lundi 22 juillet 2024

La Muraille de Chine

Franz Kafka - La Muraille de Chine - Aux Forges de Vulcain

 

 

Parmi les multiples hommages rendus à Franz Kafka à l’occasion du centenaire de sa disparition, les éditions Aux Forges de Vulcain ont fait paraître en juin de cette année un recueil de nouvelles dont la Chine constitue le thème principal. Ce pays, indique le traducteur et postfacier, suscitait un vif intérêt au début du XXème siècle. Sa représentation par l’écrivain pragois en demeure très vague comme la Perse de Montesquieu et est prétexte à des considérations politiques ou existentielles.

 

Certaines de ces fictions comme « Le chasseur Gracchus » recèlent un assemblage de textes incomplets. Le fragment constitue de fait la brique fondamentale de l’œuvre d’un auteur comportant une minorité de récits achevés, fragment que Friedrich Schlegel comparait à « un hérisson » qui se suffit à soi-même. Plus simplement ces petits morceaux littéraires s’inscrivent dans une tradition illustrée par les frères Grimm et plus proche de nous, Jacques Sternberg ou Marcel Béalu.

 

A la lecture des commentaires d’Éric Pessan et Stéphane Rilling surgit l’image d’un écrivain fiévreux, accumulant des bribes d'écrits qu’il n’a pas le temps de rassembler, de fusionner, alors même que commencent à frapper à la porte les messagers de l’exclusion raciale et de la maladie. Toute autre est la dimension des nouvelles ou hormis une brève allusion dans « Défenseurs », le Temps s’efface au profit de l’Espace comme dans Le Monde Inverti de Christopher Priest. Distances incommensurables de l’Empire du Milieu, autorités lointaines et même négation du mouvement : l’Empereur de « La construction de la muraille de Chine » agonise. Un messager part du Palais, mais sa tache est impossible, la foule est trop grande, le Palais est immense, la Cité Interdite encore plus. Dans « Le prochain village » une chevauchée jusqu’au prochain village peut durer si l’on n’y prend garde, une vie entière.

 

L’absurde et l’arbitraire sont au cœur des thèmes kafkaïens. Une muraille est construite pour barrer le chemin aux envahisseurs du Nord, mais elle est édifiée en tronçons disjoints, éloignés, avec pour conséquence la dislocation des familles des ouvriers (« La construction de la muraille de Chine »). Ailleurs une population vit sous un ensemble de lois conçus pour la noblesse et dont elle ignore la teneur (« De la question des lois »). Une petite ville éloignée de tout doit se soumettre aux décisions arbitraires du représentant local d’un Pouvoir inconnu (« Notre ville ne se situe pas »), ou subir des enrôlements forcés pour des guerres frontalières (« La levée de troupes »).

  

A côté de cet ensemble de nouvelles que l’on pourrait qualifier de politiques où coexistent résignation et colère, reflets selon les préfaciers de l’inquiétude de la communauté juive devant la montée du nationalisme tchèque et des intolérances, on trouve quelques fictions hors contexte. « Le chasseur Gracchus » s’inspire d’un mythe grec. Tué accidentellement, un chasseur emprunte la barque de Charon. Elle ne rejoint pas la rive opposée contraignant Gracchus (Kavka en tchèque) à mener une existence errante de mort-vivant au fond de sa barque. L’histoire, en construction, pâtit de deux entames différentes. Parmi les autres citons « La vérité sur Sancho Panza ». Le pitch suggère une lointaine parenté avec La tentation de Saint Antoine de Flaubert : Don Quichotte n’a jamais existé, c’est un démon dont Sancho Panza s'est libéré. Pendant qu'il se livre à ses folies, le véritable héros du roman de Cervantes peut enfin mener une existence tranquille.


La Muraille de Chine oscille entre curiosité et quelques satisfactions. Satisfecit total en revanche pour le travail éditorial de Stéphane Rilling.


" De la même manière, les gens de chez nous sont en règle générale peu concernés par les bouleversements politiques et par les guerres de notre temps. Je me souviens ici d'un incident qui remonte à mon enfance. Une révolte avait éclaté dans une province voisine, mais tout de même très éloignée. Je n'ai plus souvenir des causes et elles n'ont pas grande importance ici : chaque jour qui se lève apporte là-bas son lot de motifs de révolte : il s'agit d'un peuple impétueux. Et voilà qu'un jour, un mendiant qui avait traversé cette région apporta dans la maison de mon père un manifeste des insurgés. Il se trouve que c'était un jour de fête, les invités arrivaient et remplissaient notre pièce, au milieu le prêtre était assis et étudiait le manifeste. Soudain, tout le monde se mit à rire et le manifeste fut déchiré dans la cohue. Le mendiant qui, pourtant, avait déjà reçu quantité de dons fut chassé de la pièce à grands coups, tout le monde se dispersa et s'égaya dans cette belle journée. Pourquoi ? Le dialecte de la province voisine est véritablement différent du nôtre et cela se traduit aussi dans certaines formes de la langue écrite qui ont pour nous un caractère archaïque. A peine le prêtre avait-il lu deux de ces phrases que la cause était entendue : c'étaient là de vieilles choses qu'on avait entendues et dont on avait pris son parti il y a longtemps. Et bien que, si mes souvenirs sont exacts, ce fut l'atrocité de la vie qui s'exprimait incontestablement à travers le récit du mendiant, on hocha la tête en riant, et on ne voulut plus rien entendre. Voilà comment on est prompt, chez nous, à gommer le présent."

 

 


Table des matières

 

Préface

Le Chasseur Gracchus

La construction de la muraille de Chine

Une vieille feuille

Une visite à la mine

Le prochain village

La vérité sur Sancho Panza

Notre petite ville ne se situe pas …

De la question des lois

La levée de troupes

Poséidon

Les armes de la ville

Le timonier

Défenseurs

Postface


93 commentaires:

Christiane a dit…

Régal ! Vos choix me ravissent. Je ne connais pas ces nouvelles. Attente fiévreuse de la découverte.
Merci pour le clin d'œil à Marcel Béalu et Christopher Priest.
Kafka et la Chine. Ah, ça alors ! Montesquieu et la Perse... Je comprends mieux.
Pourquoi un hérisson de suffit-il à lui-même ?
Des bribes d'écrits qu'il n'a pas le temps de rassembler. L'image est bien trouvée .
Merci, mille fois.
Bravo aux gorges de Vulcain !

