samedi 23 décembre 2023

L’affaire Crystal Singer

Ethan Chatagnier - L’affaire Crystal Singer - Albin Michel Imaginaire

 

 



Après avoir érigé un Monument Éditorial nommé Lunes d’encre chez Denoël entre 1999 et 2017, Gilles Dumay s’est lancé depuis 2017 dans une nouvelle aventure à la tête de la collection Imaginaire d’Albin Michel, prenant le double pari de faire émerger des ouvrages de qualité et de les vendre au plus grand nombre. Une véritable quadrature du cercle pour cet éditeur attachant dont la stratégie peut, à mon avis, se décliner ainsi : une ouverture prioritaire aux auteurs français et une sélection de romans adaptée aux sensibilités multiples du lectorat du domaine de l’imaginaire. La présence d’une quinzaine de volumes chroniqués dans ce blog, sans compter ceux à venir, témoigne de l’intérêt porté à ceux-ci. Mais en ce qui concerne L’affaire Crystal Singer la sauce ne prend pas pour moi. Pourquoi ?

 

Dans une réalité alternative, à la suite des observations astronomiques de Giovanni Schiaparelli relatives à Mars, un hypothétique Flavius Horn, convaincu de l’existence d’une forme de vie intelligente sur la planète rouge, trace en 1894 trois gigantesques traits parallèles sur le sol tunisien. Là se situe le début de la divergence de la dystopie. En 1896, les scientifiques collés à leurs télescopes découvrent stupéfaits quatre traits parallèles tracés par leurs homologues martiens. Ainsi démarre une communication mathématique quoique asymétrique entre les deux mondes. Les extra-terrestres, beaucoup plus avancés dans le domaine, gravent des équations de plus en plus complexes que les terriens s’efforcent de résoudre. La dernière met aux supplices les meilleurs cerveaux, celui d’Einstein compris, jusqu’à ce qu’une jeune mathématicienne trouve au début des années 60 une résolution à ce qu’il est convenu d’appeler « l’équation de la distance ». Accompagnée de quatre diplômés du MIT, dont son amoureux Rick, Crystal Singer part incruster sa solution dans le désert de l’Arizona. C’est un succès total, mais absorbée par ses recherches sur « Le curieux langage » elle largue tout le monde y compris Rick avec lequel elle échange des courriers de plus en plus … distants.

 


L’auteur opère, et c’était prévisible, une translation sémantique d’un concept géométrique à un vécu sentimental : loin des yeux, près du cœur. Le worldbuilding reprend une construction popularisée par Robert Reed dans Le voile de l’espace et Robert Charles Wilson dans Spin, récits dans lesquels le quotidien de personnages vivant sous un ciel étrange prend le pas sur la recherche d’un premier contact. Cela permet de passer le volet scientifique en second rideau, mais malgré cela la première partie du roman qui promettait d’être enlevée, s’alourdit de tartines de nutella : « Einstein se demandait comment ce serait de chevaucher un rayon de lumière. De faire la course avec ce rayon en l'examinant. Sa grande découverte physique découlait de cette question : À quoi ressemblerait la lumière vue de côté ? Il regardait les choses depuis des points de vue différents. Il les faisait pivoter dans son esprit. Il pivotait lui-même autour d'un éclair et laissait la lumière se ruer vers lui depuis toutes les directions. » ou encore « Il faut être prêt à tout par amour, aurait-elle dit. Ce projet est plus grand que l'amour, aurait-elle dit. Il peut être à la fois plus grand et plus petit. L’amour se mêle à nos actes. Nos actes se mêlent à l'amour. Il ne s’agit pas d'entités séparées. Merci Maman. Je t'aime. Tu me manques. »

 


La mélancolie de Rick exprimée à travers ses échanges épistolaires avec Crystal, le souvenir de ses relations difficiles avec son père, l’impossibilité de bâtir une nouvelle vie sentimentale, la surprise de dernière minute rehaussent la seconde partie et laissent espérer un final alléchant. Hélas l’apparition d’une nouvelle équation sur l’entropie suscite des commentaires d’une platitude « scientifique » désolante ; quant aux retrouvailles des uns et des autres elles sont aussi chargées d’affect que « Doctor Livingstone I presume ? »

 


