Michael
Moorcock - Mother London - Denoël Lunes d’encre
N’en déplaise à Victor
Hugo, Eugène Sue ou au regretté Roland Wagner, la Capitale des mystères semble
se situer outre-Manche. Sir Conan Doyle, Robert-Louis Stevenson et la Reine
Victoria, marraine involontaire et post-mortem du courant Steampunk, furent les
principaux initiateurs de cette suprématie littéraire. Ce blog rend hommage à
la City par un petit tour d’horizon d’œuvres dont elle est l’héroïne. Après Neverwhere
de Neil Gaiman, Mother London, roman d’un des papes de la New-wave,
Michael Moorcock, constitue un passage obligé.
Joseph Kiss, Mary Gesalee et David Mummery déambulent dans les rues de Londres et leurs souvenirs au long d’un récit qui prend naissance lors du Blitz des années 40 et s’achève dans les années 80. Récit est d’ailleurs un bien grand mot pour ce qui s’apparente à une série de vignettes sur le quotidien de personnages à la fois marginaux et témoins de l’évolution de la vie politique et culturelle britannique. Les chapitres basculent allégrement d’une époque à une autre, d’un protagoniste à un autre, avec parfois des intervenants secondaires comme Patsy et David musiciens éphémères des années 50 passés à côté de leur destin.
Joseph Kiss et Mary
Gesalee sont des télépathes. Ce don qu’utilisa un temps le premier dans des
numéros de music-hall le dessert ; pris pour un fou il est interné en
psychiatrie où il découvre l’existence de Mary Gesalee, avant d’être libéré. La
jeune femme tombée dans un puit amnésique pendant une quinzaine d’années a
survécu avec sa fille à la chute d’un V2 et à la mort de son mari. David
Mummery est un journaliste paumé dont un oncle exerce des responsabilités
gouvernementales. Une amitié indestructible unit ces trois personnages.
Mother London est-il un roman de science-fiction ? Non.
Oublions les télépathes de L’oreille interne et de Terminus les
étoiles, et raccrochons-nous peut être in extremis à Abattoir 5 de
Kurt Vonnegut, dont l’élément déclencheur est le bombardement de Dresde en 1945
qui hante tout le texte comme le Blitz dans l’ouvrage de Moorcock. Des voix en
italique interrompent constamment et momentanément les narrations, pensées
éparses, inabouties, perçues par nos deux mutants peut-être : n’est-ce pas
plutôt Londres elle-même qui s’exprime, réduisant les personnages au rôle de
récitants ?
Mother London ne se livre pas facilement au lecteur ; aux passages parfois enthousiasmants succèdent des narrations harassantes d’autant plus qu’aucune intrigue linéaire ne vient les soutenir. Dans le chapitre intitulé « Courants variables 1970 » Moorcock fait valser les seventies dans un furieux manège d’écriture endiablée, une foire aux ténèbres sous hallucinogène. A quel saint doit-on se raccrocher ? Joyce, Pynchon, McCarthy ? Personnellement j’ai cru déceler par instant, dans la toile de fond historique et mythologique support d’une histoire d’amitié et d’amour entre trois marginaux, un peu de la magie qui habite Le Quatuor de Jérusalem :
« Magnifique et
exotique tel un oiseau mythique, elle émigre de pub en pub comme le faisait
autrefois Joseph, réglant en anecdotes ses repas et boissons. Elle sait des
choses sur chaque quartier, chaque rue, presque toutes les maisons de Londres
et peut raconter les exploits de Brutus, Boudicca et Dick Turpin avec autant de
délectation que lorsqu'elle narre les légendes plus récentes du Blitz. Elle
sait quels fantômes hantent les caves sous les masses de béton et de verre des
immeubles modernes, quels squelettes sont enterrés en quels lieux. Elle parle
de pressentiments surnaturels, d'évasions impossibles et de bravoure
inattendue. Elle parle de David Mummery, secouru par le capitaine Black ; de
Josef Kiss qui a pu sauver un millier de personnes en lisant leurs pensées et
de Mary Gasalee qui est sortie indemne d'un brasier dévastateur en serrant son
bébé dans ses bras. Les Londoniens connaissent un grand nombre d'histoires de
ce genre, même si peu ont eu les honneurs de la presse. Nos mythes et nos
légendes nous rappellent ce nous valons et qui nous sommes. Sans eux, nous
sombrerions sans doute dans la folie. »
P.S : la couverture
de Guillaume Sorel pour l’édition DLE est superbe.
125 commentaires:
Bonne lecture pour moi.
Un Londres en arrière plan.On suit l’instabilité mentale des trois personnages.
Ce qui m’avait intéressé c’était de lire comment la guerre cause des dommages à la ville et aux habitants. Finalement la ville module les habitants, mais ce sont aussi les habitants qui la modulent.
La ville et la vie continuent malgré tout.
Qu’on se le dise !
Merci pour cette idée de chronique.
Quel plaisir, avant d'entrer dans ce nouveau roman, que de se laisser envahir par tout l'imaginaire né des fictions ayant choisi Londres comme décor, films ou romans.
La couverture, effectivement très belle de Guillaume Sorel m'évoque les toiles rougeoyantes représentant le grand incendie de Londres en 1666.
Mais votre billet en fait un lieu reconnaissable à travers tant de romans. (Un petit coup de cœur pour le roman de Ballard , "Le monde englouti", que vous nous aviez fait découvrir.)
Mais c'est surtout "Les enquêtes de Sherlock Holmes" de Conan Doyle ou "Oliver Twist" de Dickens qui ont imprimé, autrefois, dans ma mémoire de jeune lectrice cette ville labyrinthique, incertaine, toujours noyée dans un brouillard fantomatique.
Il m'a fallu, plus tard, me plonger dans le Londres printanier de Mrs Dalloway, sous la plume de V.Woolf, pour sortir de cette oppression... délicieuse. Ou encore suivre les enquêtes du très pincé Hercule Poirot imaginé par la grande Agatha Christie pour changer d'atmosphère.
C'est épatant de vous suivre dans ce nouveau billet. Pour découvrir le roman de Michael Moorcock : "Mother London" (Denoël Lunes d’encre).
Merci de rendre hommage, en passant, à la City par ce tour d’horizon d’œuvres dont Londres est l’héroïne.
Donc, "Mother London" n'est pas un roman de science-fiction . Ce que vous en dites donne envie de le lire malgré les narrations harrassantes que vous signalez. Merci.
belial.fr/blog/mother-london 😉
SF et langage 2005
Comment parler à un alien ? 2018 😉
Bizarre que Moorcock, qui a fait une très notable partie de sa carrière dans la Fantasy se mette à déclarer que ce n’est pas de la SF!
MC
Ces trois marginaux me font penser aux anges dans "Les ailes du désir"de Wim Wenders qui au début du film, perchés sur les toits de Berlin, entendent toutes les pensées des gens qui passent dans la rue où travaillent à la bibliothèque. C'est un peu comme si toutes ces informations se superposaient.
Chez Wenders, peu à peu, un ange s'attache à une jeune femme et cette préférence emportera le film vers un autre défi : préférer devenir humain et perdre la légèreté d'un ange...
Dans ce livre de Michael Moorcock (qui n'est pas facile à trouver), il semble que ces pensées - à lire votre billet et celui mis en lien par Belial - forment progressivement un tableau pointilliste de Londres traversant les années de guerre (Blitz) jusqu'aux années cinquante à partir des êtres dont les pensées sont volées. Je crains qu'il n'y ait pas vraiment d'histoire mais la rumeur d'une ville par ce qui est pensé , entendu, écouté, imaginé, craint. C'est très particulier. Vous semblez penser - Greg y compris - que c'est un très grand livre de Moorcock.
L'aventure proposée par la lecture de ce livre n'est pas ordinaire. Se rapproche-t-elle de celle des personnages de J.Joyce ("Ulysse") avec des scènes de superposant d'une façon désordonnée en apparence au gré des personnages rencontrés ? Faut-il un plan de Londres pour trouver son chemin ?
Tout cat est passionnant.
ça
Dans ce livre de Michael Moorcock (qui n'est pas facile à trouver),
Voir folio sf (poche)
Merci mais je veux la couverture de Guillaume Sorel !
Pas facile a trouver? Chez Denoel ?
Merci ! Je n'y avais pas penser Il fallait me le suggérer avant que je ne le trouve. Mais c'est fait. Je le reçois dans une semaine ! En attendant je cherche dans " Le dictionnaire amoureux d'Albert Camus (établi par Mohammed Aissaoui et Catherine Camus) à revisiter l'oeuvre de Camus.
