samedi 25 mai 2024

De l’Espace et du Temps

Alastair Reynolds - De l’Espace et du Temps - Le Bélial’ Collection Une heure lumière

 

 


Est-ce le chœur des lamentations sur l’absence de réédition en France de son cycle majeur ? Les choses commencent à bouger pour Alastair Reynolds en particulier au Bélial’ où deux romans et deux novellas viennent d’être publié en deux ans. De l’Espace et du Temps est l’une d’entre elles, une goutte de hard SF bienvenue au sein du déferlement de la fantasy dans le paysage de l’imaginaire littéraire actuel.

 

Ultime survivant d’une colonie martienne et semble-t-il de l’espèce humaine, à la suite d’une pandémie virale foudroyante, Renfrew tente de tenir le coup barricadé dans une station au pied du volcan Pavonis Mons. Il partage son quotidien entre des routines de maintenance et l’envoi sans conviction de messages à destination de la planète mère. Un implant oculaire défaillant utilisant une technologie de réalité augmentée va momentanément venir à son secours, projetant à son insu l’image holographique d’un célèbre ancien chanteur et pianiste pop. Entre chansons et conversations que Renfrew sait dictées par son inconscient, l’astronaute se plonge dans l’étude des sciences physiques histoire d’oublier le contexte d’une situation sans issue. Un jour les systèmes de la station lui signalent l’approche d’un vaisseau.

 

Contre toute attente ces recherches pour lesquelles il va bénéficier d’un coup de main vont le conduire à tenter de percer les derniers secrets de l’Univers. Il y a bien sur un Pacte Faustien derrière tout cela mais le Tentateur est ici exceptionnellement gentil. On n’avait pas lu pareille montée des marches au Ciel depuis l’excellent La Nuit du Faune de Romain Lucazeau. La présence d’Elton John détonne mais comme aurait pu dire Big G « Toute théorie est grise, mais vert florissant est le Rameau de la musique ». 

66 commentaires:

Christiane a dit…

"Ultime survivant de l'espèce humaine"... Cela doit être invivable et pourtant il survit. Quel abîme...
Pourquoi se barricade-t-il puisqu'il est tout seul ?
L'approche d'un vaisseau ?
Comme vous avez écrit "hard SF", je crains le pire...
De toute façon, je suis plongée dans le journal de Kafka. Celui édité par Grasset (Les Cahiers Rouges). Celui traduit et présenté par Marthe Robert. C'est ma traduction préférée.
Dans l'introduction, elle écrit : "cette connaissance de soi-même, pour lui, impliquait d'abord une destruction. Le mot signifie donc : Méconnais-toi ! Détruis -toi ! (...) Afin de te transformer en celui que tu es."
C'est exactement cela mais il faut du temps !
Cela me rappelle "Moon Palace", l'écriture de Paul Auster.
C'est bien cette maison. Votre maison. C'est un grand escalier dans une coquille. On monte, on descend entre les billets. On s'arrête. On lit. On ne lit plus. On réfléchit. On écrit des petites choses, des notes.
La lune de Moon Palace est plus onirique que celle d'Alastair Reynolds .
Vous souvenez-vous, , Soleil vert, quand Fogg cherchant Zimmer tombe sur un groupe de dineurs où se trouve la fameuse Kitty (sa sœur ?) et comment pour l'éblouir il se met à décrire le voyage de Cyrano de Bergerac dans la Lune qui s'était attaché au corps des bouteilles de rosée (plus légère que l'air) pour se propulser sur la Lune ? puis ayant échoué, s'était construit une machine.
Un peu le voyage onirique du film de Méliès. Mais les Luniens le rejettent sur la Terre. Rien n'est parfait !
J'ai tant regardé la Lune, enfant. Tant rêvé aussi quand le Lem s'est posé...
Je n'aime pas trop, comme dans une des dernières SF que vous avez présentée, l'idée de ces colonies sur mars ou ici sur la lune. La lune est belle si elle reste intacte, juste pour faire rêver les enfants...
Si je devais rencontrer des visiteurs venus d'ailleurs , j'aimerais qu'ils écrivent comme dans le film "Premier contact". Une écriture faite de signes inconnus. Oui, ça serait bien.

Christiane a dit…

J'aime beaucoup, sous le lien bleu, le billet concernant "La Nuit du Faune" de Romain Lucazeau.

