mercredi 14 juillet 2021

Anthologie de la poésie française

Jean-Joseph Julaud - Anthologie de la poésie française - FIRST Editions

(Illustrations Pierre Fouillet)

 

 

 

On ne compte plus à ce jour les anthologies de poésie française. La première que j’ai parcouru (1) avait été établie par Georges Pompidou, Président Lettré entre tous, capable de citer Eluard en conférence de presse et dont les copains de khâgne et d’hypokhâgne au lycée Saint-Louis s’appelaient Senghor (2) et Aimé Césaire. Par la suite, comme tous les amoureux du genre, je me suis constitué, au gré de lectures hasardeuses ou approfondies, mes propres recensements. Pourquoi donc celle-ci ?

 

L’anthologie de Jean-Joseph Julaud ne brille ni par son audace ni son paratexte. On lui saura gré d’avoir sans prétention organisé l’ordonnancement des textes en Carte du tendre : amour, tendresse, désir, passion, émotion, humour, mélancolie… Par contre la qualité de fabrication de cette édition et l’idée d’adjoindre une illustration de Pierre Fouillet en regard de chaque poème emportent le morceau.

 



Environ quatre-vingt-dix poèmes dressent une liste d’incontournables chefs d’œuvre : parmi eux, un gros bataillon de Baudelaire, Verlaine, Apollinaire, Rimbaud, Hugo, Nerval, Chénier et au compte-goutte Lamartine, Vigny, Musset, Ronsard, Leconte de Lisle, Heredia, des fables de La Fontaine. Quelques timides incursions dans le XXe siècle dominé par Apollinaire : un poème de René Char, de Louis Aragon, de Michaud, idem pour Desnos et le géant Eluard ne comblent pas l’immense champ laissé en friche (Supervielle, Reverdy, Guillevic …). Chacun retrouvera ici son content de vers immortels.

 


On reprochera à Jean-Joseph Julaud la part congrue consacrée aux poétesses, Marie de France et l’énigmatique Louise Labé, c’est peu. Que sont devenues pour emprunter à Rutebeuf (bien présent lui dans l’ouvrage) et ne citer qu’elles, Marie Noelle, Andrée Chédid, et l’infortunée Catherine Pozzi muse trahie de Paul Valery (Ariane ma sœur de quelle amour blessée/ Mourûtes vous aux bords ou vous fûtes laissée) … lui-même absent du volume :

  

Très haut amour, s'il se peut que je meure

Sans avoir su d'où je vous possédais,

En quel soleil était votre demeure

En quel passé votre temps, en quelle heure

Je vous aimais,

 

Très haut amour qui passez la mémoire,

Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon jour,

En quel destin vous traciez mon histoire,

En quel sommeil se voyait votre gloire,

O mon séjour...

  

Quand je serai pour moi-même perdue

Et divisée à l'abîme infini,

Infiniment, quand je serai rompue,

Quand le présent dont je suis revêtue

Aura trahi,

 

Par l'univers en mille corps brisée,

De mille instants non rassemblés encor,

De cendre aux cieux jusqu'au néant vannée,

Vous referez pour une étrange année

Un seul trésor

 

Vous referez mon nom et mon image

De mille corps emportés par le jour,

Vive unité sans nom et sans visage,

Cœur de l’esprit, ô centre du mirage

Très haut amour

 

 

CP

 

 

L’ Anthologie de la poésie française de Jean-Joseph Julaud est essentiellement un livre introductif pour lecteurs débutants dont les vers éclatants ne laisseront pas insensibles les plus anciens.

 

 

 

(1)   Citons aussi quelques pages lumineuses de Gaétan Picon consacrées à la poésie dans son Panorama de la nouvelle littérature française,  l'anthologie de Bernard Delvaille La nouvelle poésie française chez Seghers, et plusieurs délicieux recueils consacrés à la poésie africaine d'expression française.

 (2)  Dont figure ici son plus célèbre poème : "Femme noire"

 

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui Georges Pompidou était un”Président lettré”,d’ailleurs il transita par Marseille où il enseigna en début de carrière le français, latin,grec .
Je feuilleterai cette Anthologie avec joie.

Biancarelli.

Soleil vert a dit…

Adieu Meuse endormeuse et douce à mon enfance, qui disait le Péguy. Elle s'est sacrément réveillée l'endormeuse.

Poème repris dans l'antho il me semble.