Christiane a dit…

Forges de Vulcain

Christiane a dit…

Selon la légende, Vulcain a forgé le bouclier de Mars, le trident de Neptune, le char d'Apollon. Dans l'assemblée des dieux, il n'est certes ni le plus fort, ni le plus beau ; mais parce qu'il a donné aux autres le moyen de leur puissance, il est le plus nécessaire.Les éditions aux "Forges de Vulcain" forgent patiemment les outils de demain. Elles produisent des textes. Elles ne croient pas au génie, elles croient au travail. Elles ne croient pas à la solitude de l'artiste, mais à la bienveillance mutuelle des artisans. Elles espèrent plaire et instruire. Elles souhaitent changer la figure du monde."
(Sur le site lire-demain.fr)

Christiane a dit…

"Satisfecit total en revanche pour le travail éditorial de Stéphane Rilling."
Est-ce aussi le traducteur ?

Christiane a dit…

Copié sur le site de l'éditeur

Christiane a dit…

Ne pas oublier David Meulemans, éditeur des Forges de Vulcain. C'est vraiment bien le travail des éditeurs indépendants.

Christiane a dit…

https://www.etonnants-voyageurs.com/MEULEMANS-David.html

Christiane a dit…

Lu sur "Actualité" ;
"Cette transfiction, terme qui provient de l’écrivain et théoricien de la littérature Francis Berthelot, c’est une manière de sortir du sport national de notre hexagone : établir des cases : «Même si dans nos pratiques de lecture, on distingue beaucoup d’un côté la littérature générale, souvent réaliste, et, de l’autre côté, les œuvres de l’imaginaire qui parfois renoncent à la littérature, il y a énormément d’ouvrages qui sont à la fois littéraires et pleins d’imagination, et des œuvres d’imagination qui sont très littéraires. »

Le travail de Francis Berthelot a été de démontrer que fondamentalement; cette piste esthétique existe depuis l’origine de la littérature, des auteurs grecs et latins, en passant par Frank Kafka, « aussi littéraire qu’emplie de fantaisie », jusqu’à Hervé Le Tellier et son "Anomalie", qui emprunte autant à la science-fiction qu’il constitue une œuvre littéraire à part entière. « Ce n’est pas seulement Francis Berthelot qui porte ce discours par ailleurs, par exemple la Revue Apulée des éditions Zulma disait que la littérature est toujours en dernière analyse littérature d’imagination. Elle commence par Ovide, qui est déjà de la littérature de l’imaginaire. »

Reste une problématique : beaucoup de librairies établissent encore une différence nette entre littérature générale et dite de l’imaginaire, qui se matérialise dans le rangement et la classification. L’évolution se verra ainsi, parfois, au sein de chaque rayonnage plutôt que dans une reconfiguration générale des catégories."

Christiane a dit…

Jessica Combet et David Meulemans. Un dialogue qui permet de comprendre le travail d'un éditeur passionné :

https://combatlemedia.com/2024/03/14/david-meulemans-jai-cet-espoir-que-la-litterature-change-un-peu-le-monde/

Anonyme a dit…

Je m’y connais peut-être peu en kafkologie, mais je vois mal comment Schlegel peut influencer Kafka dans une esthétique du fragment qui n’en est pas un. Et pareillement, Bealu ou autres, qui eux pensent en fragmentaire, influences par le Surréalisme. Le plus bel exemple étant le remontage de La Mort à Benidorm. En revanche, il faudrait peut peut-être plus insister (peut-être.) sur le parallélisme Habsbourg-Empereur de Chine, immensité-absurdité. Et ne pas donner pour des Œuvres autonomes ce qui n’est que des fragments . MC

Christiane a dit…

J'espère avoir ces Nouvelles de Kafka aujourd'hui. Ce sera un livre papier. Toujours pour Kafka !
Je pense, à lire votre billet, que c'est une réflexion sur les murs et les cloisons les frontières. Des petites fables, des stratégies. Son parcours empêché. Son mode d'habitation du monde. Il doit être l'ombre tourmentée qui se cogne à l'absurdité d'une muraille trouée. Toujours la loi à affronter avec une obstination douloureuse.
Le songe de l'exilé....

Christiane a dit…

Dans une lettre envoyée à Max Brod en 1921, Kafka écrivait :

« Ils [les écrivains juifs de langue allemande] vivaient entre trois impossibilités (que je nomme par hasard des impossibilités de langage, c’est le plus simple, mais on pourrait aussi les appeler tout autrement) : l’impossibilité de ne pas écrire, l’impossibilité d’écrire en allemand, l’impossibilité d’écrire autrement, à quoi on pourrait presque ajouter une quatrième impossibilité, l’impossibilité d’écrire (car ce désespoir n’était pas quelque chose que l’écriture aurait pu apaiser, c’était un ennemi de la vie et de l’écriture ; l’écriture n’était en l’occurrence qu’un provisoire, comme pour quelqu’un qui écrit son testament juste avant d’aller se pendre, un provisoire qui peut fort bien durer toute une vie), c’était donc une littérature impossible."

Soleil vert a dit…

-"Je m’y connais peut-être peu en kafkologie, mais je vois mal comment Schlegel peut influencer Kafka dans une esthétique du fragment qui n’en est pas un."

Le point commun c'est la langue allemande, mais je vous accorde que c'est discutable


- "Et pareillement, Béalu ou autres, qui eux pensent en fragmentaire, influences par le Surréalisme".

Ce n'est pas ce que j'ai dit. Il y a des textes courts chez Kafka, chez Béalu et Sternberg, point barre. Enfin certains textes courts de Kafka sont autonomes, lisez « La vérité sur Sancho Panza »

Christiane a dit…

"Ce qu’écrit Kafka est à ce point clair, d’une clarté si stupéfiante qu’on en reste littéralement bouche bée, cloué, désemparé, voué au mieux à la répétition du texte. Les récits de Kafka racontent des histoires à première vue invraisemblables – comment un pont pourrait-il s’accrocher des mains à un côté de la paroi et des pieds à l’autre, et se retourner pour voir qui arrive, comment un homme peut-il se muer en scarabée. Rien de plus certain pourtant que ces invraisemblances, rien de plus saisissant que ces récits.
Kafka touche en effet, à chaque fois, le centre exact de la cible, tout ce qu’il écrit atteint le lecteur très précisément là où il ne peut plus rien dire. On est concerné par Kafka parce qu’il arrive où chacun commence, au point muet où se fait la parole du lecteur.
Ce que raconte Kafka porte sur cet informulable à l’origine du langage derrière quoi on ne peut pas se retourner. Ce qu’il écrit est si singulier que c’est d’emblée reconnaissable, sans référence à autre chose, et du coup parfaitement universel."

Georges Arthur Goldschmidt.
"Celui qu'on cherche habite juste à côté - lecture de Kafka (Verdier)

(Le père de MàC...)

Anonyme a dit…

La vérité sur Sancho Panza.Lu.