Christiane a dit…

Par contre, là, ça devient très intéressant : "Contre toute attente ces recherches pour lesquelles il va bénéficier d’un coup de main vont le conduire à tenter de percer les derniers secrets de l’Univers. Il y a bien sur un Pacte Faustien derrière tout cela mais le Tentateur est ici exceptionnellement gentil. On n’avait pas lu pareille montée des marches au Ciel depuis l’excellent La Nuit du Faune de Romain Lucazeau."
Vous pouvez en dire juste un petit peu plus ?

Christiane a dit…

Ça me rappelle le film d'anticipation de Luc Besson : Lucy. Cette jeune femme qui sous l'effet d'une drogue subit une transformation sidérante de ses capacités intellectuelles et physiques. Elle devient une sorte de robot organique. Dans le roman d'Alastair Reynolds et dans le film de Besson tout partirait d'un postulat imaginaire : le cerveau n'utiliserait qu'un
faible pourcentage de ses possibilités....
Cela laisse songeur... Que deviendrait un monde habité d'ordinateurs organiques, d'hommes augmentés ? Les gens seraient-ils plus heureux, mieux capables de s'aimer , du moins de se respecter ?
Et puis l'erreur est humaine, c'est notre richesse....

Christiane a dit…

Je crains de vous avoir blessé, Soleil vert. C'était gentil votre dévoilement mais il m'a plongée dans un tourbillon de réflexions.
Bien sûr que dans le domaine médical on aimerait que soit trouvé comment éradiquer certaines pandémies meurtrières, des maladies orphelines qui s'accompagnent de tant de souffrances. Savoir plus et plus vite. Mais alors que les sciences progressent on constate que souvent elles sont mal utilisées (armements par exemple , substances létales employées dans les guerres sales).
C'est aussi décevant dans le domaine de l'écriture ou avec l'aide de l'intelligence artificielle on rend les gens inutilement bavards et paresseux. Écrire oui mais avec cette modestie qui accepte les difficultés, les ratages, les pannes d'inspiration, la patience.
Les hommes ( générique) sont suffisamment intelligents pour améliorer le sort de l'humanité.
C'est dans le domaine de la bonté, de l'écoute, du partage qu'il faudrait progresser....
Et puis tout savoir.... Ce serait se priver de toutes ces questions qui nous font avancer pas à pas dans un monde jamais totalement dévoilé.
Faust... Et le mythe de l'éternelle jeunesse... Quelle folie...

Mûrir puis vieillir, regarder les petits devenir grands, bâtir leur vie et se délester de ce qui est souvent non essentiel. J'aime que JJJ peigne ces visages, ces paysages juste pour être heureux et qu'il partage son travail avec des amis. J'aime que Paul Edel se souvienne des amis disparus, que Rose inonde sa maman de tendresse ( et pas qu'elle ...) et de rires, que MC passe tant de temps dans ses livres et qu'il bataille avec d'autres lecteurs. J'aime que Passou dise son amitié pour Bernard Pivot, l'accompagne jusqu'à la tombe et en parle sur son blog entre deux chroniques litteraireset tant d'autres rencontrés au fil d'un commentaire ici ou là qui font ce qu'ils peuvent dans cette vie parfois cruelle et difficile et se battent avec des mots.
Je suis en train de relire "Blanche et l'oubli" d'Aragon car je trouvais MC injuste or c'est un lecteur scrupuleux. Je suis heureuse de retrouver au fil des pages ces petites notes graves semées dans un tissu de digressions.
Voilà, une réponse un peu plus complète à votre billet et à vos commentaires, Soleil vert. De vous je ne dis rien mais j'aime votre maison.

Christiane a dit…

Je suis au chapitre 3 du roman d'Aragon "Blanche ou l'oubli". Dans cette troisième partie où Geoffroy par hasard, une nuit, rencontre comme dans une apparition : la femme qu'il a perdue bien des années avant, Blanche. C'est une scène onirique, fantastique un peu comme si elle était peinte par le peintre surréaliste Paul Delvaux. Le récit est coupé, troué par le va-et-vient que fait le narrateur avec les souvenirs embrouilles de Blanche. Il est incertain, douloureux. Ses cheveux maintenant blancs dont elle coupera une mèche. Ces mots qui concluent la scène : "Et ce fut tout", tout cela fait apparaître en filigrane la scène d'adieu de "L'Education sentimentale" entre Frédéric et et Mme Arnoux. Le roman de Flaubert lui aussi joue les apparitions. Des parallèles ....par le texte. Ou Holderlin ou la légende d'Eurydice et Orphée. C'est très beau, dramatique, onirique, flou comme dans un rêve. Remarquablement écrit par le souci de l'agencement des phrases. Le narrateur-ecrivain se bat avec ses mots contre l'oubli, contre l'effacement. Il ne cesse de vouloir se tromper mais n'y arrive pas. C'est vraiment un très beau passage du roman.

