dimanche 14 avril 2024

Deux hommes dans les confins

Robert Sheckley - Deux hommes dans les confins - Argyll

 

 

 

Les éditions Argyll nous avaient offert en 2022 un moment de pur plaisir de lecture avec un recueil de quelques-uns des meilleures fictions courtes de l’écrivain Robert Sheckley, Le temps des retrouvailles. Un titre en forme d’applaudissements suite à la découverte d’un nouvel opus rassemblant de façon inédite l’ensemble des textes relatifs aux aventures rocambolesques des deux fondateurs de l’entreprise « AAA Les As de la Décontamination Planétaire ». Deux hommes dans les confins collecte les huit nouvelles du corpus, dispersées au fil du temps dans les magazines et les anthologies ; six d’entre elles, rappelle Philippe Curval, dans une introduction réactualisée qui fut une de ces dernières contributions au genre, furent publiées en 1954 et 1955 dans la revue Galaxy, la septième dans Fantastic Universe et la dernière trente ans plus dans Stardate. L’ouvrage des éditions Argyll prend date avec un paratexte important, une préface et une interview de Curval, une postface du traducteur et maitre d’œuvre Leo Dhayer et enfin un texte de Sheckley, « Notes sur l’écriture » rédigé lors d’un séjour à Paris en 1984.

 

Planètes à la dérive, écosystèmes en berne, espèces extraterrestres invasives, Arnold et Gregor présidents et employés de « AAA Les As de la Décontamination Planétaire » se chargent de tout remettre en place dans la Galaxie. A la tête d’une firme en rupture de fonds et de contrats, malgré un triple A dénominatif censé la propulser en tête des annuaires, les deux compères ne reculent devant aucune mission. Sur place, la situation s’avère bien plus complexe que ne les laissaient augurer les documents ou les dires du client. Pire, la solution envisagée envenime les choses. L’intuition, la débrouillardise résolvent finalement tout, mais pas toujours à l’image de « La Clef Laxienne ». La faute bien souvent aux machines qui ne fonctionnent pas comme prévu, voir prennent la direction des opérations (« Le vieux rafiot trop zélé »). Plus que l’humoriste, l’adepte du nonsense apprécié par les lecteurs de Jarry, de Vian, Roussel, Queneau etc. (et pas forcément par ses concitoyens d’Outre Atlantique d’ailleurs), on saluera le satiriste qui nous offre un exemple de relativisme culturel dans la nouvelle « Un Sarkanais peut en cacher un autre ». Un Sarkanais « extraterrestre à tête de belette originaire de Sarkan 2 habillé en complet-veston » demande à Arnold et Gregor d’exterminer une espèce animalière, Les Meegs, des espèces de chats ; ils détruisent les cultures de leur légume préféré, le « saunicus ». Mais voilà, sur Sarkan 2, les chats en question intiment aux deux compères l'ordre d’inverser l’extermination. Pire, le choux local, objet de convoitises alimentaires ou de pratiques rituelles, se révèle télépathe. Que faire ?

  

Leo Dhayer et l’auteur du Ressac de l’espace dissertent plaisamment sur les deux personnages, figures physiques de Laurel et Hardy, sur les inventions verbales à répétition de Sheckley. Le plus émouvant reste ce dialogue entre les morts, sorte de ping-pong amical opposant le surréaliste français et le satiriste américain. Deux hommes dans les confins se doit de figurer dans toute bibliothèque de science-fiction qui se respecte, aux côtés de H2G2, le guide du routard galactique, qu’il préfigure.

P.S : si d’aventure vous retrouvez la Clef Laxienne de ce bas monde, n’hésitez pas à l’utiliser.

 

 

SOMMAIRE NOOSFERE

  

1 - Philippe CURVAL, Robert Sheckley, enchanteur paranoïaque, préface
2 - Spectre 5 (Ghost V, 1954)
3 - Une mission de tout repos (Milk Run, 1954)
4 - La Clef laxienne (The Laxian Key, 1954)
5 - Une invasion de slegs (Squirrel Cage, 1955)
6 - Le Vieux Rafiot trop zélé (The Lifeboat Mutiny, 1955)
7 - La Seule Chose indispensable (The Necessary Thing, 1955)
8 - Le Château des Skags (The Skag Castle, 1956)
9 - Un Sarkanais peut en cacher un autre (Sarkanger, 1986)
10 - Leo DHAYER, Guide de la débrouille galactique, postface
11 - Philippe CURVAL, « Les écrivains contribuent à aider les autres à s’échapper »,entretien avec Robert SHECKLEY
12 - Notes sur l'écriture :C’est toujours l’hiver quand on écrit (Notes on writing)


93 commentaires:

Christiane a dit…

Les extraits de l'entretien de Robert Sheckley paru dans la revue Locus sont passionnants. Merci pour le lien.
Le goût de l'absurde y est étayé par une connaissance fine des écrivains qui en font un fil conducteur.

Christiane a dit…

Dans le billet en lien concernant un autre roman de lui ( Le temps des retrouvailles) , je lis :
"Ses écrits s’inscrivent dans une tradition satirique à la Swift. On l’associe parfois à Fredric Brown, mais je le verrais plus proche d’un Kurt Vonnegut dont il se garde cependant de la noirceur. Sans illusion sur la nature humaine, il en dénonce la violence et l’absurdité, dans une posture de distanciation ironique et humoristique."
En trois pages, un beau portrait de l'auteur et une analyse de son écriture , c'est très complet. Il reste à découvrir les huit nouvelles parues dans "deux hommes dans les confins"...