Bien entendu on est en présence d’un premier roman. En refermant ce qui aurait pu être un nouvel Adjacent, et en parcourant la liste interminable des contributeurs, je serais tenté de dire à Ethan Chatagnier : « Coupe les liens avec ton atelier d’écriture, relis « La ménagerie de papier » et revisionne jusqu’à plus soif Million Dollar Baby.
»

56 commentaires:

Christiane a dit…

Une mathématicienne... Une équation gravée sur un rocher dans le désert de l'Arizona, un groupe d'amis qui vont vers cette énigme qui serait un moyen de communiquer avec des extra-terrestres... Un premier roman...
Tous les ingrédients sont là pour faire rimer mathématiques et poétique.
Une disparition comme trou noir dans l'espace...
Mais, les réticences de Soleil vert, l'extrait donné à lire modèrent l'enthousiasme.

Néanmoins je ne dis pas que je n'irai pas voir de quoi ce livre est porteur... pour le plaisir de voir une équation gravée sur un rocher... qui attend une réponse...

Anonyme a dit…

Les débuts se doivent d’être salués pour ce qu’ils valent, et il n’est pas défendu d’être rosse. De bons conseils pour le futur . MC

Anonyme a dit…

Oui, il est bon de sermonner les petits jeunes prometteurs, mais qui risquent vite de se la péter dès la première occase. Vous l'avez bien dosée. A sa place, pas sûr que j'aurions su accuser le coup de la "platitude scientifique désolante sur nos tartines de Nutella". Fort heureusement, à Noël, on oublie tout, on mange ce qui nous fait plaisir, et comme on est djeune et gourmand, on est résilient, on va de l'avant.
Bien à vous, bon père fouettard ! Maman que j'aime et qui me manque va me consoler. Le soleil vient enfin de se lever, il est rouge, vu de la planète Mars. Sur la petite bleue, on y voit aussi des rayons jaunes s'éployer sur le ravi de la crèche. Joyeux soit-il..., en ce jour béni, perdu dans les plurivers (JJJ)

Anonyme a dit…

Merci jjj !
CHristiane je peux vous envoyer le livre si vous voulez.SV

Christiane a dit…

Avec plaisir, Soleil vert. Quand même cette jeune mathématicienne, même éphémère, m'intrigue beaucoup. Ensuite je reviendrai ici vous dire mes impressions.

Greg a dit…

Ah c’est sûr, c’est pas du Wells ah ah..
Ma femme qui ne lit jamais de SF a aimé. Le temps de l’attente,qui est le maître mot de l’histoire..Le talent de l’auteur c’est que le lecteur aussi est plongé dans cette situation.
Moi je dirais que c’est une parabole de la solitude du personnage face à l’angoisse interplanétaire. De plus c’est très bien écrit.
Voili voilà.

Christiane a dit…

Décidément, un autre lecteur qui me fait du bien. Merci Greg. C'est noté.

Christiane a dit…

Je ne cesse de penser à ce livre (Ethan Chatagnier - "L’affaire Crystal Singer" - Albin Michel - Imaginaire) avant de l'avoir lu.
Cela m'intrigue. J'en cherche la raison.
C'est très rare une fiction construite sur un dialogue mathématique. Cela me rappelle le film "Contact" dont nous avions parlé .
Dans l'univers des mathématiques un arrière-plan de régularités naturelles et de concordances semble exclure la contradiction . Nous comptons de la même façon sans exprimer d'opinion car les équations et règles mathematiques ont des contraintes logiques, des normes, des évidences.
Quelles soient utilisées pour communiquer en dehors du langage ou comme un langage les rapprochent de la musique.
Si la solution de celle gravée dans le désert est trouvée, cela signifie-t-il un accord ? Une situation surréaliste puisque face à cette jeune femme on ne sait qui a gravé l'équation sur terre.
Quelle attente et quelle entente cela signifie avant même la tentative de la rencontre et du du langage.
Mais elle n'est pas seule. Elle quitte le groupe et disparaît et le roman devient le roman de l'attente, à lire Greg.
Quelque chose se passe pendant qu'ils attendent... Quelque chose peut-être en dehors de la terre.

Je suis inquiète, Soleil vert, que vous présentiez un roman si attirant tout en le démolissant fortement ("platitudes scientifiques désolantes"). Pourquoi l'avoir présenté ?
Ne parliez-vous qu'à vous-même ou à l'auteur ? Vous semblez connaître des habitudes de lui (ateliers d'écriture) et vous le renvoyez à un apprentissage (lectures, films). Tout cela est très inhabituel et semble pouvoir être contredit (Greg)...

