jeudi 26 octobre 2023

Tierra del Fuego

Francisco Coloane - Tierra del Fuego - Libretto

 

 

Il avait fait, parait-il, du Festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo, sa terre d’élection. Décédé en 2002 il était devenu un patriarche du roman d’aventure à la Jack London, émergeant de l’ombre tutélaire de Pablo Neruda, au soir d’une existence rythmée de mille métiers qui ont alimenté son imaginaire. Dans ses textes, la tragédie du paysage, expression utilisée pour les toiles de Gaspard David Friedrich, pèse sur les personnages. Son pays, le Chili, est une folie, un mince ruban de terre relégué à l’ouest du continent sud-américain que la Cordillère des Andes semble repousser indéfiniment dans l’Océan Pacifique, émiettant la côte en innombrables canaux, détroits et iles. Tout au sud de la Terre de feu le colosse liquide livre une autre bataille à son voisin Atlantique sous l’œil furieux de vents qui ont balayé toute la Patagonie. Quels hommes, quels écrivains peuvent engendrer de pareilles contrées ?

 

Produits de cette géographie contrastée, les neuf fictions de Tierra del Fuego alternent des récits d’aventuriers et de marins. La nouvelle éponyme du recueil évoque l’intrigue du film de John Huston, Le trésor de La Sierra Madre. Trois chercheurs d’or s’enfuient de la région du Paramo, où une bataille pour la possession d’un gisement gigantesque a opposé les hommes d’un potentat local à un groupe de rebelles auquel appartenait le trio. Les fuyards, dont un homme âgé blessé dans la fusillade, prennent le chemin de la Terre de feu. L’un d’entre eux, méjugeant de l’espérance de vie du vieux poursuit son chemin. Mais contre toute attente ce dernier se rétablit et découvre même un filon au pied d’une carcasse de baleine. Entre les deux chercheurs restants la méfiance s’établit. « Tierra del Fuego » est un beau récit sur la soif de l’or au sein des splendeurs d’un sud astral désertique ; mais c’est aussi, à l’image d’autres textes du recueil, la relation d’un conflit intérieur conradien dans lequel un personnage s’efforce de lutter contre sa part d’ombre.

 

Le comptable d’une estancia, une de ces grandes propriétés de la Patagonie Chilienne, se perd en chemin à quelques encablures de la ville côtière de Puerto Natales. Il se réfugie dans la célèbre grotte préhistorique du Mylodon. « Sur le cheval de l’aurore » emprunte au genre fantastique, dans un texte non négligeable. « Comment mourut le chilote Otey » évoque le début de Cent ans de solitude, avec le récit de la mort héroïque d’un personnage embringué dans une rébellion. On peut lui préférer néanmoins « Cinq marins et un cercueil vert ». Les marins en question vont enterrer un des leurs dans un port et s’arrêtent en chemin dans un bar. L’un d’entre eux qui a trop forcé sur la bouteille se réveille en constatant le départ de ses compagnons, du navire et la disparition du cercueil. Une histoire délectable de malédiction de gens de mer qui n’aurait pas déplu à Jean Ray. Le suivant « Cap sur Puerto Eden », avec une pointe d’humour noir, poursuit dans le même registre maritime : embringués dans un périple au long court, des marins s’en prennent au cuisinier qui ne s’est pas approvisionné en viande. Le navire débarque sur la côte et faute de pouvoir acheter du mouton, le cuisinier s’empare d’une brebis et d’un agneau qu’il défend de l’appétit de ses coreligionnaires. C’est au final une histoire assez anecdotique.

 


« Terres d’oubli » renoue avec la tragédie du paysage : « Au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans la montagne, le paysage devenait sombre et oppressant. L'aspect lugubre de certains défilés nous glaçait le cœur ; même les chevaux dressaient l'oreille, alarmés par une présence invisible mais, aussi forte que celle des blocs de pierre nue.

Le sentier que nous suivions bordait parfois l'abîme et lorsque s'offrait à nos yeux la vision d'un torrent impétueux, serpentant au fond du précipice, nous nous arrêtions un instant, plaqués contre la paroi rocheuse qui semblait vouloir nous pousser dans le vide. Alors nous n'étions pas grand-chose, légèrement dressés sur les étriers, nous nous agrippions fermement aux rênes et le cheval reprenait d'un pas assuré sa marche sur le sol caillouteux.

Parvenus à un coude, où s'écartait le flanc de la montagne, nous aperçûmes pour la dernière fois la mer. Et ce fut comme si nous abandonnions un bien précieux que nous ne retrouverions jamais plus.

Nous comprenions maintenant cette sourde inquiétude qui s’emparait de nous dans ce sinistre paysage. La mer, possessive et violente lorsqu'on navigue sur ses eaux, nous apparaissait de si loin comme une irremplaçable compagne, une immense étendue paisible, dont la vue rassurait, éveillant un indéfinissable sentiment d'espérance.

Il est des paysages, comme des instants de notre existence, qui restent à jamais gravés dans la mémoire ; ils s'imposent à nous avec une intensité bouleversante. Cet ultime regard que nous jetâmes vers la mer fut l'un de ces instants et nous tournâmes une dernière fois la tête afin d'emporter un peu de cette espérance avant de poursuivre notre voyage. » Certains lieux semblent porter en eux la mémoire d’une tragédie humaine. Ce texte bref, « d’ambiance », est une des réussites du recueil.

 

Dans « La partie immergée de l’iceberg » un jeune homme désœuvré trouve un emploi dans l’ile de Navarino au pied des Andes. Il garde le bétail d’Harberton un éleveur silencieux, marié et père de plusieurs enfants. Lassé à la longue par le mutisme de cet employeur pourtant très correct il décide de repartir à la première occasion. Le dénouement renvoie aux Tragiques Grecs. Harberton à l’instar d’Atossa, de Pénélope dissimule un drame dans le silence. Le texte renvoie également à la solitude de Philoctète et du Muller de L’homme dans le labyrinthe tous deux bannis de leurs semblables. Telles sont en quelque sorte les parties immergées et significatives de ce texte remarquable. « La bouteille d’eau-de-vie » évoque un conflit intérieur, thème déjà abordé dans « Tierra del Fuego ». En Terre de feu, deux hommes inconnus l’un de l’autre chevauchent de concert. L’un est un jeune chasseur de renards rêvant d’un projet matrimonial, l’autre un contrebandier d’alcool qui s’est débarrassé d’un chercheur d’or peu de temps auparavant. L’absorption d’une eau-de-vie offerte par son compagnon réveille ses instincts meurtriers et un spectre. D’un registre plus léger la dernière nouvelle relate les aventures tragicomiques d’un jeune homme débarqué par son père à Puerto Refugio afin de l’endurcir au contact de la vie rude des insulaires. « Le constructeur de phare » un yougoslave bâti comme un colosse dirige une équipe d’ouvriers et veille sur sa femme. Débarqué avec les victuailles, l’apprenti commet l’irréparable. Un texte humoristique pas désagréable.

 

Préfacé par Luis Sepulveda Tierra del Fuego se lit avec plaisir. « Tierra del Fuego » domine l’ensemble en compagnie de « Sur le cheval de l’aurore », « Cinq marins et un cercueil vert », « Terres d’oubli », « La partie immergée de l’iceberg ».