Intéressant de voir que pour Kafka,le grand protagoniste de Don Quichotte n’est pas ce dernier mais Sancho Panza.On a l’impression que Kafka s’identifie à Sancho. Ce dernier tourmenté par ses démons et pour survivre doit inventer un Don Quichotte. Il devient libre en quelque sorte.
C’est ce qu’a fait Kafka dans toute sa littérature en transformant ses démons et en les transférant.

Libraire

Christiane a dit…

Le livre est arrivé, très beau, très doux. J'aime la couverture d'Helena Vieillard. (Reproduite sur le billet) Mais c'est mieux en vrai. Le camaïeu de rouges donne une impression de distance entre les murs. Les échelles blanches sont de plus en plus petites comme les briques. Chacune a son pendant de l'autre côté des murs. Une seule échelle à chaque fois. Personne pour les gravir... Peut-être le lecteur. Et qu'y a-t-il entre chaque mur ? Un espace noir, opaque, uni. Les murs sont comme des vagues qui ondulent. S'il n'y avait le graphisme soigneux des briques et le faîte rouge uni de chaque mur, on pourrait penser à un passage de serpents rouges (à écailles... rectangulaires). Énormes puisqu'il faut des échelles pour passer de l'un à l'autre. Mais pas de tête, pas de queue. Des gragons chinois ?
Le graphisme du titre en grandes lettres blanches "La muraille de Chine" nous transporte très très loin, dans un pays d'exclusion puisqu'il y a des murs et donc qu'on ne veut pas être envahi. Mais les échelles signalent peut-être des évasions..

Et puis surprise le nom de l'auteur : Kafka... Si c'est lui qui raconte la muraille on va se retrouver en territoire connu : enfermement, évasion impossible puisqu'il semble toujours y avoir un autre mur.
Donc on entre dans un rêve, un cauchemar etouffant étant donné les couleurs choisies : sang et mort et l'évocation possible d'énormes serpents.
L'illustratrice a lu les nouvelles. Ce qu'elle a ressenti, ce qu'elle connait de Kafka a dû la guider.
Bien qu'il y a une introduction et une postface, je préfère attaquer la première nouvelle : "Le chasseur Gracchus." Une vingtaine de pages.
Une note en bas de page explique que les traits horizontaux qui coupent le texte sont la trace de plusieurs morceaux réunis. Max Brod avait fait paraître le plus long, les autres n'existaient pas avant le travail de raccommodage de l'équipe des Forges de Vulcain.
Et puis le papier cartonné lisse de la couverture donne du plaisir. J'aime aussi la blancheur de neige des pages.
La quatrième de couverture m'apprendrait plein de choses si Soleil vert n'avait présenté ces nouvelles avec tant de précision. Là je suis prête à lire.

Christiane a dit…

Au moins Charon le passeur ne perdait pas ses morts !

http://psyfontevraud.free.fr/AARP/psyangevine/publications/Bocklin.htm

Christiane a dit…

Alors que Kafka, contrairement à Böcklin met en scène un mort perdu par Charon. Sa barque dérive depuis des siècles et accoste au petit bonheur la chance là où le courant la porte. Donc un mort perdu qui n'a pas la langue dans sa poche bien que coincé sur sa civière dans son linceul. Il parle, raconte au maire comment il est mort. En voulant tuer un chamois dans la Forêt-Noire, il a glissé s'est fracassé, a été ravi une fois mort de monter à bord de la barque, de se glisser dans son linceul et hélas,... d'attendre....d'attendre... la mort !
Et pourtant il se dit mort, mort, mort et ne sait pas pourquoi la barque des morts dérive depuis cinq siècles avec lui dedans couché sur sa civière sans capitaine à bord.
Le texte est neutre. Nul emphase. Nul lyrisme. Le mort parle, un peu las. On le comprend. Quelle histoire !

Christiane a dit…

Alors, je viens de lire : "La vérité sur Sancho Panza", intriguée par la lecture du libraire.
Tant de pistes en une page ! Kafka est vraiment fort !
"Sancho Panza....Son démon, à qui il donna plus tard le nom de Don Quichotte."
Don Quichotte serait donc la créature née des rêveries de Sancho Panza... Quel diabolique retournement qui change tout au roman légendaire.
Une distraction intime d'un grand rêveur, Sancho Panza...
C'est extra !
N'est-ce pas aussi de la part de Kafka une façon de rire du créateur qu'il est...

Soleil vert a dit…

Rajout d'un fragment dans l'article.

Christiane a dit…

"Le fragment constitue de fait la brique fondamentale de l’œuvre d’un auteur comportant une minorité de récits achevés, "
Ces fragments comme des briques , oui. Et les murs ?

Christiane a dit…

"le Temps s’efface au profit de l’Espace comme dans Le Monde Inverti de Christopher Priest"
Le rapport entre l'espace et le temps est inachevable dans "Le chasseur Gracchus". On pourrait entrer dans l'éternité....

Christiane a dit…

Oui, mais si l’espace, le temps n’existent pas, s'il s’agit d’illusions perceptives, de concepts mathématiques et physiques théoriques (voir la relativité générale et la théorie quantique évoquées sous le billet précédent), alors les deux s'effacent et "la tâche du messager devient impossible".

Soleil vert a dit…

>Et les murs ?

C'est nous, enfin Max Brod et d'autres éditeurs qui ont ajouté, retranché des briques au fil des éditions, pour constituer des murs provisoires. Tels celui que je cite

Soleil vert a dit…

"«Les textes narratifs de Kafka sont de longueur très inégale ; certains ont quelques lignes seulement. Fallait-il nous imposer une limite et rejeter en notes comme miettes inutilisables les passages trop courts? La moindre réflexion montrait qu'il était impossible d'agir de la sorte. Le fragment est, pour Kafka, un mode d'expression qu'il convient de respecter. Il existe d'ailleurs différentes sortes de fragments : les uns – les plus nombreux – sont simplement des ébauches qui n'ont pas abouti. D'autres sont plutôt l'esquisse d'un récit à venir. D'autres encore contiennent en peu de mots un aperçu qui se suffit à lui-même. Tel texte que l'on dirait fragmentaire était peut-être achevé. Tel autre, que l'on croirait achevé (nous pensons, par exemple, aux petits textes de jeunesse, intitulés "Robes" ou "Les arbres"), est seulement un lambeau détaché d'un récit plus long et lui-même resté en suspens.
Les grands récits de Kafka sont aujourd'hui connus de tout le monde. Il faut maintenant découvrir, à l'intérieur de cette œuvre qui n'a rien d'un champ de ruines, dans le moindre morceau de phrase, le témoignage d'une imagination inépuisable.»