Soleil vert a dit…

Corrections terminées ouf

Soleil vert a dit…

La décontamination de la Terre offrirait aujourd'hui à Arnold et Gregor un boulot à temps plein.
Le plastique dans les océans par exemple.
Les déchets satellitaires : https://soleilgreen.blogspot.com/2012/03/manga-sf-1.html

Christiane a dit…

"Spectre V" est une nouvelle délicieuse. Les peurs enfantines, les monstres que nous inventons, les armes pour s'en défendre (pistolets à eau, formules magiques des mots qui ne veulent rien dire, jouissance bedouillante, toute-puissance enfantine.....).
L'amitié aussi puisqu'ils étaient trois gamins pleins d'imagination à échanger leurs peurs. C'est très frais, innocent.
Elle m'évoque un texte d'Henri Michaux : "Le grand combat".
"Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle ;
Il le pratèle et le libuque et lui baruffle les ouillais (...)"
Un espace de jeu d'un âge perdu, des complicités oubliées. Des secrets.
Sheckley a su faire revenir l'Enfantin si logique et ses paradoxes.
Une à une les peurs enfantines sont convoquées comme dans un album qu'aimaient beaucoup mes petits élèves : "Max et les Maximonstres" de Maurice Sandak.
Une nouvelle qui n'existe que par le pouvoir de nos souvenirs d'enfance.

S'Anonyme a dit…

loin de moi l'idée d'être une rabat-joie, mais autant se procurer The Masque of Mañana qui contient les huit textes de la série et bien plus.
Le paratexte de ce recueil, que Mnémos appelle bizarrement un fix-up (sic), est en majorité du réchauffé provenant surtout du numéro spécial Sheckley de la défunte (et à la présentation particulièrement horrible) l'anthologie/revue/magazine/recueil Science-fiction.
Pour 17.90€ pas grand-chose de neuf à se mettre sous la dent, si ce ne sont les 9 pages de Dhayer.
S. (la méchante)

Soleil vert a dit…

The Masque of Mañana, oui mais traduit ?

Christiane a dit…

Bon, encore une panne d'ordi ! A plus tard...

Anonyme a dit…

Mes deux commentatrices m'ont mis KO. Henri Michaud, incroyable. SV

Christiane a dit…

?

Christiane a dit…

Citer Henri Michaux était faire écho aux mots magiques des enfants. Ces adultes perturbés par un imprévu, revivent leurs souvenirs de jeux d'enfants, leurs peurs, leurs combats imaginaires et surtout ce langage inventé qui leur permettait d'anéantir tous leurs ennemis.
C'était positif et non sarcastique, cher SV

Soleil vert a dit…

Je sais, mais comment ai-je pu passer à côté ?

Christiane a dit…

Ah vous me rassurez ! J'ai commencé à lire La Clé laxienne. Je sens que je vais m'amuser .

Christiane a dit…

La nouvelle "La Clé laxienne" semble inspirée par l'histoire de "L'apprenti sorcier" (Goethe ), mise en musique par Paul Dukas.
L'histoire du jeune apprenti sorcier qui essaie d'utiliser un balai magique pour faire à sa place le ménage et dont le balai devient incontrôlable....
Je me demandais quelle chute Robert Sheckley allait trouver. Et là, la science-fiction est maître d'œuvre. Belle pirouette !

Christiane a dit…

Dans la postface cette citation me paraît révélatrice.
" J'avais l'impression de ne pas vraiment écrire de la science-fiction, ce qui me donnait parfois le sentiment, un peu mélancolique, de ne pas en faire réellement partie."
Léo Dhayer analyse finement cet homme mettant en valeur son humour, sa fantaisie pour décrire les aventures galactiques d'Arnold et Grégory. Tout en rappelant que l'humour serait la politesse du désespoir.

Une citation de Christopher Priest incluse dans cette postface est très intéressante aussi :
"Il avait trouvé un foyer naturel dans deux revues....".

Puis l'entretien avec Philippe Curval où j'aime le découvrir grand lecteur (Hugo, Nietzsche, Hemingway, Kafka, Borges, Schopenhauer....) et intuitivement persuadé qu'Arnold et Grégory sont deux faces de sa personnalité tout en ayant aucune idée de ce qu'ils représentent.
Tiens, c'est intéressant. Il donne des explications quant à l'inspiration de "La Clé Laxienne". C'est un conte de la Baltique expliquant pourquoi la mer est salée. Donc je me suis trompée !



Christiane a dit…

Dans le film de Stanley Kubrick, "2001 l’Odyssée de l’Espace", le vaisseau Discovery se dirige vers Jupiter. A son bord, une équipe de scientifiques et l’ordinateur HAL.
Dans le roman écrit par Arthur C. Clarke comme dans le film, l'ordinateur du vaisseau est doté d’une intelligence artificielle capable de prendre des décisions et de tout contrôler.
Quand il entre dans l'action de tuer les astronautes pour remplir la mission programmée dans sa mémoire, seul, le dernier survivant parviendra à débrancher les plots de sa mémoire et ainsi à avoir la vie sauve. Scène d'une grande beauté où la voix de HAL s'éteint progressivement

Dans la nouvelle de Robert Sheckley, "Le Vieux Rafiot trop zélé", je retrouve le même scénario à quelques différences près.
Gregor et Arnold sont à bord d'un vieux vaisseau d'occasion pour remplir une mission de reconnaissance. Vaisseau doté aussi d'une intelligence artificielle qui a aussi une voix et surveille ses passagers. Programmé pour les préserver, il va les conduire à leur perte sauf si les deux compères trouvent discrètement une parade pour échapper à la glaciation...

