lundi 26 juin 2023

La mémoire de l’ombre

Kate Wilhelm - La mémoire de l’ombre - Denoël - Présence du futur

 

 

 

Agonisant, John Daniel Culbertson propriétaire d’un vaste domaine dans l’Oregon fait convoquer ses quatre enfants. Sur place, un avocat, assisté d’un médecin et d’un psychologue les accueillent. Il leur fait entendre une bande enregistrée dans lequel le vieil homme fixe les règles de l’exécution testamentaire. Elles sont ahurissantes. Les héritiers potentiels doivent se soumettre à des électroencéphalogrammes et résider absolument dans la ferme dans la semaine qui suit l’enterrement. Le testament sera alors ouvert.

  

Kate Wilhelm, plus connue pour deux romans de science-fiction primés Hier les oiseaux et Le temps des genévriers se lançait là dans une histoire fantastique qui oscille entre le Rebecca de Daphné du Mourier et L’exorciste ou Christine (le récit de Stephen King). Les fils et fille de Culbertson acquièrent rapidement la conviction que celui-ci, malgré sa disparition, exerce comme par le passé une emprise impitoyable sur sa famille et ses terres. Le défunt, personnage autoritaire et violent, a eu trois épouses successives mortes dans des conditions dramatiques et non élucidées. La présence du psychologue dont les travaux ont suscité l’intérêt du défunt, accroit l’inquiétude des participants.

  

Les protagonistes font mine tour à tour de déserter la propriété, mais chacun d’eux la convoite. Luka, le plus fragile d’entre eux, psychologiquement et financièrement, est venu avec son épouse Régina. Leur couple va tenter de résister à des évènements mystérieux et à des épisodes brefs de possession. Dans ce huis-clos vont ressurgir les images des mères disparues et les trauma de l’enfance. Hugh, le psychologue ne sera pas épargné, non plus que Janet et le brillant Conrad dont les liens ambigus remontent à la surface.

 

Tous ces éléments de tension laissent présager un final explosif qui finalement retombe comme un soufflet. Il est vrai que cette ferme magnifique baignant dans un océan de verdure et de fleurs au sein d’un Oregon qui ne l’est pas moins, nous éloigne de l’atmosphère pesante des demeures victoriennes et des manoirs gothiques. Restent un thriller psychologique et l’écriture remarquable de Kate Wilhelm.

60 commentaires:

Christiane a dit…

"Le défunt, personnage autoritaire et violent, a eu trois épouses successives mortes dans des conditions dramatiques et non élucidées."
Barbebleue ?
"un thriller psychologique et l’écriture remarquable de Kate Wilhelm."
Et, un décor presque teposant... "ferme magnifique baignant dans un océan de verdure et de fleurs au sein d’un Oregon qui ne l’est pas moins".
Belle proposition de lecture estivale.
J'ai presque terminé Stella Maris.

Anonyme a dit…

Proposition en demi-teinte néanmoins. SV

Christiane a dit…

Le pays des songes et de l'ombre... "une histoire fantastique qui oscille entre le "Rebecca" de Daphné du Mourier et "L’exorciste" ...
Vos demi-teintes sont inquiétantes à souhait...

Christiane a dit…

En attendant ce roman hanté, j'ai lu les derniers billets de P.Assouline et de P. Edel.
Paul Edel tellement amusant avec cette baigneuse qui ne comprend rien à son roman préféré, aussi désagréable qu'une tartine poudrée par un coup de vent, de sable ! Et du sable, une overdose ! Mais le ventre des avions, le ciel et la mer à la verticale : magique !
Pour Pierre A., Je vois peu de sensations comparables entre ces deux écritures de la nage, entre ces deux nageurs. Pierre A. Est un homme qui attaque l'eau en force comme Nakache. La délicieuse Chantal Thomas est toute en élégance féminine. La mère qu'elle évoque est un phénomène. Je la préfère passionnée d'Histoire , de mémoire et de littérature célébrant la beauté des choses.

