mardi 20 septembre 2022

Unity

Elly Bangs - Unity - Albin Michel Imaginaire

 

 




Elly Bangs est une jeune autrice américaine vivant à Seattle où selon l’éditeur « elle passe ses journées à réparer des machines et ses nuits à écrire de la science-fiction ». Unity est son premier roman. Elle a publié également une dizaine de nouvelles.

 

L’héroïne de son récit, Danae, tente de s’échapper d’une des cités sous-marines où s’est réfugiée une partie de l’Humanité rescapée d’une série de catastrophes apocalyptiques, nucléaires et pandémiques. Activement recherchée, elle recèle un secret inouï. Danae est en effet un être composite; elle porte en elle la mémoire de plusieurs centaines de personnes. Autant de vies vécues qui lui ont permis de s’affranchir du Temps sans en oublier les blessures. Rejoindre Redhill dans le néo-désert de l’Arizona lui permettrait de restaurer l’intégralité de l’intelligence collective dont elle est issue. Elle s’enfuit avec son amant Naoto et un mercenaire Alexeï. S’ensuit un road trip mouvementé avec ses poursuivants, les sbires du nouveau maitre de la ville sous-marine et quelques résurgences d’un passé lointain.


Unity est un thriller cyberpunk qui intelligemment s’affranchit des limites du genre.

D’une part par l’exposé initial du désarroi des consciences face au chaos du monde qu’avait si bien dénoncé Jack Womack dans son Journal de nuit (1) : « Donc, ces déserteurs. Je n'arrêtais pas de les regarder : les cloques sur leurs lèvres, la poussière grise incrustée dans le noir de leurs uniformes, la kyrielle de blessures cicatrisées et encore à vif qui semblait vouloir témoigner des milliers de kilomètres qu'ils avaient parcourus. Je n'arrêtais pas de me les représenter en train de traverser à pied la moitié du continent, aux côtés des gens qu'on leur avait ordonné d'asservir et de tuer.

C'est comme ça qu'on se fait avoir par l'humanité, ai-je pensé : la pratique du prix d'appel. Les minuscules éclats de beauté sublime qu'elle jette pour mieux vous priver du peu de tranquillité d'esprit que conférerait de ne voir en elle qu’un ramassis de monstres ».

D’autre part par la réhabilitation du concept de conscience collective, qui après les rêveries sturgeoniennes des Plus qu’humains a dégringolé dans le dernier cercle des dystopies. La ruche d’Hellstrom de Franck Herbert, La reine du printemps de Robert Silverberg et surtout les Borgs de la franchise Star Trek (Premier contact) ont classé l’affaire. Toute résistance était inutile. Pourtant Bangs ose la Gestalt contre l'impuissance du langage à réconcilier l'Humanité. Le final rappelle celui des Mots de Jean Paul Sartre (« Tout un homme fait de tous les hommes … »), histoire peut-être aussi de rappeler que les romans sont des êtres collectifs créés par un écrivain et façonnés par de multiples lectures.


 

On ne saurait écarter la présence en filigrane du thème de la quête et de l’affirmation identitaire, dont l’autrice a fait son cheval de bataille personnel. Les incarnations, les identités multiples sont d’ailleurs bien présentes dans la sphère manga, qui, quoiqu’on pense du genre, ouvre une fenêtre sur les aspirations et les craintes de la jeunesse. Satisfecit donc pour ce roman à l’écriture sous tension, elliptique.

 

Cette fiche a été réalisée dans le cadre d’un SP. Merci à Gilles Dumay

 

 

 

 

 (1) Elly Bangs cite Au pays des choses dernières : (le Voyage d'Anna Blume) de Paul Auster, au nombre de ses allégeances.

 

86 commentaires:

Christiane a dit…

Très beau billet, comme d'habitude, mais j'ai un peu envie de m'éloigner de ces mondes terrifiants où violence, mort, survie ont colonisé l'imaginaire des auteurs de science-fiction.
Et puisque vous m'avez lancé une bouée, cher Soleil vert, dans cet océan tumultueux, je la saisis, m'y installe. La tempête se calme. Me voici entrant dans l'univers de Jo Walton. J'ai déjà pris l'envol sur les deux premières pages de "Où ce que vous voudrez".
Lunes d'encre...
Bouffées de bonheur tranquille.
A plus tard...