Deux machines délirantes dont la logique repose sur des bases obsolètes de leur intelligence artificielle, devenant paranoïaques.

Confier sa vie zy un robot... Aïe !

Christiane a dit…

à un robot

Anonyme a dit…

Tiens, l'interface du blog a changé. J'utiliserai donc la rubrique "anonyme".
Avançant dans ce recueil de nouvelles de Robert Sheckley, led silhouettes des deux hommes perdus aux confins de l'espace se precisent comme le ton de ces aventures. Elles échappent à la gravité. Elles sont écrites avec modestie et aisance, avec clarté. Tout s'y enchaîne aussi vite que possible en une trentaine de pages pour trouver une place dans une revue d'histoires de science-fiction. Pour celles que j'ai lues des lointains souvenirs d'autres fictions déjà connues viennent à la mémoire ( contes, romans, films ...) que l'auteur saisit en les modifiant par l'intervention de ces deux personnages un peu cocasses et dans un univers interstellaire .
Elles sont agréables à lire mais l'ensemble manque de puissance. A-t-il écrit des romans ?
Christiane

Christiane a dit…

C'est encore internet qui joue à l'Arlesienne ! tout semble revenu en ordre.

Anonyme a dit…

Toutes ces histoires sont posées comme des charades. Comment vont faire ces deux amis pour déjouer une fâcheuse situation due au hasard. Donc les lecteurs jouent le jeu, cherchent, trouvent rarement la solution à laquelle a pensé Robert Sheckley.
Mais il y a peu d'approfondissement de la profondeur psychologique de ces deux hommes. Tout est action et on sait par avance qu'ils vont échapper au pire puisque c'est une série dont les lecteurs de la revue attendent la suite.
Christiane

Anonyme a dit…

Les histoires sont cohérentes mais elles ne sont que les fragments d'un tout. Je trouve que Robert Sheckley ne prend pas de risques en les écrivant.
Christiane

Anonyme a dit…

Il a un côté poil dans la main, oui…. MC

Anonyme a dit…

La nouvelle "un Sarkanais peut en cacher un autre" est par contre, différente

D'abord il y a des précisions sur les deux hommes. Leur prénom s'ajoutant à leur nom qui est déjà un prénom.
Leur aspect physique : "grand, mince, neurasthénique" pour l'un, "replet avec une couronne de cheveux d'un jaune canari et des yeux d'un bleu de Chine" pour l'autre. On pense à Laurel et Hardy.
Leurs loisirs : une partie de solitaire pour l'un, un vieux film de Fred Astaire pour l'autre.
Puis, bien décrit dans le billet de SV, la mission qui leur est confiée : "l'extermination d'une race nuisible". (" Des petites créatures très laides, d'une intelligence limitée, avec de longues griffes"....)
Quelque chose d'inquiétant dans la mémoire du lecteur...

Un être sans nom... Une voix... un être, qui las du comportement des uns et des autres, après leur avoir recommandé de se mettre à l'abri dans leur...arche, décidé de noyer la planète et déclenche le déluge... ("Toujours considéré comme un fléau divin").

C'est presque une relecture de l'ancien testament et d'une période récente de l'Histoire marquée par l'extermination....

Donc une nouvelle bien à part...
Christiane

Anonyme a dit…

Oui, j'ai pensé à votre remarque , MC, mais pas pour celle qui suit (voir le prochain commentaire).
Christiane

Soleil vert a dit…

"Il a un côté poil dans la main, oui…. MC"

15 romans, 400 nouvelles tout de même

Anonyme a dit…

Merci pour la précision, Soleil vert.
Christiane

Anonyme a dit…

"Une invasion de slegs"... Lecture fade que j'ai eu du mal à terminer. Overdose d'animaux encombrants...
Désolée, Soleil vert mais ce livre m'ennuie.
Je retourne à d'autres livres laissés en plan. Mais tant mieux si vous aimez. A bientôt.
Christiane

Anonyme a dit…

Cette nouvelle je la verrais bien en dessin animé comme ceux de Tex Avery. Très peu de texte, une musique saccadée ou en BD .
C.

Anonyme a dit…

Je la verrais bien aussi dans un de ces fabuleux albums de Claude Ponti.. . Là ça serait grandiose. Mais telle qu'elle est, ça ne va pas pas. Enfin ce que j'attends d'une nouvelle. Qu'en pensez-vous, Soleil vert ? L'aimez-vous telle qu'elle est ?

Christiane a dit…

Donc, j'y vois un peu plus clair. Cette écriture qui est guidée par l'action, rocambolesque de préférence, ne s'attarde pas sur l'étude psychologique des deux personnages. Elle génère à la lecture un monde d'images en mouvement, utilisant l'écriture comme lien entre ces scènes d'action. Donc, je suis déçue au niveau de la qualité de l'écriture, pas au niveau de l'imaginaire. Robert Scheckley veut distraire son lecteur et si de sombres souvenirs hantent certaines nouvelles comme "Un Sarkanais peut en cacher un autre", il prendra soin de plonger la trame de son récit dans un ensemble farfelu pour garder le ton qu'il a choisi pour ses écrits : l'humour. Je pense que c'est ce trompe-l’œil qui induit certains lecteurs (MC) à voir dans ses écrits une certaine paresse.
Etrange rencontre...

Soleil vert a dit…

Quand on regarde un Laurel et Hardy, est ce la psychologie des personnages que nous retenons en premier ?
Idem pour Les voyages de Gulliver ...