Anonyme a dit…

C’est intéressant, oui.Pour la Nage selon Chantal Thomas, je me demande si votre bienveillance n’est pas excessive. Enfin. Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Je la trouve sur la pente descendant depuis « Les Adieux À la Reine », beau livre s’il en fut, mais qui n’a pas été confirmé par le reste. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Je me souviens de notre échange. Vous émettiez les mêmes réserves. Je venais de découvrir le jardin de l'infante au Louvre et je lisais "L'échange des princesses" (Seuil).
Vous parliez en historien, je lisais , subjuguée par la découverte de ce jardin et l'épreuve de cette enfant accueillie comme une merveille et rejetée comme l'autre infante quand les épousailles ne furent plus un rêve politique.
Donc, ayant pris goût à son écriture, je lus "Souvenir de la marée basse" puis ses chroniques mensuelles parues dans le journal Sud Ouest et réunies sous le titre "Café Vivre". De belles vibrations et, plus tard, "De sable et de neige", mêlant photos et textes où l'on retrouve la Grande Dune d'Arcachon et, ô surprise, Kyoto sous la neige.
Beaucoup de charme et d'élégance dans ces petits textes où elle excelle.
Pierre Assouline, quand il parle de l'eau, de la nage se projette admirablement dans cet homme, Alfred Nakache. Envoûté par ce destin, il plonge dans ce livre comme les héros de Cocteau traversent les miroirs. .. Le final est éblouissant évoquant le saut de Boutès dans l'océane bleue. Un grand livre, déchirant quand on suit page après page ses malheurs et la mort des siens... puis l'eau qui le reprend, maternelle. Une autre envergure que les souvenirs pleins de grâce et d'impertinence de Chantal Thomas. L'un écorché, l'autre se laisse bercer par sa mémoire enchantée.
Quant à Paul Edel, c'est le texte le moins sensuel qu'il a écrit tout absorbé qu'il est par cet éreintement de Julien Sorel. Cette femme l'irrite, le provoque inutilement. Il est ailleurs sous le ventre puissant des avions si proches de la terre où il rêve de son écrivain aimé.

Christiane a dit…

Tout à fait d'accord sur la puissance de ce livre.

Christiane a dit…

Jérôme Garcin évoque cette histoire et le livre de Chantal Thomas d'une plume alerte :

https://bibliobs.nouvelobs.com/rentree-litteraire-2013/20130827.OBS4516/les-enfants-rois-de-chantal-thomas.html

Christiane a dit…

Tous ces souvenirs de lecture m'ont donné envie d'ouvrir le très beau récit d'enfance et de plus tard de Chantal Thomas : "De sable et de neige". En particulier le chapitre intitulé "Habiter en passant."
C'est le jour où tout est "huîtres " ... et bien sûr je pense au texte de Paul Edel, d'autant plus que page 48 une photo gourmande présente des huîtres dans une belle assiette.
Elle retrouve avec des amis le restaurant "chez Hortense ".
"Rien n'a changé, les photos des voiliers, de pinasses, du travail dans les parcs à huîtres, les nappes à carreaux, Bernadette Lescaret, son sourire, sa pochette en bandoulière , ses espadrilles... (...)
Au dehors, les vagues battent contre le sable. (...) Nous dégustons nos huîtres et buvons un château - graville- Lacoste. S'il faisait encore jour on pourrait voir les parcs où elles ont été cultivées. Elles sont douces et charnues, et condensent, sous leur manteau à franges, l'essentielle senteur du Bassin. Au début, nous causons peu, absorbés par les nuances de la dégustation. Et puis la conversation se débride. Nous parlons dans tous les sens, chacun dans son style, nous inventons des formules pour résumer nos sensations de la journée. L'ivresse des mots, l'ivresse du vin se relancent l'une l'autre. Et quand nous nous levons de table pour retrouver le goût iodé de la nuit, je suis convaincue que tout le monde est heureux, de l'ange jusqu'à l'huître, et que Mme Deffand, si elle a pu faire erreur sur les sentiments de l'huître, avait bien raison de défendre l'amitié comme une passion à part entière."