Christiane a dit…

C'est un roman extraordinaire. Quel talent à cette Jo Walton !

Soleil vert a dit…

Le roman d'un roman en train de s'écrire

Christiane a dit…

Mais raconté par ce personnage fétiche qui l'accompagne dans ses pensées. Et quelle culture ! Quel bonheur que de goûter ainsi (Firenze) Florence , le Duomo, Brunelleschi, Donatello, Manetto le sculpteur sur bois qui disparaît également dans un tableau ! On remonte le temps. 1847, Tish, Dolly (l'espiègle narrateur) et sans préavis, elle est là, Sylvia Katherine Harrison.... se battant avec son personnage pour écrire ou ne pas écrire cet homme qu'elle a aimé.
Bon, je n'en dis pas plus puisque vous allez écrire un billet. Mais quel bonheur de lecture, quelle ampleur bienvenue après la momie de Bouillier et le massacre final de Iain Banks ! Un délice...
Vous devriez signaler ce roman à Paul Edel. Il se regalerait, lui, le funambule amoureux de Rome et de l'Italie.
Tenez, chez lui, un chouette papier d'Aragon sur le cinéma de Godard vu à hauteur de palette et de collages. C'est dans un commentaire complètement foutraque et précis.
Bon, encore merci.

Christiane a dit…

Mais il y a aussi le ton de ce roman, ce jeu de dédoublement. Irrésistible !

Anonyme a dit…

Apparemment elle s’est encore renouvelée!

Christiane a dit…

C'est vrai que vous disiez l'avoir lue et appréciée.
Mais il y a tout là-haut "Elly Bangs cette jeune autrice américaine vivant à Seattle où selon l’éditeur « elle passe ses journées à réparer des machines et ses nuits à écrire de la science-fiction ». Et dont "Unity" est le premier roman."
Ce serait dommage de ne pas prêter attention à "Unité".
Ce sera pour moi après cette lecture. Je n'ai pu résister à l'appel de celui de Jo Walton dont Soleil vert avait parlé sous le billet précédent.

Christiane a dit…

Danae, l'héroïne, "est un être composite; elle porte en elle la mémoire de plusieurs centaines de personnes. Autant de vies vécues qui lui ont permis de s’affranchir du Temps sans en oublier les blessures. "
Voilà qui donne bien envie de la connaître...

Christiane a dit…

Unity

Anonyme a dit…

« La Ruche d’Hellstrom » fait-elle partie des grands Herbert? J’en doute un peu…

Christiane a dit…

Merci à Gilles Dumay qui donne bien envie de lire ce livre.

"Pourtant Bangs ose la Gestalt contre l'impuissance du langage à réconcilier l'Humanité. Le final rappelle celui des Mots de Jean Paul Sartre (« Tout un homme fait de tous les hommes … »), histoire peut-être aussi de rappeler que les romans sont des êtres collectifs créés par un écrivain et façonnés par de multiples lectures."

Soleil vert a dit…

- Ce sera pour moi après cette lecture

- hmmm peut-être pas votre profil de lecture Christiane. Je ne voudrais pas vous faire dépenser de l'argent ...

Christiane a dit…

C'est une question de respect. J'imagine Gilles Dumay qui a écrit un beau papier, soupirant parce que lec premiers lecteurs qui laissent une trace ici le font pour un autre livre dont vous avez parlé mais dont lui n'a pas parlé.
(Mais en deux lignes vous m'aviez donné envie de lire ce roman. )
Puis j'ai cherché sur internet à la connaître un peu. J'ai aimé cette photo où elle ne joue pas les starlettes. C'est un être qui a trop d'attention pour la littérature pour faire des singeries devant son miroir. Elle est dans une quête. Elle se réserve pour le personnage qui hante son inspiration. Tour à tour "dragon, guerrier, amoureux, voleur, ami des monstres et compagnon des abeilles, poète... autrefois...
Fantasme, etincelle...
Un personnage, un narrateur..."

Merci pour la mise en garde !
Pour ce temps, immersion tant agréable dans ce roman de Jo Walton

Christiane a dit…

J'aime moins les chapitres 8 à 22 quand le roman stagne dans le pays imaginaire illyrien. Voyons cette redescente dans le réel de Jo Walton (chapitre 23). Ce qui me plaisait c'était Florence et ses artistes, son architecture. L'Illyrie et la ville de Thalia, c'est un conte un peu mou où les habitants ne sont plus concernés par l'âge, la mort involontaire. C'est long comme l'éternité dirait Woody Allen.