Anonyme a dit…

Nous sommes pleinement d'accord, Soleil vert. C'est pour cela que je déplace les nouvelles de Robert Schecley vers le cinéma ou la BD.
C.

Anonyme a dit…

Sheckley

Anonyme a dit…

Le problème c'est que Laurel et Hardy ne m'ont jamais fait rire... Je préfère le subtil Buster Keaton et parfois Charlie Chaplin.
Je préfère le rire non provoqué, celui du hasard.
Ici, Sheckley cherche les situations qui vont dégénérer. Aussi le lecteur attend le dérapage, sait qu'il va arriver et attend le dénouement qui sera forcément gratifiant et comique pour les deux héros. Il n'y a aucun doute. Aucun problème insurmontable psychologiquement.
Les êtres humains sont plus complexes, plus faillibles, plus tourmentés.
Mais je comprends que ces nouvelles peuvent plaire au point d'en lire encore et encore ce qui ne sera pas mon cas.
Je ne crois pas que "Deux hommes dans les confins" se doit de figurer dans toute bibliothèque qui se respecte"( de science-fiction... peut-être ), mais pourquoi séparer ces livres des autres ? Jules verne, Mary Shelley, H.G.Wells, Barjavel, A. C. Clarke, Philip K. Dick, Bradbury, Silverberg, Priest, Ballard, Ursula Le Guin, .... sont de bonne compagnie avec mes autres livres.
C.

Soleil vert a dit…

Ici, Sheckley cherche les situations qui vont dégénérer.

Je pense que c'est plus profond. Pour lui - et il faudrait voir d'autres textes ailleurs - l'homme est une entité qui n'est jamais à la bonne place. Kafka en mode mineur si vous voulez.

Anonyme a dit…

Ça c'est vous, pas lui. J'aimerais bien trouver ce que vous dîtes dans ces nouvelles. Je ne l'ai pas trouvé....
Mais vous me donnez envie de relire Kafka.

"L'homme qui n'est jamais à la bonne place."
Brillant !
C.

Christiane a dit…

Ce beau cadeau que nous fait Pierre Assouline pour son anniversaire est un vrai trésor. Que de joie en un seul cahier ! Italo Calvino...
Hervé Le Tellier explore en quelques lignes mes trois livres préférés : "Les Villes invisibles (1972), Le Château des destins croisés (1973), Si une nuit d'hiver un voyageur (1979). Lumineux !
Gianni Celati nous offre quelques notes qu'il avait jetées après les funérailles.
Pourquoi, les lisant, je pense à votre remarque, Soleil vert ("L'homme qui n'est jamais à la bonne place.")?
"(...) Le cimetière de Castiglione della Pescaia, perché sur un promontoire. Là, la séparation entre les classes est nette. La Grande Caste entourait le trou de la tombe qu'on cimentait, alors que les indigènes juchés sur les murs regardaient tout de loin. Le maire de Castiglione della Pescaia avait fait mettre des affiches qui rendaient hommage à Italo comme "auteur local", mais rien n'avait l'air dune fête paysanne, tout puait la publicité et la mondanité. Un photographe s'est mis à photographier Natalia Ginzburg alors qu'elle pleurait. Autour de moi j'entendais beaucoup de gens qui parlaient le meilleur français des cercles parisiens les plus raffinés. Il n'y avait vraiment rien d'autre à faire que de s'enfuir le plus vite possible. Chichita tenait à peine sur pied, elle ne m'a même pas reconnu quand je l'ai embrassée.
Mais par chance il y avait Carlo et Luisa, et dans la voiture nous nous sentions très proches. Si j'ai pleuré le soir, c'est parce que tout était fini, qu'il n'y avait plus rien à faire, qu'il fallait seulement abandonner ce pays cynique et falsificateur. Tout ce soi-disant monde de la culture avait enfin trouvé un mort qui pouvait le relever de sa bassesse, et moi, je sentais que ma misère n'était pas très éloignée de celle d'Italo.(...)"

Soleil vert a dit…

Je ne connais pas l'oeuvre d'Italo Calvino mais ce personnage de Baron Perché me fait penser à une scène de Roma (?) de Fellini, l'oncle ou le grand-père qui ,sorti d'un asile psychiatrique, grimpe dans un arbre, ne veut pas redescendre et crie "Je veux une femme !"

Anonyme a dit…

Fellini Roma... Oui,. Film baroque échevelé de Fellini. Je me souviens des grottes recouvertes de fresques qui disparaissent au contact de l'air. La scène que vous évoquez ne me revient pas. Peut-être dans Armarcord . Oui entre fantasmes et réalité. Un grand film hypnotique
Italo Calvino...
"Le baron perché".. Sacrée révolte d'un qui ne veut plus descendre de son arbre...
Je feuillette ce Cahier magnifique. Plein d'autres interventions souvent émouvantes.
"Les villes invisibles".... Imaginez Marco Polo se souvenant de villes aimées les racontant à l'empereur des Tartares. Quelle balade métaphorique.
Cet enterrement (lien précédent ) m'a bouleversée. Il m'a rappelé celui de André du Bouchet raconté par Jaccottet. Bouleversant. Le petit cimetière deTruinas... Il y évoque la mort mais aussi ce qui la contredit comme Gianni Celati pour son ami Italo Calvino. Le désarroi de deux hommes très émus. L'écriture pour contenir l'émotion, la dépasser. Une urgence, une nécessité juste avant le silence définitif... Un environnement presque hostile, aussi. Un va et vient entre le présent et le passé ... Et pas de futur.
Il est ainsi des écritures qui se gravent en nous.
Bonne nuit cher Soleil vert.
Christiane

