Luke
Rhinehart - L’homme-dé - Editions de l’Olivier
« Dieu ne joue pas aux dés »
Albert Einstein
« Le Dé est mon
berger ; je n'aurai point de volonté ;
Il me fait reposer dans
de verts pâturages, j'y repose ;
Il me conduit au bord des
eaux mortes, j'y nage.
Il détruit mon âme :
Il me mène par les chemins de la droiture
Pour l'amour du hasard.
Et en vérité, tout en traversant cette vallée de larmes et de mort,
Je ne crains point le mal, car la Chance est avec moi ;
Et tes deux saints cubes sont mon réconfort.
Et tu as dressé une table devant moi
En présence de mes ennemis :
Tu as oint ma tête de ton huile ;
Ma coupe déborde.
Sûrement me suivront, et chaque jour de ma vie
Bonté et merci et mal et cruauté,
Et j'habiterai à jamais ton temple,
Hasard. »
Luke Rhinehart - L’homme-dé
Double-Face |
Luke
Rhinehart est le pseudonyme de
George Powers Cockcroft professeur d’anglais à la retraite après avoir tâté de
la psychologie lors de ses études universitaires. Il a publié neuf ouvrages
mais reste avec The Diceman l’homme d’un
seul livre. Loin du profil d’un révolutionnaire, il coule des jours tranquilles
dans une maison de campagne près de la ville d’Hudson Etat de New-York, s’adonnant
au kayak et à la pêche à la truite. Moins téméraire que son alias, la pratique
limitée du cube lui a permis de rencontrer sa future femme. Il compte des
disciples ; parmi eux un certain Richard Branson, PDG de Virgin et un journaliste
qui a disparu de la circulation.
Tout à l’opposé de son créateur,
Luke Rhinehart sème le chaos dans son entourage privé et professionnel, quittant
son foyer, relâchant des malades internés, tout cela sur la simple injonction
des dés. Peu à peu il devient le prophète d’une nouvelle religion. La relation
hilarante et spirituelle de ses péripéties oscille entre Sexus d’Henry Miller et Vol au-dessus
d’un nid de coucou de Ken Kesey. L’ouvrage de Cockcroft reflète le courant influent
de la contreculture des années 60-70, avec en tête le fameux Timothy Leary et
ses expérimentations d’élargissement du champ de la conscience, les écrits d’Alan
Watts etc… toutes choses qui au fond furent à l’origine de ce qu’on appelle aujourd’hui
le développement personnel.
Rhinehart, tout à ses
délires, s’oppose à Sartre et à Camus, les accusant de brimer la liberté. Pourtant
L’homme révolté fournit quelques éclairages
intéressants sur L’homme-dé. Se
penchant sur le cas de Sade, Albert Camus écrit « La liberté, surtout quand elle est le rêve du prisonnier, ne peut
supporter de limites. Elle est le crime ou elle n’est plus la liberté. »
Sous couvert de libération des personnalités potentielles enfouies en chacun de
nous, la religion du dé n’engendre t-elle pas une nouvelle servitude ? La
littérature de science-fiction - puisqu’il en est question dans ce blog- est
bien frileuse sur la question, malgré le Yi-King. L’homme stochastique ou Les
chaines de l’avenir montrent une humanité rétive au hasard, à l’indéterminé,
au changement. Laissons conclure Charif Majdalani (Des vies possibles) : « Si, dans cet écheveau des myriades de
possibles qui ne sont jamais accomplis ou qui se sont accomplis ainsi plutôt
qu’autrement, on ne peut jamais savoir ce qui aurait été meilleur que ce qui a
été, il arrive en revanche que le hasard soit le complice de nos vies et leur
donne le meilleur, ou ce qu’on croit être le meilleur, parce qu’on est
heureux."
Descendant du
Bartleby de Melville, L’homme-dé malgré quelques ventres mous est incontournable.
L'avis de Blogger in fabula
5 commentaires:
Bien vu! C'est ce que dit C Majdalani:Nos vies ne seraient qu'une
série de possibles conditionnés par le hasard..
J'ai bien aimé le bouquin
J'ai la chance de connaitre des explorateurs qui déblayent la terra incognita avant moi :)
Tu m'as donné une idée de conclusion
Une ode à la liberté,qui interroge sur les méandres de l'âme humaine.
Très subversif.
Et les explorateurs viennent aussi de temps en temps explorer tes contrées ;-)
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