Christiane a dit…

Je vais le laisser en pause jusqu'au jour où votre billet sur ce roman paraîtra.
Quant au livre chroniqué par Gilles Dumay, il ne serait disponible que le 27/09 pour les tablettes et pas en version papier en français.

Soleil vert a dit…

idem ou presque. Les 7 premiers chapitres ok
Après j'aurais aimé plonger dans une veritable fantasy.
Ou ça ratiocine, ou je suis dépassé.

Christiane a dit…

Super ! J'étais en train de me dire que vous alliez en avoir assez que j'envoie balader tous les bouquins. Vous êtes extra !!?

Christiane a dit…

!!!

Christiane a dit…

On ne s'ennuie pas chez vous !

Soleil vert a dit…

et la couverture qui pastichait Canaletto
Dommage

Christiane a dit…

Oui, je n'en ai pas parlé parce que j'aime la toile de Canaletto...
La grue, le chantier, la planète terre dans le fond, l'antenne de télé, les craquelures de la peinture, le vieux cadre doré.
J'attendais d'aller plus loin. Pourtant le début , les 7 premiers chapitres, je les garde comme une nouvelle de grande qualité, un livre inachevé.
Son narrateur est un personnage qu'elle ne peut pas préciser. Il habite dans son imaginaire comme un elfe, passant fugitivement en son écriture. Le piégeant, elle le tue.

Damien vient d'écrire sur la RdL un commentaire d'une finesse rare pour commenter la lettre que Truffaut écrit à Godard et que jazzi a mis en ligne. Cet homme là pense bien.

Christiane a dit…

Celle-ci serait la plus proche de ce travail

https://www.wikiart.org/fr/canaletto/le-grand-canal-depuis-leglise-de-la-salute-1740

Christiane a dit…

Ou celle-ci (toujours Venise).

https://www.pinterest.fr/pin/553520610432508139/

Christiane a dit…

Et pour se souvenir du début du roman...


https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/chronologie/construction/bfe60906-d9bb-47d4-a595-ee7a28ec8226-dome-florence

Anonyme a dit…

Vu sur le site AMI,parution de Unity le 9 octobre en librairie.

Christiane a dit…

Merci, MC. Mais je vous avais dit attendre l'occasion de relire "Le loup des steppes" de Hermann Hesse. Voilà une occasion qui s'est présentée.

Christiane a dit…

https://www.geek-art.net/portfolio-dune-aurelien-police/

Cet illustrateur est doué. A-t-il ici travaillé sur une photo ? On ne sait... L'illusion de rencontrer Canaletto est forte surtout avec ce cadre doré comme l'illusion de rencontrer Brunelleschi et Donatello au début du roman est forte.
JO Walton dans une note de remerciements, à la fin de l'ouvrage, écrit avoir choisi Florence pour y écrire presque tout son livre. Elle dit aussi que dans ce roman elle a voulu aborder les thèmes de la mort et des mondes secondaires. Et que "au lieu d'une Florence réelle pendant la Renaissance", elle a choisi "l'Italie imaginaire de Shakespeare, une longévité magique, et des réflexions sur les Renaissances, la création et la mort.."

Elle écrit aussi que "les lieux de la Florence contemporaine quelle cite dans le roman, sont tous réels".
Peut-être ai-je jugé trop vite la suite des chapitres, simplement parce que je voulais encore rester près de Brunelleschi et sa coupole, Donatello et ses sculptures,, des luttes entre condottieri, des fortifications même au XIXe siècle pour y rencontrer les poètes Robert Browning et Elizabeth Barrett et bien sûr, Sylvia Katherine Harrison.
Mais l'auteur en a décidé autrement et son monde imaginaire ne m'a pas convaincue.