J'ai beaucoup réfléchi aussi à ces moments où nous recevons plusieurs informations en même temps, pas de la télépathie mais la tentation de sauter d'une information à l'autre. Cela arrive très souvent, ici, au fil des réflexions, un livre appelant un autre livre, un passage précis. D'aucun pensait que c'était vouloir "étaler sa culture" alors que ce n'est qu'un réseau de correspondances. Il me semble, à lire votre billet qu'il y a un peu de cela dans ce roman de Moorcock, un désir de l'écrivain de traverser le temps de cette ville, Londres, par une construction, une architecture labyrinthique suivant les inspirations, les tranches de vie attachées aux lieux. L'argument de la télépathie est astucieux permettant de sauter de l'une à l'autre au rythme des informations reçues.
Cela me rappelle un des romans que vous aviez présenté, un vieux qui ne voulait pas mourir et qui tentait de prendre le pouvoir sur les pensées de ses hôtes. Le titre va me revenir. C'était haletant.
Voilà, j'ai retrouvé, c'était le roman de Kate Wilhelm "La mémoire de l'ombre". (chez Denoël, justement !). L'affreux John Daniel Culbertson, le vieux despote du domaine de l'Oregon. Les ondes cérébrales... L'épouvante... Un fantastique que j'évitais de lire le soir !
pensé
Géniale idée ce Dictionnaire amoureux de Camus.
Un bel hommage que lui rend Mohamed Aissaoui.
Lors d’une interview ,Mohamed Aissaoui rappelait que la bibliothèque de l’oncle de Camus qui était boucher à Alger,avait contribué à la vocation de Camus.C’est touchant.
Oui, Biancarelli, ce livre est passionnant. C'est comme faire l'expérience d'un dialogue avec un fin connaisseur de Camus. Les entrées multiples sont parfois imprévisibles et quel bonheur de pouvoir choisir l'entrée qui nous conduit à une lecture qui nous a marqués. Que ce soit un roman, du théâtre, un personnage, un lieu, une amitié qui a compté pour lui. C'est bon de se confronter à la pensée d'un autre pour interroger nos intuitions, nos certitudes, pour découvrir aussi. Une vie d'écrivain telle que celle de Camus croise si souvent l'Histoire... Il y a dans sa vie ce troublant amour pour l'Algérie, un retour incessant aux blessures et aux joies de son enfance et cet énorme manque : le père.
Quand Paul Edel chroniquait des romans que j'avais lus, je découvrais d'autres façons d'apprécier un roman, une écriture, un écrivain.
Pierre Assouline a également construit un dictionnaire de ses écrivains et livres préférés mais j'aime dans celui sur Camus qu'il n'y ait qu'un seul écrivain interrogé.
D'aucuns pensaient..
Mais .. il en chronique toujours! MC
Biancarelli,
vous écrivez : "Lors d’une interview, Mohamed Aïssaoui rappelait que la bibliothèque de l’oncle de Camus qui était boucher à Alger, avait contribué à la vocation de Camus. C’est touchant."
Justement dans ce livre de M.Aïssaoui, je lis, Page 368, sur son attachement à l'Algérie, un dialogue entre lui et Yasmina Khadra dans le cadre de la deuxième édition de Camus dans la "Bibliothèque de la Pléiade".
Les réponses de Yasmina Khadra à une de ses questions m'a plongée dans un monde inconnu.
En voici quelques extraits ;
"(...) Camus écrivait l'Algérie comme il la sentait, pas comme il la voyait. L'Algérie était son jouet de pauvre, qu'il ne voulait partager avec personne. Les autochtones, les pieds-noirs, les casernes, c'étaient juste des accessoires, puisque Camus imaginait. Son monde était ailleurs. Issu d'une frange sociale peu enviable, il avait le syndrome des disqualifiés d'avance, d'où ce besoin névrotique de prouver, se distinguer, se surpasser. (...)
Dans son esprit, il écrivait un roman. Il n'était pas obligé de tricher. Il était en parfaite harmonie avec sa muse, le reste lui importait peu.
De l'Algérie, je lui reconnais cet amour indéfectible pour le pays. Son talent, tout son génie vient de là. Il excelle à rendre les lumières et les senteurs du paysage, à redonner aux horizons leur éclat et aux évocations leur fascination. (...)
Car Camus, loin de l'Algérie, est dans les dissonances. (...)
Camus est un homme simple. Il n'est entier qu'à cet endroit. C'est quand il rêve de conquérir Paris qu'Alger lui échappe. Les débats houleux, les joutes oratoires, aucune coupole n'égale, à ses yeux, le faîte des arbres lorsque le soleil vient dans les vergers de la Mitidja cueillir des songes par paniers entiers. De Marengo à Tipaza, tandis que le ciel se dénude, Camus exulte. Il aime flâner à Oran, la tête dans les nuages, (....). Il n'est pas taciturne ; il est absent (...).
Camus, sans son Algérie,, c'est Samson tondu à ras. (...) Camus n'est pas un intellectuel, il est une conscience, une intuition, sauf qu'il ne dispose pas des moyens qui vont avec. Il le sait. Il en souffre. (...)
Camus, sur la rive nord de la Méditerranée, est un apatride. L'Hexagone, les mondanités sont un Exil ; la Numidie, ses retraites sont son Royaume. A Paris, il est chez les autres, quelque part en enfer. (...) Il est à côté de la plaque. C'est à Alger qu'il est chez lui (...). Au diable les salons bourrés comme des pipes, les cuistreries enrubannées, les hypocrisies savantes, les lettres piégées et les alliances traîtresses, c'est au Bled que Camus renaît pleinement à son art. Il redevient le sourcier arpentant le désert humain, sa branche d'olivier au bout des poings, en quête de survivance.(...)"
J'ai conservé un passage des Noces à Tipazza
Je me nourris de la beauté de ce texte. Je l'ai conservé aussi... Je le relis... de temps à autre... Camus,... quel charme nait de son écriture...
« Sauf qu’il ne dispose pas des moyens qui vont avec. Il le sait et en souffre ». Pas d’accord. Camus est profondément un intuitif, pas un professeur de Philo. D’où les Justes, type même de la fausse rivalité avec Sartre. Quant à le réduire à l’ Algérie, n’a-t-on jamais lu l’ Amsterdam de la Chute pour prouver qu’il pouvait écrire tout autre chose? Et c’est un Roman , la aussi, pas une dissertation sartreuse….Ne cherchons pas chez Camus ce qui ne s’y trouve pas!
Oui, ce texte m'a mis mal à l'aise pour les mêmes raisons.
La réponse à une de ses questions...
Il écrit dans "Noces" (Retour à Tipasa) : "Du côté des ruines, aussi loin que la vue pouvait porter, on ne voyait que les pierres grêlées et des absinthes, des arbres et des colonnes parfaites dans la transparence de l'air cristallin (...). Dans cette lumière et ce silence, des années de fureur et de bruit fondaient lentement."
"Je dois à l'Algérie non seulement mes leçons de bonheur, mais, et ce ne sont pas les moindres dans une vie d'homme, je lui dois mes leçons de souffrance et de malheur (...) .
J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger, par exemple, et qui, un jour, peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. » disait Albert Camus
Relecture de” Le premier homme ”,”le mythe de Sysiphe ”.
Il me semblait que Camus était indissociable de la Méditerranée..
”Je n’ai jamais rien écrit qui ne se rattache de près ou de loin à la terre où je suis né ”disait-il.
Cela dit, peut-être qu’il ne faut pas le ramener à l’Algérie uniquement.
Yasmina Khadra veut en faire un écrivain algérien alors qu'il a été rejeté, critiqué , dénoncé dans un premier temps par les Algériens, lui reprochant de ne pas avoir pris parti pour la libération,.
Peu à peu la nouvelle génération dont de Yasmina Khadra mais aussi Maïssa Bey, Assia Djebar, Mohamed Dib et Boualem Sansal tentent de l'intégrer.
Un arrière-plan de tragédie.... Un paradis perdu... Une mémoire enténebrée...
Camus est mort en 1960. Deux ans plus tard, l'Algérie déclarait son indépendance. On ne saura jamais quelle réaction il aurait eue...
Oui, anonyme, vous faites bien de rappeler ces paroles . Je me suis arrêtée sur cette citation pour réfléchir. Camus y apparaissait loin de ses romans, de son théâtre, de ses essais. Loin de la vision que j'ai de lui.
C'était à la lettre P comme pléiade...
Merci d'avoir réagi.
Je reviens à l'immense "Soleil et ombre" de Roger Grenier. Nul, je crois, à parler aussi bien de Camus.