Christiane a dit…


Un passage de cette scène :
"Elle a porté sa main à sa tête. Qu'est-ce qu'elle fait ?
Elle a arraché ce voile blond, elle passe les doigts dans les cheveux qui se défont. J'ai vu. Mon Dieu, mon Dieu. Est-ce possible ? C'est terrible, comme ça tout d'un coup. Mais jamais elle n'a été plus belle, cela lui donne une autre douceur du visage que la dureté des cheveux noirs et lourds... Elle dit : «tu as des ciseaux...», et ce n'est pas une question. Personne comme Blanche ne fait à la fois la question et la réponse (Tu permets que je t'embrasse ? comme elle disait après l'avoir fait). Les ciseaux... elle sait qu'il y a des ciseaux, ici, dans le tiroir, elle me les demande, feint de me les demander avec ce geste agité de la main, de quelqu'un qui ne dispose pas de son temps. Je ne comprends pas. Alors elle les prend elle-même.
... Elle défit son peigne ; tous ses cheveux blancs tombèrent. Elle s'en coupa, brutalement, à la racine, une longue mèche. - Gardez-les ! Adieu !
C'est incroyable, parfaitement insensé, dans un moment pareil, de ne pouvoir faire autrement que de penser à Frédéric Moreau, à Mme Arnoux.
« Non, - dit Blanche -, ne m'accompagne pas, Geoff', c'est un fou, tu sais... et il a si longtemps attendu ... »
Quand elle fut sortie, Frédéric ouvrit sa fenêtre. Mme Arnoux sur le trottoir fit signe d'avancer à un fiacre qui passait.
Je n'ai pas reconduit Blanche à la porte, je n'ai pas soulevé le rideau de la fenêtre. Je ne lui avais pas demandé, quand elle a dit c'est un fou : « Et tu l'aimes ?» Il n'y avait pas besoin. La voiture là-bas démarrait avec une brutalité de fauve. Je ne suis pas si sourd. D'où j'étais, d'ailleurs, dans la pièce, j'ai vu tourner les phares. Et je me suis caché les yeux dans les mains, pour ne plus voir que l'oubli."

Christiane a dit…

Cette toile à laquelle je pense :
https://fr.buypopart.com/BuyPopArt.nsf/A?Open&A=8XYQ84

Christiane a dit…

Il introduit cette scène par quelques lignes, de nombreuses lignes, des pages et des pages...
"Un homme seul avec ses chimères. Un Docteur Faust au tréfonds du silence qui joue une incompréhensible partie de cartes sans partenaire. Atout trèfle. (...)
Un homme seul. Et secret. On ne connaît de lui que ses livres, au fond. Une sorte étrange de travaux. Des amorces. Des hybrides (...).
Supposez que Blanche soudain soit là dans l'ombre (...)
Geoffroy Gaiffier marche à travers l'ombre, très peu sûr de ne point tomber, il tremble en lui quelque chose d'innommé, d'innommable. (...) Je ne comprends pas ce qui se passe,, et s'épaissit en moi, se prend, une gelée. Je vacille...."
Et bien plus loin dans le chapitre :
"Pourtant, cette nuit où le temps s'est détraqué (...) le temps s'est déchiré de toi."
Et encore des pages et des pages puis cette scène extraordinaire

Christiane a dit…

Tout au long du roman il cite une héroïne d’un roman d’Elsa Triolet, "Luna Park", Blanche de Hauteville. Les deux Blanche finissent par se confondre.

Christiane a dit…

Mais aussi, comme Paul Auster dans Moon Palace, Cyrano de Bergerac. A propos de la lune :
"Cyrano de Bergerac. Là, il triomphe mon bonhomme, assez de cosmonautes ! L'idée de la lune quand elle n'est basée sur rien d'autre que l'imagination de l'Homme, hein ! Parce que Cyrano, lui, du moins, il n'a jamais fait mine d'y aller ! Tout à coup, j'en ai eu assez, de lui, des autres qui attendent (...)
Est-ce que tu comprends que pour te retrouver, pour t'atteindre, te reprendre, je ne pouvais imaginer rien d'autre que le monde tel qu'il est, le terrible monde réel où je retrouve entrée par le chemin des fables, Luna -Park ou Hypérion
(...)
C'est contre l'oubli que je lutte. L'oubli est l'ange dans nom de l'échelle, qui a pour tâche de m'empêcher de monter à l'arbre de la connaissance."