Christiane a dit…

Soleil vert, peut-être avons-nous été touchés par le syndrome de Stendhal ?



https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/chronologie/construction/bfe60906-d9bb-47d4-a595-ee7a28ec8226-dome-florence/extrait/6d503701-aaa6-47c3-8d35-0b9f92e2b14e-syndrome-stendhal

Christiane a dit…

Et l'Italie de Shakespeare ?
le marchand de Venise dans la cité des Doges...
Les amants clandestins de Vérone, Juliette Capulet et Roméo Montaigu...
Volpone...
Une Italie de théâtre présente par des mots italiens dans la langue originale, voire des phrases entières, des noms de lieux - moins sensibles dans la traduction en français. C'est un jeu avec la langue.
(Ainsi dans les textes autobiographiques de Paul Edel (voyages), la présence de mots italiens est aussi très importante.)
D'où Shakespeare les tenait-il ? Dictionnaire ? Sûr qu'il aimait l'Italie et que l'Italie l'a inspiré !
Mais il a créé tant d'autres personnages dont certains jouent aux métamorphoses.
Alors, aidez-moi à comprendre, Soleil vert, ce qui dans l'écriture de ce roman de Jo Walton, dans la longue création concernant L'Illyrie et la ville de Thalia, provoque une comparaison est possible ?

Christiane a dit…

provoque une comparaison possible

Soleil vert a dit…

Jo Walton : je suis en mode pause

Christiane a dit…

Moi aussi mais le questionnement continue. (Florence... Shakespeare...)
Beau soleil d'automne.

Anonyme a dit…

Rendons à l’anonyme ce qui est a lui, Christiane ,je n’ai rien poste sur la sortie d’Unity en librairie, étant au Salon du Livre Ancien. En revanche, j’y ai vu une originale de Ballard sous jaquette conservée, le sulfureux « Crash! » , vendu pour la bagatelle de 1500 euros….Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Bonjour, MC. Tous ces messages anonymes sont difficiles à attribuer...
Heureuse de vous savoir au salon du Livre ancien. Je me souviens d'un étui à cigare dédicacé !
A part cela, Soleil vert ayant mis un terme à notre échange concernant le roman de Jo Walton et ses ramifications, j'ai gardé pour moi les réflexions qui me sont venues après avoir repris sa lecture différemment.
Quant au livre chroniqué ici. Il n'est pas disponible.
Donc je n'ai plus rien à écrire sur cette page.
Bonne soirée.

Soleil vert a dit…

En vrac :
Unity dispo le 28/09
D'autres lectures SF en cours
Je retiens "Le loup des steppes" (comment voulez-vous que je m'interesse aux sorties en littérature générale, avec tous ces classiques dont j'ai fait l'impasse ...)

Peut-être reviendrais je sur le Walton ...

Christiane a dit…

Bonjour , Soleil vert, joie de vous lire.

Anonyme a dit…

Shakespeare emprunte son Italie de théâtre à des compilateurs de second ordre ( Bandello, Belleforest et ses histoires tragiques, ) qui sont un peu le Paris-Match de l’époque. Il est meme possible qu il n’en ait retenu que ce qui l’intéressait, et sous forme orale. Souvenir d’un Canard sanglant , dans le recueil de Maurice Lever, avec un début évoquant le lecteur classique, mais aussi celui qui écoute. C’est vrai pour Roméo dont F Lestringant a pu dire: » c’est à l’époque une histoire française ! » Maintenant peut-être ne faut-il pas chercher de sources à toutes. Après tout Saxo Grammaticus a une manière de raconter Macbeth ou Hamlet? qui n’était peut être pas connue de Shakespeare!

Christiane a dit…

PS : j'ai découvert par un feuilleton, le soir sur France Culture un livre bouleversant, melancolique de Laurent Gaudé paru en 2016. "Ecoutez nos défaites". Actes sud.
Donc, je le lis tout en entendant la voix de Julie Pouillon dans celle de Mariam. Au dernier chapitre, magnifique, un évènement qui m'avait marquée quand Palmyre est tombée et que Khaled al-Assaad a été assassiné par les barbares haineux sur le site même qui a été sa vie. Les colosses du musée de Mossoul cassés , le temple de Bêl explosé à la dynamite,, les colonnes de la ville antique brisées.
Vous aimeriez ce grand livre, Soleil vert. C'est un échange entre deux voix. Je vous le mets en lien.

Christiane a dit…

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/fictions-le-feuilleton/ecoutez-nos-defaites-de-laurent-gaude

Christiane a dit…

Ça, c'est chic ! Merci. A vrai dire j'ai voyagé différemment dans le roman, suivant dans un premier temps le personnage de Sylvia Katherine Harrison.... se battant contre un cancer. Du début à la fin du roman. Puis son dédoublement, cette voix en elle qui ne veut pas mourir. Déjà dans un roman antérieur une héroïne sortait de son coma avec deux personnalités, deux vies, sans savoir laquelle était la sienne. Donc par cette voix, elle cherche désespérément comment échapper à la mort. C'est alors l'invention de ce pays de fiction, le pays imaginaire illyrien et la ville de Thalia. Là, d'autres personnages dont ceux de Shakespeare, pic de la Mirandole, Ficin...
Bon on en reparlera peut-être un jour...
Encore merci.