Claude David."

https://www.la-pleiade.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/OEuvres-completes56

Christiane a dit…

Donc plutôt les briques que les murs de la muraille.. Dans votre billet vous notez : "mais elle est édifiée en tronçons disjoints, éloignés, avec pour conséquence ". J'interromps là car l'idée me paraît intéressante. A quoi sert une muraille trouée ? Faite de tronçons inachevés ? Qu'est-ce qu'elle révèle ?
Un rêve de géomètre à rapprocher de celui de la Tour de Babel ? Sauf que pour Kafka, les murs et les portes sont fermés et lui reste dehors, ne peut entrer. ( " Le château") . "Le chasseur Gracchus qui lui ne peut rentrer dans la mort ( un escalier qu'il ne cesse de monter et descendre, pour se trouver encore devant une porte fermée....).

Christiane a dit…

Très très étrange la longue nouvelle dédiée à la "construction de la muraille de Chine".
La première page pourrait correspondre à la couverture du livre. Des tronçons non reliés sont construits sur une ligne qui se voudrait rempart et qui ne le sera jamais compte-tenu des espaces laissés entre chaque tronçon. Suivent l'incidence de ces travaux sur la vie des ouvriers sans cesse déplacés, tantôt négatives tantôt positives.

Et puis soudain apparaît l'empereur chef de ce projet absurde. Et puis soudain on évoque la Tour de Babel. Et encore le souffle du grand dragon.
Kafka prend la parole par l'entremise du narrateur, un chinois qui parle à son fils. Et brusquement une barque apparaît et le conte s'achève par un murmure glisser dans l'oreille du fils, loin du lecteur. Serait-ce celle du chasseur Gracchus ? Une même durée relie les deux nouvelles : cinq cents ans. Gracchus ne peut choisir entre mort et vie. L'empereur meurt laissant son oeuvre inachevée.
Je vais la relire. Elle cache plein de pistes qui mènent à l'imaginaire de Kafka.

Anonyme a dit…

C’est fort curieux , on est passé des grandes œuvres à la mise en valeur du moindre fragment, eut-il trois lignes…

Anonyme a dit…

On ne m’ôtera pas de l’idée qu’il y a de l’excessif là dedans. MC

Christiane a dit…

Marthe Robert en analysant sa manière d'écrire, racontait que '"Franz Kafka pouvait écrire onze récits simultanément, avec la même technique de juxtaposition des épisodes, qui étaient, à chaque fois, presque achevés et donnaient tout leur sens au récit. "
Cette impression me vient en lisant ces nouvelles. En particulier les deux premières.
En fin de compte il relie ou a projet de relier ces nouvelles courtes souvent inachevées. Un peu comme cette façon de relier les tronçons de la muraille dans un mur qui ne sera jamais achevé qui, comme un cercle devait entourer la Chine et créer l'espace circulaire nécessaire à l'édification d'une nouvelle tour de Babel.
Seul le temps limité de sa vie empêcherait Kafka de relier ces esquisses. Toutefois parcourir ce livre donne un axe d'écriture à l'œuvre de Kafka un peu la structure des contes des mille et une nuits, conçues pour faire reculer la peur et la mort. Pour durer. Pour survivre tout en décrivant par maintes paraboles les horreurs du temps à venir.... que Kafka pressentait mais n'a pas vécues comme sa soeur.

Christiane a dit…

Enfin, l'empereur meurt mais personne le connait car la Chine est trop vaste. De même que personne ne connait le maître d'oeuvre de la muraille.
On retrouve les obsessions de Kafka quant à ces décideurs qu'on ne rencontre jamais. Cette impression d'absurdité de projets qui ne peuvent aboutir mais qui occupent ceux qui y participent. Ces groupes qui vont pendant cinq ans bâtirent... Des groupes qui se remplacent, permutent. Cette obsession de la construction de la muraille jusque dans les jeux des enfants. Une priorité qui dépasse largement la défense de la Chine et même la contredit. Des travaux inutiles qui asservissement donnent une motivation sans fondement.
Je pense au Mur des Pink Floyd.

Christiane a dit…

Je comprends vos doutes, MC.
C'est comme si on faisait les fonds de tiroir d'un ami qui nous a quittés à la recherche de la moindre trace de lui. Un objet, une photo, un vêtement, quelques pages.
Mais c'est Kafka. Ses romans, son Journal, le mystère qui entoure sa vie, son écriture.
Certaines pages de ce recueil me désarçonnent par leur brièveté. Et puis je me reprends, me dis qu'à ce moment-là une idée traversait son silence, qu'il la notait, l'oubliait, la reprenait, la raccordait à une autre esquisse.
Ainsi à la fin de "La construction de la grande muraille", ce nautonier qui passe avec sa barque, confie un secret au narrateur et puis rien ! Sauf si on a lu avant "Le chasseur Gracchus". Alors cette fin se raccordant à l'autre nouvelle donne soudain une autre finalité à la nouvelle "La grande muraille". Une mort lente, refusée, une survie d'errance.... Une muraille qui ne sert à rien qu'à leurrer un peuple, lui donner l'impression que son travail est indispensable à l'Empire.
Tous les murs finissent par s'écrouler comme celui de Berlin... "Thé Wall"...
sauf ceux des fictions de Kafka. Le château... K...
Ni dehors, ni dedans, en attente d'un portier qui jamais ne viendra....

Anonyme a dit…

Mais la composition de ces nouvelles, c’est l’éditeur qui s’en charge, pas l’auteur…

Soleil vert a dit…

L'auteur voulait tout détruire.

Anonyme a dit…

Je sais, mais il n’était pas le seul. Virgile a voulu brûler l’Eneide!

Anonyme a dit…

Merci Auguste! Merci Max Brod!

Anonyme a dit…

”La grande muraille”,une parabole ?
On peut y voir la solitude de l’individu et son désir d’intégration par un ouvrage construit en collectivité.
Ou bien,vue la date 1917,des signaux politiques de systèmes dictatoriaux, comme une référence visionnaire à l’architecture de ces systèmes.
Enfin,ça reste une fiction.

Anonyme a dit…

Kafka travallait pour des Assurances liées à l’ Empire Austro-Hongrois et son zèle semble n’avoir pas faibli. Curieux non? MC

Christiane a dit…

Lu dans la préface d'Éric Pessan :
"Pour sa traduction, Stéphane Rilling s'est appuyé sur les textes originaux, issus des carnets de l'auteur, et non sur ceux mis en forme par Max Brod (qui les publiera en 1931 en les remodelant, en cousant ensemble des fragments, en concluant certains textes incomplets). C'est au plus près de l'écriture de Kafka que Stéphane Rilling a travaillé, redonnant à chaque nouvelle sa forme inachevée, incomplète parfois, voire abrupte.
Kafka a beaucoup écrit et peu terminé (...) il accumule bribes et idées à une vitesse prodigieuse, déverse sur le papier des quantités impressionnantes de bouts d'histoires qu'il se promet d'écrire proprement un jour. Et ne revient que peu en arrière pour tenter de donner une forme définitive à ses brouillons. Je crois sincèrement qu'il serait faux de considérer comme incomplets ces fragments. (...) Kafka est tout entier dans le fragment. Il a trop à faire (et trop peu à vivre) pour retravailler dix fois sa copie, la reprendre encore et encore ; il consigne, vite, lors de nuits épuisantes, des morceaux d'histoires, et ces morceaux là valent pour ce qu'ils sont : une œuvre. Qu'importe si un texte se clôt sur une parole qui ne viendra jamais (cf : La construction de la muraille de Chine), en quelques pages (quelques lignes parfois), Kafka a su créer un univers fictionnel cohérent, son monde tient, ça fonctionne à merveille, la mécanique imaginaire et littéraire est impeccablement huilée."