Christiane a dit…

Toujours dans ce cahier Calvino, une note très intéressante sur le nom des personnages de roman.
Voilà ce qu'il en disait en 1952 :
"Lorsque j'écris, si je dois introduire un nouveau personnage et que j'ai déjà très clairement en tête comment sera ce personnage, je prends le temps de chercher son nom (...)
On pourrait faire une histoire de la littérature (ou du moins du goût littéraire) en ne prenant en considération que les noms des personnages. Pour nous limiter aux auteurs italiens d'aujourd'hui, nous pouvons distinguer deux tendances principales. La première serait celle des noms qui ont le moins de poids possible et qui ne constituent aucune barrière entre le personnage et le lecteur : des noms de baptême communs et interchangeables, presque des numéros pour distinguer les personnages les uns des autres. La seconde serait celle des noms qui, bien qu'ils ne signifient rien directement, ont un fort pouvoir évocateur : une définition phonétique, des noms qui, une fois attribués aux personnages, leur collent à la peau et ne font plus qu'un avec eux. (...)"

Ainsi dans ces nouvelles de Robert Sheckley que vous chroniquer, si j'ai apprécié les noms-prénoms des deux hommes perdus dans l'espace ( Leur prénom s'ajoutant à leur nom qui est déjà un prénom), je n'ai pu retenir et apprécier ceux des entités. Ils font pour moi barrage à la fluidité de la lecture.

Christiane a dit…

chroniquez

Christiane a dit…

Dans un lien du billet de Pierre Assouline sur Italo Calvino, on peut lire ces lignes :
"on se souvient que Calvino, au cours d’une conférence donnée l’année dernière, a affirmé que tous ses livres étaient inspirés par des problèmes qui lui paraissaient insolubles. La remarque est doublement éclairante. Premièrement, elle suggère que chez Calvino, les questions viennent toujours en amont des conclusions – le mot écrit fournit de la matière pour «jouer à cache-cache», mais jamais pour «trouver»; il savait donc que la réalité s’établit à travers des processus qui se situent à l’extérieur des présupposés conventionnels sur le savoir et l’expérience."

Ne croirait-on pas que l'on parle aussi de nouvelles de Sheckley ?

Christiane a dit…

C'est dans la note de Harry Mathews du 22 avril 2013 (mise en lien dans le billet de Pierre Assouline) à propos de l'écriture d'Italo Calvino.

Anonyme a dit…

C'est très étrange, Soleil vert, plus j'avance dans ce Cahier Calvino, mieux je comprends les nouvelles de Robert Sheckley. Ainsi sous la plume de Philippe Forest, à propos du roman "Le Château des destins croisés", je lis :
"Quelqu'un s'est perdu. Ni l'avant ni l'après de sa propre vie, pour lui, ne comptent plus. Entre le début et la fin, dorénavant, il ne saurait se situer vraiment. Il flotte - c'est-à-dire qu'il erre - entre ces deux moments auxquels il ne peut plus se rapporter et dans l'intervalle desquels ses pas forment un cercle que, semble-t-il, rien ne saurait rompre. Il se trouve au milieu. En un lieu qui n'en est pas tout-à-fait un : ici, nulle part et partout. Ce lieu, ce temps ont pris l'apparence enchantée d'une forêt funeste de laquelle sortir semble impossible."

Bien sûr, Philippe Forest dans cette note aide à lire ce roman broussailleux d'Italo Calvino dont l'utilisation du tarot divinatoire développant un programme ésotérique que l'auteur a fixé. Une sorte de jeu combinatoire.
Forest écrit : "C'est que toutes les histoires du monde se trouvent semblablement susceptibles d'être exprimées à l'aide de cartes dont la combinaison les contient toutes."
C.

Anonyme a dit…

Et pour cela, il remonte jusqu'à "La Poétique" d'Aristote, là où le philosophe explique que "le possible" est le territoire du poète "qui, à la différence de l'historien, raconte non ce qui a été mais ce qui pourrait être, faisant ainsi de la fiction que fabrique le premier une vérité supérieure à celle que prétend détenir le second."
(Voilà qui devrait plaire aux amateurs de fiction....)
Une longue rêverie sur les possibles (Musil n'est pas loin !) entraîne Philippe Forest dans le roman d'Italo Calvino, "Le Château des destins croisés" jusqu'à la fin du roman : "Du soleil on se lasse et l'on aspire à ce que se casse la "syntaxe du monde afin que se mêlent les cartes, les fragments de ce miroir du désastre."
C.

Christiane a dit…

Le dernier chapitre du Cahier Calvino vous plairait beaucoup Soleil vert. Ce sont des notes d'Italo Calvino évoquant quelques cinéastes et leurs films.
-La soif du mal d'Orson Welles
- L'Eclipse d'Antonioni
- Kagemusha de Kurosawa
-Luis Bunuel
-Et vogue le navire de Fellini
Des textes formidables.

Anonyme a dit…

Restera-t-il quelque chose d’ Andre du Bouchet, hormis le cruel défaut de puissance qui le caractérise? MC

Christiane a dit…

https://www.espritsnomades.net/litterature/andre-du-bouchet-une-poesie-aux-aguets-de-l-immobile/

Christiane a dit…

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2019/01/15/tout-peinture-du-bouchet/

Christiane a dit…

https://www.viceversalitterature.ch/book/1844

Truinas / Philippe Jaccottet

Christiane a dit…

Toujours dans la Cahier Calvino, une très fine analyse de Charlie Chaplin dans divers rôles et films comme autant d'échos à l'Histoire contemporaine et à ses désastres. ( Le Dictateur - Les Temps modernes -Monsieur Verdoux - Les Lumières de la ville - Le Kid....).