98 commentaires:

Christiane a dit…

Elle est belle la préface de Luis Sepulveda. Elle donne, après ce billet haletant, encore plus envie de découvrir ces nouvelles.
Un grand écrivain à découvrir. Coloane... De grands récits d'aventures dans ce paysage déchiqueté et creusé par les glaces et l'océan rugissant. Les gens de la mer chers à Conrad et Melville, Le vieux qui aimait les livres de Sepulveda , inoubliable...
Merci pour les liens .
La Terre de feu... Le bout du monde...
Donc, Soleil vert, vous nous transportez dans cette cabane en rondins ou brûle un feu dans l'âtre et le livre s'ouvre...
Je commence par Terres d'oubli. Cet extrait donne envie d'en savoir plus....

Christiane a dit…

PS : le lien des Tragiques grecs ne fonctionne pas mais on comprend bien pour quelle raison vous le mettez.

Christiane a dit…

Terres d'oubli... Superbe...

Anonyme a dit…

Bonsoir Christiane, le lien sur les Tragiques ouvre un document pdf.
SV

Christiane a dit…

Ah merci. Trop compliqué pour mon iphone. Je verrai cela demain sur le PC.
Là je terminé un rêve de condor.

John Warsen a dit…

Je n'apprécie pas trop le terme de littérature « d’évasion », qui sous-entend que je suis emprisonné, mais que le temps d’un livre je peux oublier qu’après l’avoir lu je réintègrerai ma cellule; si on a autant que ça besoin de s'évader, on ferait mieux d'observer comment la prison est construite, et de la mettre à bas, pierre par pierre. C'est sans doute mon côté cyber-Krishnamurti. Mais je dois reconnaitre que Tierra del Fuego m’a transporté en un lieu et en un temps que je n’aurais pu connaitre autrement.

Anonyme a dit…

@ SV. Magnifique votre itw !
https://www.anudar.fr/2023/09/les-blogueurs-parlent-aux-blogueurs.html?m=1
Connaissant et appréciant votre modestie, et ignorant si ceet entreteien a été répertorié ici et serait connue de Chr. et MC, je me permets d'en signaler le lien. Mieux vaut deux fois qu'une. Bravo, et merci pour ce bel éclairage de vous.
Belle journée, JJJ.

Soleil vert a dit…

>JW : pas mieux, merci !
>JJJ : c'est pas grand chose, deux, trois mots.

Christiane a dit…

Rachel Aélion dans cette longue réflexion (22 pages) sur les silences des "Tragiques Grecs" ouvre à des questionnements passionnants.
Merci pour ce lien rare (Les Tragiques Grecs) que j’ai pu ouvrir ce matin.

Sa conclusion : "Cet article passe en revue les scènes des tragédies où un personnage reste longuement silencieux, montrant ainsi que ces scènes sont nombreuses et remarquables aussi bien chez Sophocle et chez Euripide que chez Eschyle. Seuls les silences d’Eschyle, cependant, étaient célèbres dans l’Antiquité et toujours cités. Cela s’explique par la maîtrise avec laquelle Eschyle a su manier le silence : chez lui, le silence et la rupture du silence ont une force percutante qu’ils n’ont pas chez les deux autres Tragiques et ses personnages silencieux sont revêtus d’une grandeur particulière."

pour en revenir au billet. En rapport avec ce lien, vous explorez une des nouvelles de Tierra del Fuego, "La partie immergée de l'iceberg", il semble que le silence du personnage, Harberton, dissimule un drame. Vous évoquez aussi la solitude du personnage.
Ce sera la prochaine nouvelle que je lirai.

Christiane a dit…

Bien sûr. Cela a été une grande joie de lire cet entretien et la photo est belle...

Anonyme a dit…

Pareillement, ce fut lu sinon commenté. On ne commente pas toujours ce devant quoi on a rien à dire…MC

Christiane a dit…

Donc j'ai lu "La partie immergée de l'iceberg". Oui, Harberton est muré dans son silence sauf quand il veut retenir le narrateur.
Le silence le plus tumultueux est celui de l'homme qui part pourtant prêt à rester. Une lâcheté qui le tourmentera au point de lui rendre impossible le retour à Navarino. Il peut juste rêver de ce qu'il aurait pu vivre avec cette femme et ces enfants auxquels il était attaché après la mort annoncée de Harberton.
Il y a des êtres étranges tout au long de ces nouvelles, vraiment humains, interrogatifs, dépassés par le mystère de ceux qu'ils côtoient. C'est vraiment le réel.. La détresse de cet homme, sa douleur, il les avait comprises. Pourquoi n'est-il pas resté.
Quel grand mystère que ces choix qui transforment une vie et qui parfois laissent une blessure inguérissable dans le cœur.
Lui aussi a un cœur pris dans la glace de l'iceberg....
Mais il me semble que ce paysage et ce climat rudes sont propices à des situations dramatiques.
Le lien des "Tragiques Grecs" prend alors tout son sens.
Le silence grave, souvent inexpliqué, de ceux qui gardent leurs paroles en eux est peut-être le signe d'un dialogue inaudible avec une présence qui écoute, peut-être un Dieu, peut-être soi-même....
C'est un très beau livre choisi par un homme un peu taiseux , le cœur à vif, qui aime le mystère de la vie....

Christiane a dit…

La nouvelle "Terre de feu", par son cadre sauvage, cette grève battue par les flots et les vents et surtout par cette carcasse gigantesque de baleine et la sauvagerie de ses hommes tous affolés par la présence de l'or, me fait penser au Léviathan ce monstre marin qu'on retrouve aussi bien dans la mythologie phénicienne que dans la Bible, susceptible d'anéantir un monde qui a perdu ses valeurs..Thomas Hobbes a assimilé l'État à ce monstre. Un très beau film aussi, "Léviathan", d'Andreï Zviaguintsev évoque aussi ce monstre. Des squelettes de baleines échouées sur une plage est une des premières images du film. Mais là cela se passe dans le nord de la Russie, au bord de la mer de Barents..Un bout du monde aussi.
Une sorte de Livre de Job où un homme fait face à un personnage démoniaque et cupide qui veut lui voler sa terre.
Une oeuvre noire, une nouvelle âpre aussi..

Christiane a dit…

Ici, c'est très sérieux très littéraire sérieux. Même si l'étrangeté glisse entre les mots un tapis volant.
Les informations c'est aussi très très sérieux, grave, stressant.
Et puis soudain, un petit tour chez Paul Edel pour voir si l'inspiration a chatouillé sa plume plutôt romantique, nostalgique sauf pour les images d'infirmieres en Italie. Allons bon, mais qu'est-ce que je lis !
C'est extra, déluré, sur un rythme à deux temps. Un coup sous l'évier avec force détails de bricoleur, un coup chez la voisine, enfin, pas tout à fait. Il écoute. N'en perd pas une miette. Imagine... C'est très très drôle, mais vraiment drôle.
Raconter autrement ce serait presque populaire mais là, quelle classe ! C'est ciselé. Pas un mot en trop.
Une belle récréation... L'homme qui répare une fuite d'eau dans son siphon plein de choses ragoutantes, écoute... Il a une tête et des raleries à la Serrault .
Il a dû rire en se relisant.
Peut-être certaines le trouveront mysogine mais l'homme est aussi cornichon que la femme.
Mais quand même il ne faut pas qu'il se convertisse en espion des tuyauteries défaillantes.
Juste une pincée, un grand rire, un soir d'automne où il a plu à verse. C'était gris, et triste, c'est maintenant multicolore et gai comme un jeu . du Lautner...