Je note, page 218, ce passage qui me fait penser à un ami perdu :
"Il faut ajouter qu'au moment de la mort tragique de Camus, en janvier 1960, l'article le plus émouvant fut peut-être celui de Sartre, dans "Le Nouvel Observateur" :
"Nous étions brouillés, lui et moi : une brouille, ce n'est rien - dût-on ne jamais se revoir - tout juste une autre manière de vivre "ensemble" et sans se perdre de vue dans le petit monde étroit qui nous est donné. Cela ne m'empêchait pas de penser à lui, de sentir son regard sur la page du livre, sur le journal qu'il lisait et de me dire : "Qu'en dit-il ? Qu'en dit-il EN CE MOMENT ?" (...)
A travers de nouvelles générations de lecteurs, la querelle Sartre-Camus se perpétue alors que la mort les a réconciliés."
a parlé
Et surtout cette citation de Camus qu'il place page 224 :
"J'ai mis dix ans à conquérir ce qui me paraît sans prix : un cœur sans amertume. Et comme il arrive souvent, l'amertume une fois dépassée, je l'ai enfermée dans un ou deux livres. Ainsi je serai toujours jugé sur cette amertume qui ne m'est plus rien. Mais cela est juste. C'est le prix qu'il faut payer." ("Carnets")
Ou encore, cette autre citation :
"Je mettrai au centre, l'admirable silence d'une mère, la quête d'un homme pour retrouver un amour qui ressemble à ce silence, le trouvant enfin, le perdant, et revenant à travers les guerres, la folie de justice, la douleur, vers le solitaire et le tranquille dont la mort est un silence heureux."
Mohammed Aissaoui, à la lettre T, comme Tipasa, écrit après cette longue citation : " Noces à Tipasa" est l'un des plus beaux poèmes de la littérature française alors que l'on croit que c'est une nouvelle parmi d'autres dans un recueil, "Noces", que Gallimard a publié dans sa collection "NRF Essais", sous une couverture bleu-gris. Oui, "Essais", alors qu'il a toute sa place en "Poésie/Gallimard". En tout cas, si les quatre textes du recueil sont des essais, alors ils ont été composés par un poète qui n'a rien voulu démontrer sinon la beauté et la sensualité des paysages d'Algérie. Les quatre textes sont "Noces à Tipasa, Le Vent à Djemila, L'été à Alger, Le Désert"... Des titres qui penchent davantage vers l'émotion que l'analyse..."
Ca me fait plaisir ces considerations sur Camus. Souvenirs de vieilles conversations familiales sur cet auteur
Ai je mis ici la preface de Romain Gary.SV
En voici un extrait de cette préface de Romain Gary pour l'édition américaine de "La Peste" d'Albert Camus :
"(...) Il est très difficile, curieusement, de se rappeler les paroles d’amis disparus ; c’est qu’on ne fait pas trop attention quand ils sont présents. Je me souviens du sourire de Camus et de la gravité de son visage – les deux expressions se succédaient parfois en quelques secondes – bien mieux que de sa conversation. Je n’ai jamais fait grand cas des paroles, de toute façon. Mais maintenant que sa voix s’est tue, les mots ne me font que mieux sentir à quel point elle me manque. Il me semble toutefois me rappeler qu’il disait… non en fait, rien de bien important. Juste qu’il est des vérités qui valent qu’on meure pour elles, mais aucune qui vaille qu’on tue en leur nom. C’est alors qu’il écrivit La Peste".
Romain Gary
Un autre extrait :
"(...) Il convient de se rappeler qu’Albert Camus est né à Mondovi en Algérie et que son profond amour pour la lumière de la Méditerranée l’a rendu particulièrement sensible aux ombres et aux ténèbres. Espagnol pour moitié, il donne souvent à ses élégies la beauté des accents du flamenco. Amoureux de la vie, il ne pouvait imaginer immoralité plus grande que celle qui vise à détruire le vivant. C’était, au fond, un moraliste, en ce sens qu’il éprouvait la souffrance moins comme une douleur physique que comme une injure à la dignité humaine. Depuis la fin de la guerre, et jusqu’à sa mort voici deux ans, il a été «la conscience de la France». Des milliers de jeunes intellectuels ont lu ses articles, moins dans l’espoir d’y trouver une réponse que pour y chercher le réconfort. C’est sa voix qu’ils aimaient. C’était là une étrange histoire – étrange parce qu’elle ne prenait jamais fin et que, fidèlement, ses admirateurs venaient s’abreuver du son de sa voix, sinon véritablement de ce qu’elle avait à dire.
Ses ennemis lui reprochaient de n’apporter d’autre remède à nos maux que la beauté des chants de douleur et la générosité des sentiments. Qu’on me donne le nom d’un seul poète, d’un seul romancier, d’un seul philosophe qui ait résolu «nos problèmes». Ceux qui sont «absolument sûrs et certains» d’avoir toutes les réponses finissent généralement par «résoudre» l’homme lui-même – dans une chambre à gaz ou dans une rue d’Oran. Camus savait que ce que nous sommes, aucune science, aucun dogme, aucune vérité absolue ne peut le saisir ni le cerner. Spirituellement, nous ne sommes capables d’aucun accomplissement si ce n’est celui de nous interroger. Il savait qu’une civilisation digne de l’homme se sentira toujours coupable envers lui. (...)"
Oui, une préface qui choisit la vérité de Camus. Merci, Soleil vert de la oir rappelée. Si vous l'avez en entier, ce serait un grand bonheur de la lire .
l'avoir
Cette très belle préface que l’écrivain Romain Gary rédigea, en 1962, pour l’édition américaine de «La Peste», figure dans l’ouvrage «L’affaire homme», qui rassemble des textes de Romain Gary rédigés entre 1957 et 1980, paru dans la collection «Folio », n°4296.
Lettre qu'Albert Camus envoya à Maria Casarès :
"Tu es entrée, par hasard, dans une vie dont je n'étais pas fier, et de ce jour-là quelque chose a commencé de changer. J'ai mieux respiré, j'ai détesté moins de choses, j'ai admiré librement ce qui méritait de l'être. Avant toi, hors de toi, je n'adhérais à rien. Cette force, dont tu te moquais quelquefois, n'a jamais été qu'une force solitaire, une force de refus. Avec toi, j'ai accepté plus de choses. J'ai appris à vivre. C'est pour cela sans doute qu'il s'est toujours mêlé à mon amour une gratitude immense.»
Pendant quinze ans, Albert Camus et Maria Casarès échangent des lettres où jaillit toute l'intensité de leur amour. Leur correspondance est publiée chez Gallimard.
Je crois qu’on a oublié Kamel Daoud, qui lui ressemble beaucoup et se bonifie après son Meursault contre-Enquete…MC
Et les amateurs de SF pourront se reporter à ma fiche "Rêves de gloire" de Roland Wagner. SV
"Rêves de gloire" de Roland Wagner. Je viens de lire la fiche, très étonnante. l'Algérie et la science-fiction.... Et pourquoi pas...
Cet extrait : "(...) La première page pastiche "L’étranger" de Camus. Ce n’est que l’un des nombreux clins d’œil du livre. "Rêves de Gloire" célèbre les noces des accomplissements de la maturité avec les soleils de l’enfance et soulève bien d’autres questions. La littérature peut-elle réparer le monde ? Peut-on aussi considérer l’uchronie comme une forme de révolte ? Mais Roland Wagner n'est plus là pour répondre."
Pour Camus, c'est l'époque où il entre dans l'équipe de "Paris-Soir" dont Pierre Lazareff est rédacteur en chef, près de ses amis Pascal et Suzanne Pia. Il croise dans les couloirs Kessel et Vailland et surtout, il écrit "L'Etranger"... et se plonge dans la lecture de "Moby Dick".
Je ne sais ce qu'il se passe en Algérie en ce temps-là mais en France, oui. La rédaction de "Paris-Soir" se replie au sud de la ligne de démarcation.
Malraux apporte la manuscrit de "L'Etranger" à Gaston Gallimard.. Manuscrit qui sera relu par Queneau et Paulhan. Publication, juin 1942.
Dans le roman, quand Meursault tire, on peut lire : "J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. "
(Oui, c'est le moment de se souvenir de Kamel Daoud et de sa "contre-enquête".)
L'Etranger"...Un roman hypnotique...
Août 1942... Camus l'exilé travaille son nouveau roman, "La Peste". Il s'installe avec Francine sur le plateau du Lignon en Haute-Loire.