Christiane a dit…

Et que dire de l'analyse du personnage de Gustave Aschenbach dans "La Mort à Venise", de ce vieil élégant fardé ! Inquiétude du vieil écrivain pathétique sur fond de choléra mourant d'ennui sur une chaise longue du Lido.

Et la beauté de "L'Eclipse" d'Antonioni et de Monica Vitti dans le rôle d'une femme qui refuse que sa vie soit décidée par les hommes. Une absence, un refus face à un homme qui s'est trahi lui-même.
Idem pour Jeanne Moreau marchant dans la nuit dans la banlieue de Milan.
Cet Italo Calvino, critique de cinéma, je ne le connaissais pas.
Et vous, Soleil vert, qui rappeliez une scène d'un film de Fellini, comme vous liriez attentivement l'analyse de "Et Vogue le navire"...
Ce grand Cahier de L'Herne est d'une richesse infinie. Que de points de vue différents sur la littérature, l'art et le cinéma ! Vraiment un beau cadeau de Pierre Assouline.

Christiane a dit…

Je n'avais jamais pensé à cela. Ce qui ne m'étonne pas de la part de l'auteur des "Villes imaginaires".
Ainsi Italo Calvino pensant à Venise écrit :
"(...) En statuant que les voies des véhicules et celles des piétons ne coïncideraient jamais, Venise a fait de cette relativité de l'espace son principe fondamental. (...) sur une carte on signalerait les deux types de voies par deux couleurs différentes - Venise désigne les voies des véhicules comme des voies aquatiques et les distingue ainsi des voies terrestres des piétons : c'est-à-dire qu'elle superpose deux cartographies, l'une solide, l'autre liquide, en composant des tracés qui peuvent se combiner et s'interchanger de différentes manières en reliant tous les points de la ville au sein des deux dimensions aquatique et terrestre ."

C'est complètement surréaliste. J'adore !

Christiane a dit…

La suite de l'article est de la pure science-fiction. Le monde de demain imaginé par Italo Calvino.
"Le monde entier se remplira de Venise, et même de Super-Venises...."

Christiane a dit…

Oh, la page 237 , Calvino l'a écrite pour vous, Soleil vert.
"(...) Le "Martien", frère ennemi du Terrien, cette figure de diversité monstrueuse, mais reflet de nous-mêmes, en partie supérieur à nous par ses capacités, est un des mythes contemporains les plus puissants. Sa fortune remonte je crois bien, au temps où l'astronome piémontais Giovanni Schiaparelli en 1877 crut distinguer sur Mars des canaux de forme régulière qui semblaient avoir été creusés par des êtres intelligents et il connut sa première consécration dans la littérature populaire avec "La Guerre des mondes" de H.G. Wells. Bien que les observations de Schiaparelli aient été dès le début du siècle mises en doute par les astronomes et que la preuve de leur inexactitude ait été définitivement établie par Kuiper en 1955, sa fortune littéraire et cinématographique eut la vie longue. (...)
Rappelons-nous la panique créée à New-York en 1938 par l'émission radiophonique d'Orson Welles, justement tirée du roman de H. G. Wells. Il n'est que "Les chroniques martiennes de Ray Bradbury (1950)pour décrire Mars avec l'optimisme conquérant des Amercains. (...)")

Anonyme a dit…

Pas mieux. Dans ce blog figure un roman de China Mieville dans lequel deux villes se partagent le même espace (The city and the city) J'aurais pu citer Calvino dans ma fiche. SV

Anonyme a dit…

Eh bien si ! J'avais cité Les villes invisibles d'Italo Calvino SV

Christiane a dit…

Calvino est passionné par l'architecture de l'imaginaire. Quand il sent la menace de la montée des eaux, des inondations du changement dans les villes à venir et des moyens de circuler sur l'eau plus que sur les terres inondées nous sommes entre science-fiction ,observation du dérèglement climatique et poésie.

Soleil vert a dit…

https://soleilgreen.blogspot.com/2012/07/villes-etranges.html

Christiane a dit…

Les villes visitées par Marco Polo, dans "Les Villes invisibles" rappellent Venise mais ce nom n'est jamais écrit.
Diomira a des rues labyrinthiques et des terrasses. Isidora, des escaliers des palais incrustés de coquillages , Dorothée et Anastasie ont des canaux de couleur verte qui les divisent en plusieurs quartiers. Tamara a un lion qui "est le signe de quelque chose". Zora est la ville "que ne peut oublier celui qui l’a vue une fois." A Despina, on peut arriver par la terre ou par l'eau. Euphémie est la ville des marchands. A Valdrade, on voit deux villes, car elle se reflète dans l'eau. Olivia, on s'y promène la nuit dans des canots illuminés...

Toutes ces villes sont aquatiques, ont des ponts, des canaux et des rues qui se superposent et s’entrecroisent, comme à
Venise. Toutes ont des noms de femmes.

Christiane a dit…

Magnifique et tellement lié avec l'imaginaire d'Italo Calvino.