Christiane a dit…

peu ragoûtantes

Christiane a dit…

Ce soir, je vais regarder sur France 2 le beau documentaire "La terre vue de l'espace" en pensant à tout ce que vous apportez par vos lectures et vos commentaires, Soleil vert. Il a déjà été diffusé. Signé Emily Taylor. Images de satellites tournant autour de la Terre. Beauté et Paix. Silence..
Merci d'être là comme une sentinelle.

Anonyme a dit…

Euh…,Misogyne?

Christiane a dit…

Ah, le texte de Paul Edel...
Un bien triste couple...
La femme... les femmes... comme bêtes de sexe utilisées pour le plaisir et le soulagement de ce pauv' type. Une description physique et des vêtements de la femme vus par le plombier amateur ou par le mari (au sexe ayant pris la place du cerveau) moches et soulignant son côté populo...
Tout cela est bien triste et pas drôle du tout mais amuse les messieurs qui ont peu de considération pour une femme.
L'équivalent de la nouvelle de Coloane , "Cap sur Puerto Eden", où des "chasseurs avaient attaché une femelle de phoque sur la plage d'une île pour de soulager..." et des matelots de se jeter sur des indiennes dans la même but.
Ce qui a retenu mon intérêt dans la lecture de ce texte, c'est sa construction sur deux temps alternant ces dialogues conjugaux avec le bricolage de l'apprenti plombier. Des plans assez cinématographiques. L'originalité de ne faire découvrir ce qui se passe dans l'autre appartement que par les voix et les sons.
Mais contrairement à JJJ, je n'en demande pas d'autres. Ce n'est pas l'écrivain que j'admire.

Christiane a dit…

se soulager

Anonyme a dit…

Je vous conseille "vous plaisantez, monsieur Tanner ?" (de J-P Dubois).
C'est un roman très joyeux qui a déconstipé pas mal de lectrices de mes connaissances et notamment Muriel Robin. Pour vous, Ch., qui avez tout lu, je ne sais pas.
Belle journée soulagée. (JJJ)

Christiane a dit…

JJJ, vous êtes sympathique mais parfois un peu lourd... Je vous laisse à votre passe-temps préféré..

Anonyme a dit…

oui je préfère avoir qq défauts plutôt que des louanges imméritées.
C'est lié à nos différences de milieu, d'âge et de genre. Mais ce qui nous réunit ici est plus important que nos différences. Je suis un peu lourd, vous tes un brin susceptible pour un rien, non ? Bàv.

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Film Moby Dick avec Gregory Peck ce soir.

Christiane a dit…

Je l'ai vu et revu et ce soir je regarderai encore.

Christiane a dit…

Moby Dick... C'est d'abord un grand roman écrit par un homme jeune, Herman Melville. Savait-il où le conduirait son écriture ?. Je crois qu'il voulait, initialement, évoquer ses souvenirs, lorsqu’il était dans l'équipage d'une baleinière, mais, ce récit devint une fabuleuse épopée.
Sous sa plume, l'implacable quête du capitaine Achab apparut et hanta l'esprit des lecteurs .
Puis il y eut ce film étourdissant de John Huston devenu mythique aussi. Il nous conduisait aux confins de l'océan là où attendait le grand cachalot blanc....
Un peu la grande aventure saisie dans les nouvelles de Coloane.

Christiane a dit…

Avec pour scénariste Ray Bradbury !

Christiane a dit…

Sans oublier le narrateur, Ismaël.

Christiane a dit…

Cette haine du capitaine Achab :
"Pour moi, le cachalot blanc, c’est cette muraille qui me tient prisonnier, de tout près. Parfois, je me figure qu’il n’y a rien au-delà. Mais il suffit ! Elle m’insulte, elle m’oppresse, elle me torture ! Je la vois comme une force mauvaise et tendue, bandée d’une méchanceté inviolable. C’est ça, c’est cette chose impénétrable que je hais… Que le Cachalot Blanc soit seulement l’instrument ou qu’il soit le principal de la chose, c’est sur lui que je veux assouvir cette haine. "

Christiane a dit…

Mais cette haine est due au fait que le capitaine Achab voit en Moby Dick le Mal. Pourtant, symboliquement, le cachalot blanc est le Dieu d'inconnaissance, le destin.
Achab cherche autant à se venger qu'à s'affronter dans un face à face qui effacera les questions qu'il se pose.

Christiane a dit…

Melville lisait la Bible. Dans son roman on trouve des personnages inspirés de l'Ancien Testament Ismaël, qui évoque Jonas qui fut avalé par la baleine et le Léviathan monstrueux.

Christiane a dit…

Dans ce livre de Maurice Clavel, "Ce que je crois", j'avais souligné ce passage contenant des citations de Foucault :
"(...) comme quelque chose de la matière métaphysique vécue (...) mais s'il y avait vraiment du nouveau ? Et que les mots ne soient plus là, ou pas encore là, pour le dire ? Que nous en sommes au point où nous ne sommes plus de ce monde, de notre monde. (...)
Il aurait fallu montrer que Dieu et l'Homme, ces deux inconnaissables, ces deux néants d'aujourd'hui, ont existé et se sont connus. "(...) "Co- naissance" comme disait Claudel.
Et il continue de citer Foucault : "L'homme ne se pensait pas, parce que Dieu lui avait tout dit sur lui-même et qu'il le croyait, parce que la réponse précédait la question."

Alors, Maurice Clavel prend la plume en son nom et écrit : " J'entrevois, je ne puis toucher. Je n'ai certes rien de Moïse, sinon l'inabordable de la Terre Promise.
Car il me faut une Terre . (...)
Eh bien non, je ne puis. Abraham, je n'y étais pas. Je ne puis même pas l'imaginer. Kierkegaard le raconte comme s'il y était. Je n'ai ni ce génie ni cette sainteté -là !
D'abord - si j'en crois Sartre - Abraham décide que c'est Dieu qui lui apparaît. Dieu et lui, dès le départ, existent et se connaissent. - Bravo : tout ce qui me fait problème est supposé résolu. Là encore, bien de la chance !
Bref ce récit n'est ni philosophique ni vécu, et pour ma part je réserve à des sujets moindres mon art de romancier... (...)
Dieu n'est pas une aventure : on ne le court pas, il arrive. Ensuite c'est justement Lui qui nous cherche : cela, au moins, je le sais..."
Ce livre est délicieux bien que parfois pénible ( Kant et Marx ! et les prolétaires !). Mais les questions qu'il pose sont étonnantes et me ravissent comme ici par exemple.