1943... Lecteur chez Gallimard. Ses amis... Sartre, Simone de Beauvoir, Mouloudji, Michel Leiris, André Gide, Charles Dullin, Jean-Louis Barrault... le jazz, les nuits blanches... Maria Casarès..
Puis il y aura "Combat"... dont il dirigera la rédaction.
La question posée dans le billet : "La littérature peut-elle réparer le monde ? "... L'écrit est essentiel en ce temps d'Occupation. Romans, journaux, tracts....
C'est un temps grave pour Camus.
https://www.ombres-blanches.fr/product/24151/kamel-daoud-meursault-contre-enquete
Et un entretien où Kamel Daoud parle de son roman et de celui de Camus qui l'a inspiré "L'Etranger" :
https://www.lepoint.fr/culture/la-fabuleuse-aventure-de-meursault-contre-enquete-05-11-2014-1878982_3.php
Je regarde "Les gens de Dublin" , le grand film de Huston et je me souviens de ces si beaux moments passés sur votre blog, SV, avec les nouvelles de James Joyce.
Le film est un chef d'oeuvre. Je ne me lasse pas de le revoir.
Je n’aime pas trop ce Meursault Contre-Enquête, meme s’il fallait l’oser. Mais le Daoud qui parle de Picasso et de pays qu’il connaît très/ou trop bien, si!
En fait, le véritable héritier de Camus, s’il existe, serait plutôt à chercher du côté de Kateb Yacine ou de Boualem Sansal. Mais pas le bon Arabe de Service facon Tahar Ben Jelloun, lequel n’en finit plus de tomber depuis Moha…
Quelle idée de chercher un héritier littéraire à Camus. Cela ne me vient pas à l'esprit. J'ai lu ce "Meursault, contre-enquête". ce roman ne pas marquée.
Par contre, dans son dictionnaire, Mohammed Aïssaoui, réserve un long entretien à Kamel Daoud. Mon passage préféré concerne sa lecture de "La Chute":
"M.A. :Votre livre préféré dans son œuvre ?
K.D. : "La Chute" est pour moi un texte magistral. On entre dans ce récit par sa mélodie d’abord. L'économie amusée de son style faussement oratoire. C'est peut-être paradoxal, mais c'est son roman le plus religieux. Le roman de la condition humaine, avec son sens du sarcasme, son effet de style, son personnage en creux, l'interrogation sur l'autre que l'on sollicite et que l'on tue... C'est un peu Meursault qui parle à sa victime en quelque sorte, mais dans une sorte d'au-delà, dans un bar après la plage ! C'est une magnifique réflexion sur la culpabilité poussée à son extrême, je retrouve cela chez Dostoïevski. Je relis souvent "La Chute" avec plaisir. Le plaisir de retrouver un martyr bavard."
Je partage ce point de vue mais tout l'entretien est intéressant.
Dans les quatre pages que Mohammed Aissaoui réserve au roman de Camus "L'Etranger", j'apprécie ce paragraphe :
""L'Etranger " a une puissance d'évocation inouïe. C'est une réflexion magistrale sur l'absurdité de la vie et la recherche de sens dans un monde totalement indifférent. Pourquoi éprouve-t-on une sympathie certaine pour cet antihéros sans émotion apparente ? Peut-être parce qu'il nous dit que c'est le monde qui nous est indifférent, et non Meursault qui ne demandait qu'à vivre sans embêter personne - ce qui est une définition de la vérité.
sur le plan formel, Camus, avec "L'Etranger", érige la simplicité au rang d'art. C'est fou, lorsqu'on a tellement aimé la plume lyrique, évocatrice, lumineuse de l'écrivain. Il excelle dans la retenue comme dans l'excès."
Autre notice brillante de Mohammed Aissaoui, celle qu'il réserve au recueil de nouvelles "L'Exil et le Royaume" de Camus. Particulièrement pour l'une des six : "La Femme adultère".
Il en choisit une citation : "Là-bas, plus au sud encore, à cet endroit où le ciel et la terre se rejoignaient dans une ligne pure, là-bas, lui semblait-il soudain, quelque chose l'attendait qu'elle avait ignoré jusqu'à ce jour et qui pourtant n'avait cessé de lui manquer."
Un paysage... le coeur d'une femme...
Héritier s’entendait au sens de continuateur vaille que vaille. Je crois que nous avons la même opinion, ce n’est pas si fréquent , sur Meursault Contre-Enquete. Je ne suivrai pas Assaoui dans son éloge outre de l’ Étranger. Plutôt ce que vous citez de Daoud sur la Chute. MC
”La méditerranée à son tragique solaire qui n’est pas celui des brumes” L’exil d’Hélène.
Camus était vraiment façonné par les rivages.
Oui, absolument. Un peu comme Augustin, berbère, mais aussi européen de culture. l'Afrique romaine... Celle que Camus rencontre dans les ruines de Tipasa. Camus, agnostique comme Augustin dans sa jeunesse. Augustin qui rêvait de Rome... Augustin qui aimait les femmes comme Camus les aima et aima les séduire... Augustin qui connut des vérités successives comme Camus. Camus étudiant, un méditerranéen épris de Grèce antique, rédigera un mémoire sur Plotin et Augustin. La tuberculose mettra fin à ses études de philosophie et lui interdira l'enseignement.
Ses "Carnets" sont le laboratoire de son œuvre. J'aime y suivre pas à pas ses transformations, la montée de l'angoisse qui l'étreint, ses doutes, son regard sur le siècle, son obsession de la culpabilité.
Camus, face à la mer se sentait innocent comme Tarrou dans "La Peste".
"Quand j'étais jeune, je vivais avec l'idée de mon innocence. (...) Je n'ai pas le genre tourmenté. Tout le réussissait, j'étais à l'aise avec l'intelligence, au mieux avec les femmes, et si j'avais quelques inquiétudes, elles passaient comme elles étaient venues. Un jour, j'ai commencé à réfléchir."
"La Chute", n'est-elle pas une sorte de catharsis ? Une remise en cause de la "bonne conscience " ?
Clamence, tellement énigmatique, ce juge-pénitent, difficile de le cerner...
Oui, il y a Amsterdam et sa lumières froide et ses canaux, et ce bar douteux où il parle face à un interlocuteur muet. Une confession qui devient accusation.
L'homme est-il innocent, est-il coupable ?
"L'homme n'est pas innocent et il n'est pas coupable comment sortir de là ? Je ne sais pas..." s'exclame Rieux dans "La Peste".
On ne peut pas toujours vivre dans un pays solaire ou l'innocence et la gloire d'aimer effacent les ombres......
eh bien, le voilà ! La couverture de Guillaume Sorel est vraiment belle.
Je vais relire votre billet, Soleil vert car cet échange très riche sur Camus a effacé de ma mémoire le thème de "Mother London" !
tout me réussissait
J'aime beaucoup retraverser les romans existentiels d'Albert Camus, y compris dans le regard des autres, d'hier et d'aujourd'hui. C'est toujours une épreuve mémorielle que j'aime, avant de revenir vers le thème de Mother London avec la très belle couverture de Guillaume Sorel. Merci, soleil vert de nous l'avoir fait découvrir. Un auteur formidable pour une traversée pas facile, mais qui valait le coup !
Oui, c'était un grand bonheur.
Il m'a fallu du temps pour m'imprégner de Londres, bus à étages, parcours interrompus, enfances et ages adultes mêlés, mémoires endeuillées, peur des V2, bruits des bombes puis retour à un Londres plus contemporain où des gens soignés dans le même lieu de croisent, parfois se parlent. Je m'habitue à ce monde hanté de visions, de peurs irraisonnées comme des cochons redevenus sauvages dans le métro.
L'écriture est fluide, agréable, paisible, détachée, aussi la lecture est douce auprès de ces bransuignols oisifs. J'aime beaucoup.
branquignols
Le texte de H.V. Morton, écrit en 1941, mis en exergue, est particulièrement bien choisi : "(...) La population, qui a élaboré diverses techniques pour faire face au danger incessant, trouve désormais normal ce qui est aberrant et était il y a peu impensable. Je pense fréquemment que la capacité de banaliser des choses absurdes et inconcevables est une faculté typiquement anglaise. "
Ce qui est addictif dans la lecture du roman, "Mother London", c'est une certaine musique interne, une façon de raconter les personnages, de les décrire avec précision, de les rassembler dans ce groupe de parole à la clinique où ils se retrouvent.
Tout se déroule avec une aisance telle que les incises aberrantes finissent par s'équilibrer avec tout ce qui est réaliste dans les scènes décrites. (Souvent du mobilier, des objets, des vêtements, un décor intérieur, le temps et bien sûr Londres que ces personnages sillonnent avec une maîtrise parfaite des directions, des changements dans leurs itinéraires).