Anonyme a dit…

C’est encore plus mauvais que dans mon souvenir! Le lecteur scrupuleux. MC

Anonyme a dit…

« L’ange sans nom de l’échelle? »

Anonyme a dit…

L’allusion porte sur le Combat de Jacob,

Anonyme a dit…

Après que Cyrano précède le Combat de Jacob, on ne voit pas pourquoi …

Christiane a dit…

Oui, il évoque l'ange, pas Jacob mais Gabriel.
Ça vous paraît décousu et ça l'est . Plusieurs pages entre chaque citation.
Trouvé quelque chose d'important en suivant toutes ces pistes qui envahissent ses pensées.
L'une c'est une interrogation sur l'amour à travers plusieurs femmes réelles ou personnages de romans.
L'autre c'est un long questionnement sur l'écriture, sur le rapport du roman et du lecteur.
Nous faisons un peu pareil sur le blog de Soleil vert, prenant appui sur nos lectures pour creuser des questions en rapport avec la problématique des personnages ou des écrivains. On ne fait que parler de ces questions sans réponses que posent les romanciers et qui finissent par rencontrer les nôtres. Pourquoi lisons-nous ? Qu'est-ce que ça fait si un livre est bon ou mauvais pour un lecteur, s'il en intéresse un autre. De plus, ici, rien ne prend la forme d'une injonction, d'un jugement définitif. On est face à des mots, face à une écriture. Lisant, ça génère de la pensée qui parfois monte en mots et parfois reste en graines enfouies qui germeront peut-être plus tard. Lisant, parfois je me déplace sans le vouloir vraiment. Je me retrouve dans le corps de celui qui écrit, dans sa main, dans son silence. C'est comme face aux toiles de Bram van Velde. Tout un monde de fantômes dont il ne nous est donné que l'écriture comme des pas sur la neige.
De plus ici on s'adresse à des fantômes, vous, Soleil vert, Claudio Bahia, JJJ, Rose... Des voix écrites sans visage. Un peu comme des personnages de romans.
Oui, vous êtes scrupuleux et c'est une grande force tranquille. SV est plus intrépide, a un rapport plus poétique au langage, plus près de la sensation. Vous vous semblez penser logiquement.
Bon, voilà.

Christiane a dit…

Ah, j'oubliais, l'oubli aussi, le fonctionnement de la mémoire, la façon imprévisible avec laquelle le passé nous revient.

Christiane a dit…

Pas Gabriel, Jacob.

Christiane a dit…

Voilà ce qui arrive quand on m'arrache du sommeil par le combat de Jacob. Les anges viennent perturber ma mémoire ailee. Puis je me rendors...
Donc, ce matin, je reviens au roman , lecteur scrupuleux.
" Ce n'est pas la seule anomalie de ce long manuscrit injustifiable." (C'est lui qui l'écrit !)
Cette troisième partie est très longue, très embrouillée. Un rêve éveillé. L'Histoire se cogne aux livres lus, à la mémoire vacillante, à cette quête du souvenir de Blanche.
Je tourne les pages....
"Peut-être me suis-je tromper de page : je tourne les feuilles, je reviens sur mes pas, non... rien." ( C'est lui qui le dit !)
Et il ajoute : " Est-ce que tu comprends bien tout ce qui précède depuis des pages et des pages, ce délire, cet égarement des souvenirs, ce balbutiement de moi-même, ce n'est qu'une image à tâtons, une quête de toi et moi, quand nous étions ensemble."
Mais je vais bien trouver, lecteur scrupuleux. J'aime bien me replonger dans cette troisième partie, le chant d'Orphée....
Déjà la deuxième partie de cette troisième partie. Il parle à son personnage, Geoff, dans une sorte de dédoublement. Il se revoit à Paris., pense à Adèle et Hugo puis à Ambroise Paré et à la chirurgie.
Êtes-vous toujours là ?
Il revoit une maison, son mobilier, même le papier mural.
Je tourne les pages...
Il parle du sablier du langage qu'on renversé afin que le sable des mots passe de l'un à l'autre, et puis de l'autre à l'un. De son désespoir de l'avoir perdue, elle, Blanche. De sa douleur qu'il cache aux autres. S'attache au temps perdu tout en remarquant que cette expression a changé de caractère depuis Proust.
Il dit courir après l'oubli, après le temps, ne sait comment le rattraper. Retrouve le moment où Blanche l'avait quitté.
Bon je continue dans un autre commentaire.