Christiane a dit…

"son désir d’intégration par un ouvrage construit en collectivité."
Je n'ai pas eu du tout cette impression en lisant la nouvelle.

Christiane a dit…

Car plus la nouvelle avance plus cette construction paraît absurde.

Anonyme a dit…

D’accord sur cette notion d’absurdité infinie.

Anonyme a dit…

Max Brod fut le saint Paul, si j’ose dire, de Kafka. Faut-il le lui reprocher, comme autrefois Derleth pour Lovecraft? MC

Christiane a dit…

Je ne sais. Si vraiment Kafka avait souhaité que ses manuscrits restent inédits, il les aurait détruits. Cela ressemble à un ami qui annonce qu'il va se suicider pour qu'on l'en empêche, pour qu'on l'aime.

Christiane a dit…

Je navigue entre deux livres qui me sont chers. Livres arrivés en même temps dans ma boîte à lettres. Et pour l'un de for loin du passé : 1964 , celui de Burguet et pour l'autre, édition très récente, des effilochures d'un homme et écrivain essentiel dans ma vie de lectrice : Kafka.
Il me faut donc un temps de pause entre ces deux univers.
MC pose des questions que Soleil vert a cernées dans son billet et sur lesquelles il revient dans ses commentaires.
Ayant terminé la lecture de ces nouvelles en l'état, je sonde le préface de E.Pessan et la postface de S.Rilling.
Ainsi, page 128 (S.R.) :
"Les quelques textes réunis ont été écrits entre mars 1917 et 1922, à une période où Kafka, marqué par l'émergence de l'antisémitisme et du sionisme, mais aussi par la première guerre mondiale et la fin de l'Empire austro-hongrois, évoque les processus d'organisation du vivre ensemble, les modalités d'une mobilisation populaire, ou encore l'altérité de populations ou groupes ethniques au sein d'un ensemble étatique. Dans plusieurs textes, ces problématiques sont transposées dans une Chine plus ou moins antique qui devient alternativement le paradigme d'un territoire impossible à administrer, d'un état bureaucratique aux arcanes impénétrables (...) Les thèmes kafkaiens classiques de la loi, de la culpabilité, de l'autorité de déploient dans les fictions rassemblées ici."

Christiane a dit…




Pour répondre à une question cueillie en passant dans un grand champ de coquelicots...
JJJ, régalez-vous. A Orsay, Peter Doig avait conçu une exposition mettant en regard ses grands maîtres de XIXe siècle et ceux contemporains. Toutes les interventions en anglais sont enduites traduites en français. On apprend beaucoup, on contemple beaucoup. (8mn)


https://www.google.com/search?gs_ssp=eJzj4tTP1TcwTCkwKTFg9OIqSC1JLVJIyc9MBwBPiQck&q=peter+doig&oq=peter+Foig&gs_lcrp=EgZjaHJvbWUqDAgBEC4YChixAxiABDIGCAAQRRg5MgwIARAuGAoYsQMYgAQyCQgCEAAYChiABDIJCAMQABgKGIAEMgkIBBAAGAoYgAQyCQgFEAAYChiABDIJCAYQABgKGIAEMgkIBxAAGAoYgAQyCQgIEAAYChiABDIJCAkQABgKGIAEMgkIChAAGAoYgAQyCQgLEAAYChiABDIJCAwQABgKGIAEMgkIDRAAGAoYgATSAQg2ODk0ajBqN6gCCLACAQ&client=ms-android-xiaomi-rvo3&sourceid=chrome-mobile&ie=UTF-8#fpstate=ive&vld=cid:35de809b,vid:aEfHR0342NM,st:0

Christiane a dit…

ensuite

Janssen J-J a dit…

Je regrette les choix de cet éditeur, dans cette édition, même s'il décide de ce qu'il veut...
Je préfère la lecture compréhensive linéaire du meilleur connaisseur de l'oeuvre de Kafka mettant en parallèle ces petits fragments avec le moment de sa vie où il décide de se retirer dans le petit réduit bleu, le Hradshin, que lui prêta sa soeur Ottla. Dans le chapitre "l'alchimiste" (tome 2) Reiner Stach explique et commente ceci... : durant l'hiver 16-17, 4 cahiers in octavo de 80 p, petit f, propre à se glisser dans une poche de poitrine et à se transporter en ville. On suppose que Kafka en utilisa duex autres qui ont disparu...
(p. 231) -< ces échos, ces reflets ne sont toutefois que les effets collatéraux de ce grands jeu formel auquel s'adonne Kafka. On dirait qu'il est résolu à essayer tout ce qu'ont à offrir les différents traditions narrative (...) dans sa course à travers toutes ces formes, il donne l'impression de les entremêler. Il fond ce que la passé lui donne et il en tire des synthèses nouvelles et inédites : du plomb, il fait de l'or...
(la suite dans un message à venir)

Christiane a dit…

Mais votre regard, JJJ, sait déceler sa modernité dans toute cette culture qui le rattaché au XIXe siècle. C'est un globetrotter de la peinture, immensément doué.

Christiane a dit…

Voilà un point de vue bien défendu ! Hâte de lire la suite.