Des jalousies, des hiérarchies s'insinuent dans les pensées secrètes des uns et des autres et pas mal de dérèglements de leur psychisme. Mais aucun ne se sent malade, seulement plongé dans une vie compliquée soit à cause de la guerre soit pour des problèmes personnels.
Le fait qu'ils entrent et sortent librement de cette clinique, regagnant leur appartement, installe une impression de normalité au milieu de leurs fantasmes. Trouver de la télépathie dans toutes ces névroses n'est pas chose facile.
Qui raconte ? Qui observe? Qui connaît avec précision les vies des uns et des autres ? Si c'est l'auteur, Michael Moorcock, cela crée un vertige. Grand marionnettiste déplaçant ses figurines dans une maquette géante de Londres, changeant selon les besoins d'une scène, l'époque
Comme l'a précisé Soleil vert dans son billet, il n'y a pas vraiment de scénario mais des tableaux vivants glissant devant nos yeux au fil des pages.
J'ai repris le roman au début alors que j'étais arrivée au début de la troisième partie.
Cela me permet maintenant de bien vivre l'entrée dans le roman de David Mummery, de Mary Gasalee et de Joseph Kiss.
Et c'est très confortable car j'ai déjà mémorisé une épaisseur psychologique pour chacun. Je peux donc m'attarder sur ces infimes détails qui rendent ce roman si précieux
Ce Morton la existe bien , mais il émigre en Afrique du Sud en 1940. Il faut attendre les années 1950 pour qu’il rende compte de la guerre, ce qui explique peut-être cette distanciation. Ce n’était pas un Journaliste vulgaire. On le voit couvrant la découverte du …Tombeau de Toutankhamon! De quoi tenter un auteur de SF?
Ah, merci. Je trouve le texte très intéressant.
Il est vrai que ce mélange de cocasserie, d'absurdité et de solide bon sens est très agréable. La grande tradition de l'humour anglais avec cette pointe de détachement...
Je suppose qu’il faut oublier les Elric du même ou l’humour est dramatiquement absent…. MC
Du moins me semble-t-il absent! MC
Maintenant , ces lectures Moorcockiennes et Fantasystes datent de quelques dizaines d’ années… MC
Curieuse, tout de même cette obstination à dire « ce n’est pas de la SF « quand on n’a rien écrit d’autre! MC
J'ai trouvé dans la revue "Histoire" cette allusion à la reine Boudicca.
"(...) Été 60 après Jésus-Christ. A Rome, depuis bientôt six années, règne Néron. Il est dans sa vingt-troisième année. Aux marges du monde romain, grâce à un heureux équilibre d'actions diplomatiques et de démonstrations militaires, la situation est calme. C'est alors qu'éclate la nouvelle : la province de Bretagne s'est soulevée. Avec, à la tête du mouvement, une femme, une reine celte, Boudicca, également appelée Boadicée ou Bonduca. Quasi inconnue des Français, elle fit trembler un temps les troupes romaines. Aussi, pour les Anglais, elle incarne l'esprit de résistance et d'indépendance. (...)"
Je cherche maintenant le lien avec un personnage du roman, puisque, en dehors du chapitre portant le titre : "La reine Boudicca" , un personnage excentrique, (le roman n'en manque pas !) David Mummery, raconte à Mary Gasalee "que les excavations de Queen Victoria Street révélaient l'existence d'un culte (...) rendu à une déesse de la guerre celte" et que là se tiendrait "l'emplacement de la tombe de Bouddica." Et bla bla et bla bla bla ...
Mary Gasalee, assise sur un banc, était en train de nourrir un corbeau, son préféré, Grif. Elle s'en faisait un devoir "car il était dit que l'Angleterre s'effondrerait si les corbeaux quittaient la Tour de Londres."
Elle embrassa le bavard David Mummery pour "dévier le cours de la conversation, (...) se leva du banc. Elle était lasse. Elle avait apprécié cette nuit passée avec Mummery ".
Donc, elle se décida à rentrer chez elle pour prendre un bain et retrouver son canari...
C'est là qu'elle rencontra Kieron Meakin (un autre excentrique) qui l'invita à boire un verre d'amitié en souvenir du bon vieux temps dans un pub de Londres, le "Thomas à Beckett)
( Un autre pub portait le nom de "Boudicca" dans le chapitre précédent...)
Elle rentra enfin, un peu grise, chez elle et se dit :
"Oh, Mary Gasalee, tu n'es pas Jeanne d'Arc !"
Et le chapitre de termine par "le chant du canari qui salua son retour."
Ainsi se déroule ce roman invraisemblable et délicieux mêlant avec sérieux dans un pur humour britannique la loufoquerie à l'Histoire, l'absurde au sérieux. Et tout cela dans une ville, Londres qui semble la seule scène possible pour ce théâtre fou, fou, fou !
Digne du roman savoureux de Rose que je lis, jour après jour, sur la RdL.
Non, pas vraiment de la science-fiction,Mother London c'est ancré dans le réel.
Une émission que j'aime bien : Le Book Club (France Culture).
Aujourd’hui, l’invité etait l’écrivain Olivier Rolin pour son dernier roman, "Jusqu’à ce que mort s’ensuive".
Il a longuement évoqué
son travail d'écriture nourri d'archives dans lesquelles il s'est plongé. C'est dans "Les Misérables" de Victor Hugo qu'il a puisé son sujet.
Pendant l’insurrection de juin 1848 à Paris, deux hommes se dressent sur les barricades, Cournet et Barthélémy.
Victor Hugo se concentrait sur la mort de Gavroche et indiquait au début de la cinquième partie le duel mortel qui opposa les deux hommes quelques années plus tard, à Londres.
C’est là que commence le roman d’Olivier Rolin, "Jusqu’à ce que mort s’ensuive", reconstituant, de Paris à Londres, l’histoire de ces deux hommes, de ce duel à mort.
Là commence, dans l'émission, entre Marie Richeux et Olivier Rolin un dialogue passionnant sur les raisons qui ont poussé Olivier Rolin à écrire cette... suite historique :
" - Ma première émotion est une émotion d’enquêteur. Au départ, c’est la pure et simple curiosité qui m’a poussé à écrire ce livre. Est-ce que ça s’est passé comme Victor Hugo le dit ? (...)"
Ecoutant ce dialogue entre Marie Richeux et Olivier Rolin, comme j'aurais aimé qu'un tel dialogue nous ouvre à l'œuvre mystérieuse de Michael Moorcock dont le roman "Mother London" devient de plus en plus difficile à suivre.
Il est évident qu'il aime Londres et se plaît à l'évoquer au fil des vies de ses personnages. Il est évident que ce n'est pas un roman de science-fiction. Il est évident que l'écriture est splendide et que c'est un grand plaisir de lecture que de plonger dans son roman.
Mais... ces sautes permanentes dans le temps ou d'un personnage à l'autre me donnent l'impression d'un puzzle à reconstituer.
Ces vies ont-elles un sens ? A priori, non. Elles sont comme les nôtres ballottées par bien des évènements, des rencontres, des hasards. Pas de romanesque juste un réel cahotique qui heureusement baigne dans une cocasserie qui semble un voile de pudeur posé sur les drames des uns et des autres. On va d'un pub à l'autre - qui portent tous des noms nés de la littérature - et on les écoute ou bien on les suit dans leurs ballades à pied ou en bus.
Bien sûr il y a ce groupe de parole pour êtres fragiles mais l'excentricité des personnages est-elle une maladie ? La télépathie n'est pas très apparente dans le roman si ce n'est dans ces encarts en italique brefs et bizarres que je saute souvent.
Je commence à m'ennuyer... Aïe ! La poisse ! Ça ne va recommencer comme avec le livre choisi par JJJ, "Le Royaume enchanté" de Russel Banks. ( J'ai d'ailleurs écouté Le masque et la Plume, dimanche, sur France Inter . Justement ce roman faisait partie du lot et les jugements des participants étaient très partagés.)
Bon dans cette bataille nous aurons donné un bonheur possible à Paul Edel s'il lit ce blog. Il vient d'écrire un billet savoureux sur les guerres dans les espaces commentaires des blogs.
Mais Soleil vert ne se met jamais en colère. Il se contente de quelques manifestations de surprise quand parfois j'envoie au diable un roman qui m'agace. Ouf !
> Ch : Je commence à m'ennuyer… Aïe ! La poisse !
Faute d'intrigue principale, c'est le risque …
Ouf ! Un peu de compréhension comme ça fait du bien !!!
Moorcock est-il si vieux qu’il ait perdu l’art de nouer et denouer une intrigue????
