Mu Ming - Le Bracelet
de Jade - Argyll - RéciFs
En l’an 1640, époque où la dynastie chinoise Ming s’apprête
à s’effacer au profit de la dynastie Qing, le lettré Qi Youwen emmène sa petite
fille Chen à la foire aux lanternes sur le Mont Dragon. Courant de lumières en
lumières, la fillette croise la route d’un inconnu, qui lui remet un cadeau. Il
s’agit d’un bracelet de jade dont l’intérieur finement ouvragé contient en son
creux de fines peintures de paysages. Détail curieux, l’objet est torsadé comme
un ruban de Möbius. Sa beauté finit par hanter autant le père amateur de
jardins que sa fille dont les rêves s’emplissent de montagnes et de rivières.
Premier volume d’une nouvelle collection consacrée à des
romans courts rédigés par des autrices, la novella de Mu Ming, newyorkaise née
en Chine, ravit par son originalité et sa richesse. C‘est à la fois un récit issu
de contes anciens comme Le Bracelet torsadé, de littérature de jardins,
d’un très vieux poème utopique de Tao
Yuanming (365-427), La source aux fleurs de pêchers, qui raconte la
découverte par un pêcheur d’une vallée paradisiaque dont il perdra trace
ultérieurement - et une spéculation inspirée de la géométrie riemannienne (ruban
de Möbius, bouteille de Klein).
Il est beaucoup question de jardins et de peinture dans
cette fiction. L’idée « de reproduire dans ce qui est fini la nature
infinie du ciel et de la nature » renvoie à « L’Aleph »
de Borges, de même que l’entremêlement d’un paysage et de sa représentation
évoque le meilleur texte des Nouvelles orientales de Marguerite
Yourcenar. Le vide taoïste, aux sources de l’art célébré par le père de Chen, ne
voisine-t-il pas avec avec son équivalent quantique dont les fluctuations
énergétiques créent la matière ? On n’en finit pas de rêver autour de ce
récit comme dans les meilleures productions de Greg Egan.
5 commentaires:
Quelle beauté...
Il faudra laisser longtemps ce billet et ses longues ramifications (liens).
Ce n'est pas seulement une histoire, c'est toute une civilisation ancienne sa philosophie son art qui viennent à nous...
Merci, Soleil vert.
C'est un grand temps immobile sur votre blog.
Bonsoir Christiane, cela faisait longtemps que l'on n'avait pas échangé; les fiches de lecture surgissant ça et là comme des rochers dans le cours du fleuve de la vie
Mais de temps à autre, il y a ces pauses magiques où quelque chose d'indicible émane de votre écriture. Beauté et bonté...
Alors je ne suis plus sur un blog mais près d'un lecteur, vous. Et j'écoute...
Il y a d'abord un silence car les mots viennent de loin. "Ils remontent le cours du fleuve de la vie".
Tige élancée et feuilles fines du bambou, droiture et élévation. Le creux dans la tige, vide, plein d'humilité. Une brise douce. Le bambou chante... Je vous imagine assis, méditant au milieu des bambous... Calligraphie...
François Cheng disait aux Bernardins :
"En Chine, depuis l'Antiquité, résonne une brève phrase que les Chinois se transmettent de génération en génération, phrase qui tire son origine du "Livre des Mutations", le "Yi Jing", premier ouvrage de la pensée chinoise, rédigé mille ans avant notre ère.
Cette phrase, quatre caractères : "Sheng-sheng-bu-xi", ce qui signifie : "La vie engendre la vie, il n'y aura pas de fin."
C'est cette maxime qui a permis au peuple de survivre à tous les conflits meurtriers et à toutes les catastrophes."
Bonne soirée, Soleil vert.
生生不息
shēng shēng bù xī
Terrible conjugaison à l'imparfait pour celui qui est mort
Soudain on entend : "Il était...."
La mort sépare le présent du passé en une nuit....
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