Christiane a dit…

"Revenant de sa dernière mission, Marco Polo trouva le Khan qui l’attendait assis devant un échiquier. D’un geste, Kublai l’invita à s’asseoir devant lui et à lui décrire avec la seule aide des échecs les villes qu’il avait visitées. Le Vénitien ne perdit pas courage. Les échecs du Grand Khan étaient des pièces d’ivoire poli : disposant sur l’échiquier tours menaçantes et chevaux ombrageux, accumulant les bandes de pions, traçant des voies droites ou obliques selon la progression de la reine, Marco recréait les perspectives et les espaces de villes noires et blanches par les nuits de pleine lune."

Ces "Villes invisibles" ont donc aussi à voir avec le jeu d'échecs... Que de croisements entre ces romans !

Christiane a dit…

Ce lien donné par FL. sur la RdL http://www.matisse.lettres.free.fr/rubriquecursives/calvino/barthes.htm
aurait mérité de figurer dans le grand Cahier Calvino de l'Herne.
Tout-à-fait convainquant.
Barthes est souvent prodigieux dans ses analyses littéraires.
Je crois que l'approche de ces stratégies éclaire pas mal de romans SF choisis par Soleil vert.

Christiane a dit…

Pas FL mais Imd ( deux intervenants excellents et vraiment motivés par la littérature.)

Christiane a dit…

Barthes nous fait nous poser une question : comment ça a été écrit ? Ce moment où lire et écrire coïncident. Surtout si on lit en dehors de toute responsabilité critique.
La littérature, n'est-elle pas définie par un certain type de société (social - caste intellectuelle - politique - religieux...) et de maisons d'édition ?

Christiane a dit…

Ce que j'aime dans les fictions d'Italo Calvino, c'est que son imagination est d'ordre affectif, des fantasmes fictions, un beau travail intellectuel de la pensée plein de rebus. Une écriture hantée par les jeux de construction et les métamorphoses. Mais toujours discrète, fine. Une esthétique un peu asiatique. Les identités sont souvent incertaines, indécises comme si les mots tournaient autour d'un vide.

Christiane a dit…

rébus

Christiane a dit…

Le point fort de cette préface : "Calvino, (....)pose une situation qui, en général, est, disons, irréaliste du point de vue de la vraisemblance du monde, mais seulement dans la donnée de départ, et qu'ensuite, cette situation irréaliste est développée d'une façon implacablement réaliste et implacablement logique."

Christiane a dit…

Et le roman dont on a ici la préface de Barthes, "Le Chevalier inexistant", d’Italo Calvino, l'avez-vous lu ? Vous aimeriez, Soleil vert, cette histoire surréaliste , une armure de chevalier vide, sans chevalier dedans et pourtant elle se bat comme un chevalier du Moyen Age. Un chevalier inexistant. Quand on soulève la visière de son heaume, il n'y a rien, rien que le vide.



Christiane a dit…

Une coquille vide... Un dehors mais pas de dedans. Un peu comme les mots, parfois.

Christiane a dit…

Calvino est capable d'écrire ce vide d'un personnage qui ressemble at Lancelot . C'est fantastique.

Christiane a dit…

" - Hé ! paladin ! insista Charlemagne. Pourquoi diantre ne montrez-vous pas votre visage au roi ?
- C’est que je n’existe pas, Majesté.
- Eh bien ! vrai ! s’écria l’empereur. Voici que nous avons en renfort un chevalier inexistant ! "

Christiane a dit…

Mais ce livre si pétillant cache une ombre gigantesque, celle de la guerre.
Tous ces jeunes gens envoyés à l'abattoir pour leur capacité à se battre pour des causes que parfois ils ne partagent pas et pour ceux qui y croient quand ils meurent des armures vides sur un champ désolé. Leur cœur, leur âme comme un sanglot, ailleurs dans le cœur des mères, des épouses, des fils et des filles, des frères et des soeurs. Les pères comme les fils, partis sur le front....

Anonyme a dit…

Ça ne sonne pas un peu creux, ce Chevalier vide?

Christiane a dit…

Et quand les robots de la SF se battent à la place des hommes, ça ne sonne pas un peu creux ?

Christiane a dit…

C'est déjà un homme artificiel, une fonction.

Christiane a dit…

Ce chevalier inexistant de nomme Agilulfe. , quand ilil relèvera sa visière, Charlemagne verra que
Le heaume est vide.
Suit un dialogue insensé !
" - Tiens, tiens ! on en voit des choses ! Et comment vous acquittez-vous de vos charges, vu que vous n’y êtes pas ?
- A force de volonté, Sire, et de foi en la sainteté de notre cause !
- Ma parole, pour quelqu’un qui n’existe pas, je vous trouve gaillard !"

Christiane a dit…

C'est comme s'il ne pouvait pas exister car trop parfait. L'armure est donc vide.
Tournent tout autour de cet étrange personnage d'autres bien en chair et bien imparfaits.
L'armure vide se transmettra comme le Graal à la fin du roman à un jeune chevalier.

Christiane a dit…

"Le chevalier inexistant" est le dernier roman du cycle : "Nos ancêtres ", écrit après "Le baron perché" et "Le vicomte pourfendu".

Christiane a dit…

Ce très bel article de Jacqueline Platier sur ce roman, "Le chevalier inexistant", paru dans Le Monde en 2019 :

https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/06/13/le-chevalier-inexistant-d-italo-calvino-un-conteur-italien-dans-la-tradition-voltairienne_5475831_3246.html

Christiane a dit…

Un peu l'histoire de "L'homme invisible", non ?