Christiane a dit…

Pendant ce temps, Soleil vert continue son voyage interstellaire dans le temps. La survie de l'humanité.... à grand renfort de romans de science-fiction. Il va d'une planète à l'autre. Cherche un sens à tout ça de notre histoire. Dans la colonne de droite de son blog, de sacrés souvenirs.... Et en bas des poèmes...

Christiane a dit…

Pendant ce temps Aragon revit la guerre et les morts. Un aparté dans son délire de retrouver le souvenir de Blanche.

Christiane a dit…

Et nous voici enfin dans la troisième partie de la troisième partie "Une mèche de cheveux n'est pas une hypothèse".
Il s'interroge :
"Peut-être que je suis fou, de me croire Geoffroy Gaiffier, personnage d'un roman intitulé Blanche ou l'oubli, un roman qui ne tient pas debout... ce langage mal inventé, pour quoi dire ?
Du roman il passe à la science, aux hommes de sciences
La grammaire, penseraient -ils, ne dit pas ce qu'il dit, mais se borne à montrer comment on pourrait le dire. ( Il faudrait faire passer ce passage au crible de DHH/ Rodanette. ). Ils pensent que ces hommes refusent le roman. Lui, trouvé bien mouvante cette frontière entre la science et la non-science. Le voilà replongeant dans ses romans aimés, Flaubert, Stendhal, ces romanciers qui brisent le cadre qui nous limite. Il dit lire des romans pour retrouver cette avidité de connaître, pour cesser de se satisfaire de l'arithmétique, de ce qu'on lui a enseigné.. mais il faut pense-t-il que les romans soient perpétuellement l'amorce d'un problème et non la solution. ( Comme dans les billets de Soleil vert.). Les inciter à penser au-delà de la lecture. Les vrais romans pense-t-il rendent à qui les lit une force d'enfance. Et il songe à Clélia morte , désespérée, ay la comtesse Mosca, à Fabrice... Puis à Cézanne et à Gasquet...
Puis, il y a cette scène si belle que j'ai copiée dans le premier commentaire et la mèche de cheveux presque blancs. Et il pense : "Une mèche de cheveux n'est pas une hypothèse".
"Même si personne n'est venu, si tout cela est un rêve, il faut accepter le monde."
Fin de cette troisième partie de la troisième partie. Voici la quatrième. Peut-être l'ange et Cyrano de Bergerac...

Christiane a dit…

En quoi le roman est une science de l'anomalie ?
Ouf, voilà Cyrano pour voir comment marche une tête, le chemin des fables, limagination, les anomalies des récits. Pour voir si ses personnages ne sont que des êtres imaginés ou des êtres réels qu'il aurait oublié.
Et c'est là qu'il parle de l'ange à qui il enlève son nom pour l'appeler "oubli".
Il se souvient qu'enfant, il jouait à être Jacob quand au réveil les rayons du soleil à travers les persiennes formaient une échelle de lumière.
Il n'en peut plus. Il appelle son personnage : "Gaiffier ! Gaiffier ! Reprends ta place. Où est-il ? A quoi pense-t-il ? (...) Il me semble que j'entends sa voix. Gaiffier parle. Il dit je, il dit... Et je m'efface, et je lui laisse la responsabilité de ce que je, moi, l'autre, pense. Et tait. De ce mal qu'il, l'autre, en lui, là où naît la parole, porte, sa plaie."
L'ultime bataille d'un écrivain avec ses fictions, avec sa mémoire. Son dernier roman. Perdu dans "cette étendue inhumaine où l'homme est abandonné à la seule force de son âme." Fendre la nuit...
"Voilà des années et des années que je règne dans cet univers de mes songes, que jengende des créatures vouées à leur propre clameur. Il ne suffit donc pas du malheur qui est ? (...)
Dieu du ciel mensonger !
Dire que les hommes maintenant se construisent des machines appelées "mémoires"... et rien ne leur semble plus atroce que d'oublier. Ils oublieront pourtant ce monde à leur tour, et la douleur, et leur visage."
Enfin arrivé la dernière partie "Après-dire ". Il se souvient d'Elsa lui demandant d'écrire un livre où elle serait visible telle qu'elle était... Il savait que ce livre signifiait pour elle la conscience de la mort approchant...
"Ce que nous cherchons est tout"
Elsa, il l'a cherchée toute sa vie. Elsa , ce pays inconnu. Blanche et Elsa...
Il a donc donné à Geoffroy sa date de naissance pour lui offrir sa vie.
Mais dans ce roman, "Blanche ou l'oubli", règne un doute perpétuel quant à l'existence des personnages
Eurydice est morte .
Le poète a perdu sa voix pour n'avoir pas ramené Eurydice des Enfers.