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Je ne sais pour quelles raisons cette quête, cet affrontement entre Moby Dick et Achab m'a replongée dans le théâtre de Strindberg. "Mademoiselle Julie". .. Qu'est-ce qui dans ce couple tourne à la folie pour n'avoir pas à affronter la démesure, l'impasse narcissique, du moi ?
Cette pièce sent la mort. Une danse de mort comme dans le roman de Melville ou le film de Huston. Achab hargneux, le cachalot blanc hystérique, c'est le même vertige où seule la mort mettra un arrêté. Sa vie est pleine de mises en scène, de fantasmes. Un couple furieux.
La femme s'imagine que que l'homme est la mesure de ce qui lui manque. Achab imagine la même chose avec Moby Dick et la poursuit. Elle, on dirait qu'elle se hait d'avoir à s'aimer, ce qui l'installe dans une dépendance proche du désespoir. Il y a une autre femme qui l'obsède ( comme dans le texte d'Edel). Comme si elle savait ce qui la fait souffrir, des choses qu'elle n'ose se dire. Elle fascine Jean pour qu'il lui révèle la parole enfouie en elle. Elle lui fait suggérer le suicide. La folie ou la mort.
Fille de comte et valet... une impasse sociale...Elle veut annuler un homme par un autre homme. Elle s'enferme dans sa forteresse - comme Achab- tout en mettant en scène les évènements. Elle veut continuer à se déchirer. Julie cherche une parole. Cette parole s'écrit... Dis-moi que tu m'aimes.... Le désir comme un encombrement...
Elle fait le vide autour d'elle pour se détacher.
Un grand jeu de miroirs...
Ils vont vers quelque chose qui leur échappe : l'inconnu de leur être.
Pour Achab, une fraternité homosexuelle secrète , refusée , avec Moby Dick qui tour à tour est mâle ou femelle. ( voir le billet de Pierre Assouline).
Dans le Phédon, une parole, juste avant la mort de Socrate : "Lorsque un plus un font deux, lequel des deux "un" s'est transformé pour faire deux ? Le premier ou le second ?"

Christiane a dit…

arrêt

Christiane a dit…

Humus / Koenig. Excellent regard sur le roman de Hocine Bouadjera dans lequel je lis ces lignes :
"Dans cet univers, tout sauf innocent, des grandes écoles, Kevin est un planeur anticonformiste congénital, et Arthur un intello maladroit de manière tout aussi subie. Superman d’un côté - tout dans le génome, «simplement lui-même» -, Batman de l’autre - un héritage, mais surtout une construction, et l’approche revancharde. Arthur est évidemment jaloux de Kevin."
Quelle différence y a-t-il entre Batman et Superman ?

Christiane a dit…

Ce qui est terrible entre Julie et Jean, c'est ce mépris qui change de camp entre eux. Julie d'abord méprisante, hautaine, cherchant à humilier Jean. Puis ce retournement où elle supplie jean de l'aimer, de partir avec elle, puis de lui donner son assentiment implicite pour un suicide.
Jean, interprété par Niels Aresttup - en 1984 au théâtre Édouard VII, devient alors diabolique, cynique. La violence aussi change de camp. On retrouve un rapport de domination entre hommes et femmes, maîtres et valets.
Julie est tentée par une sorte de folie. Elle ne sait plus qui elle est, ce qu'elle veut faire de sa vie. Fanny Ardant a remplacé au pied levé Isabelle Adjani. J'aime assez ce qu'elle donne à l'interprétation de son personnage. Quelle audacieuse ! Quelle révoltée ! Je crois qu'elle hait les hommes et sait qu'elle est agie par ses pulsions érotiques. Son corps dit l'inverse de ses mots.
L'autre femme, cuisinière et éprise de Jean, la méprise pour sa conduite. Elle a beaucoup d'influence sur les décisions finales de Jean.
Julie est en total échec, à la fin de la pièce. Elle part seule avec son désespoir et l'échec de sa folle entreprise. Elle n'a de place nulle part. Un texte de Strindberg très fort, traduit je crois, par Boris Vian.
Elle me fait penser à une femme que je connais un peu et qui aime écrire.

Christiane a dit…

Arestrup

Christiane a dit…

Pour en revenir à la revue Classica, le numéro que vous signalez semble présenter une prise de conscience environnementale : "Soleil vert", de Richard Fleischer (1974), "Le jour d’après" (2004), de Roland Emmerich, "Une vérité qui dérange" (2006), de Davis Guggenheim et "Un jour sur terre" (2007), d’Alastair Fothergill et Mark Linfield. Le réchauffement climatique est évoqué par le biais du catastrophisme dans des films grand public. Ils relèvent de quatre genres différents : le film d’anticipation pour "Soleil vert", le film catastrophe pour "Le jour d’après", la conférence filmée pour "Une vérité qui dérange" et le documentaire pour "Un jour sur terre".
Donc pas vraiment en rapport avec la musique classique mais un dossier permettant de réfléchir à l'évolution du cinéma en ce domaine.
Le saut imaginaire que j'avais fait, consistait à comprendre le choix de ... Soleil vert pour son pseudo.
Après avoir vu le film que j'avais eu du mal à supporter tant l'origine de cette nourriture était effrayante, j'avais retenu la préoccupation évidente de notre chroniqueur pour les romans de science-fiction construits sur l'aventure humaine après des catastrophes prévisibles concernant le climat ou les guerres.
Le choix si vaste qu'il présente dans sa bibliothèque infinie concerne surtout l'humain face à des lendemains qui ne chantent pas toujours... Et les problèmes philosophiques qui se posent à l'homme dans ses choix.
Je ne suis pas une habituée de cette revue car dans le domaine de la musique classique j'affine mes recherches, comme ce très bel article de Jean-Philippe Thiellayrecueilli pour JJJ suite t sa remarque sur le grand baryton Dietrich Fischer-Dieskau excellant dans Winterreise de Franz Schubert avec Alfred Brendel au piano sur Forum opéra (hier - 11h52). Un bonheur d'écoute dû à un choix de Pierre Assouline en rapport avec "ce voyage dans le voyage, l'austère beauté des vingt-quatre lieder qui constituent le Winterreise de Schubert, le grain de voix du chanteur, les accords de piano, les poèmes de Wilhelm Müller qui disent l'amour, la perte, la crise existentielle, le sens de la vie..."

Christiane a dit…

Pierre Assouline en avait placé certains au cœur de son roman "Sigmaringen". Le héros s'appelait Julius, clin d'oeil à la couverture du CD des lieder de Schubert interprètes par Ian Bostridge accompagné au piano par... Julius Drake.
Et Gustav Meyer dans "Golem" évoquait aussi ce Voyage...
De même il avait fait mémoire (magazine Diapason) de l'enregistrement , en 1955 dans l'Eglise de Prades dans les Pyrénées, le plus étonnant du "Voyage d'hiver" de Schubert avec le baryton allemand Dietrich Fischer-Dieskau.
Pierre Assouline prend part parfois au Festival Lavaux Classic.
Il avait confié à Patrick Ferla pour Magma en août 2006 sa passion pour Malher, les lieder de Richard Strauss, la musique baroque... Alexandre Taraud.au piano
Bref, il aurait pu aussi tenir un blog musical !...

Christiane a dit…

Tharaud

Christiane a dit…

Classica - novembre 2023.
Mais bien sûr... La musique qui accompagne les images du film. Petit article d'une demi-page fort intéressant. Après avoir offert un résumé du film , cité les acteurs, évoqué le réalisateur, Yannick Million se penche pour "Classica" sur la BO de "Soleil vert", cette dystopie quasi prophétique.
D'abord la BO discrète de Fred Myrow. Il écrit "qu'elle donne plus de puissance à la séquence où Solomon, dans sa cérémonie d'euthanasie, vit un dernier moment de bonheur à contempler sur écran la beauté de la nature d'avant, sur les notes de la "Pathétique " de Tchaïkovski, de Peer Gynt de Grieg et de la "Symphonie Pastorale ".
Il ajoute un encart sur l'utilisation de la musique de Beethoven dans le cinéma, trouvant que la "Pastorale" symbolise à merveille un monde arcadien révolu."
C'est une belle page.
Par ailleurs le sommaire donne envie de feuilleter la revue. Je note un dossier sur Emily Dickinson et plein d'autres bonheurs.

