dimanche 30 octobre 2022

Les migrants du temps

 

Liu Cixin - Les migrants du temps - Actes Sud

 

 

 


La collection Exofictions de l’éditeur Actes Sud poursuit la publication de l’intégrale des nouvelles de Liu Cixin avec un deuxième volume Les migrants du temps. Disons-le très vite, il confirme les bonnes impressions ressenties lors de la lecture du précèdent recueil ainsi que les menus désagréments éditoriaux soulignés alors, principalement l’absence de datation des textes évacuant de fait toute contextualisation.

 

Le Clarke chinois y déploie force imagination, surfant sur ses thèmes favoris, l’écologie, la géopolitique. L’Humanité n’est pas seulement confrontée à des prédateurs impitoyables ; elle doit affronter le prix de son inconséquence, même si, l’ingéniosité aidant, des retournements de situation éclaircissent parfois l’horizon. L’auteur s’écarte habituellement des sentiers idéologiques mais un de ses textes aborde deux sujets brulants de politique intérieure chinoise, la corruption et la transparence (« Le miroir »).  L’humour fait son apparition (« Pour l’amour de Taiyuan »). Comme précédemment les meilleurs récits concilient science et poésie.

 

Saluons tout d’abord les remarquables « Le canon de la Terre », « Les penseurs », « La montagne » et « Pour l’amour de Taiyuan ». La première nouvelle, inspirée De 

Désolé M Cixin, il n'y a qu'un Dévoreur de mondes

La Terre à la Lune, et que l’on pourrait rapprocher d’Ignis du Comte Didier de Chousy, raconte un désastre industriel consécutif à la construction d’un gigantesque tunnel souterrain et son dénouement inattendu. Cette catastrophe sert de cadre à l’un des plus beaux textes du premier volume « Avec ses yeux ». « Les penseurs » interroge le silence éternel de l’Univers. Une astronome et un médecin se retrouvent épisodiquement pour admirer des scintillations d’étoiles. Sont-elles les connexions neuronales d’un improbable cerveau cosmique ? Une fiction de toute beauté. A un degré moindre, mais aussi poétique « Les bulles de Yuanyuan » transpose un jeu d’enfant - des bulles de savon - en une entreprise de modification climatique. Retrouvons les sommets avec « La montagne » pas loin à mon avis de « Expiration » de Ted Chiang : une forme de vie électromagnétique née au sein du noyau d’une planète tente de comprendre l’univers. L’histoire est racontée par un humain entré en contact avec cette civilisation. On retrouve deux points forts de l’art de Liu Cixin, la jonction d’un destin individuel et d’un évènement cosmique, la volonté de jeter un pont entre les consciences. « Pour l’amour de Taiyuan » clôt cette quadrilogie. Une as de la programmation, éconduite par un étudiant, concocte un virus. Un pop-up s’ouvre sur l’écran de la victime avec un message d’injure. Peu virulent au départ, le ver voit sa nocivité s’accroitre par l’entremise de hackers qui s’ingénient à le mettre à jour au fil de l’évolution des systèmes d’exploitation. Pire, la généralisation des objets connectés transforme, sous l’action du virus, les instruments du quotidien en armes mortelles. C’est le début d’une apocalypse à laquelle tentent de survivre l’auteur et un ami, l'écrivain Pan Haitian, clochardisés en raison de l’insuccès de leurs ouvrages ! Un petit chef-d’œuvre à la Fredric Brown.

 

Sans détailler les douze textes restants, on lira avec plaisir la lutte de l’Humanité contre une espèce prédatrice qui entend la réduire à un bétail alimentaire (« Les hommes et le dévoreur » et sa suite « Le nuage de poèmes »), assister au débarquement de Dieu – ou plutôt des Dieux fondateurs - sur une Terre transformée en EHPAD géant (« prendre soin des Dieux »). En échange de l’hébergement les divinités promettent l’accès à des technologies illimités. « Mais alors nous allons enfin mettre en pratique le véritable le communisme ! » s’exclame un villageois … Dans « Nuit de lune », le très lointain descendant d’un haut responsable du Département de l’Energie le contacte depuis un Shangaï envahi par les eaux ; il l’invite à prendre des mesures correctrices. Las, chaque initiative se traduit dans les temps futurs par une nouvelle catastrophe écologique …

 

Science-fiction old school ? Sans doute, mais quel plaisir de lecture !