Anonyme a dit…

Parfois les avis divergent. Je suis un des minoritaires sur ce livre qui néanmoins devrait bien se vendre.SV

Christiane a dit…

Qu'attendiez vous de ce roman, SV ?
Sans l'avoir lu je trouve le thème propice au rêve mais aussi à une interrogation philosophique sur le langage mathématique qui semble actuellement le même pour tous les chercheurs du monde - même s'il n'en a pas toujours été ainsi.
Si vous deviez choisir un moyen de communiquer avec des extraterrestres pacifiques, lequel choisiriez sous ?

Anonyme a dit…

Eh bien ! Je vous laisse répondre aux questions, Soleil Vert! MC

Anonyme a dit…

Eh bien ! Je vous laisse répondre aux questions, Soleil Vert! MC

Anonyme a dit…

Triplon!

Soleil vert a dit…

Ma réponse : à bas le gnan gnan !

Christiane a dit…

Très drôle ! C'est certain que dans "Million Dollar Baby" il n'y en a pas. L'affrontement de Maggie et Frankie est d'une sobriété et d'une force rare.
( e.g et MC en sont au premier round sur le ring d'en -dessous ! Les tartes et l'eau bénite volent à travers l'espace comme les vaisseaux de "La Guerre des Étoiles"...)
Je comprends vos réticences.
Parlons d'autre chose, n'étant pas mathématicienne ni experte en équation des distances, je me demande ce que cet échange asymétrique en barres parallèles (qui va au-delà du mimétisme comme dans le film de Truffaut : "Rencontres du troisième type") peut augurer d'une rencontre entre Krystal Singer et ces entités d'un autre monde. Du moins ce n'est pas "un pas en avant, un pas en arrière..." comme dans la comptine enfantine !
Votre blog est traversé par des orages en cette fin d'année, ce qui ne manque pas d'animation. Vous apportez une touche d'humour avec votre "gnan .gnan". Greg et sa femme ne vont pas être contents !
Bonne fin d'année en vos lectures et compte-rendus. On ne s'ennuie pas chez vous !

Anonyme a dit…

( De Spielberg, avec Truffaut!)

Christiane a dit…
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Janssen J-J a dit…

Bonjour SV,
Je me permets de mettre cela chez vous, puisqu'apparemment, la RDL rejette systématiquement ce message. N'en prenez pas ombrage. Merci beaucoup pour votre hospitalité. Vous noterez qu'il n'y figure aucune œuvre de SF, juste l'amour que nous partageons pour les littératures diverses et variées
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(JE, 27 XII 2023_10.55) Voici le bilan de mes lectures de l’année 2023 pour (ma) mémoire, dans l’ordre chronologique de leur lecture intégrale (sauf pour l’un d’entre eux, Bernard Lahire, un gros morceau, à reprendre et à digérer avec des fiches, durant toute l’année prochaine).
Comment faire pour que la liste intégrale puisse apparaitre ? Elle ne tiens pas dans la case prévue à cet effet ? (LISTE A VENIR)
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- Soit 63 bouquins, équivalant à la lecture d’un par semaine environ, dont 39 romans ou apparentés et 14 essais, études, biographies, sciences humaines…
- 45 ont été écrits par des auteurs, et 18 par des autrices.
- Parmi les livres dits « sérieux », 9 livres de sociologie et d’histoire (Badie*** ; Lahire**** ; De Maillard-Skogan (dir.)*** ; Perrot-Castillon**, Ernaux-Lagrave** ; Loevensbruck*** ; R. Stach**** ; Eribon* ; Favarel-Garrigues*** ; Detambel*…
- Parmi les pamphlets engagés (1 R. Saviano** et 1 Ph. Pichon*), et parmi les poètes (1 F. Bouysse** et 2 Ph Pichon***)
- Parmi la littérature que j’estime faire partie des « classiques » : 4 français (1 Stendhal*, 1 Jouhandeau* et 2 Sarraute**) et 7 étrangers (dont 4 écrivaines : O. Tokarczuck**, T. Morrison**, G. Sapienza**, A. Nothomb* et 3 écrivains, E. de Lucca** ; A. Ginsberg*** ; N. Cassady**)
- Parmi les romans « du moment », je distingue 8 français (L. Seksik* ; I. Sorente* ; FX Désérable* ; M. Belezi *; L. Binet** ; L. Murat*** ; C. Poulain** ; N. Mathieu**) et 13 étrangers (1 Kourkov** ; 1 M. Miller ; 3  C. McCarthy**** ; 1 J. Brouwers**** ; 1 I. Mc Ewan****, 2 A. Altan** ; 1 Catozella ; 1 Olafsdottier**, 1 Rick Bass* ; 1 Javier Cercas**)
- Parmi auteurs-trices les polars et thrillers, 10 français (1 F. Vargas** ; 1 C. Mossé ; 4 O. Norek*** ; 2 F. Thilliez** ; 1 I. Manook) et 4 étrangers (1 Lucarelli*, 1 P. Heller***, 1 D. Lehanne**, 1 S. King**).
Les lectures les plus impressionnantes : Badie ; Lahire ; Loevensbruck ; Stach, Favarel-Garrigues ; puis, Jeroen Brouwers ; Cormac Mac Carthy ; Ian Mc Ewan ; Laure Murat ; Peter Heller, et la découverte d’un écrivain turc  de talent : Ahmed Altan…
Mes pires lectures : A.Nothomb ; C. Mossé ; G. Catozella ; Ian Matook ; I. Sorrente ; M. Miller.
Bon..., voilà une bonne chose de faite, pour le bilan-carbone 23 !