Anonyme a dit…

Hélas , les rédacteurs sont entravés par une cote mal taillée pour les articles, laquelle leur ôte toute possibilité de nuance. C’est « Bien » ou « pas. « ..,Je m’empresse de dire que ce n’est pas le cas des Dossiers, même si on frôle la caricature avec l’inévitable Callas vue par Alaîn Duault..,,

Christiane a dit…

L'inévitable Callas vue par Alain Duault... Commevous y allez ... L'occasion d'interroger un mythe...
Le dossier sur Emily Dickinson par Coline Oddon est délicat et intéressant... Et la plongée dans un tableau e Rembrandt venant comme une nostalgie dans la réflexion de Hugues Dufour qui pose des questions sur la création musicale contemporaine face à "une humanité désinhibée, apocalyptique ". Il rappelle qu'il est né sous les bombes de 1943... Puis les guerres : Indochine... Algérie... Et les nouvelles guerres. Donc il contemple cette toile, "Le pont de pierre" et se demande s'il peut le déployer en musique. Ceci dit, je n'ai pas compris grand chose concernant la musique spectrale mais ses interrogations sont également celles des écrivains de science-fiction.
Les propos d'Alexandre Tharaud m'ont rappelé qu'il était avant tout un grand voyageur seul dans un train, un avion, une chambre d'hôtel avant de se trouver face à un piano. Je me souviens d'un film le suivant dans ses déplacements avec de beaux plans sur son visage et ses mains. Ses interrogations sur cet espace entre la scène et la vie. C'était un matin brumeux, au MK2, Quai de
Seine. Un film de Raphaëlle Alleg-Regnier. Je me souviens de son dialogue avec l'accordeur de piano. De l'ombre de ses doigts sur les touches blanches du piano.
Une revue cela sert aussi à cela : se souvenir, penser, s'interroger.
Dans cet entretien avec Fabienne Bouvet, il dit don bonheur de voir la Seine, le canal Saint-Martin. Car l'eau dit-il apporte beaucoup de légèreté, elle relie i la mer, au départ, au voyage. Il habite, en effet, un immeuble situé au pied du Port de l'Arsenal. Il s'attarde sur le mouton de bois , de cuir et de laine qu'il a placé devant la baie vitrée. Il dit : "Il faut absolument garder une place au l'enfant qu'on a été. Il est fatigué. Il rentre d'Amsterdam où il a donné trois concerts dans la même journée... C'est un très bel article, très long, très lent où elle l'écoute vraiment.

Christiane a dit…

Raphaëlle Aellig Régnier. Et le film se nomme Le temps dérobé / Alexandre Tharaud. (2013). Il existe en DVD

Anonyme a dit…

Décès de Jorge Lavelli. Cette perte sera promptement réparée…

Christiane a dit…


Christian Peter salue Jorge Lavelli sans omettre les réactions d'un public traditionnel qui n'aime pas être bousculé par une mise en scène inattendue. ( Voir le lien ci-dessous)
Il y aura toujours des chercheurs dans le monde du théâtre, de l'opéra, du cinéma, de l'art, de l'écriture qui dérangeront ceux qui avant tout aiment retrouver le confort d'un monde inchangé .
Tout bouge, tout évolue. Si ces hommes et ces femmes vous irritent, aucun motif de conviction ne surgira de cette page. Votre vérité vous appartient. Elle s'appuie sur votre vision du monde. Toute opinion est subjective. La vérité absolue est un mythe dangereux qui ouvre à l'intolérance.
Hubert Reeves écrivait avec humour : "Pour attraper les poissons que l'on aime, il suffit de pêcher dans les eaux qu'ils fréquentent."


https://www.forumopera.com/breve/jorge-lavelli-est-mort/

Christiane a dit…


Fabienne Pascaud pour Télérama :

"(...) La beauté et la tragédie du théâtre est qu’il ne vit que dans la mémoire. Celle qu’on garde du danseur argentin Lavelli est élégante et sulfureuse, flamboyante, solaire et funèbre à la fois. Mais il part sur les traces des immenses acteurs défunts qui l’ont toujours accompagné avec éclat : la tragique Maria Casarès, le paradoxal Michel Aumont, la bouleversante Denise Gence…"

Christiane a dit…

Jorge Lavelli abordait les textes comme des terres inconnues. .. un explorateur dans un monde devenu une jungle...

Anonyme a dit…

Un article sur Espaces-latinos.org sur sa disparition.
Merci

Christiane a dit…

Il est bien cet article de Benoît Santini.

https://www.espaces-latinos.org/archives/115280

Anonyme a dit…

Merci de votre présence dans ce blog Christiane. A bientôt pour Vivonne de Jérôme Leroy. SV

Christiane a dit…

Il y a de la douceur dans ce titre. Quelque chose d'aquatique... Je ne connais pas du tout. Joie.

Il pleut soudain sur les toits de zinc. J'entends un enfant en contrebas, l'annoncer à quelqu'un qui l'accompagne. Sa voix est joyeuse.
La lumière a changé. Une ombre glisse venue des nuages.
Je pense à votre vie sans le doux chat bleu nommé Garfield. Je l'imagine créant juste pour vous une nouvelle maison dans le ciel avec Onyx dont "l'œil allumait des soleils".
Vos chats que vous avez tant aimés et soignés. Chagrins...
Une perte gonflée de tendresse. Un Rosebud, dirait un ami....
Un blog où les mots posent leur encre bleue sur les pages blanches d'un livre toujours à venir comme la Passante de Baudelaire.
Merci pour ce blog. Merci d'être là.


Soleil vert a dit…

Christiane, si je devais citer un écrivain de la joie, qui nommerais-je ? Giono ?

Christiane a dit…

Giono... Je ne sais. Il a connu tant de drames comme cette condamnation pour son pacifisme après la guerre. Je crois que ses romans peu à peu ont été gagnés par l'absurdité du monde.
J'aime la douceur de ses mots dans "Noé", quand il marche à travers les oliviers et qu'il regarde en bas, dans la vallée, Manosque . Qu'il écoute les bruits qui montent du village, hommes et bêtes. Qu'il sent le soleil qui le rend heureux.
Et puis, soudain, il a envie de parler de Langlois, du monde qui entourait ce personnage. Comme une épine dans sa rêverie.
Vous souvenez-vous de la dernière page d'un "Roi sans divertissement " ?
Cette oie qu'il demande à Anselmie de décapiter et qu'il regarde saigner dans la neige. Puis, ce soir-là, "il y eut, au fond du jardin, l'énorme éclaboussure d'or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C'était la tête de Langlois qui prenait, enfin les dimensions de l'univers."
Il s'est donc tué.
Et Giono termine son roman par cette phrase énigmatique :
"Qui a dit : "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères "?
On est loin du Chant du monde, du Grand troupeau, de Colline, de Regain ou de Que ma joie demeure... plus près du Hussard sur le toit... Ou de Mort d'un personnage, Angelo... Ou encore de l'Iris de Suse.
Sa joie est sombre. Il a su écrire la misère des hommes, la douleur des hommes, les désillusions, la guerre, la maladie, la mort. C'est peut-être pour cela que l'innocence de ses extases devant la beauté de l'univers, des étoiles, du blé, de la tendresse sont si précieuses.
La joie, comme un tressaillement inondant le cœur d'un millier d'étoiles... Puis ce rude métier de vivre, cette solitude parfois, ce pressentiment de la perte. Toute une vie d'écriture, de méditation, de marches. Ce désir de se justifier, cette impuissance de ne le pouvoir . Le rêve inassouvi du Cantadour. Alors, il a construit un monde en écrivant.
Sa joie n'était pas parfaite mais il a su en fouiller le secret jusque dans l'angoisse avec une tendre affection. Il était sincère... et un peu triste.
Le lire c'est entrer dans la joie. Ses mots l'éveillent en nous. Mais ce n'était pas un écrivain de la joie...