MC
Je ne pense pas, ouvrage de 2002, écrit à 63 ans.
Il arrive qu'un écrivain qui enchaine les livres les uns après les autres, soit tenté d'expérimenter autre chose ...
Difficile de saisir les motivations de Moorcock dans ce dernier écrit. Pour sûr, il n'y a d'intrigue que celles amorcées par le hasard des rencontres mais qui n'aboutissent pas dans les deux premières parties du roman. La mémoire du Blitz semble avoir arrêté le temps avec son lit d'amnesies dûes à l'horreur des bombardements et des morts brutales. Ce qui est le cas de Mary Gasalee à qui les autres racontent sa maison écrasée par une bombe, son mari et son enfant, morts.
Dans ce temps qui semble suivre l'émergence de tranches de vie à des époques différentes, alternant passé et présent , il me semble entrer dans les phases d'un rêve éveillé sans cohérence mais très précis quant à la vision de Londres et l'apparence et aux pensées des personnages.
C'est peut-être ce don de télépathie permettant aux personnages qui en sont pourvus de voyager dans leur vie et dans celle des autres.
Londres bombardée se reconstruit avec une architecture fonctionnelle et minimaliste sans trace la ville élégante et ouvragée qu'elle était avant la guerre mais les êtres humains eux gardent toute leur vie en eux.
Que veut Moorcock ? Pourquoi ce dernier livre tant apprécié par ses lecteurs ?
Je finis par lire ce livre inclassable comme je traverserais une exposition aimée, allant d'une œuvre à l'autre, y reconnaissant la touche de l'artiste, sa recherche, son évolution. C'est loin d'être désagréable car le livre est si bien écrit, si riche en scènes et paysages croqués à la pointe du crayon.
Peu à peu, émane de tout cela une vie intense et désordonnée un peu comme ce que Rose (RdL) nous offre pêle-mêle au rythme de ses jours et de ses nuits. On finit par accepter ce désordre apparent car un homme a pris la peine et le temps de confier aux lecteurs futurs ce à quoi il tient.
Et cet homme est sympathique.
En dédicace, je m'excusais de parler très mal anglais alors que paradoxalement ma bibliothèque est remplie d'ouvrages anglo-saxons. En riant il m'a répondu que pour lui c'était pareil; il parlait peu le français et possédait beaucoup d'ouvrages d'auteurs hexagonaux
Oui, Soleil vert, c'est tout à fait cela. Pourquoi refuserait-on à un romancier ce qu'on accepte et loue chez un artiste ? Je trouve cela très courageux, très "jeune", imprévisible.
Le langage est une pâte tellement surprenante.
Curieusement ce livre de Moorcock me semble proche des notes philosophiques de Wittgenstein datant des deux dernières années de sa vie ( 1949-1951). Notes où il médite sur les états d'âme et le comportement corporel.
Ces notes étaient contenues dans des petits carnets et dans des feuilles séparées.
J'imagine qu'il est possible que le livre de Moorcock ait eu la même genèse.
Ainsi :
"La pensée de l'homme se déroule dans l'intériorité d'une conscience, où elle est recluse, et par opposition à laquelle toute réclusion physique est encore une ouverture. (...)
Il en va ainsi et ainsi. D'une part cela sonne comme une phrase, d'autre part cela progresse comme une phrase. C'est un mouvement qui désigne quelque chose, qui instaure un sens, lequel a une consistance indépendamment de la vérité ou de la fausseté. La flèche, non le point. (...)
On pourrait vouloir dire par là que dans aucune de nos écoles un fou n'enseigne l'arithmétique. Mais il est possible"
(La phrase est incomplète, restée comme telle.)
Magnifique osmose !
Cette conversation entre Mary et Mr Kiss, tous deux encore dans la clinique , illustre la contrainte de l'enfermement pour soupçon de folie :
"Sans doute pensez-vous que c'est pour moi un moyen de m'évader.
- D'où, ma chère ?
- D'ici.
- Qu'avons-nous à affronter dans cet établissement ? Mrs Coggs est moins hautaine que Mes Craik.
- Vous connaissez cette infirmière ?
- Elle régentait la section des hommes, avant son transfert.
- Elle est gentille. Les médecins nous traitent avec jovialité et méfiance, ce qui est plus démoralisant que ses façons de responsable de la classe.
- Nous avilir est le but de ce séjour en ce lieu. Sans doute faut-il appartenir au corps médical pour pouvoir comprendre la raison. Une question de rapport de forces. (...) Malheureusement, ce sont eux qui décident "
Si le cahier est en allemand, « aber es ist moglich » est une fin possible, si j’ose dire, sans illogisme… même si « es ist moglich », en interrogative, se comprendrait mieux…
84 ans au compteur aujourd’hui, Soleil Vert!
MC
Sur la page de gauche, l'original en allemand :
"Damit könnte man sagen wollen, das Is keinen unsrer Schulen ein Narr Arithmetik unterrichter. Es kann aber"
Qu'en pensez-vous ?
Et voilà Mr Kiss revient sur les raisons l'ayant conduit à fréquenter ces établissements :
"J'ai exploité mes dons jusqu'au jour où ils se sont révélés dangereux pour ma santé mentale. Je me suis produit en public dans la plupart des salles de spectacle et des foires, des cirques et des soirées privées. J'ai même été maître de cérémonies et orateur de fin de banquet. J'ai pratiqué toutes les formes de mon art, voyez-vous ? Mon épouse trouvait à redire à mes tournées et me reprochait de ne pas avoir de succès. Elle aurait voulu que je reprenne mon numéro de télépathe. Il était vraiment exceptionnel mais je lui devais d'avoir rejoint le rang des cinglés, Mary. Je divaguais. Je bavais. Mes crises n'ont jamais été aussi sérieuses, depuis. Cependant, lorsqu'on nous catalogue c'est pour toujours, et je vais régulièrement m'isoler du monde dans un asile. J'ai même la possibilité de choisir lequel ! Je suis un habitué. J'ai commencé à fréquenter ces établissements en 1940. Au début de la guerre. Nous avons cela en commun."
Soleil vert a bien noté cela dans son billet.
Cette troisième partie est beaucoup plus claire que la deuxième.
Mary se rend compte que certains hommes ne la laissent pas indifférente. Son énergie sexuelle semble décuplée. Elle y réfléchit dans un monologue intérieur très fin :
"Spoliée de quatorze années d'existence, elle ressentait un besoin de plus en plus intense de rattraper le temps perdu, ce qui l'incitait à céder à toutes ses pulsions et à prendre des risques émotionnels, alors sur son bon sens l'informait qu'un tel raisonnement était sans fondement et qu'avoir été plongée dans le coma lors du raid aérien était de la malchance, que s'être réveillée était de la chance tout court."
Beaucoup d'élucidations dans cette troisième partie.
Je reprends pied !
Je viens de lire un passage très intéressant sur les jeux des enfants dans les ruines de Londres, une fois que les bombardements cessèrent.
"Je dois admettre que j'aime les ruines. La plupart des enfants étaient fascinés par les sites bombardés qui leur offraient liberté et aventure. Surtout les maisons qui n'avaient pas subi de dégâts trop importants. Nous avions appris à nous déplacer d'une poutre à l'autre, d'une solive à la suivante, en évitant les planches et les plafonds de plâtre qui céderaient sous notre poids ; nous savions tester la résistance d'une cloison et en quel point il fallait exercer une pression pour la faire basculer (...). Ce fut une période merveilleuse. (...)
Nous nous dépensions en toute liberté dans ces ruines, sous un ciel estival, et je suis convaincu que ces activités nous procuraient un plaisir plus grand que les jeux vidéo et d'autres jouets compliqués n'en apportent aux enfants de l'époque actuelle."
Bon anniversaire, MC, je ne vous pensais aussi âgé ! Félicitations,
Faut-il vous dire vraiment qu’il s’agit de Moorcock?!
Cette troisième partie est riche en analyse de la politique des années de guerre, de la montée de l'antisémitisme. La guerre semble transformer les hommes profondément.
"Ce lieu vomit sa poussière, ses cendres et sa fumée noire dont on respire encore la pestilence là où jouent des enfants maculés par les décombres d'un millier de raids aériens.
South London a recommencé à vivre quand la défaite de la Luftwaffe a été annoncée, juste avant l'arrivée des bombes volantes qui ont manqué l'achever et ont plongé ses habitants dans la démence. Ils avaient au-dessus de leur tête trop d'épées de Damoclès qui s'abattaient sans avertissement, sans logique, sans raison. Parce que les nazis aux abois tuaient aveuglement, par esprit de vengeance, parce que c'était devenu pour eux une habitude, leur seule satisfaction. Ils tuaient comme ils avaient toujours tué. (...)