Après il n'écrira plus.

Voilà, lecteur scrupuleux le dernier thé, ni amer, ni doux, celui du partage.

Christiane a dit…

oubliés

Christiane a dit…

Ce proverbe touareg :
"Le premier thé est âpre comme la vie, le deuxième thé est doux comme l'amour, le troisième thé
est suave comme la mort ».

Christiane a dit…

trompé

Anonyme a dit…

« Gaiffer, Gaiffer, ne creuse pas plus loin, Tu trouverais l’ Enfer ! «  VH Légende des Siècles.

Christiane a dit…

Superbe ! Vous pouvez en dire plus ?

Christiane a dit…

Hugo, La légende des siècles ? Poème écrit à Hauteville House
L'humanité, le mal et l'infini... La peindre sous tous ses aspects...
L'homme traversant les ténèbres de l'enfer terrestre, aspiré par la lumière. Du lointain passé jusqu'au présent.
Un poème comme un labyrinthe historique et légendaire, où les deux se mêlent.
"Les personnes qui voudront bien jeter un coup d'oeil sur ce livre ne s'en feraient pas une idée précise, si elles y voyaient autre chose qu'un commencement. Ce livre est-il donc un fragment? Non. Il existe à part. Il a, comme on le verra, son exposition, son milieu et sa fin."

Christiane a dit…

Bon, je commence la nouvelle d'Alastair Reynolds , "De l’Espace et du Temps ". Un peu de légèreté après le huis clos d'Aragon ("Blanche ou l'oubli ") enfin en ce qui concerne la gravité car l'atmosphère de mort est lourde sur Mars....

Christiane a dit…

Le début est assez lugubre. Tous morts. Faut-il continuer à vivre ? C'est possible... Ou se laisser mourir ? C'est facile.
Mais c'est là qu'un piano apparaît. Un drôle de petit homme joue une musique
Toutefois c'est un hologramme. Sa main traverse le piano.
C'est joli ce piano flottant et cette mélodie quand on est seul sur la planète Mars...

Anonyme a dit…

Après une pause marquée par « Jennifer aux Enfers », j’attaque Heinlein, Une Porte sur L’ Été, et un petit Silverberg. Ensuite, Colomb et Garcilhaso de la Vega, entre autres. Comme ces ouvrages moins le premier proviennent de la même librairie, cela m’a valu d’être distingué pour mon éclectisme. C’est vrai que le voisinage des Voyages Espagnols avec ceux dans le temps créent une curieuse impression….MC

Christiane a dit…

C'est très bien, MC cet éclectisme !

Christiane a dit…

j'engendre

Soleil vert a dit…

>MC : "j’attaque Heinlein, Une Porte sur L’ Été"
Un bon souvenir de lecture

>Christiane : l'allusion au film Lucy, bien vu

Christiane a dit…

Retour à la fiction d'Alastair Reynolds.
J'aime la bienveillance dans l'action de ces extraterrestres. Donc, Renfrew était mort et ne l'est plus. A la mi-temps de la nouvelle ( j'en suis là )on se demande ce que lui réserve ce retour à la vie avec, semble-t-il, la mémoire intacte de son identité mais une perte totale de celle tout ce temps passé dans la mort.
Quelle étrange pari que cette vie en deux temps....
Cela ressemble aux pointillés/tirets d'un SOS.
Il y a un film, vu il y a longtemps : Seul sur Mars, mais c'était je crois un voyageur perdu lors d'un voyage interstellaire. D'autres hommes existaient quelque part.
Là, un vertige. Être adopté par ce qui n'est pas humain. Accepter de ne plus revoir d'êtres humains. C'est vraiment pire que la mort à moins d'oublier ce qu'on a été et d'où l'on vient. (Un vertige frôlé dans la saga filmée de La planète des singes.)
Même imparfaite, rien de plus attachant que l'espèce humaine. Je dois être conservatrice sur ce plan là. Je choisis mon héritage. J'ai trop besoin de livres et de tendresse et de filiation. Les robots avec les robots , les humains avec les humains même si le coeur est un organe autonome mais dépendant de ce qui le fait vivre ( parole de cardiologue).