Christiane a dit…

Bien sûr le texte s'éclaire dans les pages précédentes. Comme "
cette affirmation proférée par Mme du Deffand, cette marquise à la parole sans réplique. Qu'en savait elle, me dis-je, tandis que le déjeuner d'huîtres refait surface ? Avait-elle des éléments pour juger du bonheur des autres, anges ou huîtres ? (...) J'écarte la question des huîtres, c'est peut-être une phrase que la marquise a dite comme ça, pour faire de l'esprit (...) De tous les plaisirs, ceux de l'intelligence étaient ses préférés . Elle était tellement dans les mots, dans les roueries et surprises du langage, qu'au moment où elle perd la vue, âgée de cinquante-six ans, elle a la force d'écrire, ou plutôt de dicter des lettres à ses correspondants.(...) Avec son ami Voltaire, qui lui aussi souffre de problèmes d'yeux, elle plaisante sur leur fréquentation à tous deux de l'hôpital des Quinze-vingts. Elle n'existera plus que par la parole, par l'esprit de la conversation.. J'aime penser à Mme du Deffand. Elle est pour moi, dans sa sécheresse, son humour, des engouements, l'incarnation même du XVIIIe siècle, mon siècle d'élection, ennemi du pathos et de la morbidité, branché, quoi qu'il en coûte, sur une musique de Vivaldi ou de Mozart."

Quant à ce "Déjeuner d'huîtres" de Jean-François de Troy, du musée Condé dans le château de Chantilly, - que j'aime tant - elle l'évoque admirablement : "un déjeuner d'hommes, les huîtres ont la blancheur de leur jabot de dentelle."...
Suivent d'autres toiles de Jan David et de Heem, de Willem Claesz et même un Matisse. Tous avec des huitres.

Anonyme a dit…

Pas bien convaincu par le sabir autour de Madame du Deffand et de la narratrice. Peut-être il y a -t-il quelque chose à tirer des Souvenirs d’ Enfance de Chantal Thomas, que je n’ai pas lus. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Oui, il faut lire tout le livre pour. Comprendre l'insertion de ces souvenirs. Ce sont des chroniques au fil du temps, le tempo de ses derniers livres....

Christiane a dit…

Pour JJJ
"La Fondation Cartier pour l’art contemporain invite le sculpteur australien Ron Mueck à exposer un ensemble d’œuvres jamais montrées en France aux côtés d’œuvres emblématiques de sa carrière."
Je connais son travail. Exposition au même endroit il y a quatre ans. Ma fille était venue justement pour voir les oeuvres hyperréalistes de ce créateur. Elle a beaucoup apprécié. J'ai ressenti un profond malaise. Quelque chose de morbide. Je n'ai pas envie de revivre cette épreuve.

Christiane a dit…

"La mémoire de l'ombre" en approche pour la fin de semaine...

Biancarelli a dit…

”La mémoire de l’ombre”,c’est noté.
Comment se porte votre chat? Je me permets de vous demander des nouvelles.

Anonyme a dit…

C’est en effet l’impense du Blog. MC

Christiane a dit…

Soleil vert dit:
Personne n’ revu Rocco et ses frères, hier soir sur Arte ?
Mon film préféré, toutes époques confondues.


Idem

Dans mes deux ou trois films préférés. Aucun autre metteur en scène que Visconti n’ a aussi bien dirigé Delon.

Christiane a dit…

à propos de
« ROCCO ET SES FRÈRES le film de Luchino Visconti.
Jazzi met en ligne une très belle critique de Miguel Egaña sur la RdL.

Christiane a dit…

Pas 4 ans, 10 ans (2013)

Soleil vert a dit…

Anonyme Biancarelli a dit...
”La mémoire de l’ombre”,c’est noté.
Comment se porte votre chat? Je me permets de vous demander des nouvelles.

Eh bien avec la chimiothérapie, des injections de vitamine B12 et énormément de câlins, il a repris du poids. Merci !