Janssen J-J a dit…

(suite)Chez Kafka, to(à la différence ders surréalistes), tout demeure sous contrôle, et l'abondance des ébauches offre la meilleure preuve qu'il soumettait ses trouvailles à une sélection drastique";
Le gardien de la crypte demeura un fragment. Il ne compte pas parmi les grandes réussites de K. Trop de dépendance à l'égard des modèles de Strinberg - Construction trop gauche, ensemble inabouti... Avec l'apparition du fantôme des anciens rois, Shakespeare avait fait mieux dans le premier acte de Hamlet...
Mais (p. 211) "il libéra la scène pour un feu d'artifice imaginaire sans précédent. Un médecin de campagne, Le Pont, A la galerie, Le prochain village, le chevaucheur de seau, Un fratricide... (décembre 2016 et janvier 2017), Chacals et arabes, le nouvel avocat (février 2018). Un vieux papier et 11 fils (février 2018), Le souci du père de famille, une visite à la mine, un croisement, un rapport pour une académie (avril 2018). Sans oublier le projet du Chasseur Graccchus, idée qui datait de Riva et que Kafka reprit entre janvier et avril, ni d'autres fragments importants tels que Le voisin, le coup à la porte du domaine, et Pendant la construction de la muraille de Chine dont serait plus tard extrait Une missive impériale....(février et mars 2018)? (voir suite)

Janssen J-J a dit…

(suite Stach) - Ces histoires ont elles-mêmes une histoire, elles dévoilent les expériences, les préférences et les obsessions intimes de leur créateur, et elles sont le produit d'un art acquis et affiné au fil des ans. Même l'affirmation de Kafka selon laquelle il aurait pu faire mieux dans de meilleures conditions ne saurait être écartée...
A elle seule, la diversité des motifs, des images et des thèmes éveille jusqu'à l'absurde le soupçon que l'auteur ne se nourrit que de lui-même (...) Ce sont des texte d'une densité et d'une perfection parfois presque irréelles, à la surface desquels on chercherait en vain la moindre trace de leur genèse...
(...) Le manuscrit d'une Missive impériale, par exemple, ne porte pour ainsi dire aucune correction substantielle - alors même que Kafka le revit avec la même sévérité particulière en vue de sa publication. On croirait, réellement, que tout fut là d'emblée. L'écrivain comme créateur. Ex nihilo. (voir suite)

Christiane a dit…

Merci, JJJ. Vous auriez fait un brillant avocat !
Reiner Stach a rassemblé tant de sources et de témoignages, puis transformé cette documentation en une narration tellement captivante. Grâce à lui, la biographie se réinvente comme une forme littéraire. Pierre Assouline
avait écrit à ce propos un billet magnifique. Roman (presque) ? étude psychologique (remarquable) ? méditation historique ? critique littéraire ? Oui. Superbe. Et merci pour votre riche intervention.
Mais faut-il pour autant refuser le trésor de ces quelques traces retrouvées par un chercheur également épris de l'oeuvre de Kafka (S. Rilling) ? C'est plus modeste mais j'ai aimé, justement parce qu'il n'y a que ces quelques textes de Kafka.

Christiane a dit…

Mon préféré, le tome 2. Reiner Stach y raconte, les désillusions, les doutes, la souffrance, la maladie jusqu'au seuil de la mort. .

Janssen J-J a dit…

(p. 236) "L'écrivain en question a perdu un empereur... Dans Pendant la construction de la muraille de Chine, il est dit sans détour : "L'empire est immortel, mais l'empereur individuel tombe et d'écroule".
C'est l'une des causes du malentendus qui fait de lui un angéliste insensible aux faits politiques -que des pertes immenses, voire catastrophiques, l'ébranlent moins que la signification exacerbée de ces pertes : leur signification au delà de l'instant, leur capacité à mettre à nu le noyau de toute une époque. La chute d'un grand symbole, la fin d'une tradition, l'étêtement de la pyramide -comme la plupart de ses contemporains, Kafka a vu dans ces événements le signe d'une désagrégation irréversible... Mais dans le quotidien aussi, la misère réelle et les restrictions d e plus e n plus sévères -qu'il supporta sans se plaindre avec une patience étonnante- l'impressionnaient et le préoccupaient moins que leur valeur de signes...
(p. 238) Kafka débusque les catastrophes d e l'époque derrière celles du quotidien, mais ne les subit pas moins qu'il les observe...
Kafka a réagi de façon productive à une crise qui l'oblige à dépasser ses blocages et ses habitudes, à chercher des moyens de survivre...
Se remet en branle une dynamique très caractéristique qui marque toute sa vie, voire le maintient en vie : une dynamique du cas d'urgence"...
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Merci à R. Stach de nous avoir encore plus fait aimer Kafka, à travers la mise en contexte affective, politique et sociale de sa biographie de créateur insatiable, en ses moindres surgissements. Merci de nous en avoir garanti l'incomplétude de ces fragments, et concédé la part inépuisable et mystérieuse que tout lecteur d'aujourd'hui et à venir de ses nouvelles peut encore éprouver d'émotion trouble et cachée à les lire, à en aimer le caractère toujours énigmatique..., en dépit de tout ce que l'on sait de mieux en mieux aujourd'hui, un siècle après sa mort... Franz restera toujours en nous et avec nous, obscur et lumineux. Oui. pour moi du moins, il m'a toujours consolé de tout...

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Merci à SV de nous avoir permis de rappeler ces quelques mots de R Stach, à l'occasion de l'évocation de ce nouveau petit opus de circonstance.
Bàv et à vos fidèles intervenautes, -

Christiane a dit…

Eh bien ça c'est un cri du cœur ! Et quel cri !
Merci JJJ. Mille fois merci.

Christiane a dit…

Si vous avez le temps un petit film très intéressant sur Peter Doig, à 10h, sur ce fil de commentaires.. Rien que pour vous.

Janssen J-J a dit…

Désolé mais en me relisant je remarque que j'ai toujours daté les fragments de Kafka au 21e siècle, IL fallait lire les mois des années 1917-1918, etc...
Quels incroyables lapsus calami, tout de même !...
Merci Ch. et SV de ne pas m'en avoir accablé avec une ironie qui eut pu être de mise, mais non, ce n'est pas votre style... Vous n'accablez jamais les gens de leurs faiblesses de mémoire et de clavier. Merci. Bàv, vraiment je vous en sais gré.

Christiane a dit…

Et puis n'est-il pas une conscience pour notre temps ?

Christiane a dit…

L'excellent billet de Passou

https://larepubliquedeslivres.com/deux-fois-kafka-avec-autant-dempathie/#comments

Christiane a dit…

Suivi de :
https://larepubliquedeslivres.com/kafka-saison-2/

Soleil vert a dit…

Merci de votre visite JJJ mais …
"Je regrette les choix de cet éditeur, dans cette édition, même s'il décide de ce qu'il veut…"

Je ne comprends pas, il cite les versions alternatives des textes, suggérant les difficultés de naviguer entre les choix de Max Brod et des éditeurs successifs (Fischer).