Christiane a dit…

Donc j'entame la quatrième partie et j'entre dans le silence quant à l'intrigue pour ne pas ôter aux futurs lecteurs le désir de découvrir ce qu' Alastaire Reynolds a inventé pour la suite.
Il me semble que Renfrew va perdre ce qui était son identité....

Christiane a dit…

Les prémonitions de MC :
" Gaiffer, Gaiffer, ne creuse pas plus loin, Tu trouverais l’ Enfer ! « VH Légende des Siècles".
La fiction d'Alastair Reynolds, page 67 :
""Cela signifie la mort. (...) aucune information utile ne peut ressortir d'un trou noir "

Anonyme a dit…

Alastair Reynolds ? Nous ne connaissons pas cet auteur... Peut-on vraiment ne pas s'en passer face aux urgences climatiques ?

Christiane a dit…

Devenir ce qu'on tente de saisir."... Quelle belle pensée. Le début de la métempsycose ?

Anonyme a dit…

Peut-on dire d'un blog qu'il est bien "achalandé" quand il suscite en moyenne plus de 50 commentaires de lectrices différentes à chaque nouvelle proposition, samuel ?

Christiane a dit…

Cela le rappelle ce passage de la première page de La Recherche de Proust :

"(...) il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non (...)"

Christiane a dit…

Pierre Bayle ecrit en 1740, dans son dictionnaire historique et critique : « on tient (...) que l’univers n’est qu’une seule substance et que ce tout qu’on appelle générations et corruptions, mort et vie, n’est qu’une certaine combinaison ou dissolution de modes. »

Christiane a dit…

N'est-ce pas Renfrew transformé en John qui apparaît ici dans ce poème de Baudelaire ?

La vie antérieure

"J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir."

Christiane a dit…

Cette fiction d'Alastair Reynolds , n'est-ce pas un conte philosophique dénonçant l'absurdité de la condition humaine

Christiane a dit…

Une machination du Diable... Faust n'est pas loin... Renfrew alias John va-t-il perdre son âme ?

Anonyme a dit…

Toutes ces citations de mémoire flottante en associations libres attestaient chez elle d'un phénomène cervical quasi tératologique... La science lui avait d'ailleurs demandé si elle voulait bien s'en laisser décortiquer le crâne à la morgue venue, afin de percer le mystérieux secret de la littérature dûment assimilée au cours de sa passionnante vie de très grande lectresse. Mais personne n'avait hélas entendu sa réponse. MC'

Anonyme a dit…

pardon, MC', je voulais écrire JJJ... Bien à vous, sur ce blog vert de soleil et de rage parfois, mais toujours rafraîchissant, dès lors qu'on y revient par inadvertance, après qq - infidélités.,

Christiane a dit…

Une approche par associations d'idées. Bergson se régalerait !

Christiane a dit…

Cette attraction des idées dans le monde de la pensée par l'escale dans quelques citations ne répond-elle pas au principe d'attraction universelle de Newton dans le monde physique ?
Et ne sommes nous pas ici dans une fiction ayant pour toile de fond le cosmos ?

Christiane a dit…

Et pourquoi pas Galilée et son hypothèse d'un univers dans lequel tous les astres tourneraient autour de la Terre ? Avec sa lunette grossissante , il decouvrit les cratères de la Lune et c'est tout le système d'Aristote qui fut ébranlé.
Avant, c'était Copernic qui proposait de placer le Soleil au centre de l'univers, mais sa démonstration n'avait pas convaincu.
Aujourd'hui on s'interroge sur les trous noirs et toujours sur la naissance de l'univers.
Il n'est pas étonnant que des auteurs construisent à
partir de ces interrogations et de ces découvertes des fictions inouïes.
Celle-ci renvoie à bien des questionnements philosophiques et poétiques, d'où les citations.
Est-ce un blog ? Soleil vert l'accepte ainsi. Si un jour il se lasse, il le dira.

Christiane a dit…

Ah, nous sommes synchronisés ! Je viens de terminer la nouvelle d'Alastair Reynolds. Une fin ambigüe. Comment venir soi-même.....

Christiane a dit…

devenir

Anonyme a dit…

@ Bergson se régalerait !
J'aurais écrit : "Bergson se serait régalé"... Encore que je sachions pas pourquoi il se serait... ? Mais bon, chacun ses bribes de kulture érotique, hein ! Pas vrai ?

Christiane a dit…

Je cité un anonyme de passage : "Peut-on dire d'un blog qu'il est bien "achalandé" quand il suscite en moyenne plus de 50 commentaires de lectrices différentes à chaque nouvelle proposition, samuel ?"