Soleil vert a dit…

Et j'oubliais les corticoïdes

Christiane a dit…

Bonjour Biancarelli. Heureuse que vous ayiez posé la question que je n'osais plus poser.Heureuse pour Garfield.
J'ai reçu le roman de Kate Wilhelm. Un vieil exemplaire soigneusement cartonné, habillé de tissu jaune et plastifié venu d'une bibliothèque qui a dû vendre ses trésors. Il y a même un signet, délicat ruban rouge. El la couverture de Denoël ainsi que la quatrième et le dos ont été soigneusement conservés et insérés. Les pages dont délicieusement jaunies et la fiche des lecteurs qui l'ont emprunté indique quatre sorties très rapprochées en 1987 et 1989.
Voilà donc le roman "La mémoire de l'ombre" que j'ai commencé à lire.
Les trente premières pages traduites de l'américain par Sylvie Audoly me plongent dans une ambiance "fantastique qui oscille entre le "Rebecca" de Daphné du Mourier et "L’exorciste" comme le dit si justement Soleil vert dans sa présentation.
Deux electroencéphalogrammes à huit jours de distance pour ces héritiers enfermés dans la maison du mort pour vérifier si le phénomène de possession existe, si le mort a pu manipuler leurs pensées, s'introduire en eux.
Le psychologue aux commandes doit veiller à ce qu'aucun ne triche et pour les décider à accepter ce pari fou, un seul héritier sera désigné au bout des huit jours ou bien le domaine majestueux ira à la faculté.
Et cette grande maison est assez inquiétante.
Vous allez vous régaler comme je me régale.

Christiane a dit…

Le roman "La mémoire de l'ombre" est construit comme un éphéméride. De courts chapitres où le jour est indiqué comme dans un journal de bord.
Une anomalie page 54 . La deuxième partie est annoncée avec la même date que la veille mais précédée de la mention suite.
L'affreux pépé est mort et enterré. Tous ses enfants sont terrorisés par les souvenirs de leur enfance près de lui et la mort de leur mère (quatre).
La jeune femme qui tient ce journal est délicieuse, notant les peurs de chacun et les siennes avec une grande innocence.

Christiane a dit…

Ah mais oui bien sûr ! Les cinquante premières pages étaient le journal de Régina la femme de Lucas, maintenant sur la touche suite à une crise de terreur nocturne. Elle a dû faire face à une dévastation du jardin d'hiver sans qu'elle ne rencontre l'auteur des dégâts. Bien sûr les autres veulent l'éloigner de cette maison pour la protéger. Donc qui raconte la suite ? Pas elle. Plus de dates. Un seul bloc de pages dont j'attends le pire en souriant car je pense à cette douce chanson "mon jardin d'hiver".

Christiane a dit…

Henri Salvador... sa chanson commence par : je voudrais un soleil vert dans mon jardin d'hiver...

https://youtu.be/uXg2qyPUDvE

Christiane a dit…

Quel affreux vieillard ! Regina avait écrit dans son carnet : "le jeu avait commencé, et le vieil homme avait remporté la première manche."
Après leur chute dans la rivière du domaine, Lucas pensa que "Le vieux salaud venait de marquer une seconde victoire."
Page 95, une date réapparaît : 19 octobre. L'histoire commençait le 14 octobre. Regina écrivait : "J'ai oublié d'emporter mon journal avec moi. C'est la première fois en dix ans. Lucas a ouvert une commode, et a retrouvé un de ses vieux carnets de classe qu'il m'a tendu."
Les personnages sont très attachants.
J'aime beaucoup cette histoire.
Elle arrive bien dans une actualité où de très jeunes casseurs ont fait de cette nuit un ravage de feu, de démolition.
J'écoutais hier le témoignage de l'avocat du policier. "Il tenait son arme dirigée vers le bas. Quand la voiture a redémarré l'arme s'est trouvée heurtée et s'est positionnée vers le haut ce qui a changé la trajectoire de la balle."
Ce policier de 38 ans ne semble pas un fou d'armes à feu. C'est la première fois qu'il tirait sur un homme, qu'il tuait un homme. Et celui-ci est très jeune...
Si cela est exact on peut penser à une malfaisance des évènements. Un engrenage terrible. Quelque chose qui n'aurait pas dû arriver et qui amorce une période conflictuelle, désastreuse.

Christiane a dit…

Ce qui leur fait peur à toute cette fratrie vient d'eux, de leur mémoire d'enfant, de la culpabilité qu'ils ont portée toutes ces années n'ayant pu empêcher la mort de leur mère, des rapports entre eux. La peur est irrationnelle, souvent. C'est un très bon roman.. Ce vieil homme ne les met-il pas face à eux-mêmes dans ce huis clos ?