Christiane a dit…

Contadour

Christiane a dit…

Votre question est passionnante, Soleil vert. De la joie je passe... à l'ennui par cet étrange roman, sans joie : "Un roi sans divertissement", dont le titre et la dernière phrase renvoient aux Pensées de Pascal. (Ne pas oublier que Giono était un grand lecteur de Pascal, entre autres).
l'ennui... le centre de ce roman. Comment la mort peut constituer un divertissement et pour qui ? Ce qui est connu, rituel, habituel comporte un redoutable poison : l'ennui. Qu'est-ce qui peut ébranler la torpeur de ce village plongé dans l'hiver ? L'hiver propice à l'ennui. Les paysans cessent leurs activités. Le temps se fige. Et là, un fait-divers, comme dans un roman policier : des gens disparaissent. Les habitants parlent, se questionnent, s'inquiètent, imaginent le pire. Et si...
Qu'est-ce qui pour Giono peut être un antidote à l'ennui ? L'écriture.
Alors, il va creuser cet incompréhensible, ce fait qui ne peut être expliqué.
D'autres hivers, d'autres disparitions. C'est un roman plein d'hivers !
Les habitants attendent quelque chose, on ne sait quoi... Ils écoutent, cherchent des indices. Une menace inconnue pèse sur le village. Tout devient étrange.
Les gens ne s'étonnaient plus, voilà qu'ils s'étonnent, qu'ils sont dérangés dans leurs habitudes, réveillés, sortant de la torpeur des longues soirées d'hiver au coin du feu.
La neige et le sang. Un loup... Langlois arrive, s'installe au village; dirige des battues. Les paysans sont grisés par cette aventure. Une chasse sauvage se met en place.
Pendant ce temps, Langlois est taraudé par le crime. Il prend goût à tuer. La cruauté envahit l'instinct de ses hommes à la recherche d'un assassin.
Comment la cruauté et le crime peuvent devenir un divertissement ?
Si le roi s'ennuie, il devient un homme comme les autres. L'assassin devient un homme comme les autres...
La peur s'installe puisque tous deviennent inquiétants et suspects les uns pour les autres.
Est-ce que les guerres récurrentes ne seraient pas fabriquées aussi par ennui ? Idem pour les crimes...
Comme si pour oublier la mort, l'homme s'approchait dangereusement de la mort, la provoquait.
Langlois, le solitaire, en sait quelque chose... On frôle la folie.
Un divertissement meurtrier... Un roman qui nous ramène à l'actualité...

Giono, écrivain de la joie ?

Soleil vert a dit…

Merci !

Christiane a dit…

J'ai retrouvé ce qui de la "Vivonne" me fait un souvenir d'eau et d'étrangeté. Proust....
"Un de mes autres étonnements fut de voir les «sources de la Vivonne», que je me représentais comme quelque chose d'aussi extra-terrestre que l'entrée des Enfers, et qui n'étaient qu'une espèce de lavoir carré où montaient des bulles."
Et, quelques pages plus loin, cette même impression à propos des amours défuntes.
"Et en effet les femmes qu'on n'aime plus et qu'on rencontre après des années, n'y a -t-il pas entre elles et vous la mort, tout aussi bien que si elles n'étaient plus de ce monde ? (...) Car il y a en ce monde où tout s'use, où tout périt, une chose qui tombe en ruine, qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la beauté : c'est le chagrin."
"Albertine disparue" ( fin du chapitre IV )
Je ne sais si Jérôme Leroy a été traversé par ce souvenir de lecture en faisant venir à lui ce nom. Pour moi, ce nom reste attaché à une présence d'eau comme une tristesse, comme l'oubli.
Il est possible qu'ouvrant ce roman, je ne rencontre ni eau, ni tristesse ni le temps qui change les plus beaux souvenirs et parfois, les efface.
Nos lectures laissent dans notre mémoire des empreintes parfois boueuses car la joie a fui comme pour Giono. L'obscur du temps... L'écriture est liée à l'obscur. Comme si la mort était déjà commencée. Proust dit juste... La mort au ralenti ...
Et ce livre arrivera, précédé par un de vos billets où vous révélerez la note bleue d'une lecture. Des mots qui entraîneront des lecteurs à vous suivre. Quelque chose "d'extraterrestre" dirait le narrateur en se souvenant de ses rêves d'enfant.
Il faudrait un enfant, le rêve d'un enfant dans ce livre, puis une brisure, quelque chose qui a été et qui n'est plus... Qui a été source de joie et qui n'est plus.
Mais comme dirait Scarlett, Demain est un autre jour...

Anonyme a dit…

Eh non, je n’aime pas que le « jardin charmant « de Faust soit transformé en cordes à linge et lessive à l’italienne, que Les Halles de Baltard déboulent pour le chœur des soldats quand on ne les a pas sonnées, et qu’on soit réduit à écouter la musique les yeux fermés plutôt que de subir un dispositif d’une épouvantable laideur. Alors oui, de ce point de vue, le très petit Lavelli peut être considéré comme un terroriste de la mise en scène , qui n’a que trop longtemps sévi au Palais Garnier, aujourd’hui remplace par les Warlikowski, sans avantage apparent. Le « petit gnome qui enlaidit tout ce qu’il touche « , selon la formule d’un de mes maîtres, n’a eu de ce point de vue qu’une lamentable et prolifique postérité. Maintenant , vous pouvez l’aimer sans risque! Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Quant à Giono, Que ma Joie demeure est un des titres les plus trompeurs avec certaine Joie de Vivre emilezolienne! Mieux vaut s’en tenir à « la Forêt qui poussait toute seule «, comme disaient les admirateurs ébaubis d’icelle… 

Christiane a dit…

Ça va mieux ?

Christiane a dit…

"Que ma joie demeure"... Oui, un roman très pessimiste puisqu'il part, ayant échoué ... et meurt dans la forêt , foudroyé.
Mais demeure son arrivée sur le plateau et les étoiles fleurs de carotte et les oiseaux, l'hiver, ébouriffés de joie quand le grain leur est offert. Giono voulait que la fin soit encore plus crue...
C'est le portrait de Bobi que j'avais peint pour lui et que je lui ai offert. Un contraste entre ombre et lumière ...