Christiane a dit…

Il y a un orage sur Paris.Quelle lumière... Un contre-jour digne de La vue de Delf ou des dessins de Victor Hugo.

Christiane a dit…

Delft

Soleil vert a dit…

"Puis son dédoublement ..."
Peut-être que le début de la chronique de PA "Faut-il vraiment considérer un roman comme un organisme vivant doté d’un cœur battant et ses deux ventricules, le réel et la fiction ?" me donnera des idées

Bien à vous

Christiane a dit…

Ce cœur est tout à fait ce qui bat dans ce roman. Lumineuse pensée de Pierre Assouline.

Christiane a dit…

La vie comme si c'était un roman...

Christiane a dit…

C'est un roman auquel on résiste, auquel j'ai résisté longtemps.

Christiane a dit…

Parfois, c'est l'inspiration qui meurt et l'écrivain reste devant sa page blanche.

Christiane a dit…

En imaginant ce monde de fiction le personnage Sylvia Katherine Harrison fuit l’angoisse qui la saisit lorsqu'elle essaie de penser à sa mort prochaine, ce quelque chose de vrai sur le monde réel où elle vit, comme son enfance sombre, comme sa vie de femme battue dans un premier mariage.
Elle commence par aller là où la beauté réside pour elle : Florence, le Duomo, la galerie des offices, le charme des ruelles, des petites maisons aux tuiles terracotta. Puis elle se laisse aller à rencontrer Brunelleschi, Tiepolo, Michel-Ange, Donatello...
Et là ce voyage en Illyrien, un pays où la mort n'existe pas, ni la maladie, où le dôme n'existe pas encore.
Ce va et vient permanent entre ce rêve et sa réalité a-t-il un rapport avec la vie de Jo Walton ? On ne sait... Tant de livres, de nouvelles, de romans. L'essentiel semble être pour elle d'inventer en utilisant littérature, art et Histoire.
J'avoue que je me plaisais bien au début du roman et que je serai bien restée dans cet univers artistique et historique.
Mais c'est sa création. Elle en a décidé de autrement s'attachant à la mort, à la dénonciation des religions moralisatrices, aux problèmes des femmes battues par leur conjoint...
Ce n'est pas de la science-fiction, une rêverie peut-être.
Je comprends votre pause. J'ai fait la même chose.
Puis j'ai repris le livre, commencé par les derniers chapitres, remis les chapitres dans un ordre différent. Ne suis pas certaine du résultat mais au moins je l'ai lu, en entier par respect pour l'auteure.
Maintenant j'ai l'esprit libre pour Gaudé, pour Elly Banks, pour Ermann Hesse...

Anonyme a dit…

Ces personnages doublés ou triples, aux vies fractionnées, rappellent irrésistiblement certains livres , pas toujours les plus convaincants, de Christopher Priest…. Il faudrait lire pour voir si le rapprochement tient. MC

Christiane a dit…

Quelle belle découverte que je dois à Soleil vert ! Ce passé qui fait signe, ces jumeaux troublants. Oui, magnifiques dédoublements. Un roman qui m'a impressionnée durablement. Rendez-vous demain... Un sommet de la science-fiction. Merci pour ce souvenir.

Anonyme a dit…

Un beau livre rencontre en ce salon sur un amateur éclairé de livres, et contemporain, de surcroît: Raymond-Josue Seckel, aux Éditions des Cendres. il fut un bibliographe légendaire à Richelieu du temps de la salle des catalogues, puis à la BNF où il sauva les fichiers papiers. Très accessoirement, ce fut aussi mon professeur de bibliographie et de bien d’autres. Nous nous sommes retrouvés plus tard , très pudiquement, dans la passion du livre ancien. Il savait que je savais. Il nous a quitté jeune encore, emporté par le Cancer, un sombre jour de 2018. Qu’il poursuive ses échanges et son inlassable curiosité là où il est maintenant…

Christiane a dit…

Pudique et émouvant témoignage. Quelle belle vie toute entière consacrée au livre ancien dans le cadre si rare de la bibliothèque Richelieu. Un livre venu du passé comme un sourire.
"Là où il est maintenant"...
Dans l'imprécision de cette perception, l'amitié trace un chemin lumineux.