 

 

SOMMAIRE

 

1 - Les Hommes et le Dévoreur
2 - Le Nuage de poèmes
3 - La Gloire et le rêve
4 - Le Canon de la Terre
5 - Les Penseurs
6 - Les Bulles de Yuanyuan
7 - Le Miroir
8 - Prendre soin des Dieux
9 - L'Hymne à la joie
10 - Prendre soin des hommes
11 - La Montagne
12 - Nuit de lune
13 - 1er avril 2018
14 - Dialogue avec un fœtus
15 - Pour l'amour de Taiyuan
16 - Les Migrants du temps
17 - Le Cercle

53 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous pensez réellement qu’il a lu Didier de Chouzy, ou s’agit-il d’une rencontre fortuite ? Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Non, c'est une coïncidence BAV SV

Biancarelli a dit…

Yuanywan:j’ai commencé par cette nouvelle très originale et les bulles de savon..
Je pense un peu à Yogo Ogawa et sa poésie.
Très beau.

Soleil vert a dit…

Anonyme Biancarelli a dit...
Yuanywan:j’ai commencé par cette nouvelle très originale et les bulles de savon..
Je pense un peu à Yogo Ogawa et sa poésie.
Très beau.


C'est vrai !

MC a dit…

De Céline, les "Ballets sans Musique, sans Fanfare, sans Rien" mettent de cote toute problématique antisémite. On se croirait chez un doux écologiste...

Le Maki a dit…

J'avais beaucoup aimé le premier opus, j'ai celui-ci dans les mains, il ne me reste plus qu'à me lancer...
Liu Cixin est vraiment un auteur intéressant et j'ai l'impression que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Soleil vert a dit…

Le Maki a dit...
J'avais beaucoup aimé le premier opus, j'ai celui-ci dans les mains, il ne me reste plus qu'à me lancer...
Liu Cixin est vraiment un auteur intéressant et j'ai l'impression que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.


Ravi de te lire. Tu verras les épilogues ne sont jamais téléphonés.

Anonyme a dit…

Même pensée après sa trilogie. Pas lu les Boules de Foudre et le premier recueil cependant. Je remonte le temps avec la Juliette Drouet de Florence Naugrette. Enfin une biographie qui dit ce qu’on sait comme ce qu’on ne sait pas. Et je n’en suis qu’à la page 40 approximativement. Pas non plus de tentation de canoniser le personnage. Christiane , vous n’avez pas à vous en faire quant à la « brouille »!en question. Cordialement. MC

Christiane a dit…

Merci.
Trop de mots... Hors sujet.
Et une brouille qui m'a pesé.
Les autres passants, ici, laissent quelques mots puis font silence.
C'est mieux ainsi...
Bonne soirée.

Anonyme a dit…

Relax Christiane, je vais voir avec la librairie Le Divan si je peux leur laisser mes poèmes en attendant que vous veniez les prendre.SV

Christiane a dit…

Ah , c'était vous anonyme ! On s'y perd un peu dans l'espace commentaire avec tous ces messages anonymes non signés. J'ignorais qui proposait de m'envoyer vos poèmes...
Pourquoi ne me l'envoyez vous pas par voie postale ? Ce serait plus simple. Vous avez mon adresse email. Je vous répondrai. Merci par avance.
Pour les commentaires sur les livres que vous présentez, je vais essayer de faire plus court.
Sur ce recueil de nouvelles de Liu Cixin, très bonne impression après la lecture de deux nouvelles. Originales et poétiques.

Anonyme a dit…

Je n'ai pas votre adresse e mail sv (en courses) :)

Anonyme a dit…

Il y a l’anonyme qui né signe pas toujours Soleil Vert, mais dont les sujets sont repérables. Il y a l’autre, qui
En général signe ( !) MC mais qui peut oublier. Pourquoi envoie-t-il ses messages sous anonyme? Il faut lui demander. Je crois que c’est par commodité. Ceci étant comme anonyme A n’interfère pas avec anonyme B , et quand les deux n’oublient pas chacun de leur côté leurs signatures, le blog reste lisible ! On peut rêver d’une situation compliquée par la présence d’un anonyme III voire IV, V, mais on ne le fera pas car ce serait de la Science Fiction! Lecteur , crains un nouveau Monde dès À , nonymes, bien sûr !😊

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Encore une idée. Si vous ajoutiez une rubrique poésie dans vos dossiers ( colonne de droite. Vous pourriez y mettre vos poèmes et tous vos lecteurs pourraient en profiter.

Christiane a dit…

Mais revenons au livre. Liu Cixin déplacent ses personnages comme sur un échiquier avec une logique de mathématicien. Il écrit comme un compositeur de musique.. de nouvelle e nouvelle, on entre dans son atelier mental. Les miroirs, les répétitions ont une place importante dans son écriture. Ainsi qu'une extrême douceur bienvenue.