Christiane a dit…
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Anonyme a dit…

J’aime bien ce Portrait de Soleil Vert juché sur son dromadaire, portant sa Bibliothèque dans ses paniers, lisant et notant sur la bosse de la bête, et jetant de loin en loin dans le désert d’ Arrakis des livres indignes d’y figurer plus longtemps, assurant par la même leur succès auprès de bédouins avides de SF. MC

Anonyme a dit…

Ça irait pour Soleil Vert, mais c’est de JJJ. qu’il s’agit. Gardons le chameau, la posture, varions l’identité, et à SF substituons les genres susnommés. Poésie, Socio, Romans, etc. Changeons aussi les goûts des Bédouins…. MC

Christiane a dit…
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Christiane a dit…
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Christiane a dit…

Revenons à "L'affaire Crystal Singer" d'Ethan Châtaignier.
Page 257, cette phrase : "La distance se rembobinait en moi comme la ligne d'un pêcheur." Là, je ne l'ai plus lâcher jusqu'à la fin. Nombres et musique. Mais oui, absolument et cette attente.
Il est temps maintenant de rembobiner le récit jusqu'au début de la deuxième partie.
"Voili Voila" a raison quand il écrit : "je dirais que c’est une parabole de la solitude du personnage face à l’angoisse interplanétaire."
C'est aussi une belle méditation sur l'absence de l'autre dans le couple quand on sent celui qu'on aime, pensif, être dans un autre monde auquel on n'a pas accès. Paul Edel a écrit cela superbement dans un de ses derniers textes.
Winnicott écrivait de l'être qu'on attend : "je le crée et je le recrée sans cesse à partir de la capacité d'aimer, à partir du besoin que j'ai de lui."
Oui, l'attente est un délire.

Christiane a dit…

Page 101. Vous l'aviez écrit , Soleil vert.
"Il y avait aussi une dichotomie cachée, la séparation de la distance et du mouvement. "
Nous parlions de Zénon.
"Pendant que les subdivisions se réduisent à l'infini, les pas s'agrandissent à l'infini dans les mêmes proportions."
Oui, le temps dépend de la vitesse
La lettre que Rick Hayworth écrit à Crystal avant son décollage en est le reflet.. Elle est hors d'atteinte. La lettre n'arrivera qu'une semaine après son atterrissage... Si elle revient sur terre...
Ce livre est passionnant pour réfléchir au temps.
Parfois je me demande si ce n'est pas vous qui avez écrit ce livre, ce qui expliquerait votre plaisir à le démolir...

Christiane a dit…

J'aime beaucoup dans la lettre qu'elle lui avait écrit, ce passage .
"Je n'ai jamais considéré les maths comme un miracle. Les choses que nous étudions sont, tout simplement. Elles étaient les lois de l'univers avant que nous ne soyons là pour les comprendre. Elles régissent le monde derrière le rideau, que nous le regardions ou pas ; elles sont déjà là. La musique est un miracle. Elle ajoute au monde quelque chose qui n'avait pas à être là. Le langage est un miracle (...) Non seulement ils ajoutent au monde quelque chose de neuf, mais ils transmettent des pensées et des émotions qui, sans ça, seraient restées prisonnières en une seule personne."

