur, de pureté, d'eau vive.
La grotte vient, pleine page, plein de pages. Je quitte le roman. Me souviens de ma peur du noir, de la chute, de l'enfermement.
Et puis Benat Le Cagot. Ah la belle trouvaille en ce temps de Pâques et de papauté vacillante et décevante. Voilà -t-il pas qu'il conjugue tous les mystères chrétiens avec son expression fétiche : "par les couilles de... ". Enfin les statues sont dépouillées de leurs feuilles de vigne, les anges ont un sexe. Le paradis chrétien se confond avec la polissonnerie des dieux grecs. De plus l'homme est sympathique, fiable, érudit. Un bon compagnon de route pour l'assassin -justicier. Un autre personnage sympathique, cet homme frappé de nanisme, De Landes, très intéressant.
Peu à peu, "mon" roman prend forme. Trevanian reprendra la main dans les dernières parties du jeu.
Donc, JJJ, vous ne dites pas que des bêtises. Il y a deux mondes. J'habite celui de mon enfance très souvent et de temps en temps vieillis comme tout le monde en souriant ou en pestant.
Soleil vert est un pilier; moi j'habite un tonneau en bas sur le parvis et fais des grimaces aux passants. Ça vous rappelle quelqu'un !?

Christiane a dit…

"Le grand roi s'adressant à Diogène lui dit :
- Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai.
Et Diogène répondit :
- Ôte-toi de mon soleil. "

Anonyme a dit…

Merci pour le clin d'oeil au bout du petit doigt montrant la lune :-)
Je ne m'ôterai pas de votre soleil, fût-il vert (de gris), hein ! Bàv (JJJ)

Christiane a dit…

Ah, j'ai oublié, mon passage préféré du livre. Quand Nicholai joue une partie de Go, enfant, avec son maître Otake-san. Ce dernier s'aperçoit que son élève joue sans regarder le jeu, le regard perdu, fixant le jardin.
Il lui pose plein de questions, pense au mysticisme. Mais ce n'est pas cela....
"Nikko" parle d'un moment de recueillement. "Mais la chose est trop complexe pour être décrite par des mots".
C'est hors du temps ? demande le maître.
- Non. Ce n'est ni dans le temps ni hors du temps. Répond Nikko. Quand je m'échappe, je ne pars pas. Je suis où est mon corps. Je ne suis pas en train de rêver.

Il faudra atteindre la dernière page du roman pour que Nicholai Hel retrouve cet état.

Christiane a dit…

Vous êtes extra, démon JJJ !

Christiane a dit…

Quant à sa vie de tueur, il l'annonce sans le savoir vraiment dans ce dialogue au début du roman :
"- Que ferais tu, Nikko si quelqu'un te privait de ces périodes de recueillement ?
- Je le tuerai, répond calmement, l'enfant.
- Mais, Nikko, imaginons que ce n'est pas un homme qui te prive de ton don. Imaginons que c'est une situation, un évènement, un détour de la vie. Que feras-tu alors ?
- je chercherai à le supprimer, quoi que ce soit. Je je punirai."

Tout est là. Tout le roman est là. Tout son passé est là.

Christiane a dit…

Mais pas seulement. Il est devenu Japonais dans l'âme ayant grandi près de ces deux maîtres de Go. Il a traversé seul et démuni le Japon dévasté par les bombardements américains, a survécu à Hiroshima et Nagasaki. Et bien que travaillant avec les forces d'occupation il est resté de coeur, solidaire de ses amis disparus. Brillant par ses capacités d'interpréter et de déchiffrer des messages codés.

Christiane a dit…

La fin de la première partie est vraiment essentielle. Nicholai tue son maître de go, prisonnier, lors d'un parloir pour lui éviter le déshonneur d'un procès inique. Ce qui lui vaudra tortures et trois ans d'emprisonnement au secret enfermé dans un silence absolu. Il me semble que c'est dans cette durée que son côté implacable s'est forgé.

Christiane a dit…

La couleur même de l'instable... Une transformation continuelle... L'enfance ? Comme si certaines choses ne voulaient pas disparaître...
"Fable obscure et nèfle dure,
Longueur de temps les rendra mûres."

Christiane a dit…


Je vous relis, JJJ, quand vous vous essayez à comprendre mon regard sur ce roman. Vous écrivez : "A vrai dire, en toute amitié, je ne comprends toujours pas bien comment fonctionne la lectrice assidue de ce roman."
Premiere erreur. Ma lecture est loin d'être assidue. Est-ce un roman d'espionnage ? Non. Mais qu'est-ce.
?
Ai-je, avant l'intervention de Soleil vert, raconté ce qu'on sait de la vie de Nicholai Hel ? Non.
J'ai passé rapidement sur ces organisations qui le cherchent activement, la CIA et la Mother, pour des raisons différentes.
Quand Soleil vert est arrivé à la moitié du roman, le disant excellent, j'ai commencé à lire plus attentivement le roman. Quand il s'est heurté a la longue séquence dans la grotte la soupçonnant d'être "un ventre mou", cela m'a intéressée. Un décrochage qui l'a freiné dans sa lecture alors qu'il ma' ravie. Pourquoi cette différence ?

Vous écrivez : " Elle lit "ventre mou"... et fait instantément le tri de ce qu'elle a aimé ou pas... J'y vois parfois comme une forme de bêtise... je dois bien l'avouer. Tout se passe en effet comme si elle était incapable de la moindre distance émotionnelle entre ses goûts et dégoûts personnels, dans la vie réelle, même s'ils sont transposés dans une oeuvre de fiction. "
Ce charabia prouve qu'une fois encore vous vous laissez emporter par vos jugements à l'emporte-pièce.
Vous ne comprenez pas grand chose à ma façon de lire. Cette remarque de SV. est le point où nos chemins de lecture diffèrent, bifurquent.