Anonyme a dit…

Un engrenage terrible. oui. MC

Christiane a dit…

C'est une lecture reposante car le livre est bien écrit, dans une langue classique. Il fait une large place aux sentiments des personnages, à la description vivante et précise de ce domaine, de l'atmosphère de la grande maison. Parfois je pense aux romans de Virginia Woolf (La promenade au phare, Les vagues, Mrs Dalloway...) Cela donne envie de lire lentement, de savourer. J'ai un peu de mal avec les prénoms pour définir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Heureusement les pronoms personnels et l'accord des adjectifs éclairent vite le lecteur. Il y a des couples tantôt du présent, tantôt du passé des personnages. Ils sont très émotifs, voient de l'étrange et de l'effrayant partout, se sentent cernés de présences maléfiques. Un peu comme les enfants qui se racontent des histoires horrifiantes et qui plus tard ont du mal à s'endormir, guettant le moindre craquement, le moindre souffle de vent, trouvant les ombres inquiétantes. Pas d'humour, pas de rires. Tout est très sérieux, un peu dramatique.
J'aime que mon livre n'ait pas été ouvert pendant trente ans, que le papier ait jauni. Et ce fin signet me plaît beaucoup. Impression de voir un film des années 50. Très agréable.

Christiane a dit…

Oui. L'actualité des derniers mois a fragilisé les policiers. On leur en demande trop. Et de plus, ils sont souvent caricaturés et pas en bien sauf quand ils sauvent des vies.
Ce jeune homme au volant semble pour le moins inconscient du danger qu'il représentait pour les autres, passants ou automobilistes.
Il y a tant de victimes renversées par des chauffards qui souvent fuient après avoir heurté mortellement des passants.
Ces jeunes semblent fascinés par la conduite dangereuse et souvent sans permis de conduire ou dans un état second.
Qu'attendons nous de la police dans ces cas là ?

Christiane a dit…

Page 152
"Régina, qui a payé les études de Lucas ? Qui a payé sa thérapie ?
- Son père (...)
- Et le doctorat de Conrad ? Et les traites de Mallory pour son ranch ? Et les années d'études de Janet ? Il a payé pour eux tous, n'est-ce pas ?
- Je l'ignore. C'est possible. Où voulez-vous en venir ? Qu'est-ce que ça change ?
- Je ne sais pas. Mais ça change quelque chose. Je n'arrive tout simplement pas à croire qu'après avoir pris soin d'eux pendant toutes ces années d'une manière ou d'une autre, il se retourne contre eux aujourd'hui. Réfléchissez-y. Il n'y a aucune influence étrangère dans cette maison, ni revenant, ni fantôme, seulement des souvenirs, et si leurs propres souvenirs leur font peur, vous n'y pouvez rien. En définitive, les souvenirs sont la seule chose qui nous reste. On est ses propres souvenirs."

"La mémoire de l'ombre" - Kate Wilhelm.

Christiane a dit…

Peu à peu ils sont tous poreux aux pensées des autres qui les envahissent, ressentent ce que l'autre ressent, devine ses pensées les plus secrètes. Ce qui provoque une exaspération. Ils s'en défendent, ne sont pas prêts à être envahis par les pensées des autres surtout quelles sont sombres, tragiques, imprégnées de souvenirs terribles.
Mais pour accéder à la lecture du testament, ils se supportent avec difficulté.

Christiane a dit…

"Elle inspira longuement, avant de poursuivre d'un trait : "Au début, nous étions tous des individus différents les uns des autres, et puis, peu à peu, on a commencé à voir, à entendre des choses qui ne relevaient pas de nos propres souvenirs, comme si on avait renversé nos barrières. C'était comme si on avait autour de nous des coquilles invisibles,, impénétrables, et puis, petit à petit, celles-ci ont fondu, elles se sont envolées. Alors on s'est retrouvés dans protection. J'ai su ce que vous ce que vous voyiez ; j'ai éprouvé ce qu'éprouvait Lucas enfant...
Et "lui", il est toujours là, à nous montrer son passé.... On ne peut plus supporter ça, Hugh ! Plus aucun de nous ne le peut ! Autrement, on va tous devenir fous !"
Page 177. "La mémoire de l'ombre".

Cette perception envahissante de la pensée des vivants ou des morts devient le cœur de l'étrangeté de ce roman.
Elle a été utilisée dans d'autres romans que vous avez présentés. On comprend que ce soit troublant. On aime tant sa "coquille" !