Diable ! Ce n'est pas "gnan gnan" !

Anonyme a dit…

« La distance se rembobinait en moi comme la ligne du Pecheur » diantre! Il faut le dire! Ce qui signifie semble-t-il que la distance hameçonne l’interesse( e) . Franchement, ça n’a pas grand sens . Il faut supposer alors qu’elle apparaît brute de décoffrage, et vlouf! Par ici ! Ce n’est tout simplement pas tenable! MC

Anonyme a dit…

Mais… la Musique n’est-elle pas une application des mathématiques? Et fort ancienne? Contemporaine de leurs notations? C’est ici qu’il faudrait poser la question d’un point de vue humain. Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Noter les lois de l’univers, ou noter l’une de leurs conséquences, la musique? Je ne suis pas sûr qu’on puisse trouver une réponse aisée. Cette Dame s’enfonce un peu…

Soleil vert a dit…

Avant d'aller plus loin, c'est qui "voili voila" ?

Christiane a dit…

Greg 24 décembre 2023 à 13:28

Soleil vert a dit…

J'aime beaucoup dans la lettre qu'elle lui avait écrit, ce passage .
"Je n'ai jamais considéré les maths comme un miracle etc.

Oui, ça c'est un bon passage

Christiane a dit…

Chic !

Anonyme a dit…

Les bouquins que l'on a détestés ?... oui, ils étaient plus que gnan-gnan ! Inutile d'en rajouter, on peut pas avoir juste à tous les coups. On s'est laissés guider par des conseils mal venus. Cela arrive, et ce n'est pas grave.
Sinon les astérisque (sans *, 1* ou ** ou *** ou ****) suffisent à attester de la progression ou de l'intensité de nos enthousiasmes, du moins au plus..., un peu sur le modèle de la revue du Télérama.
Bàv, Ch. (JJJ)
nb / la RDL a finalement publié la liste intégrale de mes lectures, après un long temps de latence... On peut s'y reporter, lcé, en remontant le commentarium du billet dédié à l'affaire Garcin-Manzonni.

Anonyme a dit…

@ ce que nous pouvons dire de la lecture d'un seul livre.

Je vous suis bien, Ch., même dans ceux que nous avons globalement détestés, il faudrait en nuancer les passages et les moments de flottements... Ce que l'on déteste reste plus longuement gravé en nous que ce que nous avons aimé ou adoré. Et inversement, peut-être.
Cela dit, dans mon penser/casser péréquien, je me voyais mal nuancer ce que j'avais éprouvé pour chacun d'eux. Tel n'était pas mon objectif, et vous l'imaginez bien.
J'ai l'impression que vous rebondissez toujours sur ce blog avec empathie, mais en tirant toujours la couverture à vous, en prenant soin de décrire tous vos états d'âme à chaque page d'un bouquin auquel vous vous coltinez. C'est une manière de faire expériencielle qui n'est certes pas sans intérêt, voire fascinante (per ex. sur votre lecture de Pynchon, récemment), ce dont je serais totalement incapable, personnellement. Car enfin, quel pensum ! Bàv, (JJJ)
Bàv,

Soleil vert a dit…

JJJ, le "Lahire" sur Kafka, vous connaissez (Franz Kafka
Éléments pour une théorie de la création littéraire) ?

Anonyme a dit…

Bien sûr, je m'efforce de lire Lahire très attentivement depuis ses débuts, j'ai su très vite qu'il allait devenir le meilleur de notre génération, après avoir réussi avec maestria à s'émanciper de l'influence de Pierre Bourdieu. Sa psychosociologie de "Kafka" m'avait ébloui mais fait mal, car à le désenchanter ainsi, il ne restait rien sous sa plume de ce que Kafka avait pu lui apporter à lui-même, Lahire, et surtout de l'envoûtement chez ceux pour qui il restera à jamais l'icône littéraire absolue (celle que l'on retrouve dans l'hommage de Goldschmidt, par ex). Depuis, la biog de Stach m'a fait un brin oublier Lahire, et j'ai entrepris la lecture du 2e tome qui vient de paraître, lequle me réenchante...
Pour en revenir à Lahire, il restera son enquête plus récente de sociologie des rêves, en deux tomes, œuvre majeure appelée à détrôner celle de Freud, je crois... Pour ne rien dire de sa synthèse sur les structures fondamentales... etc. Bàv,