Nicholai Hel est-il le héros d'un roman de contre-espionnage ? Pour moi, non. Mais vous ne me laissez pas la liberté de développer ma lecture du roman et du personnage.
Quand MC a repris ma remarque de parodie, il avait vu juste, plus que vous. Je pense en effet que Trevanian veut nous conduire ailleurs que dans une aventure cousue de fil blanc. Qui est Nicholai Hel ? Quelles sont ses valeurs ? A-t-il envie de vivre ?
Le roman lu attentivement dresse un étrange portrait de ce personnage qui justement apparaît dans ces zones indécises où en apparence il ne se passe rien.
J'y reviendrai.

Christiane a dit…

Pendant 200 pages, ces organisations qui le traquent tentent de dresser un compte-rendu de sa vie avec peu d'efficacité. Cet homme pour avoir permis à son ami de mourir dignement va être brisé par une incarcération inhumaine et des tortures infâmes, sadiques. Il ne ressortira de cet infernal emprisonnement que s'il tue pour la CIA des personnages gênants. A prendre ou à laisser. Il mettra des conditions et pas n'importe lesquelles... Une fois le contrat exécuté que fera-t-il de sa vie ? Il semble se fondre dans des décors flous aux quatre coins du monde... Occupé à traquer des terroristes mais pour son compte personnel, choisissant ses commanditaires, pas toujours du même bord...
La seule période de sa vie importante semble être celle de son enfance et de son adolescence ou devenu orphelin il est éduqué par deux maîtres de go à exceller dans ce jeu qui est plus qu'un jeu, une philosophie. Éduqué à percevoir la beauté éphémère des cerisiers en fleurs. Écouté quand il évoque ses moments de contemplation. Mais précocement, selon ses maîtres habité par une certaine dureté.

Aussi quand on le retrouve dans cette demeure isolée dans les Pyrénées basques, partageant sa vie avec une femme, Hana, occupé à méditer dans son jardin japonais, ou s'adonnant à sa passion : la spéléologie, le lecteur a un peu de mal à faire le lien avec sa vie d'avant de baroudeur tueur.

L'autre Hannah, la fugitive israélienne, va être celle qui va briser cette retraite tranquille, celle qui va mettre en route cette meute de poursuivants qui la cherchant chercheront son protecteur : Nicholai Hel.
Est-ce un moment de vérité pour celui qui cherche depuis toujours le Shibumi ?
Peut-être une piste de lecture....

Christiane a dit…

Je crois que dans ce roman , "Shibumi" nous entrons, malgré les apparences dans une méditation sur la vie, dans un roman en spirale qui semble s'écarter du sujet : la traque, pour revenir plusieurs fois sur certains thèmes, les réinterroger.
La Mort ne laisse pas de répit à Nicholai Hel, elle le pousse toujours plus dangereusement vers l'abîme meme s'il peut la contrer un certain temps, il se sait condamné. Il lui résiste comme le chevalier Antonius Blok du "Septième sceau" dans le film de Bergman, jouant lui aussi aux échecs avec elle.
L'occasion pour eux de trouver des réponses à leurs questions métaphysiques. Quel est le sens de la misérable vie qui est la leur ? Les deux personnages savent que c'est la Mort qui gagnera. Le mépris des hommes a rejeté Nicholai Hel de leur communauté. Il vit dans un monde fantôme prisonnier de ses rêves et des peurs de son adolescence. Il se souvient avoir erré, affamé dans un Japon en ruines après les bombardements. Tout était alors dénué de sens. C'est alors qu'il a connu cet état de non-être, cette méditation hors de temps.
Cette proximité de la mort le tirait vers un renversement : envisager la vie à partir de la mort. Une approche d'une pensée taoïste qui ne cesse de tendre vers l'origine pour se ressourcer, un espace infini qui contient certes la mort mais qui n'est pas mis en échec par elle.
Voilà , JJJ, vers quoi tend ma lecture de "Shibumi". La vie chaotique de ce bandit d'honneur me plaît beaucoup. En relation ouverte avec l'au-delà. C'est l'hôte d'un double-royaume : ténèbres et aurore.
La fin du roman c'est comme écouter le requiem de Mozart ou l'une des dernières cantates de Bach.
Vide et plein, retrait et élan. Délivrance d'une âme captive.

Anonyme a dit…

@ Christiane

Cette proximité de la mort le tirait vers un renversement : envisager la vie à partir de la mort. Une approche d'une pensée taoïste qui ne cesse de tendre vers l'origine pour se ressourcer, un espace infini qui contient certes la mort mais qui n'est pas mis en échec par elle.

Vous avez sans doute raison sur le tao£isme... Je ne sais pas Mais ce que vous dites là me parle assez... Merci. Bien belle journée. (J J-J)

Anonyme a dit…

Attendons plutôt la chronique de Soleil Vert.
Tout a été déjà bien analysé dans les commentaires.

Anonyme a dit…

oups, je n'avais pas vu cela : "Ce charabia prouve qu'une fois encore vous vous laissez emporter par vos jugements à l'emporte-pièce. Vous ne comprenez pas grand chose à ma façon de lire"...
C'est fort possible. Désolé pour mon charabia qui se laisse emporter par des jugements à l'emporte pièce (sic). Sur ce coup-là, je crois vous avoir comprise et avoir en effet tout compris de ce bouquin après vos 47 commentaires de lectrice non assidue.
Pourquoi attendre maintenant la chronique de SV ? A sa place, j'en aurais mal aux seins rin que d'y penser... le lait un brin tari. Hein, hein ? :-) Bàv, (J J-J)