Anonyme a dit…

«  l’Empereur individuel tombe et s’ecroule ». Réalité. Démission forcée de l’ Empereur Charles en 1917-18, je crois…. MC

Janssen J-J a dit…

@ MC, oui faisons nos savants, MC ; l'archiduc Charles, petit neveu de François-Joseph, désigné empereur à 29 ans, tombé pour cause de mauvaise gestion de la crise de l'approvisionnement de l'époque...
Une affaire que notre impérial Macron devrait méditer, avant que MC ne se fasse le chroniqueur avisé de sa chute annoncée :-) . Bàv,

@ SV, je n'ai pas eu accès à l'argument de cet éditeur, vu que j'avais lu l'ensemble de ces textes fragmentaires de FK ailleurs... D'où votre légitime incompréhension... Bàv,

Anonyme a dit…

Ce n’est pas faire son savant que de rappeler un fait historique, JJJ. Et Charles n’était pas Archiduc mais Empereur. Cf le cortège funèbre de Zita de Habsbourg. MC

Janssen J-J a dit…

Il fut archiduc avant de devenir l'empereur Charles 1er, successeur de François-Joseph 1er, à la suite de son décès le 21 novembre 1916... Désolé pour vous, MC. Parfois, votre ton péremptoire sur "les faits historiques" est plutôt désagréable... Bàv,

Anonyme a dit…

Évidemment! Vous n’avez pas compris qu’on est toujours Archiduc avant de devenir Empereur??? Pour mon ton , vous trouverez bon que je le garde, MC

Christiane a dit…


De timbre en timbre, refaire la route...

http://loeildeschats.blogspot.com/2017/02/une-semaine-k-7-un-solitaire-six.html

Christiane a dit…

"En disparaissant en 1924, Franz Kafka a échappé au second acte de la catastrophe civilisationnelle qui menaçait à nouveau l’Europe et qu’il ne cessait de prophétiser. Il n’aura pas eu à vivre à nouveau cette « alliance mortifère de la violence et de l’administration ». Il ne saura pas que ses trois sœurs mourront dans des camps de concentration auquel son oncle n’échappera qu’en se donnant lui-même la mort. Les quatre femmes qui avaient été ses amies de cœur seront exterminées dans des camps nazis. Son propre frère et ses meilleurs amis également. Un entourage comme une hécatombe."

« Son monde a cessé d’être. Seule sa langue vit."

Pierre Assouline ( lien ci-dessus)

Janssen J-J a dit…

@ oui, MC, gardez-le, votre ton, si vous ne parvenez point à vous en départir. Mais souffrez qu'il me déplaise... Bàv,

Janssen J-J a dit…

Felice ? Grete ? Julie ? Milena ?...
Mais pas Dora Dimant.
Son propre frère ?

Anonyme a dit…

Poséidon” est tellement vrai.
Qui d’entre nous n’a jamais été confronté à la bureaucratie administrative, demander sa retraite etc..
D’où l’expression ”C’est kafkaïen ”😁

Anonyme a dit…

Expression qui émane d’ailleurs d’un pur bureaucrate ! MC

Anonyme a dit…

Des trois Archiducs héritiers: Rodolphe, suicide, Jean Salvator de Toscane dit Jean Orth en fuite. François Ferdinand, qui a perdu par son mariage ses droits dynastiques, assassine à Sarajevo. Et on s’étonne que le fardeau retombe sur Charles???

Anonyme a dit…

Un Habsbourg Lorraine qui n’appartient pas au premier cercle, c’est-à-dire à la famille de Francois-Joseph, son grand oncle dont on voit ci-dessus les brillants résultats!

Christiane a dit…

MC, en ce moment sur France culture, pour vous changer des empereurs.


https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/concordance-des-temps/juliette-drouet-la-legende-d-un-siecle-9097093

MC a dit…

Desole, Christiane, mais il faut bien admettre qu'ils jouent un role dans l'univers Kafkaien...Laissons Juliette en paix.

Christiane a dit…

Que vous n'avez toujours pas expliqué, MC.

Christiane a dit…

Je suis triste. Charles Juliet est mort hier.
En pensant à ses livres, cet extrait du journal qu'il tint en 1993 durant les quatre mois qu'il passa à Saorge, un village des Alpes-Maritimes. C'était une résidence pour écrivains et artistes installée dans un ancien monastère.
Voici la page écrite le 18 avril.
"Il y a deux jours, j'ai reçu avec un très réel plaisir "Le Pont secret" et "Le Temps immobile", envoyés par leur auteur, Claude Mauriac.
Je viens d'en achever la lecture. Que cherche-t-on dans un livre, sinon à découvrir une vie, un être, une sensibilité, une manière autre que la sienne de percevoir le monde ?... Voilà pourquoi j'aime tant les Journaux, les écrits intimes, les Correspondances... En lisant de tels ouvrages, on a l'impression qu'un inconnu est là près de vous, qu'il vous a pris en amitié et choisi pour confident. Et il est passionnant de recevoir ce qu'il a à vous dire, de pénétrer dans son intériorité, de revivre en le savourant ce qu'il a vécu...."
De lui des livres m'ont enchantée. "Rencontres avec Bram van Velde - Rencontre avec Samuel Beckett - Giacometti - Entretien avec Pierre Soulages - Jean Reverdy - Pour Michel Leiris - Dans la lumière des saisons - L'Inattendu" et son Journal.
Il m'est proche comme Edith Stein dont je regardais la vie hier au soir par un délicat film d'approche. Des âmes brûlantes, fragiles, discrètes....
Je viens de passer un long temps de lecture avec un livre insoumis de Frantz André Burguet "Le Reliquaire". Étrange aventure de lecture qui m'a labourée.

Christiane a dit…

C'était "Une rose à Auschwitz - La vie d’Edith Stein"
Née dans une famille juive orthodoxe allemande, Edith Stein est morte en 1942 à Auschwitz.
Pourquoi ? Elle s'était engagée comme infirmière sur le front pendant la Première Guerre Mondiale, envisageant, un temps, de se marier avant de choisir, bouleversée par les écrits de Sainte Thérèse d’Avila, une vie monacale.
Quel mystère que ses choix... Quel mystère que sa mort...

Christiane a dit…

Dans ce film est posée une autre énigme : malgré une éducation marquée par le judaïsme, Edith Stein s’etait éloignée de toute croyance religieuse en même temps qu’elle avait quitté librement l’école pour un temps.On la retrouve à la faculté, élève puis assistante de Husserl avec un doctorat de philosophie en poche.
La suite ressemble à un chemin lisible par elle seule...
Ce fut une merveilleuse soirée de calme, de méditation et maintenant j'apprends que Charles Juliet est mort.
Il a plu cette nuit avec force. J'écoutais la pluie sur les toits de zinc. Je pensais à toutes ces vies partout... Comme des petites étoiles.... allumées ou éteintes dans un ciel indéchiffrable.