Christiane a dit…

https://soleilgreen.blogspot.com/2023/05/demain-le-silence.html#comment-form

J'avais aimé la courte nouvelle où déjà se repérait ses qualités d'écriture. Dans la forme longue de ce roman "La mémoire de l'ombre", ces qualités se vérifient, se magnifient.

Christiane a dit…

https://soleilgreen.blogspot.com/2018/03/kate-wilhelm-1928-2018.html?m=1

Ah, chic ! Je n'avais pas ouvert ce lien...

Christiane a dit…

Je relis votre note de lecture, Soleil vert, à propos de ce roman, "La mémoire de l'ombre".
Cette histoire d'électroencéphalogramme ne vise - et c'est signalé des les premières pages - qu'à remettre en question la théorie du Pr Hugh.
Le défunt Culbertson ne croit pas à l'empreinte d'une possession d'un cerveau sur un autre par la modification de l'électroencéphalogramme d'un qui serait sous emprise. Si un des quatre enfants pendant cette semaine de réclusion subissait l'emprise du père mort, son électroencéphalogramme devrait être le même que celui de son père gardé en lieu sûr.
Donc, les enfants à la lecture de ce testament complètement fou, s'attendent plus ou moins à une présence maléfique en ces murs...
Lisant le livre nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Et comme le roman est remarquablement écrit, c'est un plaisir de le lire jusqu'au dernier mot.
Bien envie de découvrir les deux autres romans d'elle que vous citez comme étant remarquables : "Le temps des genévriers" - "Hier les oiseaux".
Merci pour cette excellente lecture.


P

Anonyme a dit…

Juste une remarque. Une Bibliothèque peut pratiquer ce qu’on appelle joliment un « désherbage », c’est à dire se séparer d’ouvrages qu’ à tort ou à raison elle juge périmés, sans, si c’est bien fait, vendre pour autant ce que vous appelez ses trésors. Exception: le massacre de la Bibliothèque de Carnavalet, mais là tout était ancien…MC

Christiane a dit…

C'est intéressant. Oui, dans son allure il paraît périmé, oublié. Mais quand on l'ouvre c'est fascinant. On glisse dans cette histoire, charmé par le ton, la beauté de l'écriture alors que ce qui est raconté est effrayant. Et dans la deuxième partie quand chacun d'eux laisse revenir ses souvenirs d'enfant, souvenirs trompeurs, on ne se rend pas compte du moment où l'on bascule du maintenant à autrefois. Soudain ces quatre adultes. redeviennent les enfants qu'ils ont été effrayés par des morceaux de mémoire embrumée.
La mémoire de l'ombre... Mystérieux titre car tout se joue dans cette mémoire. La peur, l'imagination, le huis clos font le reste.
Et comme des haltes enchantées sur les terres de cette vaste propriété où poussent tant d'arbres, tant de fleurs. J'ai été sous le charme de la premières à la dernière page. Étrange livre. Très étrange.
C'est peut-être moi qui suis périmée, d'un autre temps. Alors le livre a trouvé son lecteur...

Christiane a dit…

Ce livre m'a ramenée à la lointaine enfance où je lisais ces contes qui faisaient peur tout en étant délicieux. Des frissons dûs à l'étrangeté d'un monde parallèle à notre monde mais où rien n'était étonnant, absurde. Mes premières science-fictions peuplées d'êtres aux pouvoirs extraordinaires, me plongeant dans ces chemins où l'on rêve en cachette de vaincre tous les affreux avec ou sans baguette magique. Mon armée secrète suivait les pas de Pinocchio et du Chat botté. Les ogres étaient renvoyés à leur sombre forêt pendant que je détalais avec le Petit Poucet. Ma chambre rêvée devenait une isba montée sur pattes et une babayaga prononçait des formules magiques...
Bref d'une enfance à l'autre j'ai laissé un peu de mes ogres dans ce livre et j'ai accueilli les leurs.

Christiane a dit…

Je regarde Rencontres du troisième type de Steven Spielberg. Toujours avec le même émerveillement

Anonyme a dit…

Je dirais pour moi: « toujours avec le même énervement »!