Christiane a dit…

Ni je l'aime, ni je ne l'aime pas dans son travail de mise en scène puisque je n'ai rien vu de ses créations. Mais votre remarque : "cette perte sera promptement réparée" m'a troublée. J'ai alors eu envie de lire d'autres ressentis sur sa vie, sur ses créations.
Ce qu'il recherchait est aussi surprenant que, dans le monde l'art, les recherches des Cubistes ou des créateurs du Blues Reiter. Je ne crois pas que tous ces êtres cherchent à convaincre mais ils explorent, sexpriment .
La liberté de créer...
Que les mécontents aillent pêcher dans d'autres eaux... Le monde est vaste.

Christiane a dit…

Der Blaue Reiter
en français, " le Cavalier bleu "

Anonyme a dit…

Robert Ricatte disait, justement, que c’était le titre le plus trompeur de Giono…

Anonyme a dit…

Le Monde est vaste, oui, mais comptez le nombre de fois où cette mise en scène calamiteuse a été reprise au Palais-Garnier, puis à Bastille…On aurait aimé l’exporter sous d’autres cieux…MC

Christiane a dit…

Peut-être faut-il le lire comme le vœu d'un homme qui va mourir et qui voulait tant martahery sa joie...

Christiane a dit…

partager

Christiane a dit…

Peut-être plaisait-elle.... Je ne peux vous répondre ne la connaissant pas.

Christiane a dit…

Giono expliquait en ces termes le titre du roman : «J'ai pris pour titre de mon livre le titre d'un choral de Bach: Jésus, que ma joie demeure. Mais j'ai supprimé le premier mot, le plus important de tout l'appel, le nom de celui qu'on appelle, le seul qui, jusqu'à présent, ait compté pour la recherche de
la joie; je l'ai supprimé parce qu'il est un renoncement.
Il ne faut renoncer à rien. Il est facile d'acquérir une joie intérieure en se privant de son corps. Je crois plus honnête de chercher une joie totale [...]» (les Vraies Richesses, 1936, Préface).

Christiane a dit…

"Le ciel tremblait comme un ciel de métal. On ne savait pas de quoi puisque tout était immobile, même le plus petit pompon d’osier. Ça n’était pas le vent. C’était tout simplement le ciel qui descendait jusqu’à toucher la terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les corridors des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs..."
Tout devient inouï sur le plateau Crémone avec l'arrivée de Bobi. Les paysans découvrent la beauté de ce qui n'est pas habituel : un cerf, des moutons qui plaisent librement du grain laissé pour les oiseaux, un repas réunissant les habitants de ces fermes isolées...
On pourrait dire qu'ils découvrent la joie jusqu'à ce que les corps s'en mêlent et qu'une jeune fille se sentant délaissée se tue...

Anonyme a dit…

Eh non, elle ne plaisait pas. Elle était devenue institutionnelle pour les cadres qui n’aiment pas l’Opera. Il est vrai que depuis, on n’a vu pire, avec le logement de Faust figure par une entree de HLM, le walpurgis a Pigalle, et l’ Église figurée par un wagon de RER . Ne me demandez pas pourquoi!- C’était il y a trois ans…

Christiane a dit…

Faust... Quelle beauté que cette oeuvre, que ces personnages !
Quelle mise en scène vous a comblé ?

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Grémone

Christiane a dit…

Merci, Soleil vert, pour l'annonce du Goncourt sur la RdL. Un roman généreux paraît-il.

Christiane a dit…

L'écriture, ça peut être un livre, un article, un poème...
Là, je viens de découvrir "Le roi Marc", le dernier texte de Paul Edel dans la série des amis disparus. Des mots qui se respirent comme un parfum d'atelier. La couleur c'est le lieu où ils se rencontraient.
C'est effrayant la vie. La grande illusion. Celui-ci s'acharne comme s'il prenait une revanche sur le destin. Irruption du passé dans ce face à face, presque un corps à corps.... On entre par effraction dans leurs regards. Une bretelle de discorde sur une épaule satinée. Autoportraits, portraits portés à l'incandescence par la brûlure du regard. Et cette toile qu'il jette à la mer. Comme il a peint, ça sombre. Pourtant il se poursuivait, il se cherchait en elles. Un texte qui fouille les corps et les pensées. L'acte de peindre se lie à l'écriture, dans l'épreuve physique des mots. C'est un défi. L'écrivain se lance, aventurier du vide, dans la quête de leur passé. C'est l'instant du présent, un entre-deux qui délivre des secrets. Quel mystère que cet échange qui s'opère entre ces deux hommes, tout en silence, sur fond de bavardages anodins d'un repas. L'inachevé...

Christiane a dit…

qui paissent librement

Christiane a dit…

Soleil vert, puis-je copier ci-dessous la partie du billet que Pierre Assouline écrivait en août 2023, concernant le roman "Veiller sur elle" de Jean-Baptiste Andrea qui vient de se voir décerné le Prix Goncourt, ce jour ?

"(...) Avec un titre comme "Veiller sur elle" (578 pages, 21,90 euros, L’Iconoclaste), on s’attend naturellement à ce que «elle» soit une femme. Or il s’agit d’une troublante statue. Le sculpteur qui l’a façonnée, un artiste disgracié par la nature, vit parmi les moines afin de la protéger des regards étrangers. En explorant le mystère de cette Piéta si perturbante pour ceux qui croisent son chemin, dans le couvent où le Saint-Siège l’a reléguée à l’abri des regards, le romancier Jean-Baptiste Andrea retrace la relation contrariée de Mimo, l’humble artisan qui l’a sculptée, le seul à savoir pourquoi elle y est enfouie, avec Viola, la fille des riches et puissants aristocrates Orsini, illustre famille princière de l’Italie du Moyen-Âge et de la Renaissance dont la lignée Gravina, la seule non éteinte, est aujourd’hui représentée par le prince Domenico Napoleone Orsini, XXIIIe Duc de Gravina.
L’Italie de la première guerre mondiale aux lendemains du fascisme, disons de 1916 à 1948, avec un certain cardinal Pacelli futur Pie XII en ombre chinoise, est la toile de fond de cette histoire gouvernée par une écriture étincelante (les jurés du prix du roman Fnac 2023 qui viennent de le couronner ne s’y sont pas trompés) et dont la tyrannie faite aux femmes est le fil directeur.
S’ensuit un combat de l’art contre la dictature mené par deux êtres que tout oppose, un homme et une femme qui n’auraient jamais dû se rencontrer selon une vision de l’existence pétri par un déterminisme d’airain. Mimo (moins lourd à porter que le «Michelangelo» dont ses parents l’avait gratifié) Vitaliani, son héros, lui aussi «fait» sa propre chance, conviction ancrée dans l’esprit de Jean-Baptiste Andrea depuis sa jeunesse dès qu’il a vu dans Gilda (1946), Glenn Ford dire à Rita Hayworth :
«I make my own luck».
Ni avec toi ni sans toi. Air connu mais pas reconnu lorsqu’il est revisité par un écrivain assez habile pour donner plus de force encore à leur relation amoureuse en lui conservant son caractère platonique.
Aussi prenant que poignant (on ne s’extrait pas impunément de sa condition), cette fresque d’un romanesque absolu est portée par des pages d’anthologie, notamment, celles consacrées au rôle de l’aristocratie génoise dans la montée du fascisme ou encore la catastrophe ferroviaire de Saint-Michel de Maurienne qui vit périr 435 permissionnaires français retour du front italien en 1917 lors du déraillement de leur train dans cette commune de Savoie.
« Sculpter, c’est juste enlever des couches d’histoires, d’anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu’à atteindre l’histoire qui nous concerne tous ».
Sculpter, écrire… C’est peu dire que ce roman se distingue par la fête de l’imagination à laquelle il nous convie. Après des années de diète autofictionnelle et nombriliste à laquelle le fiction française nous avait condamnés, il mérite vraiment de sortir du lot."