Quitter Londres le désolait. Il regarda de l'autre côté de la rue une maison éventrée et se demanda combien ce V-2 avait fait de victimes. Les bombes volantes ne laissaient aucune chance de gagner un abri. Les V-1 avaient été destructeurs, mais au moins les entendait-on avant qu'ils n'entament leur descente. Les V-2 étaient totalement silencieux ; on pouvait être assis dans le salon à écouter la TSF et ne remarquer qu'un léger gémissement lorsqu'il s'abattait de nulle part. Combien de temps les Londoniens dont le moral était si bas à la fin, auraient-ils pu endurer d'autres attaques ?"
C'est là que l'excellent documentaire de Pierre Assouline diffusé hier soir sur. LCP prend tout son sens. Le rôle de Winston Churchill et de Charles de Gaulle, qui n'ont pas eu une relation facile...., est admirable.
Étonnantes ces recherches de Pierre Assouline sur ces "Mémoires de guerre" respectifs.
On le voit d'ailleurs dans le film scruter les tapuscrits de Churchill et les manuscrits - à l'écriture pattes de mouche - de de Gaulle, (tellement raturés et surchargés de corrections qu'il les compare à une toile d'Aleginski !).
Leur courage à toute épreuve a été le levain de la Résistance.
Le débat qui a suivi était gouteux surtout avec les imitations désopilantes d'un des invités.
Le lien est sur la RdL de ce jour.
Donc ce roman de Moorcock , "Mother London", très grave en cette troisième partie nous offre une vision du Blitz tout à fait étonnante.
Voilà le lien donné par LCP :
De Gaulle versus Churchill : mémoires de guerre, guerres des mémoires https://lcp.fr/programmes/de-gaulle-versus-churchill-memoires-de-guerre-guerres-des-memoires-248037
Pendant le débat qui a suivi la projection du film, c'est François de Kersaudy qui fut l'incroyable imitateur de Churchill et de Gaulle. Quel talent !
Pierre Assouline et les autres invités ne peuvent s'empêcher de rire en l'écoutant et le regardant.
Pierre Alechinsky
Alechinski
https://www.wikiart.org/fr/pierre-alechinsky
Pas de Kersaudy simplement Kersaudy! A noter qu’on parle peu des negres de Churchill !
Il faudrait parler d’ appropriation du Blitz, et pas seulement par Moorcock. On le trouve chez Priest, on le trouve ailleurs. Comme si l’exorcisme du thème passait ou par l’uchronie, ou par la SF. Et nous n’ en sommes qu’ au début. MC
Mais l'homme... L'homme... Il fallait être, dire, se battre avec des pensées, des mots, des actes.
Après , les mémoires... L'écriture...
Ce devait être tellement difficile pour l'un et l'autre de traverser ce temps de guerre, d'occupation, de terreur... Et pas seulement pour eux. Ma mère m'a un peu raconté l'exode sur les routes, les avions qui piquaient et tiraient, le manque de facilité pour se laver, manger, dormir...
Et il y a eu pire : les déportations, les emprisonnements, les tortures, les fusillades...
J'aime que ce livre de Moorcock m'offre à découvrir ce que quelques personnages ont vécu en ces temps terribles avec
ce glissement étrange
vers l'incertitude pour certains d'être ou ne pas être en lien avec d'autres vies, d'autres pensées que les leurs...
Question intéressante. Comment raconter ces temps inhumains vécus par des êtres humains...
Mais nous ne sommes pas là dans un roman historique sur le Bliz mais dans une forme d'écriture nouvelle pour Moorcock où des personnages vivent l'époque du Blitz mais bien d'autres temps de leur histoire et de celle de Londres.
Une approche aussi de l'enfermement psychiatrique avec une analyse percutante du rapport des soignants aux malades.
Une autre approche celle du désir sexuel quand il est tu et de quoi il est fait, ce qui le motive.
Et tant d'autres entrées comme l'enfance, la vieillesse, les rapports hommes femmes...
Et là c'est Moorcock qu'il faut lire car nul autre n'a écrit cet étrange livre
Je ne suis pas certaine qu'un livre historique ou une uchronie évoquant le Blitz m'attirerait actuellement. Je suis dans une fiction et cette fiction est comme une énigme à resoudre. Cela me convient.
Ah je suis ravie d'avoir choisi cette édition de "Mother London" chez Denoël/ Lunes d'encres pour regarder de plus près l'illustration proposée par Guillaume Sorel. Déjà, la regardant sur le blog de Soleil vert, elle m'évoquait les toiles rougeoyantes représentant le grand incendie de Londres en 1666.
Or, la quatrième partie commence, avec en exergue, page 313, un texte de James Pope-Hennessy extrait de "History Under Fire", 1941. Dans cet extrait l'auteur évoque ce grand incendie et la Grande Peste de 1665.
Une église consumée par les flammes, St Stephen, dans Coleman Street, et l'immense brasier qui détruisit la ville, bien plus horrible selon lui que les bombardements de 1940. Quant à la Grande Peste il considère que c'est toujours une menace à cause des Allemands.
Or, nous avons commencé les commentaires par une évocation des romans de Camus dont "La Peste" qui est une métaphore de l'occupation allemande.
C'est assez extraordinaire tous ces fils qui se nouent.
Donc je retrouve Joseph Kiss qui se dirige vers une bombe qui n'avait pas explosé. Les autorités ayant rejeté sa candidature de volontaire de la défense du territoire ou pompier volontaire," il s'était autoproclamé secouriste et se tenait constamment prêt à rendre service. Une mise à l'épreuve qu'il devait au hasard."
Sauf qu'il n'y connaît rien !
Mais Priest non plus n’écrit pas que sur le Blitz: il en réutilise des aspects. Et je ne crois pas que ça ait grand chose à voir avec une expérience vécue. Plutôt une annexion d’une partie du passé récent de l’ Angleterre…
Comme d'habitude vous n'intervenez que pour proposer un autre livre que celui proposé par Soleil vert sans faire l'effort de lire celui qui est présenté. Je n'ai pas envie de parler de Priest.
La Peste métaphore de l’Occupation Allemande? Il y a aussi Defoe et son vrai faux journal de la Peste de Londres, moins connu, mais peut-être plus présent…. MC
Alors désolé pour Defoe , mais je ne suis pas bon à l’exercice d’ admiration des lectures imposées. J’essayais seulement d’élargir le sujet.
Wittgenstein: « mais cela peut-être « . Boadicee : elle fait partie aussi de Londres par sa statue sur le pont de Westminster, pas seulement le pub! MC
Scène mémorable. On dirait Rowan Atkinson rejouant Mr. Bean le temps de désamorcer une bombe. Haletant et d'un comique irrésistible.
Ils sont quand même bien atteints, la Mary et lui. ..
Un peu lasse de lire les élucubrations de ces deux là... Ce sont des pages hémorragiques où des flots de paroles puériles deviennent alarmantes quand elles émanent d'adultes.
C'est assez insupportable et ça me rappelle un mauvais souvenir, une visite à une dame qui avait basculé dans la folie brutalement. Dans cette clinique, dans sa chambre elle parlait de ses poupées avec une voix de petite fille. C'était tellement dur de l'écouter car elle avait été une lectrice cultivée, une enseignante estimée et là il ne restait plus qu'une ombre de la grande dame qu'elle avait été. Parfois, une colère invraisemblable la saisissait et elle hurlait des insanités. Son mari pleurait silencieusement. Je ne me suis pas attardée.
Je vais donc accélérer ma lecture pour sortir de cette nasse.
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Soleil vert, je regarde "Premier contact" de Denis Villeneuve.
C'est une histoire de langage, de communication par des signes. C'est reposant car c'est une aube, une première fois.
Elle aborde par les mathématiques le langage des hectapodes.
Des encres comme une goutte de sépia dans l'eau.
Pierre Assouline pensait à Alechinsky en observant les manuscrits de de Gaulle. Ici tout passe par le cercle qui se dissout, se recompose comme un peintre chinois qui du bout de son pinceau souple, imbibé d'encre, laisserait tomber une goutte d'encre sur une feuille de papier blanc humide. C'est comme un jeu de mahjong.
Ce qui est en trop ce sont toutes ces armées, ces militaires qui ne veulent savoir qu'une chose : sont-ils menaçants, belliqueux.
Être sur la défensive pour aller à la rencontre de l'autre peut tout faire échouer.
Pour quelles raisons des êtres venus de si loin attendraient, silencieux, un temps pour faire la guerre ?
