samedi 29 août 2020

Aux hommes les étoiles


James Blish - Aux hommes les étoiles - Denoël - Présence du futur





Les éditions Mnémos rééditent ce mois-ci dans leur collection « Intégrales » le cycle des Villes nomades de James Blish dans une traduction révisée semble-t-il. Moins prestigieuse que ses équivalentes asimoviennes, moins originale que le cycle du Fleuve de l’éternité de Farmer, engloutie par Dune, que reste-il de cette épopée s’étalant sur deux mille ans ? Dans ma mémoire adolescente, plus que les péripéties, quelques personnages comme Bliss Wagoner ou John Amalfi m’avaient fait forte impression, sans oublier un néologisme épouvantable « le tournebouloche » … tout le monde n’a pas le génie d’un Michel Demuth. J’ai ressorti pour l’occasion le premier des quatre Présence du futur soigneusement conservés depuis des temps immémoriaux et, comme dirait Jean-Pierre Andrevon, après avoir chaussé mes lunettes et ajusté mon dentier, entrepris de confronter une lecture ancienne à l’épreuve du temps.


De nos jours, ou presque - puisque l’intrigue démarre en 2012 - le monde s’est en quelque sorte soviétisé. Aux hommes les étoiles décrit un univers dystopique d’éternelle guerre froide, celle-là même qu’a observé James Blish lors de la parution du livre en 1957. A la tête des USA le patron du FBI Mac Hinery (un Hoover à peine déguisé) restreint les libertés, enraye l’esprit d’initiative. La paranoïa, le fanatisme religieux gagnent la population. Convaincu que le monde occidental court à sa perte, le sénateur Bliss Wagoner, ennemi juré de Mac Hinery, imagine une échappatoire pour l’Humanité dans les étoiles. Fort de sa position sénatoriale, il lance discrètement deux projets de recherche. Le plus spectaculaire de ces travaux consiste en la création d’un pont sous la surface de Jupiter. Sur son tablier circule un engin sur rail télécommandé depuis une lune de l’immense planète. Comment le maitre d’ouvrage a-t-il pu convaincre ses collègues de débloquer les fonds pour une entreprise aussi nébuleuse ? Mystère … Elle dissimule en fait des recherches sur l’antigravité. Fidèle aux credo campbelliens, Blish s’est inspiré des travaux de Patrick Blackett prétendant relier électromagnétisme et gravitation. L’autre volet scientifique conçu par l’auteur repose sur les avancées considérables à l’époque des thérapies antibiotiques.


Le fond idéologique du roman s’appuie sur les essais de Spengler et Toynbee. Bien sûr on pourra ironiser sur les stratégies expansionnistes qu’elles vectorisent. Mais Bliss (Blish ?) Wagoner est un pur humaniste convaincu que renoncer à ses valeurs conduit à l’extinction. L’auteur - par épigraphe interposée - prend soin de se démarquer du fanatisme religieux, expression selon lui du doute plus que de la conviction. Quoiqu’il en soit le sénateur paie le prix fort de son engagement. A côté de ce personnage emblématique, les figures féminines font l’objet d’un traitement catastrophique. Anne Abott s’inscrit au centre du triangle classique de littérature de bas-étage, constitué par le professeur, sa fille soit-belle (et encore dans l’ouvrage …) -et-tais-toi, le futur gendre aventurier. On est loin de l’attachante Susan Calvin imaginée par Isaac Asimov. Roman essentiellement introductif Aux hommes les étoiles trahit son âge.

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