Anonyme a dit…

Sf facile, aussi Americaine qu’ hollywoodienne, gâchée de surcroît par trente minutes de sous-Richard Strauss, avec un Truffaut atterrant…

Christiane a dit…

En France, le critique du Monde, Jean de Baroncelli, écrit dans sa revue du film (25 février 1978) : «Provoquant une admiration naïve, communiquant un plaisir enfantin, le film de Spielberg échappe aux pesanteurs de la critique. Il n'est ni bon ni mauvais, il est autre. Fantastique dans tous les sens du terme. Sidérant autant que sidéral»
Pour Alain Masson de la revue Positif (no 205, avril 1978) : « Ce film féérique témoigne donc parfaitement de son temps. Avec ses astuces de conteur, il faut reconnaître à Spielberg un certain talent d'illustrateur sensible aux formes qui l'entourent ».

Christiane a dit…

Dans son Dictionnaire du cinéma, Jacques Lourcelles juge que le film accompagne la «puérilisation» du cinéma américain et montre la complaisance de Spielberg vis-à-vis des goûts du public. Selon lui, les personnages sont inconsistants et c'est dans la richesse et la perfection des effets spéciaux que réside l'intérêt du film. Pour cette raison, il affirme que Douglas Trumbull peut réellement être considéré comme le co-auteur du film, « puisqu'il est responsable de ce qu'il contient de meilleur ».

Pour Alain Remond de Télérama (22 février 1978) : « C'est complètement naïf, débordant d'humanisme candide, à la gloire de l'Amérique nouvelle, post-nixonienne, lavée du péché originel, régénérée dans l'idéalisme mystique » Le journal Libération est aussi critique.

Christiane a dit…

Un critique d'Allo ciné :
"Rencontres du 3ème type" est le troisième film de Spielberg (si on considère "Duel" comme un téléfilm). Et force est de constater que son film précédent, le chef-d'oeuvre "Les Dents de la Mer", n'était pas qu'un simple coup de chance. Car une nouvelle fois, Spielberg réalise un film fascinant, plein de suspens. Il aborde pour la première fois un thème qui lui tient à cœur, il y reviendra à plusieurs reprises avec notamment "E.T. l'extra-terrestre" et "La Guerre des Mondes", celui bien sûr des extra-terrestres. Et "Rencontres du 3ème type" joue sur l’ambiguïté des intentions de ces êtres venus de l'espace jusqu'à la fin. On ignore tout de ces nouveaux arrivants, de ce qu'ils comptent faire et le suspens s'installe progressivement. La peur monte légèrement mais on reste intrigué par les étranges phénomènes qui se produisent. En effet, à différents endroits sur la planète, de surprenantes découvertes ont lieu. De plus, des OVNI sont aperçus par plusieurs personnes en même temps et au même endroit. Certaines personnes se mettent également à avoir des visions. Avec son final très coloré et sa musique, composée évidemment par John Williams qui créa les célèbres notes du film, "Rencontres du 3ème type" marque le spectateur, d'autant plus que les effets sont, encore aujourd'hui, d'une belle qualité."

Christiane a dit…

Un autre lecteur du site :
"(...) La 1ère partie est la plus intéressante. Spielberg fait (encore) appel à la suggestion, rendant l'ambiance mystérieuse à souhait : réapparitions inexpliquées d'avions, de navires, apparitions furtives d'ovni, notes orchestrales énigmatiques, l'accident de voiture de Roy (Dreyfuss) et l'enlèvement d'un enfant. (...)"

Soleil vert a dit…

"Rencontre du troisième type" (1977), "ET"(1982), la première période de Spielberg où il exprime son ouverture au monde et qui tranche avec le plus tardif et sombre "La guerre des mondes" (2005)

Christiane a dit…

Oui.
Toutefois E.T est bien sombre hors cette amitié entre ces enfants et l'extraterrestre. Ah, Eliot... La famille est désunie. La première séquence avec ces policiers qui cherchent E.T dans la forêt n'est pas gaie ni sa mort, ni le désir des savants de le disséquer.
La guerre des mondes, c'est "noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir..."
La série sur La guerre des étoiles, tumultueuse, Les dents de la mer, terrifiant, La couleur pourpre , ambigu... Duel , terrifiant audsi... Jurassik parc, pas mieux.... Il y a de la douceur enchantée dans ses créations, de la violence et du pessimisme aussi. Il y a l'Histoire, La liste de Schindler... et l'imaginaire. Un grand réalisateur très difficile à cerner. 35 films, je crois...
Mais, Soleil vert, c'est surtout sur La mémoire de l'ombre que j'attendais votre réaction de lecteur...
Bonne soirée et caresses aux chats.