Christiane a dit…

J'ai donc terminé pour un temps la lecture du roman d'Ethan Chatagnier - "L’affaire Crystal Singer'".
J'ai un peu le tournis comme d'être sur le pont d'un bateau qui nous bascule sur un rythme à deux temps car que de parallèles entre ces chapitres, entre la vie de Crystal, celle de Rick, des autres voix de ceux qui ont côtoyé la jeune mathématicienne avant sa disparition. Entre les temps différents du roman.
Donc pas de martiens ! J'aimais bien dans "Premier contact" ( film évoqué plus haut) leur apparition derrière l'écran, les efforts de la jeune scientifique pour comprendre leurs signes et tenter d'y répondre.
Là, dans le roman, pas de martiens, peu de présence de Crystal, beaucoup de routes et de paysages bien écrits.
Je n'ai pas vraiment compris où elle était pendant dix ans alors qu'elle s'enfonçait dans la dépression, pas bien compris non plus ce qu'elle cherchait mais j'aimais sans le rattacher à ce qui précèdait cette rencontre autour du piano.
Roman bizarre et doux et lent. La folie est frôlée, celle de ces êtres qui s'enferment dans une quête, oubliant les êtres qui les entourent.
Bien aimé aussi l'invention de l'amour... qui est toujours une invention, une projection de sa propre attente sur un autre être.
Oui, étrange roman...
Je ne l'ai pas du tout trouvé "gnan gnan" sauf pour la liste interminable du ... générique de fin.
Je ne l'ai donc pas trouvé gnan gnan mais emmêlé.

Soleil vert a dit…

Sur la distance :

Mais dans les bras d'un églantier, sous des grappes de roses blanches et de l'autre côté du Temps, il y avait depuis des années une très jeune femme brune qui serrait toujours sur son cœur fragile les roses rouges du colonel. Elle entendait les cris du garde, et le souffle rauque du chien. Blême, tremblante, et pour jamais inconsolable, elle ne savait pas qu'elle était chez son fils.

Pagnol - Le Château de ma mère

Soleil vert a dit…

ou encore :

L'exilé est obsédé par la séparation géographique, l'éloignement dans l'espace. C'est pourtant le temps qui fonde l'essentiel de sa solitude ; et il accuse les kilomètres alors que ce sont les jours qui le tuent. J'aurais pu supporter d'être à des milliards de bornes du visage parental si j'avais eu la certitude que le temps serait sur lui sans lui nuire. Mais c'est impossible ; il faut que les rides se creusent, que la vue baisse, que la mémoire flanche, que des maladies menacent.

Mohamed Mbougar Sarr

Janssen J-J a dit…

Mais de quel bouquin me parlez-vous au juste, ce matin, Chr. ? Etes-vous bien réveillée ? Bàv,

Christiane a dit…

La douce Augustine... la peur de sa mère : ce terrible garde et son chien... Le raccourci... La clé qui permettait de prendre ce raccourci... Tous ces souvenirs intacts et cette dernière phrase qui inverse le temps, le retourne : "elle ne savait pas qu'elle était chez son fils"... Comme si le futur aurait pu être la fin de la peur de la mère, sa joie, sa fierté.
Oui, Pagnol a cette intuition des distances que le temps peut retourner donnant la place après le chagrin et la mélancolie à la douceur émerveillée.
Il y a quelque chose comme cela dans le roman d' Ethan Chatagnier avec l'entropie, "une communication mathématique asymétrique entre les deux mondes. ", un retournement même. Un futur qui viendrait se glisser entre deux strates du passé. Ce qui donne toute sa transparence à cette phrase : ""La distance se rembobinait en moi comme la ligne d'un pêcheur."
Lisant ce roman, j'ai souvent senti des repères en danger entre passé, présent et futur.
Pagnol en une phrase immortalise ce souvenir- bouquet de roses. Le cœur, la mémoire fait advenir une histoire du passé où l'on glisse un peu de futur pour se consoler. Le château de ma mère... Le plus émouvant des trois avec la garrigue et les bartavelles, le paysage comme un cocon d'enfance.
Votre citation illumine cette page. Vous savez ralentir pour inscrire les mots qui dénouent.
A vrai dire je n'ai pas vraiment compris cette affaire Crystal Singer... sauf cet amour qui attend sur la route l'apparition qui gommerait dix ans d'attente.
Est-elle seulement revenue des limbes de l'absence ? et lui n'est-il pas à la recherche de son Eurydice traversant l'enfer de l'attente pour la retrouver ?