Anonyme a dit…

Elle avait 41 ans quand elle est entrée au Carmel.Qu’on y réfléchisse, ce n’est pas si fréquent, et cela dénote , y compris pour les Supérieurs , une pensée et une foi exceptionnelle. Pour cette raison, Je n’ai pas aimé le tohu-bohu fait à Jean Paul II pour l’installation d’un Carmel à Auschwitz. On dirait qu’ Edith Stein appartient post mortem au peuple Élu.C’est faux historiquement, mais je ne crois pas qu’on l’ait relevé…

Christiane a dit…

Ah le carmel d'Auschwitz. J'ai vaguement entendu parler de cela. J'ignorais qu'Edith Stein était liée à cette polémique. Je pense aussi que ce lieu doit resté tel qu'il est, un témoignage de l'horreur qu'ont vécu les deportes. Je ne crois pas que cela a été évoqué dans le film. Je n'ai vu que le début après j'ai lu.
Ce qui m'intéresse, comme vous, c'est sa pensée, l'évolution de sa vie, ses choix. Merci.
Je crois qu'elle a été surprise de voir une femme seule priant dans une église. Cela l'a intriguée. C'était tout à fait nouveau pour elle..

Christiane a dit…

"Elle est détenue avec sa sœur dans le camp de transit d'Amersfoort, puis celui de Westerbork. Elle y retrouve deux de ses amies , deux jeunes filles juives devenues catholiques : Ruth Kantorowicz et Alice Reis. Au camp de Westerbork, elle croise une autre grande mystique juive du XXe siècle, Etty Hillesum "
C'est ce qui m'a donné envie de relire le livre évoquant Etty Hillesum.

Christiane a dit…

"Une vie bouleversée"/ Etty Hillesum

Christiane a dit…

" Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois je parviens à l’atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour. » 
"Une vie bouleversée" page 54- Etty Hillesum.

Christiane a dit…

Bonjour Soleil vert,
Je ne sais ce qui m'a fait dévier de mon interrogation sur les écrits de Kafka dans cette soirée et cette nuit de vendredi à samedi.
Pourtant, je n'ai pas envie d'effacer ces apartés noués à la mort de Charles Juliet et at ces mystiques juives mortes à Auschwitz.
C'est un tout qui m'a éloignée de l'agitation des médias. J'ai vu le lendemain les remous provoqués non par l'eau de la Seine mais par cette fête sur l'eau et sur les berges pour ouvrir les JO.
J'avais un peu vu le début. Des dizaines de bateaux remontant vers le pont de Iéna, chacun dédié à un pays sauf celui des migrants. Belle façon d'être
accueilli à Paris mais trop de couleurs, de tapage, de transformation des quais, des rives.
Qu'ont fait tous ces sportifs une fois arrivés au pont de Iéna ?
Puis j'ai quitté ce défilé nautique pour choisir une autre nuit, plus calme, plus méditative.
Je suis partagée face à ces jeux sportifs. Réunir les peuples par le sport c'est une belle idée. Les motiver par une médaille c'est triste pour les athlètes perdants qui auront donné tant d'efforts pour être oubliés. Je n'aime pas l'idée de champion mais j'aime l'effort têtu de ces hommes de ces femmes dans leur vie de sportifs, leur courage, leur esprit d'équipe. Et puis trop d'argent les perturbe. Le sport cela devrait passer à côté, loin des contrats qui transforment certains sportifs en millionnaires, en marchandises à vendre ou à acheter.
Bon, je vais reprendre le fil des commentaires.
J'ai vu plus haut un duel entre MC et JJJ à propos de l'empereur d'Autriche. Bizarre...
Merci d'avoir choisi ces textes de Kafka. Je ne les connaissais pas. J'ai surtout lu avec attention le Journal de Kafka, un peu des biographies qui lui sont dédiées et quelques romans.
C'est un écrivain important qui a vécu dans l'angoisse et la solitude, la peur de l'antisémitisme naissant, la désolation de la première guerre mondiale. Difficile de trouver de l'espoir dans ses livres. Il a ouvert la voie à l'absurdité du temps. Notamment pour Camus. Le lire fait souffrir.Taraude. Inquiète. Mais il le faut.
Il y a le bouleversant Pessoa et son Intranquillité qui ajoute au ciel indéchiffrable la melancolie d'un être du non-lieu, exilé du réel . Étrange clarté que nous laissent ces hommes, ces femmes. Des voix inoubliables. Des livres de pauvres . Des aventures intellectuelles dont les fragments nous viennent par l'écriture.erci detrey là.

Christiane a dit…

Merci d'être là.

Soleil vert a dit…

La prochaine chronique porte sur un livre de science-fiction ancien et très abordable. Son thème est universel et a été abordé par un grand homme de théâtre hexagonal. Son personnage me ressemble.
Merci aussi à vous d'être là.

Christiane a dit…

Cette devinette est juste assez énigmatique pour attendre avec impatience la découverte de ce livre et de cet homme de théâtre. Chic !

Christiane a dit…

"Au football, tout est compliqué par la présence de l'équipe adverse."
Jean-Paul Sartre

Il a bien raison !
 

MC a dit…

Je me mefierais des analyses d'Etty Hillesum. Cette histoire de femmes priant à l'Eglise parait grotesque. Pour le reste, j'etais pris à partie, j'ai répondu.

Christiane a dit…

Grotesque, Edith Stein ? Je ne trouve pas.
En juillet 1916, elle est à Francfort, avec Pauline Reinard, elle raconte :
« Nous entrâmes quelques minutes dans la cathédrale et, pendant que nous étions là, dans un respectueux silence, entra une femme avec son panier de commissions; elle s’agenouilla sur un banc pour faire une brève prière. Ce fut pour moi quelque chose de totalement nouveau. Dans les synagogues , où dans les églises protestantes dans lesquelles j’étais allée, les gens ne venaient que pour les offices religieux. Mais ici arrivait n’importe qui, au milieu de ses travaux quotidiens, dans une église vide… Comme pour un dialogue confidentiel. Je n’ai pu oublier cela…»
Cela est crédible.

Pour Etty Hillesum. C'est une femme sensuelle, ardente, qui a un lien étrange avec Julius Spier son psychiatre et mentor. Elle est passionnées de lectures philosophiques et bibliques. Avant d'être déportée et assassinée dans les camps elle est très libre dans ses propos. Ses désirs charnels occupent une large place dans ses écrits. Elle ne les combat pas mais aime ces périodes planes, calmes, sans autre préoccupation que de penser sa vie. A ces moments-là, son corps la laisse tranquille. Des femmes différentes. .. Regardez Edith Stein très féministe et militante avant que Dieu lui tombe sur la tête. Elles me plaisent beaucoup .
Vous êtes un homme facilement méfiant vis à vis des femmes en général , surtoutquand elles font des confidences sur leur vie intime, leur sensualité. Cela ne me gène pas autant pour les femmes que pour les hommes. L'église n'aime pas trop ça en paroles et prêches. En actes c'est différent...
Ah les femmes.... Comme elle font peur à certains hommes ce sont pourtant des êtred délicieux. Et pas sottes du tout.