Christiane a dit…

En souvenir...

https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2021-00-0000-041

Christiane a dit…

Dans ces pages l'excellent bdossier de JL. Peyre sur l'œuvre de Christopher Priest :

https://drive.google.com/file/d/1WmPoquHn3HE36AMfpHNyX6JYLwGcBvl0/view

Biancarelli a dit…

Je note Unity pour le fiston. Merci Soleil Vert pour cette chronique SF.

Soleil vert a dit…

De rien !

Christiane a dit…

Soleil vert, vous suivant grâce à vos chroniques et à ces échanges dans l'espace commentaires de votre site, peu à peu se dévoile le moyen d'accès au mystère enclos dans ces livres. Ce moyen c'est l'attention au texte, à la pensée de l'autre. Face au réel de ces créations une pénétration du fantastique se fait. Il y a ici de l'attente, du temps, du silence, de la lecture, de la relecture, des pauses, des reprises, des confrontations, des accords, des désaccords.
Lire, plus que jamais est déchiffrer avec attention le réel. Lectures indépendantes, multiples et pourtant joyeusement patientes, convergentes.
Parfois les livres anciens deviennent médiateurs pour lire autrement.
C'est un lieu où la liberté est vigilante, permettant l'expression de chacun.
Un espace d'une merveilleuse complexité.

Christiane a dit…


Vladimir Jankélévitch, dans son livre "La Mort", suggère que le secret de la mort est peut-être qu’il n’y a pas de secret et que c'est en cela que la mort est un mystère . Et il ajoute que Tolstoï, avait eu l’intuition de ce mystère.
Il cite alors les dernières lignes de "La Mort d’Ivan Illitch" : «Il cherchait sa vieille terreur habituelle de la mort et ne la trouvait pas. Où était-elle ? Quelle mort ? Il n’y avait plus de peur parce qu’il n’y avait plus de mort (...) A la place de la mort, il y avait de la lumière .»



Anonyme a dit…

Très Russe , si j’ose dire, à une époque où il est de bon ton de leur tirer dessus! MC

Christiane a dit…

Mais, MC, c'est que Paul Edel a longuement et magnifiquement évoqué un roman de Tolstoï et que Soleil vert a repris un fragment de son billet pour citer Balzac. Le thème de leur échange est la mort et Jankélévitch est passionné par la mort et souvent par Tolstoï...

Christiane a dit…

Extrait de "Guerre et paix" ( billet de Paul Edel :

"Comment se fait-il que je ne voyais pas ce haut ciel, avant ? oui ! tout est vanité, tout est mensonge excepté ce ciel infini. Il n’y a rien, rien que cela. Mais même ce ciel n’existe pas, il n’y a rien que le silence et la paix ; Dieu merci !"

Réaction de Soleil vert :

"A comparer avec « « La mort c’est rouge. Et puis c’est bleu… Et puis c’est froid. Et par-dessus tout, �a devient un silence…! La mort, c’est un silence de mort. » Le colonel Chabert – Balzac"

Christiane a dit…

Paul Edel écrit ces surprises que nous réserve Tolstoï décrivant les pensées de personnages blessés ou agonisant.
Jankélévitch cite un autre écrit de Tolstoï, une nouvelle, où trois morts sont juxtaposées dans... "Trois morts" :
Une femme, mort tragique-
Un vieux cocher solitaire, résignation-
Un arbre sous la hache du bûcheron dans une forêt au printemps...-
Que se passe-t-il ? Une fauvette s'envole de l'arbre.
C'est la vitalité de la nature qui l'emporte... Ironie de l'existence !
Dans "Guerre et paix", une femme meurt en mettant au monde un enfant...
Mort et espérance irréconciliables. Antagonisme impénétrable, absurde, comme si la vie et la mort étaient une même chose, ne pouvaient être séparées... Tenter de vivre en équilibre entre ces deux forces contradictoires