Soleil vert a dit…

Prochaine étape, si mon chat ne me laisse pas tomber :

Goran Petrovic - Soixante-neuf tiroirs - Zulma

Le haut du panier chez Zulma avec Ferenc Karinthy et Perutz

Christiane a dit…

Chic.
(Garfield, tiens bon !!!)

Christiane a dit…

J'ai jeté un coup d'œil au livre de Goran Petrovic - Soixante-neuf tiroirs - (Zulma). C'est vraiment bien écrit et prenant dès la première page. Hâte de vous lire à propos de ce roman qui, je le sens, va être une belle découverte.

Christiane a dit…

J'ai commencé à le lire. Ce lecteur me plaît beaucoup. On dirait monsieur Plume de Queneau.... car il ne s'étonne pas de l'étrangeté de ce qu'il vit en lisant ce livre. Il est comme fait du réel et fait des mots du livre. Vous avez des intuitions incroyables en choisissant vos livres. Comme un chemin destiné aux lecteurs...

Anonyme a dit…

Peut-être faudrait-il attendre la chronique? MC

Christiane a dit…

Bien sûr !

Anonyme a dit…

Est-ce que cette Guerre des Mondes n’est pas d’abord du Wells? Auquel cas le pessimisme s’explique assez et ne saurait être imputé au metteur en scène ? MC

Christiane a dit…

Encore que ce roman, dès les premières pages est bâti sur le fait que plusieurs lecteurs le lisent en même temps et qu'il semble que ces lectures ont une influence sur le réel. Soleil vert en a déjà beaucoup dit. J'ai hâte de lire la suite.

En attendant il n'y a pas d'urgence puisque je relis "La mémoire de l'ombre" de Kate Wilhelm. Et plein de détails deviennent importants.

Christiane a dit…

C'est vraiment complexe ce roman de Kate Wilhelm. Le relisant, je sens que tout repose sur Régina qui semble recevoir des flash back du passé concernant chacun des quatre enfants à propos de la mort ou de la disparition des mères.
Le mort semble avoir volontairement caché les circonstances réelles de ces drames. Comme par ailleurs il était assez violent en paroles et en actes, chaque enfant a grandi loin de la maison avec sa propre version des faits. Ce huis clos les oblige à affronter la fratrie recomposée, leurs peurs, leurs douvenirs. Des évènements sombres donnent à chacun d'eux l'impression d'une présence malfaisante, celle du père pourtant mort et incinéré.
Comme l'écrit Soleil vert, la fin est surprenante, retombe comme un soufflet. Mais il est loin d'être certain que chacun d'eux ait compris qui était le père et pourquoi le testament final était si imprévisible.
Régina en ressort, vieillie, un peu désabusée.
Kate Wilhelm est un écrivain remarquable qui nous entraîne au-delà du roman, une sorte de thriller, dans un questionnement un peu hasardeux sur l'emprise et les ombres du passé.

Soleil vert a dit…

>"Est-ce que cette Guerre des Mondes n’est pas d’abord du Wells? Auquel cas le pessimisme s’explique assez et ne saurait être imputé au metteur en scène ? MC"
Bien entendu, mais Spielberg a choisi CE roman pour l'adapter
L'étranger, au départ bienvenu (Rencontres ..., E.T) devient menaçant (La guerre des mondes) et Spielberg ultérieurement tombera encore plus le masque avec "La liste de Schindler"

Christiane a dit…

"La principale raison pour laquelle j’ai tenu à réaliser ce film sans plus tarder, c’est que la purification ethnique qui sévit en Bosnie me persuade de plus en plus de la ressemblance terrifiante de notre époque avec celle où se déroula la Shoah. Je n’avais jamais, dans aucun de mes films, décrit la réalité. Je consacrais toute mon énergie à créer des mondes imaginaires. Je crois que si j’avais inversé mon plan de travail et tourné en premier La Liste de Schindler, je n’aurais jamais éprouvé le moindre désir de réaliser, ensuite, un film sur les dinosaures. » Spielberg ne demanda pas de salaire pour ce film, ce qui aurait été pour lui « l’argent du sang".