Pierre Assouline - août 2023... RdL

Christiane a dit…

C'était beau ce que ce grand lecteur écrivait au mois d'août. C'était beau que Sophie de Sivry retienne ce livre. Tristesse que cette éditrice ne puisse partager cette joie avec son auteur.
C'est ainsi, nous ne savons jamais la couleur des lendemains.
Un peu comme dans les nouvelles de Francisco Coloane que j'ai appréciées comme autant de rêveries nées au loin d'une terre de feu hantées par l'océan rageur et les montagnes déchiquetées, on attend quelque chose que l'on pressent sans pouvoir le définir avant que son temps n'arrive .
J'attends votre lecture de "Vivonne"de Jérôme Leroy sans hâte. Je sens que vous êtes encore dans l'intimité de votre chagrin. Une place douce pour parler à Garfield. Un temps rien qu'à vous deux.
Bonne soirée.

Anonyme a dit…

Je lis un Pretre Marié de Barbey.

Anonyme a dit…

Je ne suis pas sûr que cette belle anecdote récompense un chef-d’œuvre. C’est bien fait, bâti à chaux et à sable, j’en suis à la page 390, mais pas plus, me semble-t-il…Des éléments de roman gothique ne suffisent pas à en construire un…MC

Christiane a dit…

Vous nous direz...

Anonyme a dit…

C’est bien construit, vu à travers un personnage, Mimo, que sa déformation et son nanisme pourraient rendre un autre Quasimodo, mais qui choisit la voie de la sculpture. Mimo a pour miroir et initiatrice Viola Orsini , cerveau politique en même temps qu’amour d’´enfant. Le roman évoque la partie 1910-1950 de l’Histoire de l’ Italie, un monde qui va de plus en plus vite sans bien savoir où il va. J’ ai omis de dire que Viola porte une malediction Borgesienne, celle de se souvenir de tout livre qu’elle a lu. Pour autant, je ne suis pas bien convaincu par ce roman à deux mondes - les Orsini et Mimo- Peut-être que l’utilisation à grande échelle d’ un tremblement de terre pour faire sortir les personnages gênants y est pour quelque chose. C’est plausible, est-ce vraiment romanesque? L’interprétation de la Pieta par son auteur déçoit un peu aussi: on l’a trop attendue, et ce ne sont pas là les meilleures pages du roman, La structure aussi appelle des réserves. Il est bien bavard, cet agonisant. Quoique le renvoi du titre à la Piéta soit justifié, on ne peut enfin s’empêcher de penser que le roman pourrait tout aussi justement être titré Veiller sur lui, vu la place que prend vis-à-vis du sculpteur le personnage-égérie de Viola. En conclusion, pas un mauvais choix, mais non indemne de procédés romanesques. Pour un autre Gracq, il faudra chercher ailleurs. Telle n’était peut-être pas l’ambition de l’auteur.🤔. MC

Christiane a dit…

Belle lecture du roman. Il est bon parfois que les commentaires ne se rapportent pas au livre présenté par Soleil vert pour connaître les lectures des passants du "fond du web".

Anonyme a dit…

Oh, en fait de livre qui n’etait pas recommandé par Soleil Vert, nous avons fait, avec sa complicité, bien pire ou bien mieux, selon le point de vue adopté ! MC

Christiane a dit…

C'est très intéressant ce que vous venez d'écrire. Le monde de la lecture est d'une telle liberté .C'est comme un voilier que chacun guide vers ses rêves ou ses souvenirs. J'aime beaucoup. C'est très borgesien : le monde des lecteurs, des voleurs de feu...
Je lisais ce weekend le livre de Laure Murat. Bien que bien écrit et bien argumenté, il m'a laissée de marbre. Je n'y ai pas rencontré "La Recherche" que j'ai lu et annotée. Ce livre de soie si sensible aux sensations, aux sentiments, aux émerveillements, aux douleurs d'aimer. Je me moque des confidences voilées de l'homosexualité, de Proust via le narrateur, de son enquête sordide ( L.M) dans les fichiers poisseux de la Police pour suivre la trace de la vie off de Proust, des tartines indigestes et complaisantes sur la vie de famille de L.M. étalées jusqu'à l'overdose. J'ai refermé son livre, ai réouvert "mon" Proust et j'ai rêvé...

Christiane a dit…

lue

Anonyme a dit…

Oui, je n’ai jeté qu’un coup d’œil, mais, autant ai-je été pris par la Maison du Docteur Blanche et son livre sur la Folie au dix- neuvième, autant ici ça n’a pas marché. A tel point que, parti en ayant en tête de l’ acheter, je suis revenu sans! Il faut croire cependant qu’un certain snobisme littéraire s’y retrouve! Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Tour à fait ! Le bûcher des vanités...

Christiane a dit…

Comme l'écrit Pierre Assouline, à propos de Proust, dans son dictionnaire amoureux des ecrivains : "(...) Il a profondément bouleversé notre perception du monde en nous plaçant dans cette tension inconfortable mais si troublante où les secrets du sentiment luttent contre les vérités de l'intelligence. Il a l'art de revisiter les lieux tristes d'avoir été heureux. (...) Il est celui qui nous apprend à écouter en nous-mêmes . (...) et le travail de l'esprit sur lui-même, que seule la solitude du lecteur procure".

Christiane a dit…

Et l'essai si profond de Jean-Yves Tadié : "Le lac inconnu".
J'aime ce passage, retenu par Soleil vert, à propos du "petit pan de mur jaune".
Tadié écrit : "Proust ne s'explique pas, mais rend le tableau chargé d'une beauté fatale, qui tue Bergotte. Et pourquoi le "petit pan de mur jaune" ? Il renferme à la fois le secret de l'artiste et celui de l'enfant, le pan de mur éclairé de Combray, immortel."
Et citant Freud : "Dans le domaine de la fiction nous trouvons cette pluralité de vies dont nous avons besoin. "

Christiane a dit…

Je crois que Proust hésita longtemps entre l'essai et le roman comme il l'écrivait à Mme deNoailles : "La chose s'est bâtie dans mon esprit de deux façons différentes entre lesquelles je dois choisir. Or, je suis sans volonté et sans clairvoyance."

Christiane a dit…

Le narrateur de La Recherche révèle à Proust, un autre Proust, inconnu de lui-même, à la fois enfant et adulte. Une certaine manière de dire "Je".
Son désir est d'écrire... et comme le temps pèse sur ce désir...
Je crois que l'événement de sa vie fut la mort de sa mère, en 1905,le milieu de sa vie...
Et celle de sa grand-mère, épisode si pur. Un cri authentique dans La Recherche.

Anonyme a dit…

Vrai pour les deux événements. Et Si l’on ajoute que son dernier mot aurait été « maman »…

Anonyme a dit…

MC

Christiane a dit…

Émouvant...