Christiane a dit…

Autre ironie, Jankélévitch a donc écrit tout un livre sur la mort pour conclure qu'on ne pouvait rien en dire ! Pour dire qu'elle ne menait à rien. Que le deuil est une affaire entre vivants qui vacillent entre certitude et incertitude, ciel vide ou ciel habité.
Mais où sa pensée me ravit c'est quand il écrit : "C'est parce qu'il peut mourir que l'homme peut penser, souffrir, aimer, et avant tout créer. S'il disposait d'un temps infini, l'homme resterait stérile, et l'action aurait tôt fait de s'endormir dans une passivité végétative pompeusement baptisée "éternité". Sur cette lancée, le plus monstrueux des supplices serait bien d'être condamné à ne jamais mourir." ( Comme dans le roman de Jo Walton dans le pays imaginaire d'Illyrie.)

Soleil vert a dit…

Spinoza a dit qq chose de similaire ...
Mais laissons parler Achille dans le film Troie :

https://www.youtube.com/watch?v=W6RvFW1coek

Christiane a dit…

"Les dieux sont jaloux parce que nous sommes mortels"
Ah ça c'est bien !!!

Christiane a dit…

Et Brad Pitt dans le rôle d'Achille... C'est bien aussi !

Christiane a dit…

Oui, très Russe.

Anonyme a dit…

´Pierre Assouline pointe l’importance de la traduction. De Schloezer est connu pour sa monumentale Introduction à Jean Sebastien Bach. Il y a peut-être un lien a creuser…

Anonyme a dit…

J’ai connu des bibliographes bluffants, du genre de ceux qui répondaient à une question impossible comme « vous avez quelque chose sur la Table tournante de Hugo et ce qu’elle est devenue? », et qui vous répondaient en salle des catalogues: « Regardez là ! » en vous désignant un tiroir parmi des centaines d’autres. Et , magie ou professionnalisme, on trouvait une conférence de Julia Daudet attestant que le meuble était alors chez elle, ce qui était un peu normal, Léon ayant épousé pour peu de temps Jeanne Hugo! Je certifie qu’il n’y avait aucun fichier thématique, cependant, pour savoir que la fiche se cachait dans ce tiroir là….des hommes-Memoires…

Anonyme a dit…

Ce qu’a traduit pour Seckel junior un de ses amis: «  H , ton pere c’est Google! ». (Mais c’est un autre de ses collègues , je pense savoir qui, qui est intervenu pour la Table Tournante!)

Anonyme a dit…

Ces trois contributions de ma part. Désolé d’oublier de signer. c

Anonyme a dit…

Décidément! MC

Christiane a dit…

Oui, certainement mais la construction du long cheminement dans l'œuvre de Tolstoï, fruit de la lecture attentive de Paul Edel, conduit la lectrice que je suis à sourire car on suit Paul pas à pas et toujours il est surpris, ne s'attend pas au revirement, au paradoxe. Ça c'est jubilatoire quand on le lit. J'ai lu cinq fois son billet et n'ai pas encore ouvert les trois liens !
Me conduit aussi à percevoir sa foi en la bonté humaine, sa lassitude et sa haine des guerres. Et
Justement,
Je viens d'achever la lecture du grand roman de Laurent Gaudé "Écoutez nos défaites" ( Actes sud).
Toutes ces guerres vécues par cinq personnages : Assem, las des terrains de guerre qui ont été sa vie, Mariam, l'archéologue irakienne qui tente de sauver des oeuvres d'art dans les zones dévastées du Moyen-Orient et trois êtres venus du passé :le général Grant, Hannibal, Hailé Sélassié.
Ces voix s'entrecroisent et toutes parlent des défaites de l'humain dans ces guerres. Les pages qui ont été choisies pour être lues sur France Culture le sont admirablement. C'est en les écoutant que j'ai eu envie de connaître le roman en sa totalité.
Étrange croisement entre la lecture de Paul Edel ( comme Closer a raison d'insister sur la qualité de ce texte) et ce roman de Laurent Gaudé.

Christiane a dit…

Oh, j'avais reconnu ! Merci pour ces précisions.