Christiane a dit…

déplace

Soleil vert a dit…

- Je me suis demandé si l'écrivain ami de Liu Cixin dans la nouvelle "Pour l'amour de Taiyuan" n'est pas inspiré de Pan Haitian.

http://editions-jentayu.fr/pan-haitian/

Je vais demander à Actes Sud

- Poèmes : d'autres bricoles en bas à droite sous le portrait de Supervielle. Sinon mettre l'ensemble dans le cloud google drive accessible à tous comme l'article sur Christopher Priest, je vais y réfléchir

- les thèmes favoris de Cixin, je verrais l'hibernation. Il y a toujours une projection vers le futur, y compris "Les Migrants du temps" qui évoque une boucle ...

Soleil vert a dit…

PS : pour MC, "Boules de foudre" a déçu pas mal de lecteurs.

Christiane a dit…

"Poèmes : d'autres bricoles en bas à droite sous le portrait de Supervielle. Sinon mettre l'ensemble dans le cloud google drive accessible à tous comme l'article sur Christopher Priest, je vais y réfléchir"

Le peu que j'ai lu donne vraiment envie d'en lire plus. C'est une poésie sensible, douce, assez mélancolique . Ah j'ai hâte de la lire !
Mais en bas sous Supervielle c'est un sacré méli-mélo !

Christiane a dit…

"les thèmes favoris de Cixin, je verrais l'hibernation. Il y a toujours une projection vers le futur, y compris "Les Migrants du temps" qui évoque une boucle"
L'hibernation ? Pas encore rencontré ce thème dans les trois que j'aie lues.
La boucle, oui... Peut-être plus une spirale parce qu'un mouvement vers le futur arrache les personnages à l'immobilité du retour au même.

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Soleil vert a dit…

... c'est noté et effacé !

Christiane a dit…

Merci !

Christiane a dit…

Ce qui me fascine dans le développement des nouvelles de Liu Cixin c'est qu'on est porté par des enchaînements inattendus, toujours inattendus.. On entre dans l'absurde mais c'est tellement envoûtant qu'on veut en savoir plus et qu'on continue la lecture. Aucune explication possible et pourtant ça a lieu. Et pourtant c'est simple, limpide. Ça entre en nous comme un conte.

Christiane a dit…

A propos des quelques poèmes de vous que j'ai lus en bas de la colonne, une impression : vous les écrivez pour que ces vécus ne se séparent pas de vous. Pour ne pas vous séparez d'eux. Les écrire pour qu'ils restent pour toujours.

Christiane a dit…

Hier, j'ai effacé plein de mes commentaires encombrants. Ils ne me manquent pas. Ils m'ont juste aidé à construire, à avancer dans le dialogue avec vous, MC, Biancarelli et autres visiteurs du blog. Écrire parfois ça permet cela : étayer, donner une assise, déblayer le terrain.
C'est tellement étrange les lectures que vous proposez... Mais parfois MC engage un dialogue sur un autre livre, un vertige du passé. C'est tentant et on perd la notion du lieu, du livre que Soleil vert a choisi. Et c'est alors comme squatter la maison d'un ami en son absence. Ça crée du remords...

Christiane a dit…

Sauf cette citation de Sören Kierkegaard. Je la remets pour vous à cause de ce que vous dîtes de l'impression de "boucle" dans les nouvelles de Liu Cixin.
Voilà :
"La répétition et le souvenir sont un même mouvement, mais dans des directions opposées. Car ce qui est rappelé à la mémoire est du passé , est répétition dirigée vers le passé, tandis que la répétition proprement dite est un phénomène de mémoire dirigé vers l'avenir."

Anonyme a dit…

Pardon Soleil Vert, je n’ai pas vu votre mot. Boules de Foudre est antérieur à la trilogie, je crois, ´il y a une rapide allusion au roman dans le tome I. Il se peut que ce soit mauvais, il se peut aussi que la Trilogie ait rendu les lecteurs difficiles. On verra bien. Cordialement. MC

GG a dit…

Pour Soleil Vert : merci beaucoup pour la chronique.

Oui, l'auteur parle bien de Pan Haitian ^^

GG

Soleil vert a dit…

> GG : Comme d'habitude (ou presque) le travail du traducteur est passé sous silence ... que dire ...

> Du coq à l'âne :

https://www.youtube.com/watch?v=Jvs2rzSUz7s&t=229s

Parmi les talents de la cuvée 2021, deux noms à retenir, Juliette Ha, Pierre Gendrin. Gendrin c'est le nouveau Christian Hecq.

Christiane a dit…

Ce coq à l'âne théâtral est superbe. Mil mercis !

Christiane a dit…

Bien reçu l'information. Merci.

Anonyme a dit…

On est bien au Français, là ?