Christiane a dit…

Vous voulez dire comme un temps vide ? Il ne peut habiter le présent puisque le temps qu'il vit est fait de nostalgie. Le passé l'empêche d'être disponible. Ça ne cicatrise pas, c'est là, au fond du cœur. Le temps s'est arrêté. Il ne passe plus sauf à se retourner pour qu'un passé devenu irréel efface le présent.

Est-ce que Rick à force d'amour aurait balayé son présent pour y installer son Eurydice ?

J'avais lu ce livre de Mohamed Mbougar Sarr. Je ne me souvenais pas de ce chant d'exil et surtout de ce lien avec le temps. Merci.

Christiane a dit…
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Christiane a dit…

L'impossible : revenir en arrière dans le temps sans abandonner le présent. Nouer l'un a l'autre. Tirer l'un vers l'autre. Remonter le fleuve à sa source ou inverser le cours du fleuve.
L'absence est pire que la mort car elle contient l'attente d'un retour....

Christiane a dit…

Pourriez-vous, Soleil vert, traduire ce passage de votre billet resté pour moi incompréhensible ?
"L’auteur opère, et c’était prévisible, une translation sémantique d’un concept géométrique à un vécu sentimental : loin des yeux, près du cœur. Le worldbuilding reprend une construction popularisée par Robert Reed dans Le voile de l’espace et Robert Charles Wilson dans Spin, récits dans lesquels le quotidien de personnages vivant sous un ciel étrange prend le pas sur la recherche d’un premier contact."

Biancarelli a dit…

Merci SV pour ces citations.
Je comprends un peu mieux votre appréciation en demi teinte sur L’affaire Crystal Singer et votre renvoi à Ken Liu.
Il est certain que chez les auteurs qui ont connu l’exil et le déracinement, le sentiment de nostalgie est profondément enraciné en eux,c’est ce qui nourri leur création d’ailleurs.
Bonne fin d’année à vous et à celles et ceux qui vous suivent.

Christiane a dit…

Si j'ai bien compris, l’exil
ce ne serait pas seulement l'installation dans un ailleurs, l'exil serait surtout le temps suspendu, entre celui du départ et celui de l'arrivée. Supposés identiques, ces deux temps seraient pourtant incompatibles car reliés à des temporalités différentes.
Soleil vert , vous me mettez la tête à l'envers. C'est pire que la science-fiction, c'est de la philosophie pour acrobates !

Christiane a dit…

A vous aussi.

Christiane a dit…

Ou encore :
"Le temps passe, nous vivons, puis nous mourons. Mais qu'est-ce que la vie ?Quelle est la largeur de l'espace qui sépare cette vie de la mort, d'ailleurs, cet espace existe-t-il, et si oui, quel nom lui donner ? Doit-on le mesurer en kilomètres ou en pensées, certains peuvent-ils se glisser dans cet interstice - où ils avanceraient et reculeraient à leur guise ?"

Jon Kalman Stefansson - "Lumière d'été, puis vient la nuit".

Anonyme a dit…

Je reconnais qu’il faut avoir lu Spin, de Charles-Robert Wilson . En substance, la présence d’une civilisation extra-terrestre comme celle-là change peu les comportements généraux. Cette civilisation se caracterisant par
D’immenses aiguilles, on peut y voir un passage du sentiment ( par ex . La peur) au géométrique ( l’aiguille qui finit par se fondre dans le paysage). Reste à savoir s’il est voulu! MC

Anonyme a dit…

PS Pourquoi ai-je donné précisément ces bouquins là ?!

Anonyme a dit…

Bonne fêtes de fin d'année Biancarelli !

Biancarelli a dit…

Merci à tout le monde.

Et pour rebondir sur Pagnol cette citation:
”Telle est la vie des hommes,quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants. ”

Anonyme a dit…

« Comme pour faire memoire ». Pas jusque là, il y a une intrigue, mais pour la plupart des êtres, oui.

Anonyme a dit…

Il est vrai d’autre part qu’elle se developpe surtout dans les derniers tomes de la trilogie, Axis, et l’ autre. Ce n’est pas son titre mais vous trouverez! MC

Christiane a dit…

Mais les enfants devinent tout...