mercredi 12 mars 2025

L’inversion de Polyphème

Serge Lehman - L’inversion de Polyphème - Le Bélial’ Collection une heure lumière

 

 

 

Ils sont quatre comme dans Le Livre des crânes, mais leur quête est moins ambitieuse. Hugues, l’apprenti écrivain, l’incisive Mick, dont la mère fut l’institutrice d’Hugo, Francis, abonné aux roustes de son père et Paul pirate affublé d’un œil de verre ressemblent plutôt aux adolescents des livres d’Enid Blyton. Ils célèbrent la fin de l’année scolaire dans leur cabane enfouie dans le petit bois qui jouxte leur village. Ils ont coutume d’échanger BD et livres de science-fiction chapardés chez un libraire à bout de patience afin d’évacuer la monotonie d’un quotidien de banlieusard et la férule paternelle. Ce jour-là, sur l’initiative de Paul, la bande des Engoulevents, comme ils se surnomment, remonte le cours d’une petite rivière. L’escapade les emmène dans un champ surmonté d’un énorme bloc de granit. Ce qu’ils découvrent, au sommet, changera à jamais leur existence.

 

Point n’est besoin de présenter Serge Lehman, écrivain, anthologiste, scénariste de BD, un des meilleurs connaisseurs, historiens et essayistes du genre et au passage inventeur du titre de la collection à succès du Bélial’. La novella L’inversion de Polyphème a connu plusieurs parutions dont la première en 1997 dans le numéro 5 de Bifrost. Un Bélial’ avant l’heure en quelque sorte. La préface d’Olivier Girard donne le ton : on est en présence d’un UHL de cœur, d’un UHL séminal, écho des discussions passionnées d’un trio (Girard, Dumay et Lehman) qui pressentaient il y a vingt-cinq ans l’existence d’une autre voie littéraire et s’apprêtaient à l’emprunter.

 

La richesse thématique du récit autorise une foultitude de réminiscences. En érudit, l’auteur en fournit quelques une : Chocky de John Wyndham, Flatland d’ Edwin Abbott, écrivain contemporain de Lewis Carroll, démiurge d’un univers plat. Je me contenterai de citer les nouvelles sur l’enfance d’Harlan Ellison, « L’Aleph » de Borges et Le monde perdu d’Arthur Conan Doyle. Entre supputations géométriques et excursions de dinosaures, L’inversion de Polyphème est un chef d’œuvre. Nous sommes des êtres qui évacuons au fil du temps la fonction d’onde de notre imaginaire pour nous transformer en créatures pesantes, organes défaillants et pensées circulaires. Certains comme Serge Lehman en appellent à la multidimensionnalité de l’univers et nous invitent à résister.

 

 

Cette fiche est dédiée à la mémoire de Claude Vistel, décédée en décembre 2023. Directrice de publication des éditions LUG, elle introduisit en 1969, au nez et à la barbe des censeurs, l’univers Marvel en France.




1 commentaire:

Christiane a dit…

Quel mystère ! Ulysse ?
Pourquoi l'inversion ?
Polyphème et son œil unique, géant cruel gardant prisonnier Ulysse et les autres navigateurs perdus. La ruse d'Ulysse, l'œil crevé, le géant qui crie : c'est personne...
Quelle peut être l'inversion de ce mythe écrite par Serge Lehman, "écrivain, anthologiste, scénariste de BD, un des meilleurs connaisseurs, historiens et essayistes du genre " ?
Qu'y a-t-il en faut de ce rocher qui va changer la vie des quatre amis ?
Quel mystère....