Soleil vert a dit…

Non, chez Jean-Laurent Cochet pour moi. Mais c'est du niveau du Français

Christiane a dit…

J'aime que l'écriture modifie quelque chose dans le réel. Ainsi fait la poésie mais pas vraiment les romans de science-fiction.
Hier, je regardais le magnifique film de Bresson : Mouchette. Voilà qui modifie le réel comme le roman de Bernanos.

Christiane a dit…

Je lisais ces derniers jours des échanges houleux sur un blog voisin à propos de L-F. Céline. De lui j'ai lu "Le Voyage au bout de la nuit"
et "Mort à crédit".
J'ai abandonné abordant "Les Pamphlets", "Bagatelles pour un massacre" et "Rigodon". Trop haineux et racistes. Insupportables.
Mais dans les deux premiers, surtout dans le Voyage, son langage transformait la réalité. Un regard littéraire.
Après... la fange et tout ce que dénonce Paul Edel.

Christiane a dit…

Soleil vert. Pourriez vous mettre dans un coin de votre blog ce si beau poème que vous aviez posé chez Raymond Prunier ? J'aimerais le relire et vous en parler en attendant d'autres poèmes de vous.
C'est une écriture différente de votre univers de lecteur de science-fiction mais c'est tellement important.

Christiane a dit…

Mais n'allez pas croire que je dédaigne les romans de science-fiction, seulement, les lisant j'entre dans une sorte de paresse, une diversion, une fuite. Ça vient de l'extérieur...

Christiane a dit…

Parce que là, vous passez de l'autre côté du langage.

Soleil vert a dit…

"Le Voyage au bout de la nuit"
Une lecture à combler en ce qui me concerne, mais pas plus.

La poésie en tant que telle hélas n'interesse plus personne. En revanche les lecteurs apprécient une prose poétique.

Christiane a dit…

"plus personne"...

Pour quelles raisons le rusé Ulysse répond-t-il à la question du cyclope
- Comment t'appelles-tu ?
- Moi, je m'appelle Personne.
parce que, quand Polyphène aveuglé appelle les autres cyclopes et que ceux-ci lui demandent - Quelqu'un t'a-t-il fait du mal ? il répondra : personne.
Donc si "personne" ne s’intéresse à la poésie, sourions, car "la poésie est dans ce qui n'est pas, dans ce qui nous manque". Parce qu'"elle est en nous à cause de ce que nous ne sommes pas". (Ce n'est pas moi qui le dis c'est Pierre Reverdy dans ces notes "En vrac" (- p. 940 du tome II des œuvres complètes éditées chez Flammarion - col. Mille & une pages.)

PS : je m'appelle Personne et je m'intéresse à la poésie.

Christiane a dit…

Personne aime la poésie !

Soleil vert a dit…

merci :)

Christiane a dit…

Bonne soirée

Christiane a dit…

Soleil vert, vous évoquiez la prose poétique.
Découvrant ce matin le texte mis en ligne par Paul Edel, Vacances romaines, je me demandais si ce texte n'était qu'une prose poétique tant est fascinante cette ondulation qui le porte. Et pourtant sous le flot enjôleur, il y a quelque chose d'alarmant. Ce n'est pas seulement le portrait en abîme de l'homme qui dessine au fusain, c'est l'homme qui de souvient de ce qui a été et qui n'est plus, frémissant à la présence des amoureux proches. C'est l'homme écartelé entre un ici aimé , Rome, et un ailleurs, à l'autre bout du monde.
La poésie dans ce qui manque...

Soleil vert a dit…

Hello Christiane,
Espace poétique, créé tout en bas à droite

Christiane a dit…

Chic alors. Je prends mon parapluie et je traverse le blog !

Christiane a dit…

Je suis vraiment heureuse de pouvoir, dans cet "Espace poétique", parler à bas bruit de vos poèmes. Pour l'instant je cherche un chemin de l'un à l'autre des recueils, de l'un à l'autre des poèmes et j'entre dans une clairière bleue où tout est songe. "Rosebud" isolé dans la galaxie de la science-fiction...

Anonyme a dit…

)Pose un texte sur la Rdl à l’instant, Christiane.) Commence le Priest.

Christiane a dit…

Merci, MC. Je suis très fière de vous.

Christiane a dit…

Beaucoup de temps passer dans votre espace poétique en découvrant vos recueils de poèmes mais le commentaire de "la convergence des parallèles" et son blog que vous avez mis en lien me donne la nostalgie de nos impressions croisées sur les romans de science-fiction que vous chroniques.
Celui-ci, de Liu Cixin - "Les migrants du temps" -(Actes Sud), très poétique est complexe à commenter car les nouvelles réunies nous entraînent dans des mondes très différents.

Christiane a dit…

Désolée pour les farces du smartphone ! passé - me donnent - que vous chroniquez.