James
Blish - Aux hommes les étoiles - Denoël - Présence du futur
Les éditions Mnémos rééditent
ce mois-ci dans leur collection « Intégrales » le cycle
des Villes nomades de James Blish dans une traduction révisée semble-t-il. Moins
prestigieuse que ses équivalentes asimoviennes, moins originale que le cycle du
Fleuve de l’éternité de Farmer, engloutie par Dune, que reste-il de
cette épopée s’étalant sur deux mille ans ? Dans ma mémoire
adolescente, plus que les péripéties, quelques personnages comme Bliss Wagoner
ou John Amalfi m’avaient fait forte impression, sans oublier un néologisme
épouvantable « le tournebouloche » … tout le monde n’a pas le génie d’un
Michel Demuth. J’ai ressorti pour l’occasion le premier des quatre Présence du
futur soigneusement conservés depuis des temps immémoriaux et, comme dirait
Jean-Pierre Andrevon, après avoir chaussé mes lunettes et ajusté mon dentier, entrepris
de confronter une lecture ancienne à l’épreuve du temps.
De nos jours, ou presque
- puisque l’intrigue démarre en 2012 - le monde s’est en quelque sorte
soviétisé. Aux hommes les étoiles décrit un univers dystopique d’éternelle
guerre froide, celle-là même qu’a observé James Blish lors de la parution du
livre en 1957. A la tête des USA le patron du FBI Mac Hinery (un Hoover à peine
déguisé) restreint les libertés, enraye l’esprit d’initiative. La paranoïa, le
fanatisme religieux gagnent la population. Convaincu que le monde occidental
court à sa perte, le sénateur Bliss Wagoner, ennemi juré de Mac Hinery, imagine
une échappatoire pour l’Humanité dans les étoiles. Fort de sa position
sénatoriale, il lance discrètement deux projets de recherche. Le plus
spectaculaire de ces travaux consiste en la création d’un pont sous la surface
de Jupiter. Sur son tablier circule un engin sur rail télécommandé depuis une
lune de l’immense planète. Comment le maitre d’ouvrage a-t-il pu convaincre ses
collègues de débloquer les fonds pour une entreprise aussi nébuleuse ? Mystère
… Elle dissimule en fait des recherches sur l’antigravité. Fidèle aux credo
campbelliens, Blish s’est inspiré des travaux de Patrick Blackett prétendant relier
électromagnétisme et gravitation. L’autre volet scientifique conçu par l’auteur
repose sur les avancées considérables à l’époque des thérapies antibiotiques.
Le fond idéologique du
roman s’appuie sur les essais de Spengler et Toynbee. Bien sûr on pourra
ironiser sur les stratégies expansionnistes qu’elles vectorisent. Mais Bliss
(Blish ?) Wagoner est un pur humaniste convaincu que renoncer à ses
valeurs conduit à l’extinction. L’auteur - par épigraphe interposée - prend soin
de se démarquer du fanatisme religieux, expression selon lui du doute plus que
de la conviction. Quoiqu’il en soit le sénateur paie le prix fort de son engagement.
A côté de ce personnage emblématique, les figures féminines font l’objet d’un traitement
catastrophique. Anne Abott s’inscrit au centre du triangle classique de littérature
de bas-étage, constitué par le professeur, sa fille soit-belle (et encore dans
l’ouvrage …) -et-tais-toi, le futur gendre aventurier. On est loin de l’attachante
Susan Calvin imaginée par Isaac Asimov. Roman essentiellement introductif Aux
hommes les étoiles trahit son âge.
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