Christiane a dit…

JJJ, donne ce lien passionnant à propos des trois romans d'Italo Calvino :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Villes_invisibles

Il ajoute qu'il n'a pu terminer la lecture des "Villes invisibles".
Ce que je comprends car le texte est déstabilisant. Il semble flotter, ne pas se tenir. On glisse d'une ville à l'autre sur la base de la contrainte qu'il s'est donné ( excellente présentation dans le lien)
Donc, ces mémoires de villes se développent en ordre rangé, en digressions rêveuses. Elles en deviennent fictives dans leur opacité due à la trame secrète de cette construction, alors que ce schéma structurel devrait être rassurant.
Ce qui m'a attachée au texte c'est qu'il repose sur des images - comme celles d'un jeu de tarot. Et qu'au-delà de ces récits imaginaires et fantaisistes, il y a un amour : Venise. Venise dont le nom n'est jamais prononcé, une absence-présence.
Il n'y a plus ni action ni temps, seulement le lieu
C'est un roman qui échappe à la transmission, au résumé. Il n'existe que le temps de la lecture.
Ce pourrait être un jeu de l'oie où l'on avance ou recule à coups de dés. En avançant on se perd... Une lecture hachée, éparpillée, faite de pièces disparates, de fragments.
Ceci n'est pas un roman aurait écrit Magritte.

Christiane a dit…

Lire Calvino c'est le voir fabriquer au fur et à mesure. Des personnages qui vont disparaître, des paysages qui vont disparaître. Il reste de leur passage une musiques, quelque chose hors du langage., une liberté d'échapper au livre. Un caprice sans racines ni appartenance définitive. Une errance de personnages qui ne cessent de changer de nom, comme l'a remarqué x. (Joli dialogue avec Fl). Ce sont des scènes d'art. Une interprétation du monde. Un mirage....

Christiane a dit…

Calvino a donné forme au règne de l'illusion mais il n'a pas modifié les règles qui gouvernent le cœur des hommes. Il éveille ainsi des mémoires enfouies dans le labyrinthe de nos pensées.
Et cette magie est révélée par l'astucieux stratagème structural de ses romans et nouvelles. C'est un poète -stratège baroque.
Quand je lis Calvino, parce qu'il transforme le rapport du lecteur avec le livre, je joue avec le langage d'un cosmographie plein d'imagination, précurseur de la science-fiction. Quelle liberté dans ses contes philosophiques !
J'adore ses personnages sautillant en une sarabande folle échappant à une accumulation de desastres. L'absurde en lien avec les traditions magiques du XVIIIe siècle dans un monde qui part à vau-l'eau. J'aime aussi les emboitements d'un récit dans un autre, d'un livre dans un autre car ses livres se répondent, luttent entre eux, de complètent.
Cerventès, Diderot, Voltaire, mêmes fictions ingénieuses qui ont ouvert la voie aux libertés aux écrivains contemporains.
Quel pouvoir que la parole écrite sur notre imagination !

Christiane a dit…

Cervantès

Anonyme a dit…

Des traditions magiques en Italie subsistaient au Royaume de Naples. Pour ce qui est des robots réputés creux de SF, je ne suis pas sûr que Duncan Idaho en soit un, pour ne citer que celui-là. Bien à vous. MC. PS Dans Dune, évidemment ! Même si recrée, il devient » le Duncan »…

Christiane a dit…

Intéressant. Duncan Idaho évoque un peu un chevalier, comme Lancelot....

Anonyme a dit…

Il y a de cela, mais c’est surtout un Maître d’ Armes…ensuite robotisé !

Christiane a dit…

Oui, je suis toujours dans la chevalerie ! Pourquoi écrivez-vous que c'est un robot ? Je crois qu'il meurt et revient cloné ayant oublié des valeurs....

Anonyme a dit…

L’homme tient un luth. S’agit-il d’amour, ou d’un traitement du proverbe « ut pictura, poésis «  Une sorte de mise en abyme du peintre pour qui la peinture est comme la poesie?

Christiane a dit…

Nous allons visiter tous les espaces commentaires des billets de Soleil vert ! C'est un vagabondage où Bruegel est le maître du jeu mais il est difficile de connaître ce qui motivait cet homme tellement doué dans son art. Avec virtuosité et calme il construisait un miroir de son temps, un miroir de son âme.
Voyant ce jeune couple isolé dans son innocence au milieu du tableau horrifique des mille morts, je pensais au si beau film de Bergman, Le Septième
sceau, où lui aussi épargne un jeune couple alors que dans le ciel , la mort, dans une folle sarabande, emporte ceux qu'elle a ravis à la vie, même le chevalier Gropus, qui la défiait aux échecs. Peste et autres pandemies, tueries diverses, la poésie, luth aidant, serait celle d'un Carpe diem.... La rose de Ronsard... et tant d'autres poètes qui goûtent la vie même au milieu des désastres.
C'est une très belle façon que vous avez de regarder les tableaux de Bruegel.

Christiane a dit…

Le chevalier Antonius Blok ! (D'où m'est venu ce chevalier Gropus ?)
Repensant à ce film de Bergman je trouve bien d'autres points de rencontre avec ces toiles de Bruegel que nous commentons : La peste au XVe siècle en Suède, la condamnation des orgies, la sorcellerie, les questions du Chevalier Block en rapport avec le sens de la mort et le livre de l'Apocalypse. Quand elle vient le chercher dans son château avant de l'entraîner lui et tous les siens dans cette danse macabre, elle lui répondra que la mort n'a pas de sens ni de raison d'être .

Christiane a dit…

Mais je n'oublie pas les poètes et les artistes qui, aux XVIe siècle aimaient débattre des liens entre peinture et poésie comme y trouvant un des principes de la «sagesse» ...