Anonyme a dit…

Il y a aussi « les dieux font mourir tôt ceux qu’ils aiment » , phrase que j’ai longtemps attribué à un élégiaque latin avant de m’apercevoir qu’elle était de Plaute! Ce qui tout de même change un peu les choses!! MC

Christiane a dit…

C'est ce que j'aime penser quand un être jeune meurt trop tôt. Car au moins un amour l'attend.
La suite serait houleuse car les hommes et les dieux ça finit toujours mal.
Aussi suis-je pour un partage des eaux. A eux l'océane galaxie et les comètes aux chevelures de feu.
A nous les eaux d'en bas avec leur houle de défaites, leurs coquillages et leurs poissons volants.
Qu'est-ce qu'un dieu ? Comment l'homme l'a-t-il conçu ?
Petite statuette de glaise pour protéger le sommeil des morts comme celle que Mariam et Assem enfouissent dans la terre, près des morts, à la fin du roman de Laurent Gaudé.
Le livre de votre ami, comment est-il venu à vous alors que vous pensiez à lui ? Il devait y avoir des centaines de livres au salon du Livre ancien...
Si j'inventais un dieu, je le voudrais en poussière d'étoiles avec un rire d'enfant et la sagesse d'un vieil homme.
Mais il y a tant de bazar sur cette terre... un dieu de plus ou de moins, ça changerait quoi ? Encore des mots et du pouvoir.
Ce livre dont parle JJJ et que Soleil vert aimerait lire, ce n'est pas mal du tout : une bibliothèque vide et des mots-memoire à recycler.

Christiane a dit…

Le commentaire de JJJ:
https://www.babelio.com/livres/Krzyzanowski-Le-Club-des-tueurs-de-lettres/260370

et voici ce qu’en dit la chronique…
Superbe témoignage d’un internaute dit « Bologne »? Espère dénicher ce bouquin alléchant, le plus vite possib’.

Christiane a dit…

Culture box. Film réjouissant sur Coco Chanel...
Picasso, Dali, Diaguilev, Cocteau...
Que de beauté et de souffrance dans cette vie...

Christiane a dit…

Diaghilev... Les ballets russes...

Christiane a dit…

Et voilà Jean-Claude Bologne celui qui a écrit le commentaire sur Babelio remarqué par JJJ :

https://le-carnet-et-les-instants.net/archives__trashed/jean-claude-bologne-le-mysticisme-athee/

Anonyme a dit…

Ce n'est pas un livre de lui, c'est un livre en hommage à.
Ce n'est pas non plus un ami dans la mesure ou nos rapports n'ont pas quitté l'enseignement de la Bibliographie, même si, je le répète, il devait savoir mes gouts. Je crois meme que nous aurions trouvé tous les deux ce terme inapproprié. Pour le reste, Même libraire, même papetier. Mais toujours sans nous croiser (!) sauf à la sortie d'une librairie, une fois, et au Salon du Livre, ou je ne le verrai plus.
On a commencé à penser qu'il y avait un problème quand il a disparu de cette papeterie après avoir proposé au propriétaire d'approfondir un peu chez lui sa connaissance du livre ancien. Ce n'était pas chez lui un mot vain.
On a appris la nouvelle non cette année, mais l'année passée, à la sortie du volume, au meme Salon du Livre. Il y en avait près d'une dizaine.Mais cette année, il n'y en avait plus qu'un. Suspectant un tirage réduit, quoique non avoué, j'achetai la chose, et en deux jours appris beaucoup de choses sur le bonhomme, qu'il s'était ingénié à cacher. Son Œuvre critique, son gout pour Quérard et son Dictionnaire des Ouvrages anonymes, irremplaçable et jamais reconnu. Il y a un choix. Cela se lit comme un roman...
Bien à vous.
MC

MC a dit…

Fini le Greg Bear, un peu long, mais pas si mal. Ce pourrait etre en effet ce qu'il a fait de mieux...
Bien à vous.
MC

Christiane a dit…

Merci, MC, pour ces précisions. Donc, il reste l'homme -memoire que vous avez apprécié et ce livre qui vous a intéressé.

Soleil vert a dit…

"les dieux font mourir tôt ceux qu’ils aiment "

C'était donc Plaute. Merci MC

Christiane a dit…

Jean-Pierre Thibaudat nous parle aussi de ses autres livres, de science-fiction....

https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-theatre-et-balagan/20101123.RUE0377/sigismund-krzyzanowski-un-nom-imprononcable-des-textes-jubilatoires.html

Christiane a dit…

Désolée, erreur de lien. Le précédent est une critique du livre un peu... obscure. Celui-ci est une présentation du livre de Bologne liée à la littérature.

http://le-carnet-et-les-instants.net/2015/02/18/mystique-et-athee/