L'oiseau chante dans sa cage ce qui permet à la jeune scientifique d'oser se débarrasser de sa combinaison étanche.
Elle dit : - il faut qu'ils me voient.
Puis elle pose une main confiante sur l'écran..
Je regarde ces signes qui ne sont ni plus ni moins compréhensibles que l'écriture de Moorcock.
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Je regarderai La Grande Librairie demain. Eux aussi ont besoin d'être compris.
heptapodes
C'est un temps non linéaire comme dans le roman.
Vu le film en entier. La deuxième partie est un peu lourde, inutilement construite sur la peur d'une guerre totale . Mais je retiens la très belle idée de cette tentative de communication entre les heptapodes et Louise à partir de glyphes et cet écran entre les personnages. Je retiens aussi cette longue impossibilité de se comprendre pour humains et non-humains même quand un déchiffrement sommaire permet d'isoler le mot "arme" qui ne signifie pas la même chose dans les deux langages. La possibilité de connaître l'avenir semble être la spécificité de ces extraterrestres.
Serait-ce un bien ? Il me semble que connaître son avenir provoquerait une angoisse paralysante....
Mais 'idee est originale et ces objets volants très beaux avec, à la fin, cette dissolution fulgurante assez originale aussi.
Voilà j'ai terminé le sixième et dernier chapitre du roman de Moorcock "Mother London".
Pas désagréable du tout. Assez mélancolique dans son final où nous retrouvons les personnages dans les années 80. Un peu vieillis, pleins de leurs souvenirs du Blitz. Assez critiques vis à vis des autorités de Londres pendant cette période difficile. Certains sont absents, morts , d'autres survivent dans le feutre de leurs souvenirs avec beaucoup de tendresse et de douceur
On ne peut pas dire que ce roman ne raconte rien. Il suit la vie ordinaire de trois personnes dans un temps pas ordinaire, même terrifiant.
La ville a changé, plus ou moins habitée de nouvelles générations de londoniens plutôt touristes.
C'est une belle histoire, émouvante, faite d'un réel possible.
Néanmoins c'est le gros bazar dans les dates. On devient élastique à suivre ces vies.
Quant à la démence affichée du chapitre 4. Elle n'est pas effrayante, juste un peu, beaucoup même en dehors du réel.
La télépathie n'est pas le souvenir que je garderai de livre, plutôt les efforts que font ces trois personnes pour s'équilibrer à grand renfort de médicaments et dans une grande méfiance des soignants
Un joli livre, oui.
"Soleil vert, je regarde "Premier contact" de Denis Villeneuve."
La vie considéré comme un film que l'on peut rembobiner, revisionner à sa guise.
Peut-être... dmont on est exclu, donc. Être spectateur de sa propre vie ? Alors, il n'y a plus de surprises... Je n'aime pas du tout cette idée !
dont
C'est vrai qu'on la voit comme prisonnière de ces retours rapides sur des moments de bonheur de sa vie avec sa fille mais jamais la mort de l'enfant, jamais l'éloignement du père. Une sorte d'enfermement à perpétuité dans ce qui a été. Bizarre.
Comme est bizarre cette sorte de conférence où elle commente la projection des glyphes de ce peuple extraterrestre alors qu'une somité chinoise vient la remercier, éclairant par là cette séquence mystérieuse où elle vole un téléphone, s'enferme dans une pièce et tente de joindre ???.
C'est un film intéressant mais trop plein d'idées qui se bousculent et de manques.
Le début du film, cette tristesse où elle est plongée serait donc en lien avec cette fin ?
Ce film c'est comme une boucle, la fin se rattachant au début. Un temps circulaire comme le rond des glyphes.
Mais qu'apportent ces aliens aux hommes ? Pourquoi sont-ils venus ? Mystère et boule de gomme...
Elle dit « il faut qu’ils me voient « . Ceci rappelle quelque peu, tel que c’est rapporté, la fin de la nouvelle Champ Mental, de Frank Herbert, in le Livre d’or de la SF, Presses de la Cité, voué aux œuvres brèves de cet auteur.. Bon , il y a double vision, celle de l’héroïne qui élucide un problème qui la transfigure, et celle du « public », qui note nos faibles mais réels progrès …, MC
N'ayant pas lu la nouvelle " Champ mental" de Franck Herbert, cela ne me m'éclaire pas.
Il me semble qu'elle veut être reconnue pour ce qu'elle est, hors de ce scaphandre qui rend tous ces chercheurs identiques et peu humains. L'idée de l'oiseau est très belle et prépare le spectateur à ce qui va suivre.
Donc vous voyez une double vision, celle de la linguiste qui cherche un langage pour communiquer par ces glyphes. C'est la partie du film qui m'a passionnée.
Mais la deuxième, je ne comprends pas bien. Spectateur ? Elle face à eux ? Nous face à l'écran où ils apparaissent ? Eux face aux chercheurs ?
Mais le sens du film m'échappe puisqu'ils lui offrent un casse-tête : revivre à l'infini les moments du court bonheur partagé avec sa fille.
Il semble qu'un conflit mondial est évité.
Le livre à l'origine du film présentait une autre fin : un projet de vaisseau, sorte d'arche de Noé permettant à l'humanité de migrer vers une autre planète. Mais cette fin a été abandonnée par Villeneuve car un autre film de science-fiction venait de sortir. J'ai oublié lequel et les fins se seraient trop superposées.
Donc il y a ce mélo à la fin : l'annonce de la mort de l'enfant et l'abandon de son compagnon mais elle a eu le choix de ne pas aller vers cet enfantement mais elle ne voulait pas passer à côté de cette merveille : sa fille. Puis, plus rien. Tout se dissout. Ils n'auront vécu que le temps d'une projection.
C'est le sort des fictions écrites ou filmées. Elles nous hantent parfois, le livre fermé ou le film terminé, on reprend le fil de nos vies avec leur incertitude, nos deuils, les bonheurs, les soucis, sans savoir ce que sera demain. Et c'est bien ainsi.
Mais quand même, j'écoutais Claro sur France culture cet après-midi qui essayait dans le Book club d'approcher le mystère de l'écriture, pas seulement la sienne, du langage qui ne sert pas toujours à se comprendre. C'était bien de l'écouter. Il est simple et cherche.
Soleil vert écrit : "La vie considéré comme un film que l'on peut rembobiner, revisionner à sa guise."
Oui, il y a cela, aussi. Elle, spectatrice de sa vie passée... avec un trou : le présent et un autre : le futur.
Nous aussi. Nous aimons nous souvenir. Revivre le passé voire, le modifier par l'imagination.
Qu'est-ce que le passé ? Jusqu'où notre mémoire est-elle fiable ?
Un petit résumé ne serait peut-être pas inutile. Soit une invasion alienesque mettant en demeure la Terre de comprendre pourquoi ses conducteurs, d’une autre race, occupent une place privilégiée parmi eux. Ou l’on trouve et l’on peut coopérer, ou l’on ne trouve pas, et la Terre est aneantie, un temps de réflexion, mais pas éternel. D’où une colonie scientifico-militaire, les seconds tentants d’influencer les premiers,. Au milieu de ces pages un brin guerre froide, se débat Francine Millar, la scientifique. Il se trouve que l’intrusion du discours militaire tourne au tragique, qu’un scientifique meurt, et que tout disparaîtrait n’était que cette épreuve sert d’ ordalie à Francine Millar. Les cachotteries et autres mensonges militaires lui font apparaître brusquement en un clin d’œil ce qui rend les conducteurs extra-terrestres irremplaçables, et elle le dit au moment où l’attaque militaire se déclenche, l’arrêtant du coup: « ils ne savent pas mentir! « Ce qui suit une double transmutation : alienesque: ah , cette fois vous avez appris quelque chose, et Millaresque, dans le « poème en prose « qu’elle récite et qui clôt la nouvelle. On a l’impression qu’elle est aspirée à la hauteur des archétypes jungiens et à celle de ces conducteurs qui ne. » savent pas mentir « . C’est en tous cas une possibilité pour cette très riche dernière page. On me dira que l’approbation de la civilisation étrangère compte moins que la transformation de Millar, mais c’est oublier que dans la première et la crise qu’elle génère, la seconde n’existerait tout simplement pas. Oui, sacré Herbert qui publia Dune faute d’éditeur dans une maison spécialisée dans l’outillage!
« Une place privilégiée » Non une place à part. MC
Gasp! Tentant !
Dois-je ajouter que tout dépend du traitement, et que, pour la satire du complexe militaire, on n’est pas loin du chef d’œuvre? MC
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