Je réponds :

Un blog, c'est avant tout l'exposition d'un blogger par billets, images, photos.
L'espace commentaire est un lieu d'expression pour les visiteurs, en principe en rapport avec ce que le blogger a mis en ligne.
Parfois des visiteurs se saisissent de cet espace d'une façon détournée et un peu légère, ayant trouvé un lieu pour échanger entre eux, sans vergogne, souvent sous pseudos, ce qui permet un laisser-aller parfois vulgaire, inintéressant, agressif, intrusif. Un même visiteur peut s'exprimer sous plusieurs pseudos.
Parfois, il n'y a aucun commentaire. Ce n'est pas un indice permettant de juger de la qualité du billet. Parfois on leur lire dans cet espace de vrais échanges profonds, intéressants.
C'est une initiative courageuse d'ouvrir un blog, ceux qui les critiquent ont rarement le courage d'ouvrir leur propre blog préférant squatter ceux des autres....
Bref, j'aime beaucoup le blog de Soleil vert. Ses billets, ses lectures me donnent envie de réfléchir.
Écrire beaucoup de commentaires sur un thème est l'expression d'une pensée qui se construit. Que cela froisse des visiteurs hableurs, peu m'importe. Ce qui compte ce sont les réactions de Soleil vert. A ce jour, il ne m'a pas exprimé de lassitude à ce sujet.

Christiane a dit…

on peut lire

Anonyme a dit…

Je ne sais pas s’il y a beaucoup de textes en lien avec Noureev, qui me semblait mériter mieux…

Christiane a dit…

Toutes ces citations.... Ce n'est qu'une expression tâtonnante qui permet de mieux comprendre la problématique ouverte par la lecture de Soleil vert et par l'auteur du roman ou de la nouvelle. C'est une évolution.
Des commentaires flottants librement, oui.
Un flux vivant jaillissant des profondeurs obscures de la mémoire de lectures antérieures.
Une lecture pas exclusive qui serait attachée au seul livre dont on parle..
Les ramifications de la littérature sont parcourues du soufflé des écrivains qui l'ont fait naître. C'est un lieu où ils se rencontrent, se répondent.
Une vibration courant d'un livre à l'autre, d'un imaginaire à l'autre. C'est la vie qui reflue de toutes ces lectures, ce que les mots peuvent à peine saisir.
Pourquoi vouloir, anonyme, se moquer de cette exploration ?
Mon temps est celui du retrait. Le monde s'éloigne. C'est une libération. Le rapport à l'extérieur s'estompe.. Là où vous voyez dispersion , je vois concentration, unification. Clarté.
Plongée dans les profondeurs de l'humain. ..
La quête passionnée de toute une vie qui s'épanouit comme un feuillage où des oiseaux écrivains de posent et s'envolent librement. C'est un regard... Un œil de lecteur qui parle. Une atmosphère... Une chose intérieure et personnelle. Un état d'apaisement.
Je suis bien, à l'abri, dans le verger de Soleil vert.

Christiane a dit…

souffle - se

Christiane a dit…

Janssen J-J dit sur la RdL à propos des albums d’Etienne Davodeau qu'il dévore les uns après les autres :
" Le privilège de l’âge débarrassé des scrupules, peut-être, la découverte d’un autre univers parallèle aux livres sans illustrations, un semblable goût du dessin et de l’aquarelle dominés par le bleu de Prusse et le gris de Peyne, l’humanisme, la générosité, la tendresse et l’espièglerie de cet auteur pour ses personnages, surtout… "

C'est magnifique !

Christiane a dit…

Enfin un portrait de JJJ !

https://www.2dgalleries.com/art/etienne-davodeau-affiche-en-couleurs-cyclone-bd-a-la-reunion-145732

tadloiducine a dit…

"Ne plus revoir d'autres humains" est un choix assumé (et d'ailleurs provisoire, puisque réversible au bout de quelques milliers ou millions d'années)!
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

Christiane a dit…

Un provisoire qui défie le temps... L'éternité ?

Anonyme a dit…

Non, pas l’ Enfer, sa prémonition par un avertissement, ce qui est beaucoup plus inquiétant. Personne n’a dit ici que le topoi du voyageur égaré ou solitaire est matriciel en SF…

Anonyme a dit…

Au demeurant, quel Enfer? Les neufs cercles ou cette folie qu’ Hugo a combattu toute sa vie?

Christiane a dit…

Vous avez oublié celui de la BNF !🙂

https://www.bnf.fr/fr/l-enfer-de-la-bibliotheque-nationale-de-france